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03/07/2024 | FRANCE | N°23/06081

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 03 juillet 2024, 23/06081


RENVOI DE CASSATION 8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°376



N° RG 23/06081 -

N° Portalis DBVL-V-B7H-UGSD













M. [M] [H] [Z]



C/



Union mutualiste VYV3 PAYS DE LA LOIRE















Sur renvoi de cassation : Infirmation partielle











Copie exécutoire délivrée

le :



à :

-Me Sarah TORDJMAN

-Me Marie VERRANDO





RÉPUBLIQUE F

RANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 JUILLET 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RE...

RENVOI DE CASSATION 8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°376

N° RG 23/06081 -

N° Portalis DBVL-V-B7H-UGSD

M. [M] [H] [Z]

C/

Union mutualiste VYV3 PAYS DE LA LOIRE

Sur renvoi de cassation : Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Sarah TORDJMAN

-Me Marie VERRANDO

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 JUILLET 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Mai 2024

devant Madame Anne-Cécile MERIC, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [B] [J], médiatrice judiciaire,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT du jugement du CPH d'Angers du 2/10/2019 suite à la Cassation partielle de l'arrêt de la Cour d'Appel d'Angers du 25/03/2021 et intimé à titre incident :

Monsieur [M] [H] [Z]

né le 05 Octobre 1951 à [Localité 7] (TUNISIE)

demeurant [Adresse 1]

[Localité 4]

Présent à l'audience et représenté par Me Sarah TORDJMAN de la SCP ACR AVOCATS, Avocat au Barreau d'ANGERS

INTIMÉE sur appel du jugement du CPH d'Angers du 2/10/2019 suite à la Cassation partielle de l'arrêt de la Cour d'Appel d'Angers du 25/03/2021 et appelante à titre incident :

L'Union mutualiste VYV3 PAYS DE LA LOIRE venant aux droits de la Société VYV3 PAYS DE LA LOIRE - POLE SERVICES ET BIENS MEDICAUX (VYV3 PDL-SBM) prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Olivier HAINAUT, Avocat plaidant du Barreau du MANS

M. [M] [H] [Z] a été engagé selon contrat de travail à durée déterminée en qualité de chirurgien dentiste à compter du 10 mai 1999 par la Mutualité de la Mayenne, aux droits de laquelle vient la société mutualiste VYV3 Pays de la Loire pôle services et biens médicaux.

Au terme de ce contrat, la relation entre les parties s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Au dernier état de la relation de travail, le salarié exerçait ses fonctions au centre de santé de [Localité 6] et à celui de [Localité 5].

Le 30 mars 2017, M. [Z] a été convoqué à un entretien devant une commission d'enquête du CHSCT, motif pris d'une attitude humiliante envers une salariée. L'employeur n'a finalement pas donné de suite à cette procédure.

Le 16 mars 2018, la société a informé M. [Z] d'un trop versé de salaire et lui a demandé de rembourser cette somme sur six mois.

Le 10 avril 2018, M. [Z] a restitué à la société son ordinateur portable professionnel à la demande de l'employeur.

Le 12 avril 2018, M. [Z] a été placé en arrêt de travail.

Le 15 mai 2018, M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers aux fins de :

' Constater :

- les manquements de la Mutualité Française Anjou Mayenne dans l'exécution du contrat de travail de M. [Z],

- l'exécution déloyale du contrat de travail,

- l'existence d'un harcèlement moral,

' Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [Z] aux torts de l'entreprise et au jour du jugement à intervenir,

' Condamner la Mutualité Française Anjou Mayenne à régler à M. [Z] les sommes suivantes :

- 15.000 € nets de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat,

- 10.000 € nets de dommages intérêts pour harcèlement moral,

- 10.000 € nets de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de prévention du harcèlement,

- 74.106,18 € nets à titre d'indemnité de licenciement,

- 37.399,41 € bruts d'indemnité compensatrice de préavis,

- 3.739,94 € bruts à titre d'incidence de congés payés,

- 186.997 € à titre de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- 18.210,17 € bruts rappel de salaire,

- 1.821,01 € bruts de congés payés afférents,

- 4.500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamner la Mutualité Française Anjou Mayenne aux entiers dépens.

Le 20 novembre 2018, M. [Z] a obtenu, par ordonnance de référé, la communication de documents.

En mai 2019, les représentants du CHSCT ont déclenché un droit d'alerte concernant les salariés du secteur dentaire.

Par jugement du 2 octobre 2019, le conseil de prud'hommes d'Angers a :

' dit et jugé qu'il n'y avait pas eu exécution déloyale du contrat de travail de M. [Z], harcèlement moral à son encontre et manquement à l'obligation de prévention du harcèlement commis par la Mutualité Française Anjou Mayenne,

' rejeté toutes les demandes présentées par M. [Z] à ce titre,

' débouté M. [Z] de sa demande de remboursement de salaire,

' débouté la Mutualité Française Anjou Mayenne de sa demande de remboursement de salaire,

' dit qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties,

' condamné M. [Z] aux dépens.

Par arrêt du 25 mars 2021, la cour d'appel d'Angers a :

' ordonné à l'audience la révocation de l'ordonnance de clôture prononcée le 6 janvier 2021,

' rejeté des débats les conclusions d'appelant n°3 et les pièces n°66 à 75 présentées par M. [Z],

' prononcé à l'audience la clôture de l'instruction du dossier,

' confirmé le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers du 2 octobre 2019, sauf en ce qu'il a débouté la Mutualité Française Anjou Mayenne de sa demande de remboursement de salaire,

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

' Condamné M. [Z] à payer à la société mutualiste Vyv3 Pays de la Loire Pôle Services et Biens Médicaux la somme de :

- 16.575,54 € bruts, sous réserve des retenues sur salaire déjà effectuées,

- 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' Rejeté la demande présentée par M. [Z] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamné M. [Z] au paiement des entiers dépens d'appel.

Le 8 juillet 2021, M. [Z] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par arrêt de cassation partielle du 27 septembre 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a :

' Cassé et annulé, l'arrêt rendu le 25 mars 2021, entre les parties, par la Cour d'appel d'Angers, mais seulement en ce qu'il avait :

- constaté l'absence d'exécution déloyale du contrat de travail par la société mutualiste VYV3 Pays de la Loire Pôle Services et Biens Médicaux,

- rejeté la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail,

- débouté M. [Z] de ses demandes en paiement d'un rappel de salaires, de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat, d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné à payer à la société mutualiste VYV3 Pays de la Loire Pôle Services et Biens Médicaux, la somme de 16 575,54 €, sous réserve des retenues déjà effectuées, et la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 précité, ainsi qu'à supporter les dépens de première instance et d'appel,

' Remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes,

' Condamné la société mutualiste Vyv3 Pays de la Loire Pôle Services et Biens Médicaux aux dépens ;

' Rejeté, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la demande formée par la société mutualiste VYV3 Pays de la Loire Pôle Services et Biens Médicaux et l'a condamné à payer à M. [Z] la somme de 3.000 €.

Le 24 octobre 2023, M. [Z] a saisi la cour d'appel d'une déclaration de renvoi après cassation.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 2 novembre 2023, suivant lesquelles M. [Z] demande à la cour de :

' Infirmer le jugement du 2 octobre 2019 du conseil de prud'hommes d'Angers mais seulement en ce qu'il a :

- dit et jugé qu'il n'y avait pas eu exécution déloyale du contrat de travail de M. [Z],

- rejeté toutes les demandes présentées par M. [Z] à ce titre,

- débouté M. [Z] de sa demande de remboursement de salaire,

- dit qu'il n'y a pas lieu d'appliquer l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties,

- condamné M. [Z] aux dépens,

' Confirmer le jugement du 2 octobre 2019 du conseil de prud'hommes d'Angers mais seulement en ce qu'il a :

- débouté la Mutualité française Anjou Mayenne de sa demande de remboursement de salaire,

Et statuant à nouveau, sur les chefs de jugement critiqués,

' Juger que la société mutualiste VYV3 Pays de la Loire, venant aux droits de la Mutualité Française Anjou-Mayenne, a exécuté de manière déloyale le contrat de travail de M. [Z],

' Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [Z] aux torts de la société mutualiste VYV3 Pays de la Loire venant aux droits de la Mutualité Française Anjou-Mayenne, avec effet au 8 juillet 2021,

' Condamner la société mutualiste VYV3 Pays de la Loire venant aux droits de la Mutualité Française Anjou-Mayenne, à payer à M. [Z] la somme de :

