La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/07/2024 | FRANCE | N°21/03751

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 03 juillet 2024, 21/03751


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°375



N° RG 21/03751 -

N° Portalis DBVL-V-B7F-RYBN













Mme [P] [X]



C/



-M. [B] [S] (Mandataire ad litem de l'EURL JONAM)

- E.U.R.L. JONAM

















Infirmation partielle













Copie exécutoire délivrée

le :



à :

-Me Cyril DUBREIL

-Me Helyett LE NABOUR





RÉPUBLIQU

E FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 JUILLET 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors de...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°375

N° RG 21/03751 -

N° Portalis DBVL-V-B7F-RYBN

Mme [P] [X]

C/

-M. [B] [S] (Mandataire ad litem de l'EURL JONAM)

- E.U.R.L. JONAM

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Cyril DUBREIL

-Me Helyett LE NABOUR

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 JUILLET 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Mai 2024

devant Madame Anne-Cécile MERIC, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [W] [N], médiatrice judiciaire,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [P] [X] née [E]

née le 15 Septembre 1964 à [Localité 5] (88)

demeurant [Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Amaury EMERIAU, Avocat au Barreau de LA ROCHE SUR YON substituant à l'audience Me Cyril DUBREIL de la SCP OUEST AVOCATS CONSEILS, Avocat au Barreau de NANTES

INTIMÉE :

L'E.U.R.L. JONAM ayant eu son siège social [Adresse 2] ayant fait l'objet d'une liquidation amiable avant d'être radiée

Prise en la personne de :

Monsieur [B] [S], liquidateur amiable puis mandataire ad litem de la SARL JONAM depuis la clôture des opérations de liquidation

né le 19 Octobre 1956 à [Localité 6] (ALGERIE)

demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Camille IMBERT substituant à l'audience Me Helyett LE NABOUR de la SELARL TEILEN Avocats, Avocats au Barreau de PARIS

La société JONAM était une société spécialisée dans la vente au détail de prêt-à-porter féminin, exploitée sous l'enseigne EGLANTINE, dont le gérant, M. [B] [S] était l'associé unique.

Cette Société comptait 4 salariés, dont Madame [X], embauchée au sein de la société JONAM le 1er septembre 1987.

Mme [X] occupait, en dernier lieu de la relation contractuelle, les fonctions de Chef de magasin, statut Agent de maîtrise, catégorie A1.

Elle percevait, à ce titre, un salaire brut moyen mensuel de 3.677,05 euros.

La Convention collective applicable à la relation de travail était celle de l'habillement et articles textile (commerce de détail).

M. [S], souhaitant cesser totalement et définitivement son activité afin de prendre sa retraite, Mme [X] a été convoquée le 4 mai 2018 à un entretien préalable au licenciement fixé au 22 mai suivant, dans le cadre d'une future liquidation amiable.

Le 25 mai 2018, lui a été notifiée une absence de possibilité de reclassement.

Le 31 mai 2018, Mme [X] a été licenciée pour motif économique, à titre conservatoire.

Le 5 juin 2018, elle a accepté le contrat de sécurisation professionnelle proposé.

Le 12 juin 2018, le contrat de travail a été rompu.

Le 20 juillet 2018, Mme [X] a réclamé le paiement de certaines sommes à son ancien employeur.

Le 31 juillet 2018, M. [S] dirigeant et unique associé de L'EURL JONAM, a décidé de procéder à la liquidation amiable de sa société.

Le 6 août suivant, l'employeur a refusé d'accéder aux demandes de Mme [X].

Le 26 juin 2019, le Tribunal de commerce de Nantes a désigné M. [S] mandataire ad litem de la l'EURL JONAM, puis a prorogé ce mandat le 14 octobre suivant.

Le 3 mai 2019, Mme [X] a saisi le Conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de :

' Dire et juger que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse,

' Ecarter le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité,

' Condamner solidairement la SARL JONAM et M. [S], ès-qualités de liquidateur amiable et à titre personnel de la SARL JONAM, ou l'un à défaut de l'autre, à payer les sommes suivantes :

- 3.387,08 € à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 3.042,15 € à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires,

- 304,21 € au titre des congés payés afférents,

- 558,14 € à titre de rappel de salaire sur journées de fractionnement,

- 55,81 € au titre des congés payés y afférents,

- 120.000 €, à titre principal, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10.000 €, à titre subsidiaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Intérêts au taux légal, outre l'anatocisme,

' Exécution provisoire du jugement à intervenir,

' Condamner solidairement la SARL JONAM et M. [S], es-qualités de liquidateur amiable et à titre personnel de la SARL JONAM, ou l'un à défaut de 1'autre, aux entiers dépens.

