1ère chambre
ARRÊT N°209
N° RG 23/06096
N° Portalis
DBVL-V-B7H-UGUW
(Réf 1ère instance : 22/01147)
S.A. [5] [4]
C/
M. [I] [L]
SELARL CABINET PRIVE D'UROLOGIE BRESTOIS SELARL
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 2 JUILLET 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 4 mars 2024 devant Madame Véronique VEILLARD, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 2 juillet 2024 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 22 mai 2024 à l'issue des débats
****
APPELANTE :
La société [5] - [4], SA immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Brest sous le n°378.860.316, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
CHP [Localité 3] [5]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représentée par Me Charlotte GARNIER de la SELARL GUILLOTIN LE BASTARD ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Philippe GUILLOTIN de la SELARL GUILLOTIN LE BASTARD ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉS :
Monsieur [I] [L]
né le 17 Août 1980 à [Localité 7] (75)
[Adresse 1]
[Localité 3]
CABINET PRIVÉ D'UROLOGIE BRESTOIS, SELARL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentés par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentés par Me Gaëlle CLOAREC de la SELARL AODEN, Plaidant, avocat au barreau de BREST
FAITS ET PROCÉDURE
La sa [5] [4] est une société anonyme dont l'objet social est l'exploitation de centres hospitaliers privés. Elle exploite à ce titre 2 établissements d'hospitalisation privée à but lucratif à [Localité 3] :
- la polyclinique de [5], [Adresse 8],
- la clinique du [4], [Adresse 9].
M. [I] [L] exerce l'activité de médecin spécialiste en urologie au sein de la polyclinique de [5] et il est par ailleurs membre de la selarl Cabinet privé d'urologie Brestois, laquelle regroupe des médecins libéraux de même spécialité.
Pour les besoins de l'activité d'urologie, la sa [5] [4] a conclu avec la selarl Cabinet privé d'urologie Brestois un contrat d'exercice libéral en date du 25 juillet 2006 pour une durée indéterminée.
Un différend est apparu entre la sa [5] [4] et la selarl Cabinet privé d'urologie Brestois concernant le montant des redevances réclamées.
Par courrier du 5 février 2021, la sa [5] [4] a adressé à M. [L] une mise en demeure de lui payer la somme de 62.199 €, somme qui a été contestée par le médecin.
La sa [5] [4] a, par actes d'huissier des 15 et 17 juin 2022, assigné au fond M. [L] et la selarl Cabinet privé d'urologie Brestois devant le tribunal judiciaire de Brest pour les voir condamner, au visa des articles 1103, 1104, 1231-1, 1231- 7 et 1343-2 du code civil, à lui verser les redevances échues à la date de la mise en demeure et non réglées, à savoir la somme de 76.584,35 € suivant décompte arrêté au 30 avril 2022.
M. [L] et la selarl Cabinet privé d'urologie Brestois ont saisi le juge de la mise en état d'une part, d'un incident d'irrecevabilité faute pour la sa [5] [4] d'avoir respecté la procédure de conciliation préalable et du fait de la prescription affectant les créances antérieures au 15 juin 2017, et d'autre part, d'une demande de condamnation de la sa [5] [4] à communiquer les pièces comptables pour vérifier la véracité du décompte.
Par ordonnance de la mise du 3 octobre 2023, le juge de la mise en état a :
- ordonné la jonction de la présente procédure avec les procédures 22/01147, 22/01152, 22/01153, 22/01154 et 22/01156, l'affaire étant désormais appelée sous le seul numéro 22/01147,
- rejeté la fin de non-recevoir tenant à l'absence de préalable obligatoire de médiation ou de conciliation,
- déclaré irrecevables car prescrites les demandes de la sa [5] [4] pour la période antérieure au 15 juin 2017,
- rejeté toutes les autres demandes,
- dit que les dépens de l'incident suivront ceux de l'instance au fond,
- enjoint à la selarl Cabinet privé d'urologie Brestois et à M. [L] de conclure au fond pour le 5 décembre 2023.
Le juge de la mise en état du a retenu qu'en exécution de l'article 22 de la convention litigieuse, la sa [5] [4] a proposé la désignation d'un médiateur pour résoudre ce litige et que face au refus opposé par M. [L] d'y participer, la demanderesse était en droit d'agir devant les tribunaux. Il a relevé que dans la mesure où une assignation avait été délivrée le 15 juin 2022 sans qu'aucune autre cause interruptive de prescription soit intervenue par ailleurs, telle que la reconnaissance de sa dette par le débiteur, inopérante en l'espèce, seules les créances antérieures de 5 ans à cette date devaient être prises en compte et qu'il y avait donc lieu de considérer que les demandes antérieures au 15 juin 2017 étaient prescrites. S'agissant de la demande de production de pièces, le juge de la mise en état a retenu qu'il n'y avait pas lieu à examiner cette demande formée à titre très subsidiaire pour le seul cas où il ne serait pas fait droit au moyen tiré de la prescription.
Par déclaration du 25 octobre 2023, la sa [5] [4] a interjeté appel de l'ordonnance rendue le 3 octobre 2023 par le juge de la mise en état de Brest en ce qu'elle a :
- déclaré irrecevables car prescrites ses demandes antérieures au 15 juin 2017,
- rejeté sa réclamation au titre des frais irrépétibles.
M. [L] et la selarl Cabinet privé d'urologie brestois ont interjeté appel du rejet de l'irrecevabilité tenant à l'absence de médiation préalable.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La sa [5] [4] expose ses prétentions et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 19 février 2024 auxquelles il est renvoyé.
Elle demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle déclaré irrecevables car prescrites ses demandes antérieures au 15 juin 2017 et rejeté sa réclamation au titre des frais irrépétibles,
- confirmer l'ordonnance dont appel pour le surplus,
- statuant à nouveau,
- juger que les sommes facturées avant le 15 juin 2017 au titre de la redevance administrative ne sont pas prescrites,
- débouter M. [L] et la selarl Cabinet privé d'urologie Brestois de leur demande tendant à faire déclarer irrecevable comme prescrite l'action en recouvrement de sommes facturées au titre de la redevance administrative, notamment avant le 15 juin 2017,
- en tout état de cause,
- débouter, M. [L] et la selarl Cabinet privé d'urologie Brestois de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner in solidum M. [L] et la selarl Cabinet privé d'urologie Brestois à lui payer à la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des dépens d'appel.
Elle soutient que :
- les termes de la clause de conciliation préalable ont été strictement respectés dès lors qu'elle a proposé dans son courrier du 5 février 2021 de saisir un médiateur, procédure à laquelle M. [L] et la selarl Cabinet privé d'urologie Brestois n'ont pas donné suite,
- en faisant de la justification des frais facturés un préalable à la tentative de conciliation, les défendeurs ajoutent une condition à l'article 22 du contrat qu'ils ont signé,
- les courriers échangés entre les parties montrent que le litige qui les oppose ne porte pas sur le principe même de la redevance, mais sur son montant, car si cela avait été l'inverse, elle aurait immédiatement sollicité en justice le paiement des sommes facturées en justice,
- dès lors que la discussion ne porte que sur le quantum des sommes à recouvrer, il est possible de considérer qu'une reconnaissance partielle de la dette de la part des intimés est caractérisée, laquelle est interruptive de prescription en vertu de l'article 2248 du code civil et de la jurisprudence.
M. [L] et la selarl Cabinet privé d'urologie brestois exposent leurs prétentions et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 5 février 2024 auxquelles il est renvoyé.
