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03/07/2024 | FRANCE | N°24/00075

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 03 juillet 2024, 24/00075


5ème Chambre





ARRÊT N°-276



N° RG 24/00075 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UMSN



(Réf 1ère instance : 21/02459)









S.A.R.L. MILLIMETRE



C/



M. [T] [J]

M. [R] [J]

Mme [W] [H]



















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée



le

:



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 JUILLET 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente de cha...

5ème Chambre

ARRÊT N°-276

N° RG 24/00075 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UMSN

(Réf 1ère instance : 21/02459)

S.A.R.L. MILLIMETRE

C/

M. [T] [J]

M. [R] [J]

Mme [W] [H]

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 JUILLET 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 Mai 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.R.L. MILLIMETRE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Marc BEZY de la SELARL M.B. AVOCAT CONSEIL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉS :

Monsieur [T] [J]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Yann RUMIN de la SELARL VILLAINNE-RUMIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Monsieur [R] [J]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Yann RUMIN de la SELARL VILLAINNE-RUMIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Madame [W] [H]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Yann RUMIN de la SELARL VILLAINNE-RUMIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Par acte sous seing privé du 18janvier 2018, M. [Y] [J] a donné à bail à M. [S] [L] et M. [C] [F] un entrepôt situé [Adresse 3] à [Localité 6].

Le bail a été conclu pour une durée de trois ans prenant effet le 1' février 2018.

M. [C] [F] et M. [S] [L] ont créé la société Millimètre suivant statuts du 9 avril 2018.

Suivant arrêté du maire de [Localité 6] du 10 décembre 2020, un accès a été interdit ' au périmètre de sécurité matérialisé par des barrières sur la partie gauche de la façade du bâtiment situé [Adresse 3] à [Localité 6]'.

Par ordonnance du 16 décembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a désigné M. [X] en qualité d'expert judiciaire.

La présidente de Nantes Métropole a pris un arrêté de péril imminent le 24 décembre 2020.

La société Millimètre a été dans l'obligation de quitter les lieux loués.

Par acte d'huissier du 22 mars 2021, la société Millimètre a assigné M. [T] [J], M. [R] [J] et Mme [W] [H], venant aux droits de leur père décédé, devant le tribunal judiciaire de Nantes aux fins de voir prononcer la résiliation du bail et de voir condamner solidairement les consorts [J] et Mme [W] [H] à lui payer la somme de 75 940,40 euros à titre de dommages et intérêts.

Par ordonnance du 30 novembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal de Nantes a :

- déclaré irrecevables les demandes formées par la société Millimètre à l'encontre des consorts [J] pour défaut de qualité à agir,

- condamné la société Millimètre aux dépens de l'incident,

- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que la présenté décision est exécutoire par provision.

Le 5 janvier 2024, la société Millimètre a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 28 février 2024, elle demande à la cour de :

- la recevoir dans son action et la déclarer bien fondée,

- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 30 novembre 2023 et lui reconnaître en conséquence la qualité à agir à l'encontre de M. [T] [J], M. [R] [J] et Mme [W] [H],

- condamner solidairement les consorts [J] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement les consorts [J] aux entiers dépens, notamment les frais de la présente assignation.

Par dernières conclusions notifiées le 27 mars 2024, les consorts [J] demandent à la cour de :

- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nantes du 30 novembre 2023 en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- débouter la société Millimètre de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à leur encontre,

- condamner la société Millimètre à leur payer la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Millimètre aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture de bref délai est intervenue le 4 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La SARL Millimètre fait état des quittances de loyer pour le 3ème trimestre 2018 et du 1er trimestre 2019 ainsi que l'assemblée générale du 10 avril 2021 aux termes de laquelle elle déclare reprendre à son profit le bail conclu par ses associés.

Elle explique qu'elle est administrée par un ou plusieurs gérants et dans ses rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour représenter la société et agir en son nom en toutes circonstances sans avoir à justifier de pouvoirs spéciaux.

Elle considère que la production de quittance vaut reconnaissance de bail.

La SARL Millimètre affirme que le bail conclu est un bail commercial d'une durée qui ne peut être inférieure à 9 années.

Elle entend se prévaloir de son activité commerciale dans le local loué.

En réponse, les consorts [J] exposent que :

- la SARL Millimètre n'est pas partie au contrat de bail,

- le bail ne prévoit pas la faculté de substitution au profit d'une personne morale à constituer,

- le bail a été conclu au profit de deux personnes physiques, qui ont chacune bénéficié d'une caution,

- l'article L. 210-6 du code de commerce ne s'applique que dans le cadre d'un engagement des personnes physiques au nom d'une société en formation.

Pour eux, le procès-verbal de l'assemblée générale de la SARL Millimètre du 10 avril 2021 ne peut valoir reprise au sens de l'article L. 210-6 précité et ce d'autant plus que la société Millimètre avait quitté les lieux à cette date et que cet acte est postérieur à l'acte introductif d'instance.

Ils rappellent que la destination contractuelle du bail est celle d'entrepôt et non pas la vente et la commercialisation des produits de la SARL Millimètre.

Ils contestent le fait que M. [Y] [J] ait accepté a posteriori la substitution de locataire et rappellent que ce dernier était très malade lorsqu'il a délivré les quittances.

Ils s'opposent au caractère commercial du bail tel qu'invoqué par la société appelante.

Les consorts [J] signalent que le bail est à durée déterminée et que le preneur ne pouvait se maintenir dans les lieux au-delà du terme soit le 31 janvier 2021.

Les articles 31 et 32 du code de procédure civile déterminent la recevabilité d'une action : l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir. 

Selon l'article L. 210-6 du code de commerce, les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. La transformation régulière d'une société n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle. Il en est de même de la prorogation.

Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société.

Pour que la société nouvellement immatriculée puisse reprendre un engagement antérieurement conclu, ce dernier article impose que l'acte ait été conclu au nom ou pour le compte d'une société en formation. En l'espèce, au moment de la conclusion du contrat de bail le 18 janvier 2018, aucune mention à la société SARL Millimètre n'est faite, car elle n'était en réalité pas en cours de formation, et n'a été immatriculée que le 13 avril 2018. M. [L] et M. [F] ont signé le bail en leur nom personnel et il n'est pas indiqué que l'acte était conclu au nom de cette future société. Aucune des conditions posées par l'article L. 210-6 du code de commerce n'est par conséquent remplie, rendant ainsi la simple indication de reprise des engagements dans les statuts insuffisante à la modification du locataire au contrat de bail.

Le procès-verbal de l'assemblée générale de la SARL Millimètre date du 10 avril 2021, soit près de 3 années après la conclusion du bail et surtout une fois que les preneurs ont évacué les lieux et après que les preneurs ont assigné le bailleur devant le tribunal.

Par ailleurs, la conclusion d'un bail verbal nécessite un commencement d'exécution, permettant par la suite de modifier les éléments essentiels du contrat de bail initialement conclu. Pour ce faire, la volonté expresse et non équivoque du propriétaire doit être caractérisée dans le souhait de changer de locataire.

Certes M. [Y] [J] a intitulé les quittances de loyer datées du 3ème trimestre 2018 et du 1er et 2ème trimestres 2019 au nom de la société SARL Millimètre, contrairement à celle du 2ème trimestre 2018 qui était bien au nom de M. [F] et M. [L]. La seule production de quittance de loyers, bien qu'elle reconnaisse le paiement du loyer par le locataire, ne suffit pas en l'absence de tout élément complémentaire en ce sens, à caractériser la reconnaissance implicite de la qualité de locataire à la SARL Millimètre par le propriétaire et ce d'autant plus que M. [Y] [J] était gravement malade au moment de la délivrance des quittances et est décédé peu après (le 6 février 2019). En outre, ces quittances sont antérieures de près de deux années à l'assemblée générale de la société aux termes de laquelle cette société déclare reprendre le bail à son profit.

Le changement de locataire personne physique à un locataire personne morale engendre des conséquences non négligeables. L'absence d'échanges entre les locataires et le propriétaire à ce propos laisse subsister un doute. En conséquence, cette situation équivoque fait obstacle à tout consentement sur la modification de preneur.

L'ordonnance de mise en état est par conséquent confirmée.

Les moyens développés au titre de la nature commerciale du bail n'apportant aucun éclairage sur la recevabilité de la demande en justice de la société SARL Millimètre, ils seront écartés pour être laissés à l'appréciation du tribunal.

La société SARL Millimètre succombant en son appel sera condamnée aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à verser aux consorts [J] et à Mme [H] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, étant par ailleurs précisé que les dispositions de l'ordonnance critiquée sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.

Les dispositions de première instance relatives aux frais irrépétibles et dépens sont confirmées.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :

Confirme l'ordonnance du juge de la mise en état du 30 novembre 2023 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société SARL Millimètre à payer à M. [T] [J], M. [R] [J], et Mme [W] [H] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société SARL Millimètre aux dépens d'appel.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24/00075
Date de la décision : 03/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-03;24.00075 ?
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