9ème Ch Sécurité Sociale
ARRÊT N°
N° RG 22/00123 - N° Portalis DBVL-V-B7G-SLV5
S.A. [5]
C/
CPAM DE LA LOIRE ATLANTIQUE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 26 JUIN 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre
Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère
Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère
GREFFIER :
Mme Adeline TIREL lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 17 Avril 2024
devant Madame Cécile MORILLON-DEMAY, magistrat chargé d'instruire l'affaire, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:
Date de la décision attaquée : 26 Novembre 2021
Décision attaquée : Jugement
Juridiction : Pole social du TJ de NANTES
Références : 19/02813
****
APPELANTE :
S.A. [5]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Morgane COURTOIS D'ARCOLLIERES de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Amélie FORGET, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA LOIRE ATLANTIQUE
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Mme [S] [M], en vertu d'un pouvoir spécial
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 29 juin 2018, la société [5] (la société) a complété une déclaration d'accident du travail, concernant M. [V] [L], salarié en tant que chauffeur-livreur, mentionnant les circonstances suivantes :
Date : 28 juin 2018 à 02h45 ;
Lieu de l'accident : [Adresse 1] [Localité 2], lieu de travail habituel ;
Nature de l'accident : selon les dires de la victime, en voulant passer un coup de raclette sur le pare-brise du camion, il s'est tordu la cheville ;
Siège des lésions : cheville ;
Nature des lésions : douleurs ;
Horaires de travail de la victime le jour de l'accident : 21h00 à 05h00 ;
Accident constaté le 28 juin 2018 par ses préposés, décrit par la victime.
Le certificat médical initial, établi le 28 juin 2018 par le docteur [C], fait état de 'marche dans un trou en faisant une livraison cette nuit, entorse LLE cheville gauche' avec prescription d'un arrêt de travail jusqu'au 5 juillet 2018.
La caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique (la caisse) a diligenté une instruction suite à la réception de ces documents, avec un délai complémentaire. Par courrier du 31 juillet 2018, dont la société a accusé réception le 2 août 2018, la caisse l'a informée de la clôture de l'instruction et de la possibilité de consulter les pièces du dossier.
Par décision du 20 août 2018, la caisse a notifié à la société la décision de prise en charge de l'accident du 27 juin 2018 au titre de la législation professionnelle.
Par courrier du 19 octobre 2018, contestant cette décision, la société a saisi la commission de recours amiable de la caisse puis, en l'absence de décision rendue dans les délais impartis, elle a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes le 30 novembre 2018.
Par jugement du 26 novembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes, désormais compétent, a :
- débouté la société de l'intégralité de ses demandes ;
- condamné la société aux dépens.
Par déclaration adressée le 7 janvier 2022 par courrier recommandé avec avis de réception, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 10 décembre 2021.
Par ses écritures parvenues au greffe le 27 juillet 2022, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris ;
- en conséquence, déclarer que la décision prise par la caisse de reconnaître le caractère professionnel de l'accident dont prétend avoir été victime M. [L] le 27 juin 2018 lui est inopposable.
Par ses écritures parvenues au greffe le 8 décembre 2022, auxquelles s'est référée et qu'a développées sa représentante à l'audience, la caisse demande à la cour de :
- confirmer purement et simplement le jugement entrepris ;
- déclarer opposable à la société la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident du 28 juin 2018 ;
- débouter la société de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires ;
- condamner la société aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le respect de la procédure contradictoire d'instruction
La société fait valoir que la décision de prise en charge de la caisse doit lui être déclarée inopposable à défaut pour cette dernière d'avoir respecté le principe contradictoire en ne respectant pas le délai légal de consultation du dossier dans le cadre de l'instruction de cet accident du travail.
L'article R.441-14 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009 applicable à l'espèce, dispose que : 'Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R.441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R.441-13'.
La Cour de cassation juge de façon constante que la caisse a satisfait à son
obligation d'information dès lors qu'elle a informé l'employeur de la clôture de l'instruction et l'a invité, préalablement à sa prise de décision, à consulter le dossier pendant un délai imparti, le mettant ainsi en mesure de prendre connaissance des éléments susceptibles de lui faire grief et de contester la décision (2e Civ. , 23 octobre 2008, pourvoi n° 07-18150 ; 14 février 2013, pourvoi n° 11-25.714).
Cette jurisprudence, antérieure à l'entrée en vigueur du décret 2009-938 du 29 juillet 2009 a été reprise depuis lors, notamment par deux arrêts du 13 mars 2014 dont l'un publié (2e Civ., 13 mars 2014, pourvoi n° 13-12.509, Bull., II, n° 69 et pourvoi n° 13-12.510).
Le délai de 10 jours francs institué par ce texte a invariablement pour point de départ le lendemain de la réception de la lettre de clôture.
Le délai laissé à l'employeur doit être suffisant pour lui permettre, de façon effective, de consulter le dossier, et, le cas échéant, de présenter ses observations, ainsi que pour garantir le caractère contradictoire de la procédure, sous peine d'inopposabilité de la décision de prise en charge.
En l'espèce, il est constant qu'à l'issue de l'instruction de la demande de reconnaissance de l'accident du travail de M. [L], la caisse a adressé à la société, par courrier du 31 juillet 2018 réceptionné le 2 août suivant, un avis l'informant de la fin de l'instruction du dossier, de la date de la décision sur le caractère professionnel de l'accident, en l'occurrence le 21 août 2018, et de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier.
Par courrier daté du 20 août 2018, la caisse a notifié à la société sa décision de prise en charge, laquelle a signé l'accusé de réception le 21 août 2018. Par conséquent, cette dernière a bien bénéficié d'un délai de 10 jours francs pour venir consulter les pièces du dossier, peu important que la décision soit intervenue un jour avant la date prévisible indiquée par la caisse, alors surtout que la société en a été informée le jour annoncé et qu'en tout état de cause, elle ne prétend pas s'être heurtée de ce fait à une impossibilité de consulter le dossier.
Par conséquent, dès lors qu'il est constaté que le caractère contradictoire de la procédure a été respecté, en ce que la société a bien bénéficié d'un délai d'au moins 10 jours francs pour venir consulter le dossier ou émettre des observations, il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point.
Sur la matérialité de l'accident du travail :
Il résulte de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale que : 'Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise'.
Constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. (Soc., 2 avril 2003, n° 00-21.768 ; 2e Civ 9 juillet 2020, n° 19-13.852)
Il appartient à la caisse, substituée dans les droits de la victime dans ses rapports avec l'employeur, de rapporter la preuve de la survenance d'une lésion conséquence d'un événement survenu au temps et au lieu du travail. S'agissant de la preuve d'un fait juridique, cette preuve est libre et peut donc être rapportée par tous moyens, notamment par des présomptions graves, précises et concordantes. (Soc. 8 octobre 1998 pourvoi n° 97-10.914).
La société ne soumet aucun élément nouveau à l'appréciation de la cour qui permettrait de remettre en question la motivation pertinente des premiers juges et d'ordonner une mesure d'expertise, si bien que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dépens de la présente procédure d'appel seront laissés à la charge de la société qui succombe à l'instance.
PAR CES MOTIFS :
La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déclare opposable à la société [5] la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident du 28 juin 2018 dont a été victime M. [L],
Condamne la société [5] aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT