La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/06/2024 | FRANCE | N°21/05089

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 26 juin 2024, 21/05089


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 21/05089 - N° Portalis DBVL-V-B7F-R5LY













S.A.S. [8]



C/



M. [Z] [R]

CPAM DE LOIRE ATLANTIQUE

Société [10]





















Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PE

UPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 JUIN 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère



GREFFIER :



Mme Adeline ...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 21/05089 - N° Portalis DBVL-V-B7F-R5LY

S.A.S. [8]

C/

M. [Z] [R]

CPAM DE LOIRE ATLANTIQUE

Société [10]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Mme Adeline TIREL lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 17 Avril 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 25 Juin 2021

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Pole social du TJ de NANTES

Références : 19/05875

****

APPELANTE :

S.A.S. [8]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Emilie BUTTIER de la SELARL RACINE, avocat au barreau de NANTES substituée par Me Alice-pearl BRIAND, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉS :

Monsieur [Z] [R]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Bruno CARRIOU de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, avocat au barreau de NANTES substituée par Me Samir LAABOUKI, avocat au barreau de NANTES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LOIRE ATLANTIQUE

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentée par Mme [W] [L], en vertu d'un pouvoir spécial

Société [10]

[Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par Me Philippe BODIN de la SELARL ACSIAL AVOCATS, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [Z] [R], salarié de la société de travail temporaire [10], a été mis à disposition de la société [8] en tant que coffreur bancheur, suivant 63 contrats de missions de 2010 à 2014.

Le 22 octobre 2014, M. [R] a été victime d'un accident du travail dans les circonstances suivantes : 'alors que M. [R] se trouvait sur une passerelle fixée au mur, en installant une seconde passerelle celle-ci a heurté celle où se trouvait M. [R] qui s'est décrochée, provoquant la chute de celui-ci'.

La déclaration d'accident du travail effectuée le 24 octobre 2014 mentionne que M. [R] a été pris en charge par le CHU de [Localité 9] où ont été constatées les lésions suivantes : 'lésions traumatiques essentiellement thoraciques, avec fractures costales multiples prédominantes à gauche, pneumothorax droit et décollement pleural gauche. Fracture du corps sternal, quelques lésions de contusions parenchymateuses pulmonaires. Doute sur un hématome surrénalien droit'.

L'accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique (la caisse) au titre de la législation sur les risques professionnels.

Le 12 octobre 2016, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes et a obtenu, par jugement du 10 août 2017, la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée. Cette décision n'a pas fait l'objet d'un appel et est de ce fait irrévocable.

Par décision du 16 avril 2018, la caisse a attribué à M. [R] un taux d'incapacité permanente partielle de 20 % à compter du 15 janvier 2018. Cette décision a été notifiée à la société [10].

M. [R] a contesté ce taux devant le tribunal du contentieux de l'incapacité, lequel, par jugement du 5 mars 2021, l'a porté à 27 % dont 7 % pour le coefficient professionnel.

En parallèle, la société [10] a contesté le taux de 20 % attribué à M. [R] ; il n'est apporté aucun renseignement sur le devenir de ce recours.

Par arrêt de la cour d'appel de Rennes du 5 novembre 2020, contre lequel un pourvoi a été formé, la société [8] a été déclarée coupable de l'infraction de mise à disposition au travailleur d'équipements de travail sans vérification de sa conformité et de blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois dans le cadre du travail.

Par courrier du 25 octobre 2016, M. [R] a formé une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur auprès de la caisse qui a dressé un procès-verbal de non-conciliation le 14 décembre 2016.

M. [R] a alors porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes le 10 janvier 2017.

Par jugement du 25 juin 2021, ce tribunal devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes a :

- déclaré la demande recevable ;

- déclaré la société [10] hors de cause ;

- dit que l'accident dont a été victime M. [R] le 22 octobre 2014 est dû à la faute inexcusable de la société [8] ;

- fixé à son maximum la majoration de rente allouée à M. [R] ;

- avant dire droit sur les préjudices personnels de M. [R], ordonné une expertise médicale et désigné pour y procéder le docteur [U], avec notamment pour mission (pour le surplus il sera renvoyé au dispositif du jugement) :

' Consolidation :

Fixer la date de consolidation et en l'absence de consolidation, dire à quelle date il conviendra de revoir la victime ; préciser, lorsque cela est possible, les dommages prévisibles pour l'évaluation d'une éventuelle provision ;

' Assistance tierce personne :

Indiquer le cas échéant si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) est ou a été nécessaire pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne ; préciser la nature de l'aide à prodiguer et sa durée quotidienne ;

- dit que la caisse fera l'avance des frais de la mesure d'instruction ;

- dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe avant le 31 octobre 2021 ;

- fixé à 1 000 euros la provision qui devra être versée par la caisse à M. [R] à titre d'avance sur l'indemnisation de ses préjudices personnels ;

- constaté le recours récursoire de la caisse contre la société [8] au titre des sommes qu'elle sera amenée à verser au titre de la faute inexcusable y compris concernant le capital représentatif de la majoration de rente sous réserve le cas échéant de la décision qui pourrait être prise sur le taux opposable à l'employeur ;

- condamné la société [8] à payer à M. [R] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société [8] aux dépens.

Par déclaration adressée le 5 août 2021 par communication électronique, la société [8] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 13 juillet 2021. L'appel est limité en ce que le tribunal a déclaré la société [10] hors de cause, constaté le recours récursoire de la caisse contre la société [8] au titre des sommes qu'elle sera amenée à verser au titre de la faute inexcusable y compris concernant le capital représentatif de la majoration de rente sous réserve le cas échéant de la décision qui pourrait être prise sur le taux opposable à l'employeur et en ce qu'il a condamné la société [8] au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Le rapport d'expertise sur l'évaluation des préjudices a été déposé le 30 octobre 2022.

Par ses écritures parvenues au greffe par RPVA le 16 avril 2024, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société [8] demande à la cour de :

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a fait droit à l'action récursoire de la caisse à son encontre en ce qu'elle tendrait au remboursement de la majoration de rente et dit que l'expert judiciaire devrait déterminer la date de consolidation de M. [R] ;

- en conséquence, lui décerner acte de ce qu'elle s'en remet à la sagesse du tribunal (sic) quant à l'appréciation de la faute inexcusable de l'employeur ;

- débouter, le cas échéant, la caisse de son action récursoire ;

- dire en conséquence qu'elle ne saurait être tenue de rembourser à la caisse le montant représentatif de la majoration de rente capitalisée ;

- d'ordonner une mesure d'expertise judiciaire avec mission pour l'expert, qu'il plaira au tribunal de désigner, d'évaluer les postes de préjudices définis ;

- d'exclure de la mission d'expertise la question de la fixation de la date de consolidation de M. [R] ;

- déclarer irrecevables les demandes indemnitaires formées pour la première fois par M. [R] en cause d'appel et l'en débouter ;

A titre subsidiaire, si la cour jugeait recevables les demandes indemnitaires de M. [R] :

- débouter M. [R] de sa demande indemnitaire présentée au titre de la perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelle ;

- ramener à de plus justes proportions les indemnités allouées à M. [R] et liquider ses préjudices comme suit :

* déficit fonctionnel temporaire : 4 851,25 euros ;

* souffrances endurées : 6 000 euros ;

* préjudice esthétique permanent : 1 000 euros ;

* assistance par une tierce personne temporaire : 1 017,14 euros ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Par ses écritures n°2 parvenues au greffe par le RPVA le 28 novembre 2023, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, M. [R] demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- en conséquence, condamner la société à l'indemniser des préjudices subis, détaillés comme suit :

* déficit fonctionnel temporaire : 5 627,45 euros ;

* souffrances endurées : 8 000 euros ;

* préjudice esthétique permanent : 1 000 euros ;

* assistance tierce personne : 1 017,14 euros ;

* préjudice de diminution de possibilité de promotion professionnelle : 5 000 euros ;

- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la caisse qui devra lui assurer l'avance des sommes allouées ;

En tout état de cause,

- débouter les sociétés [8] et [10] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;

- condamner la société [8] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société [8] aux entiers dépens.

Par ses écritures parvenues au greffe par RPVA le 1er septembre 2023, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société [10] demande à la cour de :

- constater que l'employeur juridique de M. [R] est la société [8] ;

- en conséquence, confirmer la décision rendue le 25 juin 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes en ce qu'il l'a mise hors de cause ;

- débouter les parties de toute demande de condamnation qui pourrait être formulée à son encontre.

Par ses écritures parvenues au greffe le 11 juillet 2022, auxquelles s'est référée et qu'a développées sa représentante à l'audience, la caisse demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la société [8] à lui rembourser l'intégralité des sommes qu'elle sera amenée à avancer si la faute inexcusable de l'employeur est reconnue.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il sera indiqué en préalable qu'il n'a pas été interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

- dit que l'accident dont a été victime M. [R] le 22 octobre 2014 est dû à la faute inexcusable de la société [8] ;

- fixé à son maximum la majoration de rente allouée à M. [R] ;

- ordonné une expertise médicale et désigné pour y procéder le docteur [U] ;

- dit que la caisse fera l'avance des frais de la mesure d'instruction ;

- fixé à 1 000 euros la provision qui devra être versée par la caisse à M. [R] à titre d'avance sur l'indemnisation de ses préjudices personnels.

Par ailleurs, aucune des parties ne sollicite dans le dispositif de ses conclusions l'infirmation de ces chefs de jugement.

Leur examen n'ayant pas été dévolu à la connaissance de la cour, il ne sera pas répondu aux éléments développés par les parties dans le corps de leurs écritures sur ces points et notamment sur la faute inexcusable.

Par ailleurs, si la déclaration d'appel de la société [8] mentionne comme chefs de jugement critiqués le fait que la société [10] a été déclarée hors de cause, que la société [8] a été condamnée à payer à M. [R] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, celle-ci, aux termes du dispositif de ses dernières conclusions, ne sollicite pas l'infirmation du jugement sur ces points de sorte que le jugement ne pourra qu'être confirmé de ces chefs.

Il en va de même de l'action récursoire de la caisse s'agissant des indemnisations complémentaires, soit les indemnisations autres que celle tendant au remboursement de la majoration de rente.

1 - Sur l'action récursoire de la caisse à l'encontre de la société [8] en ce qu'elle tend au remboursement de la majoration de rente :

La société [8] fait valoir que l'action récursoire de la caisse s'agissant de la majoration de rente ne peut s'exercer que si la décision fixant le taux d'incapacité de la victime lui a été notifiée ; que la décision du 4 avril 2018 fixant le taux d'IPP de M. [R] à 20 % a été notifiée à la société [10] et non à elle ; qu'à cette date, la société [10] n'avait plus la qualité d'employeur juridique de M. [R] par l'effet de la décision du conseil de Prud'hommes de Nantes du 10 août 2017 qui a requalifié les contrats de mission de M. [R] en contrat à durée indéterminée ; que de ce fait, la caisse est privée de son recours en récupération.

La caisse réplique qu'elle a instruit le dossier d'accident du travail au contradictoire de la société [10] qui était l'employeur ; que la décision rendue par le conseil de Prud'hommes de Nantes le 10 août 2017 ne lui est pas opposable car elle n'en a pas été informée ; que c'est donc à juste titre qu'elle a notifié le taux d'incapacité de M. [R] à la société [10] ; qu'elle est bien fondée à récupérer auprès de la société [8] les sommes allouées à M. [R], en ce compris la majoration de rente.

Sur ce :

L'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale dispose :

'Dans le cas mentionné à l'article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre.

Lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité.

Lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale.

En cas d'accident suivi de mort, le montant de la majoration est fixé sans que le total des rentes et des majorations servies à l'ensemble des ayants droit puisse dépasser le montant du salaire annuel ; lorsque la rente d'un ayant droit cesse d'être due, le montant de la majoration correspondant à la ou aux dernières rentes servies est ajusté de façon à maintenir le montant global des rentes majorées tel qu'il avait été fixé initialement ; dans le cas où le conjoint, le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou le concubin survivant recouvre son droit à la rente en application du troisième alinéa de l'article L. 434-9, la majoration dont il bénéficiait est rétablie à son profit.

Le salaire annuel et la majoration visée au troisième et au quatrième alinéa du présent article sont soumis à la revalorisation prévue pour les rentes par l'article L. 434-17.

La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret'.

Si la caisse primaire d'assurance maladie est fondée, en application de cet article, à récupérer auprès de l'employeur le montant de la majoration de la rente d'accident du travail attribuée à la victime en raison de la faute inexcusable de l'employeur, son action ne peut s'exercer que dans les limites tenant à l'application du taux notifié à celui-ci conformément à l'article R. 434-32 du code de la sécurité sociale (2e Civ., 17 mars 2022, pourvoi n° 20-19.131).

En l'espèce, quand bien même la décision du conseil de Prud'hommes de Nantes du 10 août 2017 qui a procédé à la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée avec la société [8] est antérieure à la date de consolidation et à la notification de la décision attributive de rente, il demeure que la caisse n'était pas partie à cette procédure et qu'elle a régulièrement notifié la décision attributive de rente du 16 avril 2018 à la société [10], au contradictoire de laquelle la procédure de reconnaissance de l'accident du travail avait été menée.

Parallèlement, nonobstant la reconnaissance de la faute inexcusable de la société [8], la caisse ne saurait opposer à celle-ci une décision attributive de rente qu'elle admet ne pas lui avoir notifiée.

Il s'ensuit que s'agissant de la majoration de rente, la caisse n'est pas fondée à exercer son action récursoire à l'encontre de la société [8], le jugement étant infirmé sur ce point.

2 - Sur les conséquences de la faute inexcusable :

Selon l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.

Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit, selon l'article L. 452-3 du code précité de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 2011-127, l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale permet à la victime d'un accident du travail de demander à l'employeur dont la faute inexcusable a été reconnue la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux énumérés, à la condition que ses préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Comme l'a jugé la Cour de cassation (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvoi n° 20-23.673 et pourvoi n° n° 21-23.947) eu égard à son mode de calcul appliquant au salaire de référence de la victime le taux d'incapacité permanente défini à l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.

Ce poste de préjudice permet, pour la période postérieure à la consolidation, d'indemniser non seulement l'atteinte objective à l'intégrité physique et psychique, mais également les douleurs physiques et psychologiques, ainsi que la perte de qualité de vie et les troubles ressentis dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.

Il s'en déduit que la victime d'une faute inexcusable de l'employeur peut obtenir une réparation complémentaire au titre de ces préjudices.

En l'espèce, n'est pas critiqué par l'appelante le fait qu'une expertise médicale aux fins d'évaluer les préjudices complémentaires de M. [Z] [R] a été ordonnée par les premiers juges, aux frais avancés par la caisse.

Au regard des principes sus-rappelés, c'est à juste titre que la société [8] sollicite que la détermination de la date de consolidation soit exclue de la mission de l'expert, celle-ci ayant été définitivement fixée par la caisse au 14 janvier 2018 selon la décision attributive de rente du 16 avril 2018. Le jugement sera infirmé sur ce point.

En revanche, il n'y a pas lieu de préciser la mission d'expertise s'agissant du préjudice d'assistance par tierce personne avant consolidation dès lors que l'expert a déposé son rapport sans faire état d'un préjudice post-consolidation et que M. [Z] [R] ne sollicite aucune indemnisation du préjudice d'assistance par tierce personne après consolidation.

Par ailleurs, M. [Z] [R] demande à la cour de liquider ses préjudices dès lors que le rapport de l'expertise ordonnée par les premiers juges a été déposé et compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel.

Contrairement à ce que soutient la société [8], cette demande ne saurait s'analyser comme une demande nouvelle en appel au sens de l'article 564 du code de procédure civile, l'indemnisation des préjudices ayant bien été sollicitée en première instance et une expertise ordonnée pour les évaluer. Elle ne peut s'appréhender qu'au regard des textes régissant le pouvoir d'évocation de la cour, lequel est régi par l'article 568 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret 2017-891, qui dispose :

'Lorsque la cour d'appel infirme ou annule un jugement qui a ordonné une mesure d'instruction, ou qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l'instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction'.

Ainsi, ce texte limite la faculté d'évocation de la cour, lorsque le jugement frappé d'appel a ordonné une mesure d'instruction, à la seule hypothèse de l'infirmation ou de l'annulation de ce jugement.

Il en résulte au cas particulier que la cour, à laquelle n'a pas été dévolue la question de la faute inexcusable, ne peut, s'agissant de la liquidation des préjudices, faire usage de son pouvoir d'évocation, la mesure d'expertise médicale ordonnée étant nécessaire et du reste non critiquée en son principe.

Il s'ensuit que les parties seront renvoyées devant les premiers juges pour qu'il soit statué sur les points non tranchés.

3 - Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société [8] ses frais irrépétibles si bien qu'elle sera déboutée de cette demande.

M. [Z] [R] sera également débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de la présente procédure d'appel seront laissés à la charge de la caisse qui succombe pour l'essentiel à cette instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement, dans les limites de l'appel, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en ce qu'il a :

- constaté le recours récursoire de la caisse contre la société [8] concernant le capital représentatif de la majoration de rente ;

- demandé à l'expert de fixer la date de consolidation et en l'absence de consolidation, de dire à quelle date il conviendra de revoir la victime ;

Le CONFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

DÉBOUTE la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique de son action récursoire à l'encontre de la société [8] s'agissant de la majoration de la rente ;

DIT que l'expert n'a pas pour mission de fixer la date de consolidation ;

RENVOIE la cause et les parties devant les premiers juges pour qu'il soit statué sur la liquidation des préjudices et les points non encore tranchés ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 21/05089
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;21.05089 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award