- 40.000 € nets de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat,

- 18 209, 54 € bruts à titre de rappel de salaire, en quittance ou deniers,

- 1.820, 95 € bruts d'incidence de congés payés,

- 37.399,41 € bruts d'indemnité compensatrice de préavis,

- 3.739,94 € bruts à titre d'incidence de congés payés,

- 205.696 € à titre de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- 6.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' Ordonner la capitalisation des intérêts légaux dus,

' Condamner la société mutualiste VYV3 Pays de la Loire, venant aux droits de la Mutualité Française Anjou-Mayenne, aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 18 janvier 2024, suivant lesquelles la société mutualiste VYV3 Pays de la Loire demande à la cour de :

' Déclarer M. [Z] non fondé en son appel, l'en débouter.

' Recevoir la société mutualiste VYV3 Pays de la Loire en son intervention volontaire à la suite de la fusion absorption de VYV3 Pays de la Loire - Pôle Services et Biens Medicaux, la dire bien fondée et y faisant droit,

' Confirmer le jugement entrepris en ses dispositions non contraires aux présentes,

' Réformant partiellement le jugement en ce qu'il a débouté la société mutualiste VYV3 Pays de la Loire de sa demande de remboursement de salaire,

Statuant à nouveau,

' Fixer le salaire brut mensuel de M. [Z] à 9.350 €,

' Dire et juger que l'action en résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [Z] aux torts exclusifs de son ancien employeur, devenu la société mutualiste VYV3 Pays de la Loire, est sans fondement,

' Débouter M. [Z] de toutes ses demandes à ce titre,

' Débouter M. [Z] de l'ensemble de ses autres demandes salariales ou indemnitaires afférentes à une rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse,

' Constater que M. [Z] a bien perçu une somme erronée de 16.575,54 € bruts entre décembre 2017 et février 2018 et que cette somme a été compensée depuis lors,

' Débouter M. [Z] de sa demande de rappel de salaire de 18.209,54 € bruts (16.575,54 € + 1.634 €) et de 1.820,95 € bruts à titre de congés payés,

Rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse mal fondée,

' Condamner M. [Z] à payer à la société mutualiste VYV3 Pays de la Loire la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 mai 2024.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties aux conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exécution déloyale

Pour infirmation du jugement, M. [Z] invoque les griefs suivants :

- une absence d'assistant dentaire à partir de 2015, malgré l'article 4 de son contrat de travail dans lequel son employeur s'engage à mettre à sa disposition le personnel indispensable à son activité,

- la non-association aux réunions et décisions sur son activité,

- des pressions (convocation à un entretien préalable en 2015, lors duquel lui seront adressés des reproches injustifiés, offre d'avenant diminuant son salaire),

- des dénonciations calomnieuses en mars 2017 (contact de sa patientèle en violation du secret médical ; accusation fondée sur les dires de Mme [C], n'ayant jamais travaillé avec lui),

- une diminution arbitraire de sa rémunération (absence de transmission des nombre de cas actifs relevés, selon lesquels est fixé son salaire),

- un retrait de l'ordinateur portable par un huissier de justice (le salarié expliquant avoir refusé la mise en place du nouveau logiciel, qu'il estimait moins performant que l'ancien).

L'article L. 1222-1 du code du travail dispose : 'Le contrat de travail est exécuté de bonne foi'.

- s'agissant de la mise à disposition d'un assistant dentaire, il résulte des pièces produites, notamment le courrier adressé par le médecin du travail à la DRH de la société, que l'obligation pour l'employeur de mettre à disposition de son salarié orthodontiste un assistant dentaire a été respectée y compris après le départ de l'assistante personnelle de M. [Z] en 2016, cette mission ayant été successivement exercée par Mme [W], Mme [R] et Mme [C]. Il importe peu que l'assistant n'ait pas été la même personne au cours de l'intégralité de la période contractuelle. Si M. [Z] a ponctuellement dénoncé par courriels l'absence d'assistantes certains samedis en 2016, cette situation n'a pas perduré et M. [Z] a refusé de décaler les rendez-vous à un autre jour comme cela lui avait été proposé par son employeur. Cette situation d'exercice sans assistant, limitée dans le temps, n'est donc pas de nature à caractériser une exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur.

- Concernant l'existence d'une dénonciation calomnieuse dont il aurait été victime, il n'est pas contesté que le comportement de M. [Z] a été porté à la connaissance du CHSCT qui a diligenté une enquête à la suite de plaintes d'assistantes de M. [Z] dénonçant le comportement humiliant que celui-ci adoptait à leur égard, plaintes relayées par le médecin du travail le 17 octobre 2017 et les représentants du personnel qui ont émis un droit d'alerte le 9 octobre 2017.

Les attestations produites par M. [Z] qui émanent de parents de jeunes patients n'évoquent que pour deux d'entre elles ses relations avec ses assistantes et en des termes insuffisamment circonstanciés pour démontrer le caractère fallacieux des dénonciations par les assistantes de M. [Z] de son comportement à leur égard.

Ce grief formulé à l'encontre de la société mutualiste n'est donc pas caractérisé.

- s'agissant de la diminution de sa rémunération par retenue sur salaire :

Aux termes de l'article 1215 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Il appartient à l'employeur qui procède à des retenues sur salaire en répétition d'un indû de rapporter la preuve du caractère indû de celles-ci.

En l'espèce, la société mutualiste expose qu'entre décembre 2017 et février 2018 M. [Z] a reçu un trop perçu de 16 575,54 euros, du fait d'une erreur administrative dans la transmission des informations au service paie, au regard des patients traités :

- Décembre 2017 : trop perçu de 5281,78 € bruts,

- Janvier 2018 : trop perçu de 6109,34 € bruts,

- Février 2018 : trop perçu de 5184,42 € bruts.

L'employeur a procédé à une retenue sur salaire de 2 762,59 euros en mars 2018 et une seconde du même montant en août 2018.

Toutefois, l'employeur se limite à déclarer que cette somme résulte du logiciel sans produire aucun décompte. La preuve du trop perçu objet des retenues sur salaire n'est pas rapportée. Il en résulte que la retenue sur salaire n'est pas justifiée.

- Concernant la remise de l'ordinateur portable, elle a été effectuée en présence d'un huissier de justice le 10 avril 2018 à la demande de l'employeur qui souhaitait doter son salarié d'un nouvel outil informatique et d'un nouveau logiciel. M. [Z] s'y opposait considérant que le logiciel qu'il utilisait était plus performant et facilitait son diagnostic.

Si M. [Z] soutient que ce retrait a été violent et vexatoire, du fait de la présence d'un huissier de justice, il résulte des constatations du procès-verbal de constat versé aux débats que ces modalités sont intervenues après un premier refus de M. [Z] de restituer ledit matériel ce qui a contraint l'employeur à se préserver la preuve d'une telle remise ou d'un refus de son salarié. L'employeur n'a dès lors pas commis de faute en ayant sollicité la présence d'un huissier de justice.

Quant à la garantie stipulée dans le contrat de travail d'exercer ' son art en toute indépendance suivant les prescriptions de déontologie et les obligations légales en vigueur. Il sera libre de choisir, sous son entière responsabilité et dans l'intérêt de ses patients, tout procédé de diagnostic ou tout mode de traitement', elle s'interprète comme concernant le choix de procéder à un acte d'investigation notamment de radiologie mais ne saurait concerner le choix d'un logiciel de traitement de données.

Le délai de deux jours au cours duquel M. [Z] n'a pas bénéficié de logiciel opérationnel est raisonnable et s'inscrivait dans le cadre d'une organisation à laquelle il se montrait réfractaire fixant notamment ses rendez-vous lui-même sans prise en compte des contraintes d'une collectivité de travail dont il était salarié.

- S'agissant des brimades visant à le faire craquer qu'il reproche à son employeur, il ne les explicite pas de sorte qu'elles ne sont pas caractérisées.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que seule la retenue sur salaire est reprochée à raison par M. [Z] à son employeur en ce qu'elle est injustifiée.

Au regard de la retenue opérée sans justification ni explication claire de la part de l'employeur, celui-ci a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail de M. [Z].

Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Le préjudice subi par M. [Z] du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail sera réparé par l'allocation de la somme de 2 000 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

L'action en résiliation judiciaire du contrat de travail peut être demandée par un salarié sur le fondement de l'article 1304 du code civil (ancien 1184). Les manquements de l'employeur, susceptibles de justifier cette demande, doivent rendre impossible la poursuite du contrat de travail. Lorsque de tels manquements sont établis, la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée aux torts de l'employeur. Elle produit alors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul. En revanche, quand les manquements ne rendent pas impossible la poursuite du contrat de travail, le contrat ne peut être résilié et son exécution doit être poursuivie.

La résiliation judiciaire prend effet au jour de la décision qui la prononce sauf en cas de rupture préalable du contrat ou encore si le salarié n'est pas resté au service de son employeur, auquel cas la résiliation judiciaire est fixée à la date où ce maintien à disposition a cessé.

La retenue injustifiée pratiquée sur le salaire de M. [Z] constitue manquement affectant la rémunération du salarié avec un impact financier qui est d'une gravité telle qu'elle était de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

Il convient à ce titre de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur laquelle produira effet à la date de la rupture du 8 juillet 2021.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la demande de rappel de salaire :

Il résulte du relevé d'activité communiqué par M. [Z] a traité 2752 cas entre octobre 2017 et février 2018 de sorte qu'il aurait dû recevoir sur cette période : 2 752 x 21,342 = 58 735,30 euros. Or, M. [Z] a perçu 57 101,28 € avant retenue sur salaire. Il lui reste donc du la somme de 1 631,90 euros outre celle de 5 525,18 euros retenue à tort soit au total la somme de 7 157,08 euros bruts.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

Selon l'article L1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;

3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

M. [Z] étant cadre, il a droit en vertu de la convention collective à trois mois de préavis.

L'indemnité due au salarié pendant la durée du préavis est égale au salaire brut que le salarié aurait reçu s'il avait travaillé pendant la durée du délai-congé.

La société VYV3 est en conséquence condamnée à lui payer la somme de 37 399,41 euros bruts et celle de 3 739,94 euros de congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Selon l'article L1235-3 du code du travail, Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux pour une ancienneté de 22 ans entre 3 et 16,5 mois.

Au regard de la qualification de M. [Z], de son âge au jour de la rupture soit 69 ans et un salaire de 9 976 euros bruts, le préjudice subi par le salarié du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse sera réparé par l'allocation de la somme de 50 000 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil, les créances salariales sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

En vertu de l'article 1231-7 du code civil, les dommages et intérêts alloués sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La capitalisation des intérêts étant sollicitée, il convient de la prononcer pour ceux échus sur une année entière.

Sur le remboursement des allocations servies par Pôle emploi devenu France Travail :

La société mutualiste est condamnée à verser à France Travail les allocations servies le cas échéant à M. [Z] dans la limite d'un mois.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

En vertu de l'article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.

La société mutualiste est condamnée aux dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée et au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement sur renvoi après cassation, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'absence d'exécution déloyale du contrat de travail par la société mutualiste VYV3 Pays de la Loire Pôle Services et Biens Médicaux, a rejeté la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail, a débouté M. [Z] de ses demandes en paiement d'un rappel de salaires, de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat, d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau de ces chefs infirmés,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [H] [Z] aux torts de l'employeur avec effet à la date du 8 juillet 2021,

Condamne l'Union mutualiste VYV3 Pays de la Loire venant aux droits de la société mutualiste VYV3 Pays de la Loire Pôle Services et Biens Médicaux à payer à M. [Z] les sommes de :

- 7 157,08 euros bruts à titre de rappel de salaire et répétition des retenues sur salaire opérées à tort,

- 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 37 399,41 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 3 739,94 euros de congés payés afférents,

- 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande à l'employeur et les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus sur une année entière,

Condamne l'Union mutualiste VYV3 Pays de la Loire venant aux droits de la société mutualiste VYV3 Pays de la Loire Pôle Services et Biens Médicaux à rembourser à France Travail les sommes servies à M. [Z] dans la limite d'un mois d'allocation,

Condamne l'Union mutualiste VYV3 Pays de la Loire venant aux droits de la société mutualiste VYV3 Pays de la Loire Pôle Services et Biens Médicaux à payer à M. [Z] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'Union mutualiste VYV3 Pays de la Loire venant aux droits de la société mutualiste VYV3 Pays de la Loire Pôle Services et Biens Médicaux aux dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/06081
Date de la décision : 03/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-03;23.06081 ?
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