3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°276
N° RG 23/01308 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TR3E
(Réf 1ère instance : 2021006823)
S.A.S.U. TRANSPORT FRIGORIFIQUE DE MARCHANDISES
C/
M. [P] [K]
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me MOULINAS
Me CHANSON
Copie certifiée conforme délivrée
le :
à : TC de NANTES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 02 JUILLET 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre, rapporteur,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Frédérique HABARE, lors des débats et Madame Julie ROUET lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 14 Mai 2024
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 02 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.S.U. TRANSPORT FRIGORIFIQUE DE MARCHANDISES
immatriculée au RCS de Nantes sous le numéro 825 015 035, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Augustin MOULINAS de la SELARL AUGUSTIN MOULINAS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉ :
Monsieur [P] [K]
né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 9] (44)
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représenté par Me Chloé NEJJARI substituant Me Noémie CHANSON de la SELARL NOEMIE CHANSON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
FAITS
M. [P] [K] et Mme [E] [T] ont été pacsés de 2006 à 2019.
Mme [T] est la présidente de la société TRANSPORT FRIGORIFIQUE DE MARCHANDISES (TFM), dont M. [K] était le salarié. Ils se sont séparés en 2019 dans un contexte très conflictuel. M. [K] a été licencié de la société TFM le 6 janvier 2020.
Plusieurs procédures opposent les anciens compagnons, devant le juge aux affaires familiales, le conseil de Prud'hommes, le président du tribunal judiciaire de Nantes et la cour d'appel de Rennes ainsi que des plaintes pénales déposées par Mme [T].
Par acte du 4 octobre 2021, M. [K] a assigné la société TFM devant le tribunal de commerce de Nantes aux fins d'obtenir le paiement de la somme de 30 256,76 euros au titre du remboursement d'un prêt accordé à la société en 2017, pour un montant total de 47 056,76 euros.
En cours de procédure la société TFM a versé des éléments comptables faisant état de versements à son profit en 2017.
M. [K] s'est désisté de ses demandes devant le tribunal en vue de mettre fin à l'instance.
La société TFM a formé des demandes reconventionnelles aux fins de voir condamner M. [K] notamment :
- au paiement d'une amende civile,
- au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- à payer à la société TFM, la somme totale de 62 437,52 euros repartie comme suit :
29 800 euros en remboursement des sommes volées,
7 598 euros en remboursement des objets volés,
39,52 euros en remboursement du carburant volé,
- 15 000 euros en paiement de dommages et intérêts pour le préjudice matériel complémentaire,
- 10 00 euros en paiement de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi par Mme [T] es qualités.
Par jugement du 16 février 2023 le tribunal a :
Sur la demande de Monsieur [P] [K] à titre principal ;
- Constaté le désistement de Monsieur [P] [K] de ses demandes en remboursement auprès de la société TRANSPORT FRIGORIFIQUE DE MARCHANDISES mettant fin à la présente instance ;
- Débouté la société TRANSPORT FRIGORIFIQUE DE MARCHANDISES de ses demandes d'amende civile et de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile.
Sur les demandes reconventionnelles de la société TFM
- Constaté qu'une plainte pénale est en cours d'instruction par le parquet du tribunal judiciaire de Nantes, pour les mêmes infractions visées par les demandes reconventionnelles de la société TFM ;
-Sursis en conséquence à statuer sur les demandes reconventionnelles de la société TRANSPORT FRIGORIFIQUE DE MARCHANDISES dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire de Nantes ;
- Dit que l'instance sera reprise à l'initiative des parties, lorsque la décision du tribunal judiciaire de Nantes sera définitive ;
- Rappelé que les décisions de première instance sont de droit exécutoire en application de l'article 514 du code de procédure civile et que rien ne s'y opposant, le tribunal jugera qu'il n'y pas lieu d'y déroger ;
- Condamné Monsieur [P] [K] à verser à la société TRANSPORT FRIGORIFIQUE DE MARCHANDISES la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamné Monsieur [P] [K] aux entiers dépens sur le fondement de l'article 696 du Code de procédure civile dont frais de Greffe liquides à 69.59 euros toutes taxes comprises ;
La société TFM a fait appel du jugement le 2 mars 2023.
M. [K] a fait appel incident le 28 mars 2023.
Les procédures ont été jointes le 11 avril 2023.
L'ordonnance de clôture est en date du 4 avril 2024.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses écritures notifiées le 14 avril 2023 la société TFM demande à la cour au visa des articles 1359 du code civil et 1 du décret n° 2016-1278 du 29 septembre 2016, 1240 du code civil, 1353 et suivants du code civil, de :
- Réformer le jugement de première instance en ce qu'il a :
- Débouté la société TRANSPORT FRIGORIFIQUE DE MARCHANDISES de ses demandes d'amende civile et de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
- Sursis à statuer sur les demandes de la société TRANSPORT FRIGORIFIQUE DE MARCHANDISES dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire de Nantes.
Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :
- Constaté le désistement de Monsieur [K] de ses demandes en remboursement auprès de la société TRANSPORT FRIGORIFIQUE DE MARCHANDISES mettant fin à la présente instance ;
- Condamné Monsieur [K] au paiement de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Débouter Monsieur [P] [K] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Dire et juger qu'il n'apporte pas la preuve ni même un commencement de preuve de sa créance.
Et vu son désistement,
Vu l'article 385 du code de procédure civile,
Condamner Monsieur [P] [K] au visa de l'article 32-1 du code de procédure civile, pour procédure abusive :
Au paiement d'une amende civile.
Au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, à la société TRANSPORT FRIGORIFIQUE DE MARCHANDISES.
Et vu l'article 4 alinéa 1 du code de procédure pénale,
Vu l'article 568 du code de procédure civile,
Condamner Monsieur [P] [K] à payer à la société TRANSPORT FRIGORIFIQUE DE MARCHANDISES, la somme totale de 62.437,52 euros répartie comme suit :
29.800 euros en remboursement des sommes volées
7.598 euros en remboursement des objets volés
39,52 euros en remboursement du carburant volé
15.000 euros en paiement de dommages et intérêts pour le préjudice matériel complémentaire
10.000 euros en paiement de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi par Madame [T] ès-qualités
-Dire et juger que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la date de communication des présentes conclusions ;
Ordonner l'anatocisme ;
- Condamner Monsieur [P] [K] à verser à payer à la société TRANSPORT FRIGORIFIQUE DE MARCHANDISES 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Monsieur [P] [K] aux dépens de l'instance.
Dans ses écritures notifiées le 22 juin 2023 M. [K] demande à la cour au visa des articles 31, 696 et 700 du code de procédure civile, de :
- Déclarer l'appel incident et les moyens de défense de Monsieur [K] recevables ;
- Débouter la société TFM de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions; - Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nantes rendu le 16 février 2023 en ce qu'il a :
- Condamné Monsieur [P] [K] à verser à la société TRANSPORT FRIGORIFIQUE DE MARCHANDISES la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNÉ Monsieur [P] [K] aux entiers dépens sur le fondement de l'article 696 du Code de procédure civile dont frais de Greffe liquidés à 69.59 euros toutes taxes comprises - Condamner la société TFM à payer à Monsieur [K] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure de 1 er degré et de la présente procédure d'appel.
Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.
DISCUSSION
L'appel incident
La société TFM au visa de l'article 385 du code de procédure civile estime que l'appel incident de M. [K] est irrecevable en raison de son désistement d'instance devant les premiers juges.
La déclaration d'appel de M. [K] est limitée aux chefs du jugement critiqués suivants :
Constate le désistement de Monsieur [P] [K] de ses demandes en remboursement auprès de la société TRANSPORT FRIGORIFIQUE DE MARCHANDISES mettant fin à la présente instance ;
-Condamne Monsieur [P] [K] à verser à la société TRANSPORT FRIGORIFIQUE DE MARCHANDISES la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamne Monsieur [P] [K] aux entiers dépens sur le fondement de l'article 696 du Code de procédure civile dont frais de Greffe liquides à 69.59 euros toutes taxes comprises;
La demande de réformation du jugement tendant à Constater le désistement de Monsieur [P] [K] de ses demandes en remboursement auprès de la société TRANSPORT FRIGORIFIQUE DE MARCHANDISES mettant fin à la présente instance est irrecevable au risque, dans le cas contraire, pour M. [K] de se contredire au détriment de son adversaire.
M. [K] dans ses dernières écritures ne soutient plus cette demande.
En revanche le désistement de M [K] devant le tribunal de commerce n'emporte extinction de l'instance que relativement à sa demande de remboursement, objet du désistement.
Il ne lui interdit pas de soutenir un appel incident s'agissant des demandes reconventionnelles de la société TFM qui ne vise qu'à répliquer aux demandes conclusions et pièces adverses.
Le moyen soulevé par la société TFM est donc inopérant.
Le sursis à statuer
La société TFM rappelle que les plaintes déposées contre M. [K] n'ont pas mis en mouvement l'action publique de sorte que le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de ces plaintes ne se justifie pas.
L'article 4 du code de procédure pénale stipule que :
L'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique.
Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.
La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.
Ces dispositions visent à empêcher que des décisions portant sur les intérêts civils viennent contredire le jugement rendu sur l'action publique, et obligent la juridiction civile, saisie concomitamment ou même antérieurement à la mise en mouvement des poursuites à surseoir à statuer, dès leur lancement et jusqu'à ce que la juridiction répressive se soit prononcée définitivement sur l'action publique.
La société TFM verse les plaintes qu'elle a déposées contre M. [K] :
- Le 4 novembre 2019 Mme [T] a déposé une plainte pour abus de confiance envers sa société en visant un achat de carburant le 27 octobre 2019 pour la somme de 39,52 euros ;
- Dans un courrier du 19 avril 2021 au procureur de la république de Nantes, le conseil de Mme [T] et de la société TFM signale :
II (M. [K]) a détourné à son profit personnel des sommes et biens appartenant à la société TFM.
En mai 2019, Monsieur [K] a volé en tout 23.800 €, par virements exécutés entre le 7 et le 31 mai 2019.
D'autres virements pour un montant total de 44.000 € ont été rejetés par la banque.
Madame [T] a déposé plainte contre lui, à ce sujet, le 29 juin 2019.
II a volé à la société TFM :
- un scooter X-MAX immatriculé [Immatriculation 7]1 d'une valeur de 5.000 € TIC.
- un ordinateur Imac d'une valeur de 1.699 € TTC
- un ordinateur Mac Book Air d'une valeur de 899 € TTC
Madame [T] a déposé plainte contre lui, à ce sujet, le 21 août 2019 (pièce 7).
- Les 3 et 4 novembre 2019, Madame [T] a déposé plainte pour les faits suivants (pièces 8 et 9) :
[P] [K] a convaincu son fils [I] [K], de faire le plein d'essence de sa voiture personnelle avec la carte essence TOTAL appartenant à la société TFM.
Le véhicule a été identifié sans aucun doute comme étant celui appartenant à [P] [K].
II s'agit d'un vol et recel de vol au préjudice de la SAS TFM.
Comme l'indique la société TFM le sursis à statuer ne s'impose que lorsque l'action publique a été mise en mouvement. Ce n'est pas le cas en l'espèce, l'issue de ces plaintes restant ignorée.
Il n'y a donc pas lieu à surseoir à statuer sur les demandes de la société TFM.
Le jugement est infirmé de ce chef.
La procédure abusive
M. [K] a fait assigner la société TFM devant le tribunal de commerce de Nantes le 4 octobre 2021 aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 30 256,76 euros correspondant au remboursement d'un prêt qu'il aurait accordé à la société en 2017, pour un montant total de 47 056,76 euros.
Dans ses écritures en désistement d'instance devant le tribunal de commerce en date du 30 septembre 2022, M. [K] explique :
Alors qu'il croyait en parfait bonne foi ne pas avoir été remboursé de l'intégralité des sommes prêtées à la société TFM, cette dernière a versé à l'appui de ses conclusions du 8 avril 2022 des éléments comptables qui permettent de constater que TFM aurait remboursé le montant restant dû sur les comptes personnels de M. [P] [K] et sur ses comptes joints avec Mme [T].
La société TFM affirme que dès la procédure ayant opposé les parties devant le conseil de prud'hommes saisi le 28 janvier 2020, M. [K] était informé que la société ne lui devait plus rien.
Pour étayer ses affirmations la société TFM verse un extrait des écritures de M. [K] devant le conseil de prud'hommes (deux pages sur 28) ainsi qu'un historique de ses comptes du 18 au 27 septembre 2017, annoté à la main.
Ces pièces ne permettent pas de confirmer que M. [K] aurait saisi la juridiction commerciale abusivement pour solliciter des remboursements dont il savait qu'ils ne lui étaient plus dus.
Elle communique aussi une attestation de son expert comptable du 8 avril 2022:
La SASU Transport Frigorifique de Marchandises TFM a procédé aux remboursements suivants imputés au débit du compte courant de madame [E] [T] présidente de la SASU Transport Frigorifique de Marchandises TFM :
- Le 20 juillet 2017 un virement libellé 'VIR CCM [Localité 6] d'un montant de 10 000 euros ;
- Le 20 juillet 2017 un virement libellé 'VIR MME [T] [E] OU MR d'un montant de 5 000 euros ;
- Le 20 juillet 2017 un virement libellé 'VIR M [P] [K] d'un montant de 10 000 euros ;
- Le 20 septembre 2017 un virement libellé 'VIR M [P] [K] ou MLE V d'un montant de 16 000 euros ;
- Le 27 septembre 2017 le chèque Numéro 62 d'un montant de 3 000 euros ;
- Le 26 octobre 2017 le chèque Numéro 69 d'un montant de 3 000 euros.
Le comptable indique que la société TFM a effectué des versements pour un montant total de 47 000 euros avant l'assignation introduite par M. [K] devant le tribunal de commerce .
Toutefois en raison de l'imprécision des destinataires des virements pour certains d'entre-eux et des conditions dans lesquelles ces versements ont été faits, la société TFM ne démontre pas que M [K] a agi abusivement devant le tribunal de commerce avec l'assurance d'être déjà rempli de ses droits.
La mise en demeure qu'il a faite parvenir à la société TFM le 13 septembre 2021 établit qu'avant toute action en justice, il entendait obtenir le remboursement des sommes qu'il considéraient comme lui étant dues, en dehors de toute procédure contentieuse.
En outre les conflits émaillant les relations entre M. [K] et Mme [T] dans le cadre de leur séparation ne suffisent pas non plus à établir l'abus de M. [K] dans son action en justice devant le tribunal de commerce à l'encontre de la société TFM.
Dans ces conditions il convient de rejeter la demande de la société TFM tendant à la condamnation de M. [K] à la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.
Le détournement de sommes d'argent
La société TFM affirme que M. [K] a détourné des sommes d'argent importantes en passant des ordres de virement bancaires vers son compte personnel en mai 2019 pour un total de 29 800 euros.
Dans le cadre de son audition devant la gendarmerie le 21 août 2019 Mme [T] en sa qualité de représentante de la société TFM indique notamment :
Je précise que j'ai également déposé plainte contre mon ex conjoint parce qu'il avait procédé à des virements des comptes de la société sur son compte personnel.
La plainte a été classée sans suite mais aucune vérification n'a été faite et je pense fair appel de cette décision puisque j'ai tous les éléments prouvant ce vol
Pour établir ces détournements elle verse une attestation de son expert comptable du 16 avril 2021 aux termes de laquelle :
Les chiffres d'affaires hors taxes ont été les suivants pour la période du ler avri1au 30juin 2019:
- Avril 2019 : 81 362.75 Euros
- Mai 2019: 71 136.93 Euros
- Juin 2019 : 57 440.00 Euros
Pendant la même période, les soldes des comptes bancaires au dernier jour du mois, ouverts au nom de la SASU T.F.M. ont été les suivants :
- Solde bancaire au 30/04/2019 : 64 376.59 Euros
- Solde bancaire au 31/05/2019 : 53 702.95 Euros
- Solde bancaire au 30/06/2019 : Euros
La trésorerie de la SASU TFM s'est dégradée suite au versement de sommes au cours du mois de mai 2019 sur le compte de monsieur [K] [P], salarié de la SASU TFM pour un montant total de 29 800.00 Euros (voir détail en annexe).
Cette attestation ne suffit pas à établir que ces versements ont été effectués frauduleusement au bénéficie de M. [K].
L'expert comptable de la société TFM précise en effet le 1er février 2021, que les consorts [K]/[T] administraient la société de concert sans que les rôles de chacun soit bien identifiés vis à vis des tiers :
...
Entre 1e 17 mars 2006 et le 7 juillet 2016, Monsieur [P] [K] et Madame [E] [T] avaient conjointement et régulièrement des contacts avec les collaborateurs de mon cabinet ou moi-même. Ils pouvaient être amenés 1'un comme l'autre à nous donner des instructions spécifiques en matière fiscale, sociale et juridique ou bien à répondre à nos différents questionnements.
Ce fonctionnement ne nous semblait pas particulièrement anormal compte tenu du lien familial unissant Monsieur [P] [K] et Madame [E] [T].
Le 19 décembre 2016, Madame [E] [T] a créée la SASU T.F.M. dont elle est devenue la présidente et 1'associée unique. Monsieur [P] [K] a été son salarié pendant les périodes suivantes :
- du 23 janvier 2017 au 30 novembre 2017 ;
- du 3 avril 2018 au 6 janvier 2020 ;
A la création de la SASU T.F.M., le fonctionnement administratif de Madame [E] [T] et de Monsieur [P] [K] est resté identique à ce qu'i1 avait été durant nos 10 années de collaboration pour la SARL T.S.A., notamment envers notre cabinet.
La procédure engagée par M. [K] devant le tribunal de commerce montre en outre que les transferts de fonds de comptes à comptes n'étaient pas rares.
Dans un tel contexte la demande de la société TFM tendant à voir condamner M. [K] à lui payer la somme de 29 800 euros n'est pas justifiée par des détournements frauduleux.
Elle est donc rejetée.
Les vols
La société TFM affirme que M. [K] se serait accaparé un scooter Yamaha T-MAX immatriculé [Immatriculation 8], appartenant à la société TFM d'une valeur de 5 000 euros qu'il aurait refusé de restitué, le véhicule ayant été revendu le 21 août 2019.
Elle ajoute que M. [K] aurait également dérobé un ordinateur Imac d'une valeur de 1.699 euros TTC et un ordinateur Mac Book Air d'une valeur de 899 euros TTC.
Dans sa déclaration aux gendarmes le 21 août 2019 pour le compte de la société TFM Mme [T] précise pourtant :
Je n'ai pas de preuves que c'est lui qui a volé le scooter et les ordinateurs mais je laisse vos services le découvrir avec les documents que je vous ai apporté
La société TFM ne verse aucune pièce de nature à établir que M. [K] aurait subtilisé le scooter et l'aurait revendu ni qu'il aurait dérobé les ordinateurs.
La demande de la société TFM tendant à voir condamner M. [K] à lui payer la somme de 7.598 euros en remboursement des objets volés euros est donc rejetée.
Le vol de carburant
La société TFM affirme que le fils de M [K], [I] [K] à la demande son père a utilisé la carte d'essence Total de la société pour le véhicule de son père pour un montant de 39,52 euros.
Elle verse les procès verbaux de la gendarmerie qui font suite à sa plainte qui montrent bien que le fils de M. [K] se trouvait à la station TOTAL de [Adresse 5] à [Localité 9] le 27 octobre 2019 ce qui coïncide avec l'utilisation de la carte le même jour au même endroit.
[I] [K] indique lui même le 16 juin 2020 que :
M. [K] [P] m'a demandé le 25 octobre 2019 et le 27 octobre 2019 de mettre du carburant et des bidons de AdBlue avec la carte Total de la société TFM dans la mercedes lui appartenant. Je lui ai dit je ne peux pas faire ça Il m'a répondu tant que je peux la niquer je la niquerais
La société TFM a fait état de ce grief dans sa lettre de licenciement de M. [K].
Le jugement du conseil de prud'hommes du 16 juillet 2021 précise à ce sujet:
S'agissant du grief n°1 de la lettre de licenciement, l'employeur justifie par des pièces probantes que le fils de Monsieur [K] a effectivement acheté du carburant dans une station-service aux dates invoquées en utilisant la carte essence de1'entreprise. Cependant, [I] [K] a attesté qu'il était autorisé par Madame [T] à acheter du carburant avec la carte TOTAL de la société dans le véhicule qu'il utilisait. Ce qu'il a fait en mettant du gasoil dans le véhicule qu'il avait emprunté à son père. Il est également dit qu'[I] a été licencié pour ces faits. I1 en résulte que Monsieur [K] ne peut être licencié pour les mêmes faits commis par un autre salarié, ni pour une prétendue complicité qui n'est pas démontrée. Il convient d'ailleurs de rajouter que le procureur de la République a, par décision du 22janvier 2020, classé la plainte déposée par Madame [T] à l' encontre de son beau-fils [I] [K] pour infraction insuffisamment caractérisée. Ce grief sera par conséquent écarté.
Le jugement met en évidence les contradictions d'[I] [K] qui indique que Mme [T] autorisait ses pratiques puis qu'il n'agissait qu 'à la demande de son père.
En outre la complicité de vol et/ou le recel de vol ne peuvent être retenus contre M. [K] père que si le fils est reconnu auteur principal. Ce n'est pas le cas en raison du classement sans suite évoqué dans le jugement du conseil de prud'hommes.
La demande de la société TFM tendant à voir condamner M. [K] à lui payer la somme de 39,52 euros est donc rejetée.
Le préjudice matériel complémentaire
La société TFM sollicite la somme de 15 000 à titre de dommages et intérêts indiquant que toutes ces malversations ont généré des frais de gestion et des frais de justice qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société TFM.
Les frais de justice sont compris dans les sommes attribués au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les frais de gestion sont d'autant moins justifiés que la société TFM est déboutée de toutes ses demande financières.
La demande de la société TFM est donc rejetée.
Le préjudice moral
La société TFM sollicite la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral indiquant que Mme [T] es qualités subit un préjudice en raison des infraction pénales qui ont mis en danger la société.
Au regard des développements supra cette demande n'est pas justifiée. Elle est rejetée.
Les demandes annexes
Il n'est pas inéquitable de rejeter les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société TFM est condamnée au dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour confirme le jugement en ce qu'il a :
Constaté le désistement de Monsieur [P] [K] de ses demandes en remboursement auprès de la société TRANSPORT FRIGORIFIQUE DE MARCHANDISES mettant fin à la présente instance ;
Débouté la société TRANSPORT FRIGORIFIQUE DE MARCHANDISES de ses demandes d'amende civile et de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile.
Infirme le jugement pour le surplus.
Statuant à nouveau :
- Rejette toutes les autres demandes des parties;
- Condamne la société TFM aux dépens de première instance et d'appel
LE GREFFIER LE PRESIDENT