1ère chambre
ARRÊT N°200
N° RG 21/04955
N° Portalis DBVL-V-B7F-R4UD
(Réf 1ère instance : 09/01212)
Mme [F] [A] [B] [D]
M. [Y] [S] [K] [T]
C/
M. [U] [T]
M. [J] [P]
M. [Y] [P]
Mme [W] [P]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 2 JUILLET 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre entendue en son rapport,
Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 6 février 2024
ARRÊT :
réputé contradictoire, prononcé publiquement le 2 juillet 2024 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 16 avril 2024 à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Madame [F] [A] [B] [D]
née le [Date naissance 8] 1951 à [Localité 19] (86)
Chez Monsieur [Y] [T]
[Adresse 12]
[Localité 17]
Monsieur [Y] [S] [K] [T]
né le [Date naissance 6] 1979 à [Localité 21] (44)
[Adresse 12]
[Localité 17]
Représentés par Me Morgane ONGIS, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉS :
Monsieur [U] [T]
né le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 20] (49)
[Adresse 2]
[Localité 21]
Représenté par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Karine DUMONT de la SELARL DUMONT-BIGOT, plaidant, avocat au barreau de NANTES
Monsieur [J] [P]
né le [Date naissance 11] 1987 à [Localité 21]
[Adresse 4]
[Localité 16]
Représenté par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, avocat au barreau de RENNES
Monsieur [Y] [P]
né le [Date naissance 5] 1989 à [Localité 22]
[Adresse 4]
[Localité 16]
non constitué
Madame [W] [P] es qualité d'administratrice légale de sa fille mineure [Z]
[Adresse 4]
[Localité 16]
non constitué
FAITS ET PROCÉDURE
1. [K] [T] a contracté mariage en secondes noces avec [F] [D] le [Date mariage 1] 1979 par devant l'officier d'état civil de [Localité 24] (44). Le mariage avait été précédé d'un contrat de séparation de biens reçu le 29 janvier 1979 par maître [M], notaire à [Localité 21].
2. Par acte du 27 juillet 1990 au rapport de maître [X], notaire à [Localité 21], homologué par jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 4 mars 1991, les époux ont opté pour un régime de communauté universelle avec attribution intégrale au conjoint survivant.
3. Par jugement du 18 février 1997, le tribunal de grande instance de Nantes a prononcé le divorce des époux aux torts exclusifs de [F] [D], la décision faisant rétroagir les effets du divorce au 25 juin 1993.
4. Il n'a pas été procédé à la liquidation du régime matrimonial des époux.
5. [K] [T] est décédé le [Date décès 10] 2004 à [Localité 23] laissant pour lui succéder :
- de son premier mariage avec [O] [G] :
- son fils [U] [T],
- ses petits-enfants [J] [P], [Y] [P], [Z] [P] venant aux droits de leur père [E] [T] décédé le [Date décès 7] 1999,
- de son second mariage avec [F] [D] :
- son fils [Y] [T].
6. Par acte du 23 février 2009, [U] [T], [J] [P], [Y] [P] et [Z] [P], alors mineure et représentée par sa mère [W] [P], en qualité d'administratrice légale sous contrôle judiciaire de sa fille, ont fait assigner [F] [D] et [Y] [T] devant la présente juridiction aux fins notamment de voir ordonner les opérations de liquidation et de partage du régime matrimonial des époux [T]-[D] et de la succession de [K] [T].
