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26/06/2024 | FRANCE | N°21/04213

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 26 juin 2024, 21/04213


5ème Chambre





ARRÊT N° 258



N° RG 21/04213 - N° Portalis DBVL-V-B7F-R2DA



(Réf 1ère instance : 19/02110)









Mme [C] [J]

ASSOCIATION TUTELAIRE DU PONANT



C/



M. [T], [B], [V], [M] [Z]

Mme [G] [U] épouse [A]

M. [H] [R]

M. [N] [R]

Association ELIANCE

CPAM



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée













Copie exécutoire délivrée



le :



à : Me Lhermitte

Me Guenezant (+ afm)

Me Janvier

Me Di Palma







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 JUIN 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIB...

5ème Chambre

ARRÊT N° 258

N° RG 21/04213 - N° Portalis DBVL-V-B7F-R2DA

(Réf 1ère instance : 19/02110)

Mme [C] [J]

ASSOCIATION TUTELAIRE DU PONANT

C/

M. [T], [B], [V], [M] [Z]

Mme [G] [U] épouse [A]

M. [H] [R]

M. [N] [R]

Association ELIANCE

CPAM

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Lhermitte

Me Guenezant (+ afm)

Me Janvier

Me Di Palma

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats, et Madame OMNES, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Mai 2024, devant Madame Virginie HAUET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

réputé contradictoire, prononcé publiquement le 26 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTES :

Madame [C] [J] assistée de son curateur l'ATP de [Localité 15] suivant jugement du juge des tutelles de Morlaix du 16 novembre 2020

née le [Date naissance 6] 1980 à [Localité 15], de nationalité française,

[Adresse 2]

[Adresse 2]

ASSOCIATION TUTELAIRE DU PONANT, ès qualités de curateur de Mme [C] [J], prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Représentées par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentées par Me Gaële PENSEC, plaidant, avocat au barreau de BREST

INTIMÉS :

Monsieur [T], [B], [V], [M] [Z] sous mesure de tutelle exercée par l'association Eliance,

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 16]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représenté par Me Karine GUENEZANT, plaidant/postulant, avocat au barreau de BREST

Madame [G] [U] épouse [A]

[Adresse 10]

[Adresse 10]

non représentée (déclaration d'appel et conclusions régulièrement signifiées le 08 10 2021 par remise à sa personne)

Monsieur [H] [R], assisté de Monsieur [N] [R] son curateur

né le [Date naissance 4] 1970 à [Localité 17]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

Monsieur [N] [R], ès qualités de curateur de son fils [H] [R]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

Représentés par Me Gildas JANVIER de la SELARL SIAM CONSEIL, plaidant/postulant, avocat au barreau de BREST

CPAM des Côtes d'Armor dont le siège est [Adresse 3] représentée par la CPAM d'[Localité 13] pour le recouvrement suivant contrat de mutualisation dont le siège social est [Adresse 12] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège.

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Adresse 12]

Représentée par Me Emilie GRUAU substituant Me Antoine DI PALMA, plaidant/postulant, avocats au barreau de RENNES

INTERVENANT :

Association ELIANCE ès qualités de tuteur de Mr [T] [Z], assignée en intervention forcée par acte du 01 02 22 remis à personne habilitée

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/1433 du 04/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

Représentée par Me Karine GUENEZANT, plaidant/postulant, avocat au barreau de BREST

Par jugement en date du 29 avril 2009, le tribunal correctionnel de Morlaix a :

sur l'action publique :

- déclaré M. [T] [Z] coupable des faits de violences suivis de mutilation ou infirmité permanente commis à [Localité 15] dans la nuit du 2 au 3 avril 2007 et l'a condamné à la peine de 5 ans d'emprisonnement dont 1 an assorti d'un sursis avec mise a l'épreuve de deux années,

- déclaré Mme [C] [J] et Mme [G] [U] coupables de non-assistance à personne en danger commis à [Localité 15] dans la nuit du 2 au 3 avril 2007 et les a condamnées toutes les deux à la peine de 8 mois d'emprisonnement avec sursis,

sur l'action civile :

- reçu M. [N] [R] en sa qualité de tuteur de M. [H] [R],

- reçu M. [N] [R] en sa constitution de partie civile,

- reçu Mme [I] [R] en sa constitution de partie civile,

- condamné M. [T] [Z], Mme [C] [J] et Mme [G] [U] à verser in solidum aux consorts [R] la somme de 800 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale,

- dit que cette condamnation ne préjuge pas de la responsabilité respective des trois condamnés dans la contribution du dommage subi par M. [H] [R] qui ne pourra être déterminée qu'après consolidation et expertise médiale,

- reçut la CPAM des Côtes d'Armor en sa constitution de partie civile.

Par acte d'huissier en date du 28, 29, 30 et 31 octobre 2019, la CPAM des [Localité 11], représentée par la CPAM d'[Localité 14] pour le recouvrement, a fait assigner M. [T] [Z], Mme [C] [J], l'ATP de Morlaix en qualité de curateur de Mme [C] [J], Mme [G] [U] et M. [N] [R] en sa qualité de tuteur de son fils M. [H] [R], devant le tribunal de grande instance de Brest aux fins d'obtenir remboursement des débours exposés.

Par jugement en date du 27 mai 2021, le tribunal judiciaire de Brest a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de M. [H] [R] et M. [N] [R] en qualité de curateur M. [H] [R],

- déclaré M. [T] [Z], Mme [C] [J] et Mme [G] [U] solidairement responsables du préjudice subi par M. [H] [R],

- condamné in solidum M. [T] [Z], Mme [C] [J] assistée de son curateur et Mme [G] [U] à verser à la CPAM d'[Localité 14] venant aux droits de la CPAM des [Localité 11] la somme de 376 490,10 euros au titre de ses débours, avec intérêt au taux légal à compter du jugement,

- ordonné la capitalisation des intérêts à compter de la présente décision conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- condamné in solidum M. [T] [Z], Mme [C] [J] assistée de son curateur et Mme [G] [U] à payer à la CPAM d'[Localité 14] venant aux droits de la CPAM des [Localité 11] la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,

- condamné in solidum M. [T] [Z], Mme [C] [J] assistée de son curateur et Mme [G] [U] aux dépens avec distraction au profit de maître Antoine Di Palma en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- déclaré le jugement commun et opposable à M. [N] [R] en sa qualité de curateur de son fils M. [H] [R],

- ordonné l'exception provisoire,

- rejeté toutes les autres demandes.

Le 7 juillet 2021, Mme [C] [J], assistée de son curateur, a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 7 décembre 2022, elle demande à la cour de :

A titre principal,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Brest le 27 mai 2021 ;

Statuant à nouveau,

- débouter la CPAM d'[Localité 14] de toutes ses demandes à son égard,

- condamner la CPAM d'[Localité 14] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700,

- condamner la CPAM d'[Localité 14] aux entiers dépens, de première instance et d'appel,

A titre subsidiaire,

- limiter la créance de la CPAM à la somme de 376 490,10 euros,

- condamner M. [T] [Z] à supporter l'intégralité des débours de la CPAM,

- dire n'y avoir lien à capitalisation des intérêts,

- statuer comme de droit sur les dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 12 février 2024, la CPAM des [Localité 11], représentée par la CPAM d'[Localité 14] demande à la cour

de :

- A titre principal,

- débouter Mme [C] [J] assistée de son curateur l'Association Tutélaire du Ponant de ses demandes, fins et conclusions,

- voir réformer partiellement le jugement du tribunal judiciaire de Brest du 27 mai 2021,

- déclarer M. [J] [Z] assisté de son mandataire spécial Association Eliance, Mmes [C] [J] assistée de son curateur Association Tutelaire du Ponant et [G] [U] entièrement et solidairement responsables de l'agression dont a été victime M. [H] [R] dans la nuit du 2 au 3 avril 2007,

En conséquence,

- s'entendre condamner in solidum M. [T] [Z] assisté de son mandataire spécial Association Eliance, Mmes [C] [J] assistée de son curateur Association Tutélaire du Ponant et [G] [U] à verser à la CPAM d'[Localité 14] venant aux droits de la CPAM des [Localité 11] la somme de 3 078 819, 24 euros ladite somme avec intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir et la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,

- s'entendre condamner in solidum M. [T] [Z] assisté de son mandataire spécial Association Eliance, Mmes [C] [J] assistée de son curateur Association Tutélaire du Ponant et [G] [U] à verser à la CPAM d'[Localité 14] venant aux droits de la CPAM des [Localité 11] la somme de 1 191 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion de première instance,

A titre subsidiaire,

- voir confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Brest du 27 mai 2021,

En conséquence,

- s'entendre condamner in solidum M. [T] [Z] assisté de son mandataire spécial Association Eliance, Mmes [C] [J] assistée de son curateur Association Tutélaire du Ponant et [G] [U] à verser à la CPAM d'[Localité 14] venant aux droits de la CPAM des [Localité 11] la somme de 376 490, 10 euros ladite somme avec intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir et la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,

- s'entendre condamner in solidum M. [T] [Z] assisté de son mandataire spécial Association Eliance, Mmes [C] [J] assistée de son curateur Association Tutélaire du Ponant et [G] [U] à verser à la CPAM d'[Localité 14] venant aux droits de la CPAM des [Localité 11] la somme de 1 191 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion de première instance,

En tout état de cause,

- débouter Mme [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- s'entendre condamner in solidum M. [T] [Z] assisté de son mandataire spécial Association Eliance, Mmes [C] [J] assistée de son curateur Association Tutélaire du Ponant et [G] [U] à verser à la CPAM d'[Localité 14] venant aux droits de la CPAM des [Localité 11] la somme 1 191 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion en cause d'appel,

- s'entendre condamner in solidum M. [T] [Z], Mmes [C] [J] assistée de son curateur et [G] [U] à verser à la CPAM d'[Localité 14] venant aux droits de la CPAM des [Localité 11] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- voir déclarer la décision à intervenir commune et opposable à M. [H] [R] assisté de son curateur M. [N] [R],

- s'entendre condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de maître Antoine Di Palma, avocat aux offres de droit.

Par dernières conclusions notifiées le 29 avril 2022, M. [Z] et l'association Eliance, en sa qualité de tuteur, demandent à la cour :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Brest le 27 mai 2021 en ce qu'il a :

* déclaré M. [Z], Mme [J] et Mme [U] solidairement responsables du préjudice subi par M. [H] [R],

* condamné in solidum M. [Z] et Mme [J] assistée de son curateur et Mme [U] à régler à la CPAM d'[Localité 14] la somme de 376 490,10 euros au titre de ses débours, avec intérêt au taux légal à compter du jugement,

* condamné in solidum M. [Z] et Mme [J] assistée de son curateur et Mme [U] à régler à la CPAM d'[Localité 14] la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,

- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Brest le 27 mai 2021,

* débouter la CPAM de sa demande de capitalisation des intérêts,

En tout état de cause,

- débouter la CPAM de sa demande d'indemnité forfaitaire d'appel,

- débouter la CPAM de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter l'ensemble des parties de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires,

- statuer ce que de droit sur les dépens, lesquels seront recouvrés conformément à la législation sur l'aide juridictionnelle.

Par dernières conclusions notifiées le 22 octobre 2021, M. [H] [R] et M. [N] [R] en qualité de curateur de son fils demandent à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

o déclaré recevable leur intervention volontaire ,

o déclaré M. [Z], Mme [J] et Mme [U] solidairement responsables du préjudice subi par M. [H] [R],

o condamné in solidum M. [Z], Mme [J] et Mme [U] à verser à la CPAM d'[Localité 14] venant aux droits de la CPAM des [Localité 11] la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,

o condamné in solidum M. [Z], Mme [J] et Mme [U] aux dépens,

- débouter Mme [J] de toutes ses demandes,

- leur donner acte de qu'ils s'en remettent à justice sur le montant des débours de la CPAM,

- condamner in solidum M. [Z], Mme [J] et Mme [U] à leur verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum M. [Z], Mme [J] et Mme [U] aux dépens d'appel.

Mme [U] épouse [A] n'a pas constitué avocat dans le délai imparti. La déclaration d'appel et les conclusions lui ont été signifiées à personne le 8 octobre 2021.

Par ordonnance du 13 janvier 2022, le magistrat en charge de la mise en état a débouté la CPAM d'[Localité 14] venant aux droits de la CPAM des [Localité 11] de sa demande de radiation et l'a condamnée aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la responsabilité solidaire

Mme [J] reconnaît avoir eu un comportement fautif mais conteste l'existence d'un lien de causalité entre sa faute et le dommage de M. [R].

Elle soutient que les lésions crâniennes présentées par M. [R] trouvent leur origine uniquement et exclusivement dans les coups donnés par M. [Z] et qu'aucun élément du dossier pénal ne fait état d'une aggravation de l'état de M. [R] en raison du temps écoulé entre les coups et la prise en charge médicale et donc de son abstention de lui porter secours. Elle fait valoir que l'attestation d'imputabilité produite par le médecin conseil de la CPAM est insuffisante à caractériser un lien de causalité. Elle invoque l'expertise médicale, ordonnée dans le cadre de l'information judiciaire, qui a imputé les lésions crâniennes aux coups de poing donnés par M. [Z] et non au délai qui s'est écoulé entre les coups et la prise en charge médicale. Elle en déduit qu'elle ne peut être déclarée responsable d'un dommage sans lien avec la faute qu'elle a commise.

Elle ajoute qu'elle ne peut davantage être déclarée solidairement responsable avec M. [Z] et Mme [U]. Elle expose qu'il ne peut y avoir condamnation solidaire aux réparations civiles que pour un même délit au visa de l'article 480-1 du code de procédure pénale ou pour des délits connexes au visa de l'article 203 du code de procédure pénale.

Elle indique que l'article 480-1 précité ne peut s'appliquer puisqu'elle n'a pas été condamnée pour le même délit que M. [Z]. Elle considère que l'article 203 ne peut trouver application en ce qu'elle n'a pas aidé M. [Z] à commettre les violences et n'y a pas participé. Elle soutient que si elle a été imprudente en laissant la victime entrer chez elle, elle n'a pas incité M. [Z] à frapper M. [R]. Elle ajoute que son abstention n'avait pas pour objectif de permettre à M. [Z] d'échapper à la justice mais s'explique par la peur, la panique et les troubles psychiques dont elle souffre.

La CPAM des [Localité 11] sollicite la confirmation du jugement. Elle soutient que si les coups ont été portés par M. [Z], sans l'abstention fautive d'intervenir ou d'appeler les secours de Mmes [J] et [U], l'agression et les graves lésions subies par la victime auraient pu être évitées. Elle rappelle que Mme [J] n'a rien fait pour arrêter l'agression, elle ne s'est pas occupée du blessé après l'agression et n'a pas prévenu les secours. Elle rappelle que le juge civil est parfaitement en mesure de retenir un lien de causalité entre un tel comportement et l'agression de M. [R], qui aurait pu être évitée et dont les conséquences auraient pu être plus légères et considère que le premier juge a justement retenu l'existence d'un lien de causalité en ce que son abstention de porter secours n'a pas permis une prise en charge plus rapide de la victime.

M. [R] et son curateur sollicitent la confirmation du jugement. Ils rappellent que Mme [J] a été témoin des coups violents qu'il a reçu et qu'elle a été déclarée coupable de non-assistance à personne en danger et ne peut ainsi soutenir qu'elle n'a pas appelé les secours par peur, panique ou en raison de ses troubles psychiques.

Ils exposent que M. [R] n'a été pris en charge par les urgences de l'hôpital de [Localité 15] pour un traumatisme crânien que vers 8 heures du matin après être resté des heures dans le froid, inconscient. Ils affirment que si M. [R] avait été pris en charge par les urgences dans les suites immédiates des coups reçus, l'hématome constaté par les médecins aurait pu être traité et les séquelles moindres. Ils considèrent que le fait de rester des heures sans assistance a nécessairement participé à l'importance de ses préjudices compte tenu des hématomes. Ils en déduisent qu'il existe un lien certain entre le comportement de Mme [J] et les préjudices de M. [R].

Ils ajoutent que Mme [J] ne peut invoquer l'expertise médicale judiciaire en ce qu'elle n'avait pour mission que de déterminer si les lésions occasionnés par les blessures avaient pour origine les coups portés par M. [Z] et qu'aucune question sur le délai de prise en charge n'a pas été posée à l'expert.

Ils ajoutent que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré M. [Z] et Mmes [J] et [U] solidairement responsables du préjudice subi par M. [R] au motif que les infractions de violences et non-assistance à personne en danger sont rattachées par un lien de connexité. Ils précisent que sans les faits de violences commis par M. [Z], Mmes [J] et [U] n'auraient pas été poursuivies pour non-assistance à personne en danger et que même si les fautes des différentes personnes condamnées reposent sur des fondements juridiques différents, elles ont toutes contribué à la réalisation du dommage.

M. [Z] et son tuteur demandent la confirmation du jugement. Ils considèrent que l'abstention fautive de Mmes [U] et [J] a concouru au préjudice de M. [R] même si elles ne lui ont pas porté de coups directs.

Ils exposent que si Mme [J] n'avait pas eu un comportement ambigu, si elle ne s'était pas abstenue de porter assistance ou d'appeler les secours, l'agression aurait pu être évitée, la prise en charge de la victime aurait pu être plus rapide et les lésions moins graves.

Aux termes des dispositions de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Mme [J] reconnaît avoir commis une faute en s'abstenant de porter assistance à M. [R] et de prévenir les secours, elle a été condamnée pénalement pour ces faits.

S'agissant du lien de causalité entre cette faute et les dommage causés à M. [R], il résulte de l'expertise médicale judiciaire du docteur [X], réalisée dans le cadre de l'information judiciaire, que les lésions crâniennes de M. [R] sont à rapporter aux coups de poings donnés par M. [Z].

Il convient de relever que l'expert n'avait pour mission que de déterminer si les lésions occasionnés par les blessures avaient pour origine les coups portés par M. [Z]. Il n'a pas été interrogé sur l'incidence du délai de prise en charge entre les faits de violences et l'arrivée de M. [R] à l'hôpital de [Localité 15]. Le fait que l'expert ait eu accès au dossier pénal ne suffit pas pour affirmer que l'expert a imputé les lésions crâniennes aux seuls coups de poing donnés par M. [Z] et non au délai qui s'est écoulé entre les coups et la prise en charge médicale contrairement à ce que soutient l'appelante.

Toutefois, la cour ne peut que constater que si la CPAM, M. [R] et M. [Z] et leurs curateurs affirment que si M. [R] avait été pris en charge par les urgences dans les suites immédiates des coups reçus, les séquelles auraient été moindres et que le fait de rester des heures sans assistance a nécessairement participé à l'importance de ses préjudices, ils ne produisent aucune pièce médicale à l'appui de leurs assertions. En effet, M. [R] et son curateur produisent une expertise médicale du docteur [S], réalisée, semble t-il, dans le cadre d'une procédure CIVI mais cette expertise détermine les préjudices subis par M. [R] dans le cadre de la réparation de son préjudice corporel sans évoquer l'incidence du délai de prise en charge.

Le jugement correctionnel, qui avait condamné les prévenus, a d'ailleurs précisé 'dit que cette condamnation ne préjuge pas de la part de responsabilité respective des trois condamnés dans la contribution du dommage subi par M. [R] qui ne pourra être déterminée qu'après consolidation et expertise médicale'.

Le fait de relever que l'abstention de porter assistance ou d'appeler les secours pour permettre une prise en charge plus rapide de la victime alors que Mme [J] avait constaté son état inanimé, devant un abri-bus, fortement alcoolisé avec des vêtements déchirés, comme l'a retenu le jugement, est insuffisant pour caractériser l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre cette faute de non-assistance à personne en danger et les lésions crâniennes présentées par M. [R].

Il résulte de ces éléments que le lien de causalité entre la faute d'abstention commise par Mme [J] et les dommages subis par M. [R] n'est pas démontré en l'espèce, notamment faute de pièces médicales en ce sens.

Le jugement, qui a retenu la responsabilité solidaire de Mme [J] du préjudice subi par M. [R], sera infirmé.