Ils demandent à la cour de :
- à titre principal,
- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par eux tenant à l'absence de préalable obligatoire de médiation ou de conciliation et les a déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,
- statuant à nouveau,
- déclarer irrecevable l'action engagée par la sa [5] [4] en raison de l'absence de préalable obligatoire de médiation ou de conciliation, - à titre subsidiaire,
- confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a déclaré irrecevables car prescrites les demandes de la sa [5] [4] pour la période antérieure au 15 juin 2017 et rejeté la réclamation de cette dernière au titre des frais irrépétibles,
- en tout état,
- débouter la sa [5] [4] de toutes ses demandes,
- condamner la sa [5] [4] à leur verser la somme de 3.000 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la sa [5] [4] aux dépens.
Ils soutiennent que :
- la mise en 'uvre de la médiation avait un préalable indispensable qui consistait en la justification des frais facturés par la sa [5] [4], lequel n'a pas été respecté par cette dernière,
- M. [L] ne contestait pas seulement le montant mais également le principe même de la redevance puisqu'il arguait que les praticiens n'utilisaient plus les services prétendument rendus par la sa [5] [4], d'où il suit qu'aucune forme de reconnaissance de dette interruptive de prescription ne saurait être caractérisée en l'espèce.
Cet appel a été enregistré sous le RG 23/06096.
L'instruction de l'affaire a été clôturée le 27 février 2024.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.
MOTIFS DE L'ARRÊT
1) Sur la fin de non-recevoir tirée du non-respect de la clause de conciliation préalable
La sa [5] [4] affirme avoir respecté les conditions de la clause de conciliation en ayant envoyé un courrier en recommandé avec accusé de réception le 5 février 2021 pour proposer de soumettre le différend à un médiateur.
M. [L] et la selarl Cabinet privé d'urologie Brestois estiment que la justification des frais de service était une démarche nécessaire et préalable à la conciliation.
En droit, l'article 1103 du code civil rappelle que 'Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.'
En outre, selon l'article 1192 du code civil, 'On ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation'
En l'espèce, la clause de conciliation figurant à l'article 22 du contrat d'exercice professionnel stipule que 'Les difficultés qui pourraient survenir quant à l'interprétation ou l'exécution des présentes pourront toujours être soumises aux juridictions de droit commun, l'arbitrage n'étant pas applicable à cette matière.
Toutefois, les parties conviennent qu'avant toute action contentieuse, elles soumettront leur différend à un médiateur qu'elles auront choisi d'un commun accord, ou à défaut à deux conciliateurs qu'elles auront respectivement désignés.
Ces désignations devront intervenir dans le délai d'un mois, à compter de la notification du différend par l'une des parties ; une solution amiable devra être trouvée dans le délai maximum de trois mois, à compter de la désignation du médiateur, ou du premier conciliateur.
La juridiction normalement compétente pourra être saisie, faute par l'une des parties d'avoir fait connaître la personne choisie par elle, ou à défaut d'accord amiable dans le délai imparti.'
Ainsi, il apparaît clairement que la clause conditionne la mise en 'uvre de la médiation à la seule notification du différend, ce qui suppose par ailleurs que le différend soit né antérieurement à la tentative de médiation et non à l'occasion de celle-ci, contrairement à ce que soutient M. [L] et la selarl Cabinet d'urologie brestois dans leurs écritures.
Il n'est donc pas possible de considérer, toujours comme le soutiennent les intimés, que la 'justification des prétentions' était un 'préalable indispensable' à une médiation de la part de la sa [5] [4], ou encore que 'cette tentative de conciliation avait, en effet, un préalable qui n'a pas été respecté par la société [5] [4] : celui de lui faire connaître la nature des frais facturés', sauf à ajouter une condition qui n'est pas exprimée dans la clause litigieuse.
Dès lors, le juge de la mise en état a justement constaté qu'il ressortait des divers courriers produits que ce différend existait depuis au moins le 6 septembre 2011, date à laquelle les associés de la selarl Cabinet privé d'urologie Brestois ont adressé une lettre recommandée avec accusé de réception à la polyclinique de [5] pour demander une justification du calcul des redevances réclamées.