7. Par jugement du 7 juillet 2011, le tribunal de grande instance de Nantes a :
- constaté que l'ouverture des comptes liquidation de la communauté ayant existé entre [K] [T] et [F] [D] avait déjà été ordonnée,
- ordonné l'ouverture du partage de la succession de [K] [T],
- commis le président de la chambre départementale des notaires de Loire-Atlantique ou son délégué pour procéder aux opérations de liquidation partage de la communauté ayant existé entre [K] [T] et [F] [D] et de la succession de [K] [T], sous la surveillance du juge de la mise en état de la 1ère chambre civile du tribunal de grande instance de Nantes
- dit que [F] [D] ne pourra prétendre aux avantages résultant du régime de la communauté universelle, les ayant droits de [K] [T] pouvant seuls y prétendre,
- ordonné la reprise au nom de feu [K] [T] du fonds de commerce exploité sous l'enseigne 'Art de la Table',
- débouté, par conséquent, [F] [D] de sa demande d'attribution préférentielle dudit fonds commerce,
- dit que [F] [D] est redevable d'une indemnité d'occupation relative aux locaux sis [Adresse 14] à [Localité 24] jusqu'au jour du partage dans le respect de la prescription quinquennale,
- ordonné une expertise confiée à [R] [H] afin de déterminer la valeur du fonds de commerce exploité actuellement par [F] [D] sous l'enseigne 'Art de la Table' sis à [Localité 24].
8. Sur appel interjeté par [F] [D] et [Y] [T], la cour d'appel de Rennes a, par arrêt du 12 février 2013, confirmé le jugement de première instance et a complété la mission de l'expert pour qu'il détermine le montant de l'indemnité due par [F] [D] pour l'occupation exclusive des locaux situés [Adresse 13] à [Localité 24].
9. Le 4 novembre 2013, le président de la chambre départementale des notaires de Loire-Atlantique a commis maître [N] [I], notaire à [Localité 18], en ses lieu et place pour procéder aux opérations de liquidation partage de la communauté ayant existé entre [K] [T] et [F] [D] et de la succession de [K] [T].
10. [L] [V], expert désigné, a déposé son rapport le 8 juillet 2013.
11. Sur la base de celui-ci, le tribunal de grande instance de Nantes a, par jugement du 5 février 2015 :
- dit que [F] [D] devait la somme de 8.000 € à l'indivision successorale de feu [K] [T] au titre de la valeur du fonds de commerce 'Art de la Table',
- condamné [F] [D] à payer à l'indivision successorale de feu [K] [T] la somme de 325.000 € au titre de l'indemnité d'occupation pour les locaux situés [Adresse 13] à [Localité 24],
- dit que ces condamnations porteront intérêt au taux légal à compter du 8 juillet 2013 et que les intérêts échus pour plus d'une année bénéficieront des dispositions de l'article 1154 du code civil,
- dit que le notaire liquidateur intégrera ces condamnations aux opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté de biens qui a existé entre [K] [T] et [F] [D] ainsi qu'aux actes de liquidation de la succession de [K] [T].
12. Le 27 juin 2016, maître [I] a établi un procès-verbal d'ouverture des opérations de liquidation de communauté et de succession.
13. Le 17 octobre 2016, il a reçu l'acte de notoriété à la suite du décès de [K] [T].
14. Le 30 avril 2019, maître [I] a établi un projet d'acte de liquidation partage de la communauté et de la succession qu'il a adressé aux parties.
15. [Y] [T] étant absent et [F] [D] étant en désaccord avec le projet d'acte liquidatif, le notaire a dressé le 20 mai 2019, un procès-verbal de difficultés.
16. Le 2 juillet 2019, le juge commis a fait savoir aux parties que compte tenu des données du litige, il n'entendait pas les convoquer pour une tentative de conciliation sauf demande expresse de leur part. Il les invitait à déposer des conclusions pour que l'affaire soit évoquée lors d'une audience de mise en état.