- Sur le recours de la CPAM

La CPAM des [Localité 11], représentée par la CPAM d'[Localité 14] sollicite la condamnation solidaire de M. [Z] assisté de son mandataire spécial, Mme [U] et Mme [J] assistée de son curateur à lui verser la somme de 3 078 819,24 euros avec intérêts de droit à compter de l'arrêt et capitalisation des intérêts au visa de l'article 1343-2 du code civil.

Elle indique avoir justifié de ses débours et de leur lien de causalité avec les lésions subies par l'assuré des suites de l'agression dont il a été victime en produisant l'attestation du médecin conseil ainsi que des courriers recommandés.

A titre subsidiaire, elle demande de voir confirmer le jugement entrepris.

Mme [J] demande de voir débouter la CPAM de toutes ses demandes à son encontre.

M. [Z] et son tuteur sollicitent de voir confirmer le jugement qui a limité le montant des débours de la CPAM à la somme de 376 490,01 euros.

M. [R] et son curateur s'en rapportent à justice sur les sommes dues par les responsables des dommages subis.

Le jugement entrepris a justement fait droit aux demandes du tiers payeur s'agissant des prestations effectivement versées à la victime et imputables aux faits du 3 avril 2017 en l'absence de tout élément fourni sur l'individualisation des postes de préjudices à hauteur de 376 490,10 euros en excluant les frais futurs s'agissant de prestations qui n'ont pas été payées effectivement à la victime et qui ne pourront donner lieu à remboursement ainsi que le montant du capital invalidité qui représentent les arrérages à échoir.

La CPAM ne justifiant d'aucune nouvelle pièce en cause d'appel s'agissant notamment de décomptes individualisés, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la somme de 376 490,10 euros au titre des débours sauf à dire que Mme [J] ne peut être condamnée solidairement à payer cette somme.

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux intérêts et à la capitalisation ainsi qu'au titre de l'indemnité de gestion de première instance sauf à dire que cette indemnité est de 1 191 euros (et non 1 091 euros comme indiqué dans le jugement sauf à préciser que Mme [J] ne peut en être condamnée solidairement à payer cette somme.

- Sur les autres demandes

Il sera fait droit à la demande de la CPAM des [Localité 11], représentée par la CPAM d'[Localité 14] de voir condamner in solidum M. [Z], assisté de son mandataire spécial et Mme [U] à lui verser la somme de 1 191 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion en cause d'appel. En revanche, la CPAM, succombante en son appel, sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel et sera condamnée à verser à Mme [J] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel. M. [R] assisté de son curateur sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.

La CPAM des [Localité 11], représentée par la CPAM d'[Localité 14], sera condamnée aux dépens d'appel.

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens seront confirmées sauf à dire que Mme [J] ne sera pas condamnée in solidum aux dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré Mme [C] [J] solidairement responsable du préjudice subi par M. [H] [R] et en ce qu'il a condamné in solidum Mme [C] [J] à payer la somme de 376 490,10 euros à la CPAM des [Localité 11], représentée par la CPAM d'[Localité 14], la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et aux dépens ;

Statuant à nouveau,

Dit que Mme [C] [J] n'est pas responsable solidairement du préjudice subi par M. [H] [R] ;

Déboute les parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions à son encontre ;

Confirme le jugement pour le surplus sauf à dire que :

- l'indemnité de gestion de première instance est de 1 191 euros,

- Mme [C] [J] ne sera pas condamnée in solidum à verser à la CPAM des [Localité 11], représentée par la CPAM d'[Localité 14], la somme de 376 490,10 euros au titre des débours et la somme au titre de l'indemnité de gestion de première instance,

- Mme [C] [J] ne sera pas condamnée in solidum aux dépens de première instance ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [T] [Z], assisté de son tuteur, l'Association Eliance et Mme [G] [U] épouse [A] à verser à la CPAM des [Localité 11], représentée par la CPAM d'[Localité 14], la somme de 1 191 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion en cause d'appel ;

Condamne la CPAM des [Localité 11], représentée par la CPAM d'[Localité 14], à verser à Mme [C] [J] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Condamne la CPAM des [Localité 11], représentée par la CPAM d'[Localité 14], aux entiers dépens d'appel ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/04213
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;21.04213 ?
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