La cour est saisie de l'appel interjeté par Mme [X] le 18 juin 2021 contre le jugement du 7 mai 2021, par lequel le Conseil de prud'hommes de Nantes a :

' Dit et jugé que le licenciement de Mme [X] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

' Débouté Mme [X] de l'intégralité de ses demandes,

' Constaté que Mme [X] était redevable envers M. [S] ès-qualité de liquidateur amiable nommé mandataire ad litem de l'EURL JONAM d'une somme de 6.704,67 € au titre d'un trop perçu sur l'indemnité conventionnelle de licenciement,

' Condamné Mme [X] à verser à M. [S] ès qualité de liquidateur amiable nommé mandataire ad litem de l'EURL JONAM, la somme de 6.704,67€ au titre de la répétition de l'indu sur l'indemnité conventionnelle de licenciement,

' Débouté les parties de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

' Laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 13 avril 2024 suivant lesquelles Mme [X] demande à la cour de :

' Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en toutes ses dispositions,

En conséquence,

' Dire et juger :

- les demandes, fins et conclusions de Mme [X] recevables et bien fondées,

- le licenciement de Mme [X] intervenu le 12 juin 2018 dénué de toute cause réelle et sérieuse,

' Fixer et inscrire au passif de la liquidation amiable de l'EURL JONAM, la créance de Mme [X], comme suit :

- 3.800,01 € nets à titre de rappel sur indemnité conventionnelle de licenciement, ou, à titre subsidiaire, la somme de 984,38 €,

- 3 042,15 € bruts à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires,

- 304,21 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel sur heures supplémentaires,

- 558,14 € bruts à titre de rappel de salaire sur journées de fractionnement (congés),

- 55,81 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire sur journées de fractionnement,

- 80 207,80 € nets représentant 20 mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application du barème,

- 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' Dire et juger que les sommes sus-énoncées porteront intérêts au taux légal, outre l'anatocisme,

' Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

' Fixer et inscrire au passif de la liquidation amiable de l'EURL JONAM la créance de Mme [X] représentant les dépens éventuels.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 7 décembre 2022, suivant lesquelles M. [S], ès-qualités de liquidateur amiable nommé mandataire ad litem de l'EURL JONAM demande à la cour de :

' Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nantes prononcé le 7 mai 2021 en ce qu'il a :

- débouté Mme [X] de toutes ses demandes tenant à fixer et inscrire au passif de la liquidation amiable de l'EURL JONAM ses créances comme suit :

- 80.207,80 € nets de dommages et intérêts au titre de la prétendue absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement,

- 3.800,01 € nets, à titre principal, à titre de rappel sur indemnité conventionnelle de licenciement ou, à titre subsidiaire, la somme de 984,38 €,

- 3.042,15 € bruts, outre la somme de 304,21 € bruts au titre des congés payés afférents à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires,

- 558,14 € bruts, outre la somme de 55,81 € brut au titre des congés payés y afférents à titre de demande de rappel de salaire sur journées de fractionnement,

- 3.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- constaté que Mme [X] était redevable envers M. [S] ès-qualité de liquidateur amiable nommé mandataire ad litem de l'EURL JONAM d'une somme de 6.704,67 € au titre d'un trop perçu sur l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- débouté Mme [X] de l'intégralité de ses demandes,

A titre reconventionnel,

' Condamner Mme [X] à verser, jusqu'au remboursement du trop-perçu à M. [S] ès-qualité de liquidateur amiable nommé mandataire ad litem de la société JONAM, une astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de l'arrêt,

' Condamner sur la base de l'article 700 du code de procédure civile Mme [X] à verser à M. [S] ès-qualité de liquidateur amiable nommé

mandataire ad litem de la SARL JONAM la somme de 5.000 €, outre les entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 avril 2024.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties aux conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les heures supplémentaires

Mme [X] fait valoir qu'elle a accompli des heures supplémentaires non rémunérées en ce qu'elle assurait l'ouverture et la fermeture du magasin, travaillant à cette fin 40 heures par semaine du mardi au samedi de 10h00 à 13h00 et de 14h00 à 19h00, si bien que son salaire ayant été calculé sur la base de 39 heures hebdomadaire, elle expose être bien fondée à réclamer la somme de 3.042,15 euros brut au titre des heures supplémentaires effectuées, ainsi que la somme de 304,21 euros au titre des congés payés y afférents.

L'employeur expose que la salariée n'a pas accompli d'heures supplémentaires non rémunérées et fait valoir que malgré l'amplitude de travail non contestée, elle prenait de longues pauses déjeuner et ne faisait pas toujours la fermeture et l'ouverture, en fonction des heures préalablement effectuées au cours des jours précédents.

Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou le cas échéant à un repos compensateur équivalent.

Sont des heures supplémentaires celles effectuées à la demande de l'employeur, ou à tout le moins avec son accord implicite, au-delà de la durée légale de travail telle qu'elle résulte de l'article L. 3121-27 du code du travail.

Selon l'article L. 3121-29 du code du travail, les heures supplémentaires se décomptent par semaine.

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées. L'absence d'autorisation préalable n'exclut pas la réalité de l'accord implicite de l'employeur à la réalisation d'heures supplémentaires.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, en vertu de l'article L. 3171-4 du code du travail, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires. Ainsi, si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient aussi à ce dernier de présenter préalablement des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies de nature à permettre également à l'employeur d'y répondre utilement. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Une fois constatée l'existence d'heures supplémentaires, le juge est souverain pour évaluer l'importance des heures effectuées et fixer le montant du rappel de salaire qui en résulte sans qu'il soit nécessaire de préciser le détail du calcul appliqué.

En l'espèce, Mme [X], qui se prévaut de l'accomplissement d'heures supplémentaires non rémunérées, produit notamment diverses attestations d'anciens collègues de travail ou clients.

Mme [A], ancienne salariée, indique ainsi que Mme [X] était responsable des ouvertures et fermetures du magasin, quatre fois par jour à 10 heures, 13 heures, 14 heures et 19 heures.

Mme [M], ancienne cliente de la boutique, précise que Mme [X] restait régulièrement en dehors des horaires d'ouverture de la boutique pour la servir.

Mme [Y], vendeuse au sein d'une boutique voisine, certifie qu'elle accompagnait Mme [X] tous les matins à sa boutique Eglantine pour l'ouverture et qu'elle repartait le soir avec elle après la fermeture du magasin ' et ceci tous les jours du mardi au samedi, depuis des années. Ouverture à 10h. Fermeture à 19h'.

Mme [J], ancienne collègue de travail de Mme [X], atteste que cette dernière effectuait les ouvertures tous les jours à 10 heures, qu'elle prenait sa pause déjeuner de 13h à 14h et qu'elle était encore présente le soir à 18 heures lorsqu'elle-même terminait sa journée.

Mme [X] produit des éléments suffisamment précis, même en l'absence de décompte d'heures, qui sont de nature à permettre à l'employeur, chargé d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

L'employeur ne conteste pas que Mme [X] a pu réaliser des heures supplémentaires mais indique que chaque fois que cela s'est produit, les heures ont été rémunérées, sans pour autant le démontrer.

Il produit une attestation de Mme [J] ainsi rédigée : '(') régulièrement Madame [X] [P] montait à l'atelier pour déjeuner vers 12h30, avant de partir pour sa pause de 13h à 14h.'

Il verse encore aux débats l'attestation de Mme [O], vendeuse au sein de la société et sa compagne, ainsi reprise : 'J'atteste par la présente que celle-ci faisait 39h/semaine, voire moins. En effet, celle-ci commençait sa pause déjeuner vers 12h30 et la terminait à 14h00 (la boutique étant fermée de 13h00 à 14h00)'.

Ce n'est toutefois que par voie d'affirmation que l'employeur expose qu'il a payé les heures supplémentaires dues en ce qu'il ne produit aucune pièce au soutien de ce moyen.

Il ne démontre pas plus qu'il assurait le contrôle du temps de travail de la salariée.

Au vu des éléments produits par les parties, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction que Mme [X] a effectué des heures supplémentaires, à hauteur d'une heure par jour travaillé, au regard des nombreuses attestations produites par la salariée et de l'absence de décompte par l'employeur des heures effectivement réalisées par Mme [X].

Il y a lieu d'accueillir ses demandes au titre des heures supplémentaires à la somme de 3.042,15 € bruts, outre 304,21 € bruts au titre des congés payés afférents.

Le jugement du conseil de prud'hommes est réformé à ce titre.

Sur le rappel de salaire sur les journées de fractionnement

Pour infirmation à ce titre, la salariée fait valoir qu'elle a été contrainte de fractionner à plusieurs reprises ses congés à la demande de M. [S]. Elle en déduit qu'il en est résulté 6 journées de congés payés supplémentaires à ce titre.

Elle produit trois attestations de ses amis proches qui exposent notamment avoir dû organiser leurs congés en fonction des horaires de travail de Mme [X], notamment le samedi.

Pour confirmation, l'employeur indique qu'il laissait Mme [X] prendre ses congés à sa guise.

Il produit l'attestation de Mme [O], vendeuse au sein de la boutique et compagne du gérant, qui confirme que Mme [O] prenait ses congés comme suit et conformément à ses demandes :

'- 1 semaine entre Noël et le jour de l'an en famille,

- 1 semaine au mois de février afin de pouvoir partir loin au soleil,

- 3 semaines au mois d'août.'

Conformément à l'article L. 3141-23 du code du travail : 'A défaut de stipulation dans la convention ou l'accord conclu en application de l'article L.3141-22 :

1° La fraction continue d'au moins douze jours ouvrables est attribuée pendant la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année ;

2° Le fractionnement des congés au-delà du douzième jour est effectué dans les conditions suivantes :

a) Les jours restant dus en application du second alinéa de l'article L.3141-19 peuvent être accordés en une ou plusieurs fois en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année ;

b) Deux jours ouvrables de congé supplémentaire sont attribués lorsque le nombre de jours de congé pris en dehors de cette période est au moins égal à six et un seul lorsque ce nombre est compris entre trois et cinq jours. Les jours de congé principal dus au-delà de vingt-quatre jours ouvrables ne sont pas pris en compte pour l'ouverture du droit à ce supplément.

Il peut être dérogé au présent article après accord individuel du salarié.'

S'il ressort de ces dispositions que le droit aux jours de congés supplémentaires naît du seul fait du fractionnement du congé légal, le fractionnement des congés n'est pas établi en l'espèce.

La salariée sera déboutée de sa demande à ce titre, conformément au jugement entrepris.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement économique

La salariée, au visa de l'article L.1224-1 du code du travail, estime qu'il y a eu un transfert d'une entité économique autonome lors de la liquidation amiable, et que l'activité a été transférée à la SAS SCOTCH & SODA, qui l'exerce dans les mêmes locaux. Elle ajoute que cette société a été créée le jour même de la liquidation de L'EURL JONAM. Selon elle, M. [S] aurait contourné une liquidation judiciaire imminente - et par là même la recherche de repreneur et le transfert de son contrat - en remboursant les créanciers par un apport en compte courant d'associé, avant d'abandonner sa créance. Elle conclut à une collusion frauduleuse motif pris que le licenciement aurait été organisé entre les sociétés successives et serait fondé sur un motif économique fallacieux, la cession d'activité, afin de faire échec aux dispositions d'ordre public du code du travail au détriment du personnel employé par le premier entrepreneur.

L'employeur rétorque que la seule poursuite d'une activité identique ne constitue pas un transfert d'une entité économique autonome, le fonds de commerce, le stock et le mobilier n'ayant pas été repris.

En application de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement économique celui prononcé par l'employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à la cessation d'activité de l'entreprise.

La cessation d'activité constitue une cause de licenciement pour motif économique à condition de concerner toute l'activité, d'être définitive et de pas résulter d'une faute de l'employeur.

En application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, 'lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise'.

Cet article, tel qu'interprété au regard de la directive communautaire n° 2001-23 du 12 mars 2001, s'applique lorsqu'il y a transfert d'une entité économique conservant son identité. Constitue une entité économique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique essentielle ou accessoire qui poursuit des intérêts propres.

Ainsi, l'article L.1224-1 du code du travail est applicable lorsque sont transférés à la fois l'activité et les moyens organisés qui permettent de l'accomplir.

En l'espèce, Mme [X] ne démontre pas l'existence d'un transfert d'une entité économique, telle que définie supra. En effet, il ne ressort d'aucune pièce versée aux débats que la société JONAM a transféré, ne serait-ce même que partiellement, du matériel, des marchandises, des bâtiments, du personnel, la clientèle, une marque ou encore un brevet à la société SCOTCH & SODA. Il n'est pas plus établi en procédure la cession d'un droit au bail à la société SCOTCH & SODA.

Si l'établissement SCOTCH & SODA a été créé le 31 juillet 2018, date des opérations de liquidation amiable de la société JONAM, cette concordance des dates ne constitue pas la preuve d'une collusion frauduleuse en ce que la salariée ne démontre ni le transfert des moyens d'exploitation ni le maintien à l'identique de l'entité économique transférée, tels que le maintien des procédés de fabrication, de distribution ou d'exploitation.

Il ressort par ailleurs des pièces versées par l'intimé qu'aucun élément d'actif corporel ou incorporel n'a été transmis à la société SCOTCH & SODA, qu'il s'agisse du stock des marchandises de la société JONAM, du mobilier comprenant les présentoirs, penderies ou encore cabines d'essayages ou le fonds de commerce de la société JONAM, qui a disparu avec la liquidation de la société.

C'est en outre à tort que la salariée expose que l'employeur a organisé artificiellement la solvabilité de la société JONAM par l'apport en compte courant d'associé afin de faire échec à l'ouverture d'une liquidation judiciaire en ce que le fait pour un associé unique de procéder par un apport en compte courant afin que la société puisse faire face à ses échéances et ne pas se retrouver en cessation des paiements n'est pas en soi frauduleux.

Il résulte des pièces produites par les parties que la dissolution de la société et la nomination d'un liquidateur amiable ont fait l'objet d'un procès-verbal des décisions de l'associé unique du 31 juillet 2018, produisant dissolution anticipée de la société à compter du 31 juillet 2018 et désignation de M. [S] en qualité de liquidateur amiable. Il résulte d'un procès-verbal des décisions de l'associé unique du même jour que les comptes définitifs de liquidation ont été approuvés, ainsi que la décharge du mandat du liquidateur actée, outre le constat de la clôture de la liquidation établi et la disparition de la personnalité morale de la société. Ces procès-verbaux ont été déposés au greffe du tribunal de commerce de Nantes respectivement les 4 octobre 2018 et 6 novembre 2018.

La société JONAM a été radiée du Registre du Commerce et des Sociétés de Nantes le 6 novembre 2018.

Le licenciement de Mme [X] est donc intervenu de façon contemporaine à la dissolution et la cause économique du licenciement est donc réelle et sérieuse.

Dans ces conditions, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à transfert du contrat de travail de Mme [X]. La demande de la salariée tendant à voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse pour ce motif ne peut par conséquent aboutir.

Elle sera par conséquent déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en confirmation du jugement entrepris.

Sur le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement

Pour infirmation du jugement à ce titre, Mme [X] expose que son indemnité de licenciement était erronée, si bien qu'elle aurait dû percevoir à ce titre, à titre principal, la somme de 45.167,01 euros, ou, à titre subsidiaire, la somme de 42.351,39 euros et non pas la somme de 41.367 euros, au motif que la moyenne de salaire retenue n'était pas la bonne.

Pour confirmation, M. [S] es qualité de liquidateur amiable fait valoir que pour le calcul de cette indemnité, il a bien été procédé au comparatif entre la moyenne des 12 derniers mois de salaire et la moyenne des 3 derniers mois de salaire. Il expose en outre que Mme [X] lui est redevable de la somme de 6.704,67 € au titre d'un trop-perçu, en ce que la salariée a perçu l'indemnité réservée aux cadres alors qu'elle était agent de maîtrise, causant un indu du montant sollicité.

En vertu de l'article 1302 du code civil, 'Tout paiement suppose une dette, ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.'.

Selon l'article 1302-1 du code civil, 'Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu'.

Aux termes de l'article 11 du Chapitre II de la Convention collective de l'habillement et articles textile (commerce de détail) :

' (') Pour le personnel d'encadrement comptant plus d'un an et moins de cinq ans de présence, cette indemnité est égale, par année de présence, à l/5 ème du salaire mensuel de référence, et ce dès la première année.

Après cinq ans de présence, cette indemnité est égale, par année de présence à 1/4 du salaire mensuel de référence, et ce dès la première année de présence dans l'entreprise. Après seize ans de présence, et par année de présence au-delà, cette indemnité sera portée à 1/3 du salaire mensuel de référence.

Pour le personnel d'encadrement licencié après l'âge de cinquante ans et ayant au moins quinze ans de présence dans l'entreprise à la date du départ effectif, l'indemnité ci-dessus sera augmentée de 25 %.'

En l'espèce, l'Accord du 12 octobre 2006 relatif aux classifications, classe les agents de maîtrise de catégorie A1 dans les emplois de personnel d'encadrement.

Il en ressort que Mme [X] devait percevoir une indemnité de licenciement conformément aux dispositions de l'article 11 du chapitre II de la convention collective applicable.

C'est ainsi en vain que l'intimé expose que l'accord relatif aux classifications stipule que 'les parties souhaitent limiter les bénéficiaires du régime de retraite des cadres institué par la Convention collective Nationale du 14 mars 1947 aux catégories B (assimilés cadres), C et D (cadres) du présent accord (')'. En effet, cette mention concernant le bénéfice du régime de retraite des cadres n'est pas contradictoire avec la classification des agents de maîtrise de catégorie A1 dans les emplois de personnels d'encadrement, et ainsi avec le bénéfice de l'article 11 du Chapitre II de la Convention collective de l'habillement et articles textile.

Ce n'est que par voie d'affirmation que l'intimé ajoute que la prime exceptionnelle versée au mois de mars 2018, pour un montant de 1.000 euros ne se rapporte pas à la période des trois derniers mois et qu'elle ne devait dès lors pas être prise en compte. En effet, il ressort des bulletins de salaire versés en procédure que Mme [X] a bien perçu cette prime lors des trois derniers mois de la relation contractuelle, soit au mois de mars 2018, et il n'est pas établi que ladite prime se rapportait à une période antérieure.

Par ailleurs, il est établi que le versement de cette prime exceptionnelle a été effectif et continu depuis son embauche et qu'elle doit par conséquent être intégrée à la base de calcul du salaire de référence.

Dans la mesure où la moyenne des 3 derniers mois de salaire est plus favorable à Madame [X], il appartenait à son employeur de retenir celle-ci sans qu'il ne soit nécessaire de proratiser le montant de cette prime en ce que l'employeur ne démontre pas que le versement de la prime n'est pas lié à la période des trois derniers mois travaillés.

L'indemnité conventionnelle de licenciement s'établit à 45.167,01 €. Ayant perçu 41 367,00 €, il reste dû à Mme [X] à ce titre la somme de 3.800,01 €.

M. [S] es qualités de liquidateur amiable, sera dès lors débouté de sa demande en répétition.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme [X] de sa demande au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et en ce qu'il a condamnée cette dernière au paiement d'un trop-perçu.

Sur l'anatocisme

En application de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu'elle est régulièrement demandée ; il sera donc fait droit à cette demande de la salariée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société intimée, qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser l'appelante des frais irrépétibles qu'elle a pu exposer pour assurer sa défense.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de Mme [X] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [X] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [X] de sa demande de rappel de salaire au titre des congés fractionnés ;

- débouté M. [S] es-qualités de liquidateur amiable nommé mandataire ad litem de la société JONAM de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONFIRME de ces chefs ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉBOUTE M. [S] es-qualités de liquidateur amiable nommé mandataire ad litem de la société JONAM de sa demande au titre de la répétition de l'indu sur l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

FIXE au passif de la liquidation amiable de la société JONAM, la créance de Mme [X], comme suit :

- 3 800,01 € net à titre de rappel sur indemnité conventionnelle de licenciement,

- 3.042,15 € bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 304,21 € bruts au titre des congés payés afférents.

RAPPELLE qu'en application de l'article 1231-6 du code civil les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire, en application de l'article 1231-7 du code civil, porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

FIXE au passif de la liquidation amiable de la société JONAM la somme de 2500 € allouée à Mme [X] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

FIXE au passif de la liquidation amiable de la société JONAM, la créance de Mme [X], au titre des dépens ;

DÉBOUTE Monsieur [B] [S] ès-qualités de liquidateur amiable nommé mandataire ad litem de la société JONAM de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/03751
Date de la décision : 03/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-03;21.03751 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award