Constatant des difficultés dans l'exécution du contrat d'exercice libéral litigieux, la sa [5] [4] a adressé à M. [L] un courrier de mise en demeure de lui payer la somme de 62.199 € en date du 5 février 2021. Ce courrier indiquait un délai de 10 jours à compter du courrier pour régler cette somme, délai au-delà duquel, à défaut de règlement, il était proposé la nomination de M. [K] [Z] en qualité de médiateur unique.
Dans sa réponse par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 février 2021, M. [L] a décliné l'offre de conciliation au motif qu'il contestait la créance, conduisant ainsi à l'échec de la tentative de conciliation amorcée par la sa [5] [4].
C'est ainsi en parfaite exécution de l'article 22 de la convention litigieuse que la sa [5] [4] a proposé la désignation d'un médiateur puis, compte tenu du refus de M. [L] de participer à la médiation, a assigné ce dernier en paiement devant le juge de la mise en état du judiciaire de Brest.
L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tiré de l'inexécution de la clause de conciliation préalable.
2) Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
La sa [5] [4] considère que la prescription des sommes facturées avant le 15 juin 2017 a été interrompue par les courriers en date des 6 septembre 2011, 4 novembre 2016, 1er mars 201, 17 février 2020, 12 février 2021 et 31 janvier 2022, lesquels établissent selon elle une reconnaissance au moins partielle des sommes facturées au titre de la redevance administrative, entraînant un effet interruptif pour la totalité de la créance réclamée.
M. [L] et la selarl Cabinet privé d'urologie Brestois maintiennent qu'il n'a été jamais reconnu un quelconque droit de la polyclinique de lui réclamer les sommes invoquées, contestant à la fois le montant et le principe de la créance poursuivie par l'appelante.
En droit, l'article 2224 du code civil dispose que 'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.'
L'article 2240 du code civil dispose, quant à lui, que 'La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt la prescription.'
Pour être interruptive de prescription, il est constant que la reconnaissance de dette, qui constitue l'aveu de l'existence d'un droit, doit être manifeste et non équivoque (Civ. 3ème, 7 janvier 2021, 19-23.262).
L'alinéa 1er de l'article 2241 du code civil rappelle aussi que 'La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.'
Enfin, en vertu de l'article 1353 du code civil, il appartient au créancier qui se prévaut de la reconnaissance d'en rapporter la preuve.
En l'espèce, il résulte d'une part de l'article 7 du contrat d'exercice libéral que 'En contrepartie des services rendus et prestations fournies par la clinique, le praticien versera à la clinique une redevance assise, dans la mesure du possible, sur les frais réels que la clinique aura engagés et plus généralement sur les services rendus dont certains sont difficilement quantifiables.'
Il résulte également du règlement intérieur médical que les redevances de la polyclinique sont payées à échéance mensuelle par les praticiens, avec toutefois une possibilité de revalorisation annuelle (cf. page 11 du règlement intérieur médical). Il s'en déduit que le point de départ de ces créances est la date d'échéance mensuelle.
Dans la mesure où une assignation a été délivrée en date des 15 et 17 juin 2022, interrompant ainsi le délai de prescription pour en faire repartir un nouveau pour toutes les créances en cours, il en résulte que toutes les créances antérieures de plus de 5 années sont les seules à ne pas être prescrites, soit jusqu'au 15 juin 2017 au plus tôt, sous la réserve d'une autre cause interruptive.
Sur ce point, la sa [5] [4], créancière des redevances contractuelles dont elle réclame le paiement, invoque différents courriers de M. [L] qui constitueraient selon elle autant d'actes valant reconnaissance de dette. Or, à la lecture de ces courriers, il apparaît au contraire que M. [L] ne souhaitait pas poursuivre l'exécution de son obligation du paiement de la redevance dans les mêmes conditions que celles initiées au contrat.