17. Par jugement du 10 juin 2021, le tribunal judiciaire de Nantes a :
- débouté [F] [D] et [Y] [T] de leurs demandes,
- homologué l'acte de liquidation de la communauté ayant existé entre [K] [T] et [F] [D] et de liquidation de la succession de [K] [T] établi par maître [I] le 20 mai 2019,
- dit que la somme de 57.556,43 € correspondant aux intérêts légaux dus par [F] [D] sur la somme de 325.000 € telle qu'arbitrée par jugement du tribunal de grande instance de Nantes en date du 5 février 2015 au titre de l'indemnité d'occupation figurera à l'actif de la succession de [K] [T],
- débouté [F] [D] et [Y] [T] de leur demande au titre de l'article 700 du code procédure civile,
- condamné [F] [D] et [Y] [T] à payer à [U] [T], [J] [P], [Y] [P] et [Z] [P] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire seront employés en frais privilégiés de partage,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
18. Le tribunal a essentiellement retenu que :
- s'agissant de l'indemnité revendiquée par [F] [D] au titre de la création et de la conservation d'un bien propre de son défunt mari, cette même demande a été rejetée par un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nantes le 5 février 2015 qui a l'autorité de la chose jugée, outre que sur le fond, la preuve du remboursement de l'emprunt par [F] [D] n'était pas rapportée, qu'elle avait prélevé dans la trésorerie de ce commerce la somme de 383.000 francs en 1994, qu'elle avait perdu le bénéfice de la communauté universelle du fait du divorce à ses torts exclusifs,
- s'agissant de la créance de [U] [T] à l'égard de l'indivision, la somme de de 2.932,40 € a été à juste titre retenue par maître [I] au titre des charges de copropriété et fonds de réserve pour le local sis [Adresse 9] à [Localité 24] pour 755,98 €, des assurances des deux biens immobiliers pour 1.510,17 € et de l'eau potable pour 666,25 €, cette dernière dépense apparaissant sans conteste relever de la conservation du bien,
- s'agissant de la dette d'intérêts due par [F] [D] sur l'indemnité d'occupation de 325.000 €, maître [I] a transmis un tableau récapitulant le calcul des intérêts dus à compter du 8 juillet 2013 et arrêtés au 20 mai 2019 pour un montant total de 57.556,43 € tandis que [U] [T] n'avait abandonné cette créance qu'en l'absence de nouvelle procédure, ce qui n'était pas le cas,
- l'exécution provisoire était maintenue au regard de l'ancienneté du litige.
19. [F] [D] et [Y] [T] ont interjeté appel par déclaration du 29 juillet 2021.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
20. Les consorts [D]-[T] exposent leurs prétentions et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 10 novembre 2023 aux termes desquelles ils demandent à la cour de :
- infirmer le jugement déféré,
- statuant à nouveau :
- débouter les consorts [T] de leurs demandes,
- dire et juger que l'indivision successorale est redevable envers Mme [D] d'une indemnité de 212.870,77 € sauf à parfaire au titre de la constitution du patrimoine immobilier du défunt, augmentée de l'intérêt au taux légal à compter de chaque versement opéré, et correspondant aux sommes suivantes :
- le capital dépensé soit la somme de 54.937,40 €,
- les dépenses d'amélioration et de conservation pour 34.306,85 €,
- les charges de copropriété pour 1.211,01 €,
- les taxes foncières pour 94.769,02 €
- les cotisations d'assurance pour de 27.646,49 €,
- augmenté de l'intérêt au taux légal,
- dire et juger qu'il n'y a pas lieu d'inscrire en faveur de M. [U] [T] une créance de 2.932,40 € au compte d'administration de l'indivision successorale,
- condamner solidairement les consorts [T] à leur payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux dépens.
21. Ils soutiennent que :
- à compter du 1er mars 1993, Mme [D], qui a exploité seule le fonds de commerce Arts de la table, a réglé les charges de l'emprunt et de l'immeuble, soit un capital restant dû 369.262,60 F soit 54.937,40 €,
- Mme [D] a exposé des dépenses d'amélioration et de conservation de l'immeuble, soit :
- charges de copropriété pour 1.211,01 €,
- taxes foncières pour 94.769,02 €,
- cotisations d'assurance de 1993 à 2011 pour 27.646,49 €,
- elle produit à cette fin des relevés de compte bancaire,
- en revanche, doivent être exclus les abonnements en eau et en électricité.
22. M. [U] [T] expose ses prétentions et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 22 décembre 2023 aux termes desquelles il demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
* débouté les consorts [D]-[T] de leurs demandes,
* homologué l'acte de liquidation de la communauté [T]/[D] et de liquidation de la succession de [K] [T] établi par maître [I],
* dit que la somme de 57.556,43 € correspondant aux intérêts légaux dus par [F] [D] sur la somme de 325.000 € telle qu'arbitrée par jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 5 février 2015 au titre de l'indemnité d'occupation, figurera à l'actif de la succession de [K] [T],
*débouté [F] [D] et [Y] [T] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné les consorts [D]-[T] à leur payer la somme de 2.000 € au titre du code de procédure civile,
* dit que les dépens de première instance seront employés en frais privilégiés de partage,
- ce faisant,
- débouter les consorts [D]-[T] de leurs demandes,
- condamner in solidum les mêmes à leur payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux dépens avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.
23. Il soutient que :
- la demande de Mme [D] au titre des sommes prétendument réglées par elle au titre des biens immobiliers de M. [T], notamment concernant le règlement par elle seule à compter du 1er mars 1993 de l'emprunt contracté pour l'acquisition de l'immeuble sis [Adresse 15] et les charges afférentes à cet immeuble, a été tranchée de manière définitive par le tribunal de grande instance de Nantes dans son jugement en date du 5 février 2015,
- l'examen des 11 pièces numérotées 6 à 17 versées en cause d'appel pour justifier du bien-fondé de cette demande n'ont aucun caractère probant, les relevés de compte sont obscurs, l'origine et la destination des mouvements de fonds qui y figurent est inconnue, les montants qui y figurent ne correspondent à rien, les totaux présentés sont incompréhensibles,
- le montant des demandes de Mme [D] n'a cessé d'évoluer : 56.294 € dans un premier temps, puis 140.187,14 € dans ses conclusions récapitulatives de première instance et enfin 212.870,77 € dans ses dernières conclusions d'appel,
- Mme [D] a perdu les avantages de la communauté universelle de sorte que quand bien même la communauté aurait financé des travaux ou acquitté des charges d'emprunt ou taxes afférentes aux biens repris par l'époux innocent, elle ne peut faire valoir de droit à récompense à ce titre,
- le paiement de l'assurance habitation d'un immeuble indivis de même que le règlement des charges de copropriété qui ne sont pas relatives à l'occupation privative et personnelle d'un indivisaire constituent des dépenses nécessaires à la conservation de l'immeuble indivis et donnent lieu à indemnité sur le fondement de l'article 815-3 alinéa 1 du code civil, M. [U] [T] étant créancier de l'indivision successorale à hauteur de 2.932,40 € à ce titre,
- M. [U] [T] a indiqué être d'accord avec le projet de partage comme fidèle au jugement du 5 février 2015 et précisé avoir consenti un effort pour ne pas prendre en considération les intérêts de retard sur la créance due par Mme [D] mais que cette décision serait remise en cause lors d'une nouvelle procédure judiciaire, ce qui est le cas d'espèce.
24. [Y] et [Z] [T], devenue majeure, n'ont pas constitué avocat.
25. L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 9 janvier 2024.
26. Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.
MOTIFS DE L'ARRÊT
27. À titre liminaire, il convient de rappeler que l'office de la cour d'appel est de trancher le litige et non de donner suite à des demandes de 'constater', 'dire' ou 'dire et juger' qui, hors les cas prévus par la loi, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile lorsqu'elles sont seulement la reprise des moyens censés les fonder.
1) Sur l'indemnité revendiquée par [F] [D] au titre de la création et de la conservation d'un bien propre de son défunt mari
28. Mme [D] entend demander à la cour d'appel de dire que l'état liquidatif précise que les héritiers lui doivent la somme de 212.870,77 € qu'elle détaille de la manière suivante :
- le capital dépensé soit la somme de 54.937,40 €,
- les factures de dépenses d'amélioration et de conservation pour un montant de 34.306,85 € (pièce 2, factures de dépenses d'amélioration et de conservation de 1993 à 2004),
- les charges de copropriété pour un montant de 1.211,01 €,
- les taxes foncières pour un montant de 94.769,02 €,
- les cotisations d'assurance pour un montant de 27.646,49 €
- le tout augmenté de l'intérêt au taux légal à compter de chaque versement opéré, par application des dispositions de l'article 815-13 du code civil ou à défaut de celles de l'article 1538, ou encore de celles de l'article 1371 du code civil.
29. Elle estime que le remboursement de l'emprunt et le paiement des charges de l'immeuble par elle seule ont permis de créer et conserver l'immeuble commercial recueilli dans la succession de M. [T].
30. [U] [T] rappelle que ce point a été tranché de manière définitive par un jugement du 5 février 2015, objection à l'égard de laquelle Mme [D] ne formule aucune observation, ne citant pas même le jugement visé dans ses écritures.
31. De fait, dans ses conclusions devant le tribunal de grande instance, Mme [D] a soutenu qu'elle avait remboursé l'emprunt et payé les charges de l'immeuble seule depuis le 1er mars 1993, soit un capital de 56.294 € dont elle demandait le remboursement à due concurrence à l'indivision successorale.
32. Dans son jugement du 5 février 2015, le tribunal de grande instance de Nantes a rejeté cette demande reconventionnelle de Mme [D] au motif d'une part, que l'emprunt immobilier avait été souscrit le 28 octobre 1988 par les deux époux et qu'il n'était pas établi par Mme [D] qu'elle l'avait remboursé seule à compter du 1er mars 1993 et, d'autre part, s'agissant des dépenses d'amélioration, des charges de copropriété, des taxes foncières et des cotisations d'assurance, qu'elle avait perçu seule les bénéfices tirés du fonds de commerce qui y était exploité (les Arts de la Table).
33. La décision de rejet est devenue définitive en l'absence d'appel, notamment de la part de Mme [D], ce qu'elle ne conteste pas.
34. Le jugement, qui a retenu que les demandes de Mme [D] étaient frappées de l'autorité de la chose jugée, sera confirmé sur ce point.
2) Sur la créance de [U] [T] à l'égard de l'indivision
35. M. [U] [T] réclame la fixation d'une créance de 2.913,40 € sur l'indivision, se décomposant comme suit :
- charges de copropriété et fonds de réserve pour le local sis à [Adresse 25] du 10 juillet 1994 au 6 avril 2017 pour 755,98 €,
- assurances des deux biens immobiliers du 3 novembre 2014 au 6 mars 2017 pour 1.510,17 €,
- eau potable du 13 novembre 2015 au 25 juillet 2017 pour 666,25 €.
36. Le paiement de ces dépenses par M. [T] n'est pas contesté par Mme [D] qui estime néanmoins que les factures d'eau ne relèvent pas du périmètre de l'article 815-13 du code civil dès lors qu'elles n'ont pas contribué à son amélioration et ne sont que des dépenses de consommation.
37. L'article 815-13 alinéa 1 du code civil dispose que 'Lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés.'
38. Il est de jurisprudence constante que le paiement de l'assurance habitation d'un immeuble indivis de même que le règlement des charges de copropriété qui ne sont pas relatives à l'occupation privative et personnelle d'un indivisaire constituent des dépenses nécessaires à la conservation de l'immeuble indivis et donnent lieu à indemnité sur le fondement de l'article 815-3 alinéa 1 du code civil.
39. La cour d'appel apprécie souverainement le caractère nécessaire des dépenses de conservation d'un bien indivis (Civ, 1ère, 10 mai 2006, n° 03-19.001).
40. Par des motifs que la cour adopte, le tribunal a jugé que concernant les dépenses d'eau potable pour la période du 13 novembre 2013 au 25 juillet 2017 relatives à l'immeuble situé [Adresse 15] à [Localité 24], les factures d'eau-assainissement émanant de Nantes Métropole font apparaître qu'il n'y a plus eu de consommation d'eau depuis le 1er juin 2012 et que seul l'abonnement était facturé, le maintien d'un abonnement à l'eau potable comme à une source d'énergie étant considéré comme relevant sans conteste d'une dépense de conservation du bien.
41. Le jugement qui dit que maître [I] devait retenir cette créance dans le compte d'administration de [U] [T] sera confirmé sur ce point.
3) Sur la dette d'intérêts de [F] [D] sur l'indemnité d'occupation de 325.000 €
42. Les consorts [D]-[T] ont interjeté appel du jugement ayant homologué les liquidations de la communauté [T]-[D] et de la succession de [K] [T] qui intègrent la somme de 57.556 43 € à l'actif de la succession de [K] [T] au titre des intérêts dus par Mme [D] sur le montant des indemnités d'occupation mises à sa charge.
43. Bien qu'ayant saisi la cour de ce chef de jugement, ils ne concluent toutefois pas sur ce point.
44. Par des motifs que la cour adopte, le tribunal a relevé que si [U] [T] avait pu indiquer le 20 mai 2019 au notaire qui recueillait son avis sur le projet d'acte liquidatif qu'il pouvait faire un effort sur l'abandon des intérêts de retard, cet abandon était conditionné à l'absence de toute nouvelle procédure judiciaire, ce qui n'a pas été le cas puisque Mme [D] a refusé de signer le projet d'état liquidatif conduisant à l'établissement d'une procès-verbal de difficultés saisissant le juge.
45. Le jugement qui rejeté la demande des consorts [D]-[T] d'écarter les intérêts de retard et a homologué le projet des deux liquidations en intégrant la somme de 57.556 43 € à l'actif de la succession de [K] [T] sera confirmé sur ce point.
4) Sur l'amende civile
46. En application de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 €, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
47. Au cas particulier, il résulte des écritures et pièces des consorts [D]-[T] qu'ils n'ont pas répondu au moyen tiré de l'autorité de la chose jugée acquise de par le jugement du 5 février 2015, ne citant pas même ce jugement dans leurs écritures, et ce, alors que l'intimé M. [U] [T] a explicitement soulevé ce moyen. Ils n'ont pas non plus conclu sur le chef de jugement afférent aux intérêts dus sur les indemnités d'occupation ni répondu aux arguments de M. [U] [T] sur ce point, alors qu'ils ont expressément interjeté appel de ce chef de décision.
48. Il s'évince de ces constatations que les consorts [D]-[T] ont en réalité interjeté un appel dilatoire, non étayé sur les objections principales et, surtout, dans le but de bloquer les opérations de liquidation et partage de la communauté [D]-[T] dont il faut rappeler qu'elle est dissoute depuis le décès de M. [T] en 2004, sa succession étant également ouverte à compter de cette même date, et que les héritiers ont assigné en 2009 en liquidation et partage tant de la communauté que de la succession tandis que Mme [D] multiplie les recours pour retarder l'échéance d'avoir à payer la somme de 325.000 € au titre des indemnités d'occupation dues, outre les intérêts de retard dûs sur cette somme, condamnation pourtant devenue définitive depuis le jugement du 5 février 2025.
49. En considération de ces éléments, qui caractérisent une faute de la part des appelants dans l'exercice de l'appel, occasionnant un retard considérable dans le règlement de la succession au détriment des intimés, il convient de condamner in solidum les consorts [D]-[T] à payer une amende civile de 6.000 €.
5) Sur les dépens et les frais irrépétibles
50. Succombant, les consorts [D]-[T] supporteront les dépens d'appel.
51. Le jugement sera confirmé s'agissant des dépens de première instance qui, comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire, seront employés en frais privilégiés de partage.
52. Enfin, eu égard aux circonstances de l'affaire, il n'est pas inéquitable de condamner in solidum les consorts [D]-[T] à payer à M. [U] [T] la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles exposés par lui elle en appel et qui ne sont pas compris dans les dépens.
53. Le jugement sera confirmé s'agissant des frais irrépétibles de première instance tandis que les demandes des consorts [D]-[T] de ce chef seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Nantes du 10 juin 2021,
Condamne Mme [F] [D] et M. [Y] [T] aux dépens d'appel,
Condamne Mme [F] [D] et [Y] [T] in solidum à payer à [U] [T] la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel,
Condamne Mme [F] [D] et [Y] [T] in solidum à payer au Trésor public une amende civile d'un montant de 6.000 €,
Dit que le greffe transmettra à l'Agent Judiciaire de l'Etat une copie du présent arrêt aux fins de recouvrement de l'amende civile,
Rejette le surplus des demandes.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE