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02/07/2024 | FRANCE | N°21/05028

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 02 juillet 2024, 21/05028


2ème Chambre





ARRÊT N° 247



N° RG 21/05028 - N° Portalis DBVL-V-B7F-R5BY



(Réf 1ère instance : 17/01660)



(3)





S.A.R.L. ITAL DISTRIB



C/



M. [T] [F]

S.A. FINANCO



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée



le :



à :
<

br>- Me Christophe HENRION

- Me Etienne BOITTIN

- Me Julie FAGE











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 JUILLET 2024



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assess...

2ème Chambre

ARRÊT N° 247

N° RG 21/05028 - N° Portalis DBVL-V-B7F-R5BY

(Réf 1ère instance : 17/01660)

(3)

S.A.R.L. ITAL DISTRIB

C/

M. [T] [F]

S.A. FINANCO

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Christophe HENRION

- Me Etienne BOITTIN

- Me Julie FAGE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 JUILLET 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Ludivine BABIN, lors des débats et Madame Aïchat ASSOUMANI, lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 Décembre 2023

ARRÊT :

Rendu par défaut, prononcé publiquement le 02 Juillet 2024, après prorogations, par mise à disposition au greffe

****

APPELANTE :

S.A.R.L. ITAL DISTRIB

[Adresse 9]

[Localité 1]

Représentée par Me Christophe HENRION, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Augustin de GROMARD, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Monsieur [T] [F]

né le 03 Juin 1968 à [Localité 10]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Etienne BOITTIN de la SELARL AVOCATLANTIC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

S.A. FINANCO

[Adresse 11]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Julie FAGE de la SCP AVOCATS DU PONANT, Postulant, avocat au barreau de BREST

Représentée par Me Manon LEPARMANTIER, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

INTERVENANTE FORCEE :

SELARL [U], représentée par Me [Z] [U], ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ITAL DISTRIB

[Adresse 6]

[Localité 2]

N'ayant pas constitué avocat, assigné(e) par acte d'huissier le 27 octobre 2023 à étude

2

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 11 avril 2016, dans le cadre d'une foire à [Localité 8], M et Mme [F] ont signé un bon de commande avec la société Ital Distrib portant sur la fourniture et la pose d'une cuisine amenagée au prix de 15 000 euros. Ils ont réglé un acompte de 3 000 euros à la commande.

Le 10 octobre 2016, les parties ont signé un nouveau bon de commande envoyé par courrier par la société Ital Distrib, pour la fourniture et la pose d'une cuisine aménagée pour le prix de 15 000 euros dont 8 000 euros à titre d'acompte et réglable lors de la livraison.

Le 23 novembre 2016, la société Ital Distrib a fait parvenir aux époux [F] un dossier de financement auprès de la société Financo avec une offre de prêt pré-remplie mentionnant un prix au comptant de 12 000 euros et un financement demandé pour 7 000 euros.

Le 12 décembre 2016, M et Mme [F] ont refusé la livraison des éléments de cuisine en raison d'une non conformité. Ils se sont également opposés aux frais de livraison pour 440 euros.

Une nouvelle livraison a eu lieu les 18 et 19 janvier 2017. Certains éléments de la cuisine ont été installés entre le 19 et le 21 janvier 2017.

Le 25 janvier 2017, les époux [F] ont fait constater, par huissier de justice, le non achèvement des travaux. Ils ont refusé de signer le bon de réception, daté du 18 janvier 2017 que leur a adressé la société Financo. Ils ont néanmoins reçu le même jour un courrier les informant du déblocage des fonds.

Une réunion d'expertise contradictoire a confirmé les malfaçons relevées par l'huissier mais aucun accord n'est intervenu entre les parties.

Par actes d'huissier en date des 7 et 15 septembre 2017, M [F] a assigné la société Ital Distrib et la société Financo, devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire en nullité des contrats de vente et de crédit à titre principal et en résolution judiciaire de ces contrats à titre subsidiaire.

Par jugement en date du 1er avril 2021, le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire a :

- prononcé la nullité du contrat de vente signé le 19 octobre 2016 entre M. [F] et la société Ital Distrib,

- prononcé la nullité du contrat de crédit affecté entre M. [T] [F] et la société Financo signé le 18 novembre 2016 par M. [F] et le 18 janvier 2017 par la société Financo,

- condamné M. [T] [F] à restituer à la société Ital Distrib la cuisine objet du contrat du 19 octobre 2016 aux frais de la société Ital Distrib,

- dit que la société Ital Distrib devra venir chercher la cuisine au domicile de M. [T] [F],

- condamné la société Ital Distrib à verser à M. [T] [F] la somme de 15 000 euros,

- débouté la société Financo de sa demande en restitution du capital emprunté,

- débouté M. [T] [F] de sa demande de condamnation de la société Financo à lui rembourser toute somme perçue de sa part en remboursement du prêt,

- condamné la société Ital Distrib à payer à M. [T] [F] la somme de 957,08 euros au titre des frais de remise en état,

- condamné la société Ital Distrib à payer à M. [T] [F] la somme de 309,20 euros au titre des frais d'huissier,

- débouté M. [T] [F] de sa demande au titre du préjudice de jouissance,

- condamné la société Ital Distrib à payer à M. [T] [F] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les demandes formées par la société Ital Distrib et la société Financo sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Ital Distrib aux entiers dépens,

- rejeté les demandes formées par la société Ital Distrib et la société Financo s'agissant des dépens.

Par déclaration en date du 3 août 2021, la société Ital Distrib a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 22 novembre 2021, la société Ital Disrib demande à la cour de :

Vu les articles 1329 et suivants du code civil,

Vu l'article L. 121-97, les articles L. 221-18 et suivants du code de la consommation,

Vu la directive UE 2011/83 du 25 octobre 2011 transposée à l'article L. 221-28 du code de la consommation,

Vu les articles 695 et suivants du code de procédure civile,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

prononcé la nullité du contrat de vente signé le 19 octobre 2016,

condamné M. [T] [F] à restituer à la société Ital Distrib la cuisine objet du contrat du 19 octobre 2016 aux frais de la société Ital Distrib,

dit que la société Ital Distrib devra venir chercher la cuisine au domicile de M. [T] [F],

condamné la société Ital Distrib à verser à M. [T] [F] la somme de 15 000 euros,

condamné la société Ital Distrib à payer à M. [T] [F] la somme de 957,08 euros au titre des frais de remise en état,

condamné la société Ital Distrib à payer à M. [T] [F] la somme de 309,20 euros au titre des frais d'huissier,

condamné la société Ital Distrib à payer à M. [T] [F] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté les demandes formées par la société Ital Distrib sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Ital Distrib aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

- débouter M. [F] de sa demande en nullité des bons de commande signés les 11 avril 2016 et 19 octobre 2016,

- débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes subséquentes,

- condamner M. [F] à payer à la société Ital Distrib la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par ses dernières conclusions signifiées le 2 mai 2022, la société Financo demande à la cour de :

Vu l'article 1165 (ancien) du code civil,

Vu l'article 1182 du code civil,

Vu les articles 1347 et suivants du code civil,

Vu l'article L. 312-48 du code de la consommation,

Vu l'article L. 312-55 du code de la consommation,

- réformer le jugement rendu le 1er avril 2021 par le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire en ce qu'il a :

prononcé la nullité du contrat de vente signé le 19 octobre 2016 entre M. [F] et la société Ital Distrib,

prononcé la nullité du contrat de crédit affecté entre M. [T] [F] et la société Financo signé le 18 novembre 2016 par M. [F] et le 18 janvier 2017 par la société Financo,

débouté la société Financo de sa demande en restitution du capital emprunté,

rejeté les demandes formées par la société Ital Distrib et la société Financo sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté les demandes formées par la société Ital Distrib et la société Financo s'agissant des dépens,

Statuant à nouveau,

- débouter M. [T] [F] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire, en cas de nullité ou de résolution du contrat de vente et celle subséquente du contrat de crédit,

- condamner M. [T] [F] à restituer à la société Financo le capital prêté soit la somme de 7 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à venir,

- ordonner la compensation entre les créances réciproques par application des dispositions des articles 1347 et suivants du code civil,

En tout état de cause,

- confirmer le jugement rendu le 1er avril 2021 par le tribunal judiciaire de Saint Nazaire sur ses autres dispositions,

- condamner M. [T] [F] à verser la somme de 2 000 euros à la société Financo au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le même aux dépens de première instance et d'appel.

Le 30 mai 2022, le conseiller de la mise en état a proposé aux parties un recours à la médiation pour régler leur litige.

Par jugement du 25 juillet 2023, une procédure de redressement judiciaire a été prononcée en faveur de la société Ital Distrib.

Par jugement du 4 octobre 2023, la société Ital Distrib a été placée en liquidation judiciaire. Le 13 octobre 2023, M. [F] a déclaré sa créance entre les mains du mandataire liquidateur et sollicité le relevé de forclusion auprès du juge commissaire.

Par acte d'huissier en date du 27 octobre 2023, il a assigné en intervention forcée le mandataire liquidateur de la société Ital Distrib.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 13 octobre 2023, M. [F] demande à la cour de :

Vu l'article L. 221-1 du code de la consommation,

Vu les articles L. 111-1, L. 221-5,L. 221-8 à L. 221-10 et L. 242-1 du code de la consommation,

Vu l'article L. 224-62 du code de la consommation,

Vu les articles L. 312-19, L. 312-28,L. 312-51 et R. 312-10 du code de la consommation,

Vu l'article L. 312-55 du code de la consommation,

Vu les articles 1182, 1224 et 1227 à 1229 du code civil,

Vu les articles L.217-4, L. 217-5 et L. 217-10 du code de la consommation,

- déclarer M. [F] recevable et bien fondé en ses demandes, fins et conclusions,

A titre principal,

- confirmer le jugement du 1er avril 2021, rendu par le tribunal judiciaire de Saint Nazaire en toutes ses dispositions à l'exception des dispositions suivantes :

dit que la société Ital Distrib devra venir chercher la cuisine au domicile de M. [T] [F],

déboute M. [T] [F] de sa demande au titre du préjudice de jouissance,

déboute M. [T] [F] de sa demande de condamnation de la société Financo à lui rembourser toute somme perçue de sa part en remboursement du prêt,

Statuant à nouveau sur ces points :

- dire que la Selarl [U] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ital Distrib devra procéder à l'enlèvement de la cuisine intégrée au domicile de M. [F] dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision à intervenir et dire que passé ce délai, M. [F] pourra faire procéder à son enlèvement et destruction aux frais de la Selarl [U] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ital Distrib,

- fixer à la somme de 3 000 euros la réparation du préjudice de jouissance et du préjudice moral de M. [F],

- condamner la société Financo à rembourser à M. [F] la somme de 7 000 euros correspondant au capital versé,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour infirme le jugement dont appel et statue à nouveau :

- prononcer la résolution du contrat de vente formé entre M. [F] et la société Ital Distrib,

- fixer à 15 000 euros le montant de la restitution due par la société Ital Distrib à M. [F],

- dire que la Selarl [U] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ital Distrib devra procéder à l'enlèvement de la cuisine intégrée au domicile de M. [F] dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision à intervenir et dire que passé ce délai, M. [F] pourra faire procéder à son enlèvement et destruction aux frais de la Selarl [U] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ital Distrib,

- fixer à la somme de 957,08 euros le montant dû par la société Ital Distrib à M. [F] au titre de la remise en état de l'immeuble,

- condamner la société Financo à rembourser à M. [F] la somme de 7 000 euros correspondant au capital versé,

- fixer à la somme de 3 000 euros la réparation du préjudice de jouissance et du préjudice moral de M. [F],

- fixer à la somme de 309,20 euros le remboursement des frais de constat d'huissier à M. [F],

En tout état de cause,

- débouter les sociétés Ital Distrib et Financo du surplus de leurs demandes,

- condamner la Selarl [U] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ital Distrib et la société Financo à verser à M. [F] une indemnité de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Selarl [U] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ital Distrib et la société Financo aux entiers dépens.

La Selarl [U], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Ital Distrib, n'a pas constitué avocat devant la cour.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 9 novembre 2023.

EXPOSÉ DES MOTIFS :

A titre liminaire, il sera rappelé que nonobstant le prononcé de la liquidation judiciaire de la société Ital Distrib et bien que le liquidateur n'ait pas constitué avocat, la cour demeure tenue par les conclusions valablement déposées par la société à une époque où elle était encore apte à se défendre seule.

Sur la nullité des contrats :

Il est constant que le 11 avril 2016, M et Mme [F] ont passé commande, auprès de la société Ital Distrib, pour la fourniture et l'installation d'une cuisine aménagée, modèle Oslo, avec de l'électroménager de marque Rosières, pour un prix total de 15 000 euros TTC. Il n'est pas contesté que ce bon de commande a été signé à la foire de [Localité 8], qu'un acompte de 3 000 euros a été payé à la commande, que le solde était payable à la livraison prévue pour la première quinzaine de novembre.

Il est également constant que le 19 octobre 2016, M et Mme [F] se sont vus adressés par la société Ital Distrib, par courrier, un bon de commande pour la fourniture et la pose d'une cuisine aménagée, modèle Onda, avec de l'électroménager de marque Smeg, pour un prix total de 15 000 euros TTC, comprenant un acompte de 6 000 euros à la commande et dont la livraison était prévue, première quinzaine de décembre. Ce bon de commande qui porte la mention 'annule et remplace le bon de commande du 11 avril 2016, a été signé par les époux [F].

Le 18 novembre 2016, M. [F] a signé, par l'intermédiaire de la société Ital Distrib, qui le lui avait envoyé, le contrat de crédit affecté de la société Financo, d'un montant de 7 000 euros, destiné au financement partiel de l'achat de la cuisine, pour un prix mentionné sur ce contrat de 12 000 euros.

La société Ital Distrib a reproché au premier juge d'avoir considéré que, par la signature du second bon de commande, il y avait eu novation de contrat. Elle a soutenu, dans ses conclusions, que ce second bon de commande n'était qu'une modification du premier bon de commande et que les parties n'avaient jamais eu la volonté de nover. Elle a fait valoir que la mention 'annule et remplace le bon de commande du 11 avril 2016" n'était qu'une maladresse de formulation, insuffisante à établir la volonté des parties de conclure un nouveau contrat. Elle a souligné qu'aux termes du premier bon de commande, toute annulation aurait eu pour effet d'entraîner le paiement d'une clause pénale, ce qui n'a pas été le cas, démontrant ainsi qu'elle n'avait pas entendu renoncer au premier contrat ce que les époux [F] avaient accepté.

Elle a donc exposé avoir favorablement répondu aux demandes d'aménagement des modalités de paiement du prix à la demande de M et Mme [F] qui n'avaient pas les moyens de payer le solde, prétendant que la livraison de la cuisine n'avait été repoussée qu'en raison du délai d'obtention du financement, délai pendant lequel les acquéreurs avaient souhaité porter leur choix sur une autre gamme de finition. Selon elle, le second bon de commande devait être considéré comme un avenant du premier contrat de vente, se contentant d'y apporter des modifications à la marge. Elle ajoute que l'absence de remboursement de l'acompte versé le 11 avril 2016 témoigne de ce que les parties n'ont pas voulu éteindre la première obligation.

Réfutant toute intention de nover de son côté et estimant que le premier juge n'avait pas caractérisé l'intention commune des parties sur ce point, la société Ital Distrib a sollicité l'infirmation du jugement. Poursuivant son argumentation selon laquelle seul le bon de commande signé lors de la foire de Nantes régissait les relations contractuelles des parties, elle a soutenu que les époux [F] ne disposaient pas d'un droit de rétractation de sorte que le tribunal ne pouvait en tirer argument pour annuler le bon de commande du 19 octobre 2016.

La société Finance a indiqué se joindre aux arguments du vendeur.

En réponse, Monsieur [F] soutient qu'il y a eu novation puisque son épouse et lui-même ont souhaité modifier l'essentiel du contrat pour lui en substituer un autre. Il fait valoir d'une part, qu'ils n'ont pas souhaité mettre fin aux relations contractuelles avec la société Ital Distrib mais conclure un nouveau contrat en modifiant l'ensemble des éléments du premier contrat à l'exception du prix, les modalités de paiement et de livraison. Il souligne notamment que la commande dans ce deuxième contrat était payée partiellement au moyen d'un crédit alors que le premier contrat prévoyait un paiement comptant.

Il apparaît en effet que si le contrat signé le 19 octobre 2016 a également pour objet la fourniture et l'installation d'une cuisine équipée par la société Ital Distrib au domicile des époux [F] pour la somme de 15 000 euros, les modalités de paiement de ce contrat de vente sont modifiées de manière substantielle, puisque l'achat est financé partiellement par un crédit et donne lieu à l'acceptation par M. [F] d'un contrat de crédit affecté. De surcroît, ce contrat mentionne un acompte de 6 000 euros, ce qui revient à totaliser les deux acomptes de 3 000 euros prévus dans les conditions particulières de chaque contrat, démontrant ainsi, par cette mention, que ce deuxième contrat n'est pas un avenant au premier puisque dans une telle hyptohèse, aucun autre acompte n'aurait été exigé.

Il se déduit de ces modalités de paiement et des circonstances dans lesquelles a été signé le deuxième bon de commande, outre les modifications relatives au choix du modèle de cuisine et de marque de l'électroménager, que les parties ont bien eu l'intention de nover en contractant une deuxième fois le 19 octobre 2016, ainsi qu'en atteste d'ailleurs la mention 'annule et remplace le bon de commande du 11 avril 2016". Leurs relations contractuelles se trouvent donc régies par ce seul contrat.

C'est donc à juste titre que le premier juge a non seulement retenu la novation mais également considéré, que conclu à domicile, donc hors établissement, ce second bon de commande devait comporter un formulaire de rétractation. La société Ital Distrib n'a d'ailleurs jamais contesté l'absence de ce formulaire, continuant à soutenir que seul le premier bon de commande signé lors d'une foire devait s'appliquer de sorte que les acquéreurs ne disposaient pas d'un droit de rétractation.

De surcroît, alors qu'aux termes de l'article L. 221-10 du code de la consommation, le professionnel ne peut recevoir aucun paiement pendant un délai de sept jours à compter de la conclusion d'un contrat hors établissement, la société Ital Distrib a perçu le versement d'un acompte dès la commande pour ce second contrat.

Or, il apparaît que dès le 23 janvier 2017, soit deux jours après la livraison de la cuisine, M et Mme [F] ont fait part de leur mécontentement à la société Ital Distrib, refusant même la réception des travaux. Par exploit d'huissier en date du 25 janvier 2017, les époux [F] ont fait constaté des désordres et le non-achèvement des travaux. Après expertise amiable, ils ont, par l'intermédiaire de leur conseil, adressé à la société Ital Distrib une mise en demeure pour le remboursement des sommes versées, se prévalant d'irrégularités affectant le contrat et d'une mauvaise exécution de celui-ci.

Il s'ensuit qu'ils n'ont jamais entendu ratifier les irrégularités affectant le contrat de vente.

Le tribunal ne peut donc qu'être approuvé pour avoir prononcé la nullité du contrat de vente et partant la nullité du contrat de crédit affecté en application de l'article L. 312-55 du code de la consommation.

Sur les conséquences de la nullité des contrats :

S'agissant du contrat de vente, la nullité a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure, de sorte qu'elle doit entraîner la restitution des prestations reçues de part et d'autre.

Mais la liquidation judiciaire interdit de confirmer la condamnation de M. [F] à restituer la cuisine à la société Ital Distrib qui a cessé son activité, et de dire à celle-ci de venir chercher la cuisine au domicile de l'intimé. Du fait de l'annulation du contrat de vente, M. [F] ne peut être autorisé à se débarrasser des matériels vendus après les avoir tenus pendant un délai de trois mois à la disposition de la Selarl [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Ital Distrib, une telle disposition contrevenant au droit de propriété.

La liquidation judiciaire interdit également la confirmation de la condamnation de l'appelante à verser à M. [F] la somme de 15 000 euros au titre de la restitution du prix, la somme de 957,08 euros au titre des frais de remise en état et la somme de 309,20 euros au titre des frais d'huissier. M. [F] ayant déclaré sa créance entre les mains du mandataire liquidateur, il convient de fixer ces sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société Ital Distrib comme demandé par l'intimé.

M. [F] a été débouté par le tribunal de sa demande de réparation d'un préjudice de jouissance et d'un préjudice moral au motif qu'il ne justifiait pas des nombreuses démarches justifiant ce préjudice. En appel, faisant valoir qu'il se trouve privé d'une cuisine fonctionnelle et que sa maison présente des dégradations constatées par l'huissier et l'expert, il sollicite la fixation de la somme de 3 000 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société Ital Distrib en réparation de son préjudice de jouissance et moral.

Mais compte tenu de l'annulation du contrat de vente et de la fixation de la somme de 15 000 euros au titre de la restitution du prix de vente et de la somme de 957,08 euros au titre des frais de remises en état au passif de la liquidation judiciaire qui replacent les parties dans l'état antérieur à la vente, aucun préjudice de jouissance ou moral résultant du non achèvement des travaux ne peut être retenu et indemnisé. Le tribunal sera confirmé pour avoir débouté M. [F] de sa demande en réparation.

S'agissant du contrat de prêt, la société Financo a effectivement commis une faute en procédant au déblocage des fonds malgré les irrégularités affectant le contrat de vente et malgré la non-réception des travaux même s'il résulte des pièces produites par le prêteur que M. [F] a signé au 18 juin 2017, la demande de financement entraînant le déblocage des fonds.

Tenue de statuer dans les limites des prétentions des parties, la cour ne peut qu'observer que M. [F], qui a désormais réglé l'ensemble des échéances du prêt, demande la condamnation de la société Financo à lui rembourser la somme de 7 000 euros correspondant au capital prêté tout en demandant la fixation au passif de la liquidation de la société Ital Distrib de la somme de 15 000 euros en restitution du prix.

Or, en l'état de l'annulation du contrat de vente et alors qu'il a été fait droit à sa demande de fixation au passif de la société Ital Distrib de la somme de 15 000 euros, l'intimé ne peut prétendre au remboursement du capital prêté, le préjudice allégué, à savoir le paiement du crédit malgré l'existence des désordres affectant la cuisine, n'étant pas de surcroît, en lien direct et certain avec la faute de l'organisme de crédit. La nullité du contrat de crédit ne pourrait tout au plus qu'entraîner la restitution des intérêts et frais perçus en exécution du prêt. Or, il s'agit d'un prêt à taux 0, sans aucun frais de sorte que l'intimé ne subit aucun préjudice. Il sera donc débouté de sa demande de remboursement du capital prêté.

Sur les demandes accessoires :

Le présent arrêt confirmant le jugement dans ses dispositions principales, les dépens et frais irrépétibles seront également confirmés.

Partie succombante devant la cour, la Selarl [U], qui a repris et poursuivi l'appel dont la société Ital Distrib avait à tort pris l'initiative, sera condamnée aux dépens d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [F] l'intégralité des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés à l'occasion de l'instance d'appel. Aussi, il convient de condamner in solidum la Selarl [U] ès qualités de mandataire liquidateur de la société Ital Distrib et la société Financo à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme le jugement rendu le 1er avril 2021 par le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire sauf en ce qu'il a :

condamné M. [T] [F] à restituer à la société Ital Distrib la cuisine objet du contrat du 19 octobre 2016 aux frais de la société Ital Distrib,

dit que la société Ital Distrib devra venir chercher la cuisine au domicile de M. [T] [F],

condamné la société Ital Distrib à verser à M. [T] [F] la somme de 15 000 euros,

condamné la société Ital Distrib à payer à M. [T] [F] la somme de 957,08 euros au titre des frais de remise en état,

condamné la société Ital Distrib à payer à M. [T] [F] la somme de 309,20 euros au titre des frais d'huissier,

débouté la société Financo de sa demande en restitution du capital emprunté,

Statuant à nouveau sur ces points :

Fixe au passif de la liquidation de la société Ital Distrib :

la somme de 15 000 euros au titre de la restitution du prix au passif de la société,

la somme de 957,08 euros au titre des frais de remise en état,

la somme de 309,20 euros au titre des frais d'huissier,

Déboute M. [F] de sa demande en restitution du capital prêté à l'encontre de la société Financo,

Condamne in solidum la Selarl [U] prise en la personne de Mme [Z] [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Ital Distrib et la société Financo à payer à M [F] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Selarl [U] prise en la personne de Mme [Z] [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Ital Distrib, aux dépens d'appel,

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/05028
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;21.05028 ?
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