Dans son courrier du 6 septembre 2011, M. [L] avance que rien ne justifie que la redevance soit maintenue dès lors que les praticiens règlent déjà un certain nombre de charges (loyers des locaux, personnels de consultation, fournitures de pharmacie, etc.), comparant leur situation à celle de leurs homologues de la clinique de [Localité 6] dont la redevance à hauteur de 7 % serait justifiée par la fourniture de ces services par la clinique elle-même. M. [L] y demande aussi le remboursement de la redevance depuis la date du 1er août 2009, date de sortie du compte mandataire, faute pour la sa [5] [4] de justifier cette redevance.
Dans son courrier du 4 novembre 2016, M. [L] renvoie à ses courriers précédents, dont celui du 6 septembre 2011 précité, pour indiquer qu'il est 'tout à fait d'accord pour payer ce [qu'il doit] si [la sa [5] [4] peut] en justifier les montants'. Les réserves émises au travers de cette formulation combinée à la référence au courrier du 6 septembre 2011 matérialisent bien l'existence d'une contestation du principe du paiement de la redevance dans sa globalité opposée par M. [L].
Dans son courrier du 14 décembre 2016, M. [L] discute la contrepartie des services réalisés par la polyclinique, estimant que cette dernière n'est pas en mesure de percevoir d'honoraire si elle ne porte pas sur les bordereaux l'ensemble des actes réalisés par les praticiens. Il rappelle la teneur de son courrier du 6 septembre 2011 dans lequel il réclamait une justification des 6% de redevance, faute de quoi il souhaitait le remboursement des sommes perçues indûment par la clinique depuis sa sortie du compte mandataire, soit depuis le 1er août 2009.
Dans son courrier du 1er mars 2017, M. [L] discute l'existence d'une contrepartie financière à son bénéfice au vu du taux de redevance de 5,06 % appliqué cette année-là par la sa [5] [4], ce qui traduit une équivoque quant à la reconnaissance de la dette dans son principe dès lors que la contrepartie d'une obligation se rattache à son bien-fondé.
Dans son courrier du 17 février 2020, M. [L] opère également par renvoi aux courriers précédents et indique encore une fois être d'accord pour payer ce qu'il doit mais sous la réserve de la justification des montants.
Dans son courrier du 12 février 2021, M. [L] demande à nouveau la justification des frais correspondant à la redevance facturée, et dont il souhaite savoir à quoi elle correspond.
Quant à l'email du 31 janvier 2022 invoqué par la sa [5] [4] dans ses écritures, il s'agit en fait d'une correspondance rédigée par M. [U] [G], directeur général de l'établissement [5], qui explique les montants réclamés aux différents praticiens de la polyclinique compte tenu de divers paramètres (taux de redevance, dépassements d'honoraires, etc.). Ce courrier ne peut donc pas valoir reconnaissance de dette par le débiteur.
Ainsi, c'est à bon droit que le juge de la mise en état a relevé qu'aucun élément dans ces correspondances ne pouvait s'analyser en une reconnaissance des sommes dues, le litige portant précisément sur le bien-fondé et l'absence de justifications des sommes réclamées par la sa [5] [4].
Au surplus, la seule observation faite dans ces courriers qu'en cas de justification des montants par la clinique, il serait procédé à un paiement ne constitue nullement la reconnaissance de dette alléguée par l'appelante mais seulement une manifestation du maintien de son refus de payer dans l'attente de la résolution du litige.
Il s'évince de ces observations que les créances ont été interrompues par la seule assignation du 15 juin 2022, et par voie de conséquence, que seules les créances antérieures à cette date en remontant jusqu'à la date du 15 juin 2017 au plus tôt, ne sont pas prescrites.
L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a constaté que l'action de la sa [5] [4] pour le recouvrement des créances antérieures au 15 juin 2017 est prescrite.
3) Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dépens de l'incident suivront ceux de l'instance au fond.
Chaque partie échouant au succès de ses prétentions, il n'est pas inéquitable d'écarter l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Brest en date du 3 octobre 2023,
Dit que les dépens de l'incident suivront ceux de l'instance au fond,
Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette le surplus des demandes.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE