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26/06/2024 | FRANCE | N°21/03908

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 26 juin 2024, 21/03908


5ème Chambre





ARRÊT N° 254



N° RG 21/03908 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RYZ2



(Réf 1ère instance : 20/01954)









Société THELEM ASSURANCES



C/



S.A.R.L. TOP ELEVAGE



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée













Copie exécutoire délivrée



le :



à : Me Kong

Me G

renard







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 JUIN 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Vi...

5ème Chambre

ARRÊT N° 254

N° RG 21/03908 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RYZ2

(Réf 1ère instance : 20/01954)

Société THELEM ASSURANCES

C/

S.A.R.L. TOP ELEVAGE

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Kong

Me Grenard

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats, et Madame OMNES, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Mai 2024, devant Madame Virginie HAUET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 26 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

THELEM ASSURANCES, société d'asssurance mutuelle à cotisations variables immatriculée au RCS d'ORLEANS sous le n° 085 580 488, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège,

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Elodie KONG de la SELARL QUADRIGE AVOCATS, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Marine ROUPIE substituant Me Elodie TORNE CELER de l'AARPI SATORIE, plaidant, avocats au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.A.R.L. TOP ELEVAGE, immatriculée au RCS de Rennes sous le n° 319 885 208, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège,

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentée par Me Fabienne MICHELET substituant Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, plaidant/postulant, avocats au barreau de RENNES

À la suite d'un accident de la route survenu le 18 août 2017 et ayant entraîné le décès de l'un de ses salariés, [Z] [W], la société Top Elevage a sollicité, par le biais de son gérant M. [K] [J], la prise en charge des dommages matériels causés à son véhicule Citroën Jumper, impliqué, à son assureur, la société d'assurance Thelem Assurances.

Le 13 octobre 2017, conformément aux stipulations de la police d'assurance n° TA1A11304429, la société Thelem Assurances a versé à la société Top Elevage la somme de 11 505 euros au titre de la garantie 'dommages tous accidents'.

Une enquête de la gendarmerie a permis de révéler l'alcoolémie de [Z] [W] à hauteur de 1,79 gramme par litre de sang et d'établir qu'il avait consommé de l'alcool sur les temps et lieu de travail avant de prendre le véhicule.

Par lettre recommandée du 16 juillet 2019, la société Thelem Assurances a mis en demeure M. [K] [J] de lui restituer la somme allouée invoquant une clause de déchéance de garantie compte tenu de ses déclarations jugées mensongères. M. [K] [J] n'a pas donné suite.

Par acte du 3 mars 2020, la société Thelem Assurances a fait assigner la société Top Elevage en restitution de l'indu.

Par jugement en date du 25 mai 2021, le tribunal judiciaire de Rennes a :

- rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,

- déclaré irrecevables les dernières conclusions notifiées le 1 mars 2021 ainsi que la pièce n°7 de la société Thelem Assurances,

- débouté la société Thelem Assurances de sa demande en restitution de l'indu,

- condamné la société Thelem Assurances aux dépens, qui pourront être recouvrés par la société Ares, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamné la société Thelem Assurances à payer à la société Top Elevage, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que la présente décision est de droit exécutoire par provision.

Le 28 juin 2021, la société Thelem Assurances a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 13 février 2024, elle demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel et en toutes ses demandes fins et conclusions,

- déclarer la société Top Elevage irrecevable et mal fondée en son appel incident et en toutes ses demandes fins et conclusions,

- déclarer la société Top Elevage irrecevable en sa demande de réformation du jugement entrepris quant au montant des frais irrépétibles alloués en première instance puisqu'elle ne figure pas dans les conclusions notifiées à la cour le 20 décembre 2021 et par lesquelles, elle a formé un appel incident,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a considéré que la clause de déchéance de garantie était opposable à la société Top Elevage,

Statuant à nouveau :

- déclarer qu'elle est bien fondée à invoquer la clause de déchéance de garantie prévue au contrat en caractères très apparents à la société Top Elevage, eu égard à la déclaration de sinistre frauduleuse opérée par M. [K] [J] en sa qualité de gérant de cette dernière, s'agissant de l'accident survenu le 18 août 2017 et au cours duquel [Z] [W] est décédé,

- déclarer en conséquence qu'elle est bien fondée à solliciter la restitution des fonds versés à la société Top Elevage sur la base de la police d'assurance n° TA1A11304429 le 13 octobre 2017, au titre des dommages matériels occasionnés au véhicule de type Jumper immatriculé sous le n° [Immatriculation 3],

- ordonner la déchéance de garantie prévue dans la police d'assurance n° TA1A11304429 et déclarer en conséquence, que l'assurée est déchue de tout droit à garantie pour ce sinistre, tel que cela est prévu dans la clause de déchéance de garantie,

En conséquence,

- condamner la société Top Elevage à procéder à la restitution des fonds versés indûment par elle, soit la somme de 11 505,00 euros,

- ordonner la restitution par la société Top Elevage de la somme de 1 000 euros perçue en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,

- condamner la société Top Elevage à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,

- débouter la société Top Elevage de toutes ses demandes plus amples ou contraires, dont celle formulée au titre des frais irrépétibles en cause d'appel,

- condamner la société Top Elevage aux entiers dépens de première instance qui pourront être recouvrés directement par la société Quadrige Avocats, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

- condamner la société Top Elevage à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner la société Top Elevage en tous les dépens d'appel dont distraction au profit de la société Quadrige Avocats, avocat aux offres de droit, laquelle pourra procéder à leur recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 27 mars 2024, la société Top Elevage demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce que le tribunal a considéré que la clause de déchéance de garantie lui est opposable,

En conséquence,

- y additer et juger que la clause de déchéance de garantie ne lui est pas opposable,

- condamner la société Thelem Assurances à la garantir du sinistre intervenu le 18 août 2017 tant au titre de la garantie «dommages tous accidents» que de la garantie faute inexcusable figurant au contrat d'assurance automobile n° TA1A1304429, à la suite du recours initié par les consorts [W] (jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Rennes du 12 août 2021 et arrêt de la cour d'appel de Rennes du 1er février 2023),

- débouter la société Thelem Assurances de toutes ses demandes,

- condamner la société Thelem Assurances à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et 5 000 euros en cause d'appel,

- condamner la société Thelem Assurances aux dépens au bénéfice de la société Ares.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il est rappelé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de 'constater', 'donner acte', 'dire et juger' qui ne constituent pas des prétentions susceptibles d'entraîner des conséquences juridiques au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais uniquement la reprise de moyens développés dans le corps des conclusions qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties.

La société Thelem Assurances demande notamment, aux termes du dispositif de ses dernières conclusions, de déclarer la société Top Elevage irrecevable en son appel incident et en ses demandes mais elle ne précise pas en quoi cet appel ou ces demandes seraient irrecevables. Elle sera déboutée de cette demande.

- Sur l'opposabilité de la clause de déchéance de garantie

La société Thelem Assurances demande de confirmer le jugement qui a retenu que les conditions particulières signées faisaient référence aux conditions générales, de sorte que le souscripteur avait nécessairement pris connaissance de ces dernières qui lui étaient opposables conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation. Elle ajoute que les conditions générales ont été éditées en mars 2015 et que les conditions particulières ont été signées le 7 juillet 2015 de sorte qu'il n'y a aucun doute sur l'exemplaire des conditions générales remis au gérant de la société Top Elevage.

En réplique, la société Top Elevage expose que les conditions générales ne sont pas signées par elle et que les conditions particulières, signées par elle, qui indiquent qu'elle a reçu les conditions générales, ne comportent aucune référence de sorte qu'il est impossible de savoir si les conditions générales communiquées par la société Thelem Assurances en juillet 2015 sont bien celles qui lui ont été remises lors de la signature du contrat. Elle en déduit que la société Thelem Assurances échoue à démontrer qu'elle a porté à sa connaissance la clause de déchéance de garantie et demande de la voir déclarer inopposable à son égard.

Aux termes des dispositions de l'article 1134 devenu 1103 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Selon l'article L. 112-2, alinéa 2, du Code des assurances, dans sa rédaction applicable au litige, avant la conclusion du contrat, l'assureur remet à l'assuré un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes ou une notice d'information sur le contrat qui décrit précisément les garanties assorties des exclusions, ainsi que les obligations de l'assuré.

L'article R.112-3 du même code, dans sa version applicable au litige, énonce que la remise des documents visés au deuxième alinéa de l'article L.112-2 est constatée par une mention signée et datée par le souscripteur apposée au bas de la police, par laquelle celui ci reconnaît avoir reçu au préalable ces documents et précisant leur nature et la date de leur remise.

Ainsi, une clause d'un contrat d'assurance n'est opposable à l'assuré que si elle a été portée à sa connaissance au moment de l'adhésion à la police.

Il appartient, dès lors, à la société Thelem Assurances de démontrer la connaissance et l'acception des conditions du contrat et plus précisément des conditions générales. Il est constant qu'une telle preuve peut résulter de l'insertion dans les conditions particulières signées par l'assuré d'une clause de renvoi à des documents non signés à la condition que ces documents soient suffisamment identifiés, que l'assuré soit informé qu'ils font partie du contrat et qu'il ait pu en prendre connaissance avant sa conclusion.

La société Thelem Assurances produit :

- les conditions particulières de la police d'assurance n° TA1A11304429 du véhicule en cause signées par les parties le 7 juillet 2015 qui mentionnent notamment 'Préalablement à la souscription, vous avez reçu un exemplaire des dispositions générales et leurs documents annexés, ces documents valant notices d'information et de tarification',

- les conditions générales 'mon assurance auto' qui comporte en page 33 une clause de déchéance de garantie ainsi rédigée 'si vous (ou l'un de vos ayants droit) faites de fausses déclarations sur la nature, les causes, les circonstances et les conséquences du sinistre, vous serez entièrement déchu de tout droit à la garantie pour ce sinistre.'

En dernière page de ces conditions générales, il est mentionné 'imprimé N° 61- 03/2015".

Il en résulte que ces conditions générales ont été éditées en mars 2015. C'est dès lors à bon droit que le premier juge a considéré que même si les conditions particulières ne mentionnaient pas précisément la référence des conditions générales auxquelles elles renvoyaient, il ne faisait aucun doute qu'il s'agissait du document produit par la société Thelem Assurances qui a été remis à l'assuré compte tenu des dates d'édition et de signature. Le jugement sera confirmé sur ce point.

- Sur l'application de la clause de déchéance de garantie

La société Thelem Assurances soutient qu'en omettant sciemment de lui préciser dans la déclaration de sinistre, qu'au moment dudit sinistre, le salarié au volant du véhicule était sous l'empire de l'état alcoolique, M. [J], le gérant de la société Top Elevage a agi de mauvaise foi dans sa déclaration de sinistre. Elle fait valoir qu'il avait parfaitement connaissance de l'état d'alcoolémie du salarié en étant présent lors de la consommation par le salarié de l'alcool mis à disposition des salariés sur leur temps et lieu de travail. Elle ajoute que M. [J] a également volontairement dissimulé le fait qu'il avait demandé à son salarié, qu'il savait alcoolisé, de se rendre en voiture dans un magasin pour ramener un outil pour poursuivre le chantier.

Elle rappelle que les fausses déclarations, constituant un fait juridique, peuvent être prouvées par tous moyens au visa de l'article 1358 du code civil et entend se fonder sur les éléments de l'enquête de gendarmerie et celle de l'inspection du travail pour démontrer que M. [J] savait que son salarié était en état d'ébriété et qu'il lui a, malgré tout, donné l'ordre d'utiliser le véhicule en cause. Elle considère également qu'il n'a pas communiqué des documents qui étaient réclamés dans la police d'assurance.

Elle ajoute que lorsqu'elle a effectué le versement de la somme de 11 505 euros le 13 octobre 2017, elle n'avait pas connaissance que l'employeur savait que son salarié était alcoolisé et qu'il l'avait laissé prendre le volant de sorte qu'il ne peut lui être reproché d'avoir renoncé à se prévaloir de la clause de déchéance de garantie.

Elle demande d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en répétition de l'indu pour la somme de 11 505 euros.

La société Top Elevage demande de confirmer le jugement entrepris qui a considéré que l'assureur ne démontrait pas qu'il avait rédigé une déclaration frauduleuse.

Elle relève que la société Thelem Assurances n'avait pas communiqué la déclaration de sinistre en première instance. Si devant la cour elle la produit, la société Top Elevage expose que cette déclaration n'est pas fausse en ce qu'elle relate l'accident subi par M. [W]. Elle expose que la société Thelem Assurances était parfaitement informée de l'alcoolisation de ce dernier puisqu'elle n'a versé aucun indemnisation à ses ayants droit au titre de la garantie corporelle conducteur mais qu'elle n'a indemnisé la société Top Elevage que du dommage matériel lié à la destruction du véhicule.

Elle précise qu'aucune clause du contrat ne justifie que la société Top Elevage fasse état de l'alcoolisation de M. [W]. Elle ajoute que seule l'enquête a permis d'établir cet état et que la déclaration est intervenue le 21 août alors que l'enquête n'était pas clôturée. Elle en déduit qu'elle n'avait aucune information précise sur les circonstances de l'accident au moment de la déclaration.

Elle reproche à la société Thelem Assurances de se fonder sur les déclarations de M. [J] aux enquêteurs ou à l'inspection du travail alors que la fausse déclaration ne peut être faite qu'à l'assureur.

Elle fait valoir qu'aucun élément de l'enquête ne permet d'établir que M. [J] savait que M. [W] avait bu plus qu'une bière au moment où il a pris le volant ou qu'il présentait des signes d'ivresse en rappelant que la consommation d'alcool sur un chantier n'est pas interdite par le code du travail. Elle indique que M. [W] a pris le véhicule de sa propre initiative sans que personne ne l'ait vu partir.

S'agissant des pièces que la société Thelem Assurances lui reproche de ne pas lui avoir communiquées, elle expose que l'assureur ne précise pas quels documents auraient dû être communiqués et qu'au moment de la déclaration, l'enquête pénale était en cours. Elle ajoute que dès le recours en faute inexcusable des consorts [W], la société Thelem Assurances a eu accès à toute la procédure.

Elle considère que la société Thelem Assurances ne démontre pas une quelconque intention frauduleuse de sa part ni le moindre préjudice, la garantie 'dommages tous accidents' aurait été mobilisable au bénéfice du propriétaire du véhicule même si le salarié conducteur était sous l'empire d'un état alcoolique passible d'une sanction pénale.

Aux termes des dispositions de l'article 1134 devenu 1103 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Aux termes des dispositions de l'article 1104 du code civil, les conventions doivent être exécutées de bonne foi.

Il convient de rappeler que la clause de déchéance de garantie est ainsi rédigée 'si vous (ou l'un de vos ayants droit) faites de fausses déclarations sur la nature, les causes, les circonstances et les conséquences du sinistre, vous serez entièrement déchu de tout droit à la garantie pour ce sinistre.'

Il n'est pas contesté que la clause de déchéance de garantie est claire et stipulée en caractère très apparent dans le contrat d'assurance.

Devant la cour, la société Thelem Assurances produit la déclaration de sinistre rédigée par M. [J] pour la société Top Elevage le 21 août 2017 qui mentionne : 'par la présente, je déclare que mon salarié [Z] [W] a eu un accident sur la route survenu le 18 août 2017 avec la camion Jumper [Immatriculation 3] à [Localité 5] (35).'

La société Thelem Assurances invoque le fait que la société Top Elevage ne lui a pas transmis des documents avec la déclaration de sinistre tels que 'récépissé de dépôt de plainte et pièces de procédure qui seraient adressés, remis ou signifiés à vous-même ou à vos préposés' au vu des conditions générales en page 33.

Si l'enquête préliminaire ouverte à l'encontre de M. [J] pour abstention volontaire d'empêcher un crime ou un délit contre l'intégrité des personnes était en cours au moment de la déclaration de sinistre et que M. [J] n'a été auditionné que le 28 août 2017 et les salariés à compter du 2 septembre 2017, il n'en demeure pas moins que M. [J] était informé de cette procédure qui a été ouverte le jour de l'accident tel que cela résulte du procès-verbal de transport et qu'il n'en a pas fait état dans sa déclaration de sinistre.

La société Thelem Assurances reconnaît qu'elle était informée de la conduite du véhicule de M. [W] sous l'empire d'un état alcoolique lorsqu'elle a effectué le versement de 11 505 euros le 13 octobre 2017 mais elle reproche à M. [J] d'avoir eu conscience de cet état alcoolique et d'avoir laissé son salarié prendre le volant et d'avoir ainsi rédigé une fausse déclaration. Il ne peut ainsi lui être reprochée d'avoir renoncé à invoquer la déchéance de garantie.

Il est constant que les fausses déclarations, constituant un fait juridique, peuvent être prouvées par tous moyens au visa de l'article 1358 du code civil.

La société Thelem Assurances se fonde sur l'enquête préliminaire et la procédure dressée par l'inspection du travail.

Il apparaît aux termes de l'enquête préliminaire pour abstention volontaire d'empêcher un crime ou un délit contre l'intégrité d'une personne, les éléments suivants :

- le 18 août 2017 à 13H50, M. [W] conduisait un véhicule de la société Top Elevage, son employeur depuis trois ans, lorsqu'il a percuté un arbre et est décédé. Il a été contrôlé à un taux de 1,79 grammes par litre de sang.

- dans le cadre du procès-verbal de transport dressé le 18 août 2017, M. [J] a indiqué qu'il se trouvait sur le même chantier que M. [W] et que M. [W] se rendait à [Localité 6] chercher un appareil de location servant pour le chantier en cours.

- un procès-verbal d'investigation indique que Mme [W] n'était pas étonnée que son mari ait été sous l'empire d'un état alcoolique parce que depuis qu'il travaillait pour la société Top Elevage, il buvait régulièrement de l'alcool avec son patron le midi et le soir et que le midi du jour de l'accident, il avait déjeuné avec son patron chez les agriculteurs où il travaillait et qu'il avait pris son véhicule après le repas pour chercher une pièce manquante pour le chantier à [Localité 6].

- la soeur de M. [W], Mme [W] a déclaré que M. [J] lui avait dit qu'ils avaient bu deux apéros et qu'il y avait 4 cubis sur le chantier et que sa seule inquiétude était de savoir s'il y avait eu des prélèvements.

- l'épouse de M. [W] a indiqué dans sa deuxième déclaration que M. [J] lui avait confirmé la présence de 4 cubis

- M. [L], un intérimaire présent sur le chantier, a confirmé la présence de bière et de rosé.

- M. [S], un autre intérimaire, a mentionné la présence de bière, de Ricard et de cubis de vin et a précisé que M. [W] avait bu de la bière, du rosé et à midi du Ricard et de la bière en précisant qu'il y avait de la bière tous les jours et que les gens chez qui ils travaillaient leur payaient de la bière et du Ricard vers 10h30. Il a ajouté que M. [J] avait demandé à M. [W] d'aller chercher la pièce utile chez Kilitou à [Localité 6].

- M. [J] a indiqué dans sa première audition qu'il n'avait pas vu M. [W] boire une bière et ne s'expliquait pas son taux d'alcoolémie. Il a affirmé que M. [W] avait pris l'initiative de partir avec le véhicule sans lui demander. Dans son deuxième audition, il a maintenu qu'il n'avait pas vu l'alcool présent sur le chantier.

- M. [H], salarié de la société Top Elevage, a indiqué que M. [W] avait bu une bière et qu'il est parti seul, de même que M. [V]. Lors de sa deuxième audition, M. [H] a déclaré que le patron avait mis la pression et lui avait dit de ne pas parler d'alcool alors qu'il y avait de la bière et du vin. Il ne pouvait préciser ce que M. [W] avait bu.

Le signalement adressé par l'inspection du Travail au parquet mentionne, au vu des témoignages recueillis, que M. [J] était présent sur le chantier, a permis la présence d'alcool sans en limiter la consommation et a autorisé son salarié à utiliser le véhicule de l'entreprise alors qu'il avait consommé de l'alcool.

Il résulte de ces éléments que M. [J] était présent sur le chantier le jour des faits, qu'il est établi par l'ensemble des témoignages recueillis la présence et la consommation d'alcool de la part des salariés durant le chantier dès la matinée, que M. [S], intérimaire et donc sans lien de subordination avec M. [J], a déclaré aux gendarmes et à l'inspection du travail, que M. [W] avait bu de la bière, du rosé dans la matinée et à midi du Ricard et de la bière. M. [J], de part son pouvoir de direction, de surveillance et de contrôle des salariés, avait conscience de la consommation d'alcool de son salarié M. [W], qu'il a tenté de dissimuler, et en tout état de cause, il ne pouvait ignorer son état d'alcoolémie au vu du taux de 1,79 grammes auquel il a été contrôlé en début d'après-midi. Il ressort de la même déclaration de M. [S] que M. [J] a demandé à M. [W] d'aller chercher une pièce en prenant le véhicule de société. Si M. [J] le conteste, il n'est pas justifié du profil de poste de M. [W] et de sa capacité à engager des frais pour le compte de la société en louant du matériel de sa propre initiative.

Il est donc établi que le gérant de la société Top Elevage avait conscience que son salarié allait conduire sous l'empire d'un état alcoolique et s'est abstenu délibérément d'en faire état lors de sa déclaration de sinistre, ce qui caractérise une fausse déclaration sur les causes et les circonstances du sinistre. La mauvaise foi est caractérisée par la volonté du gérant de la société Top Elevage de dissimuler la présence et la consommation d'alcool sur le chantier le jour des faits aux gendarmes notamment en faisant pression sur les salariés présents et en s'inquiétant sur l'existence de prélèvements sanguins sur le salarié victime.

Par ailleurs, la déchéance de garantie n'implique pas la démonstration par l'assureur d'un préjudice en ce qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'une déclaration de sinistre tardive mais d'une fausse déclaration relative au sinistre.

La société Thelem Assurances est donc bien fondée à invoquer la clause de déchéance de garantie prévue au contrat à la société Top Elevage. La société Top Elevage sera condamnée à procéder à la restitution des fonds indûment versés par la société Thelem Assurances pour la somme de 11 505 euros au visa de l'article 1302 du code civil. Le jugement sera infirmé.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant la société Top Elevage sera condamnée à verser à la société Thelem Assurances la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce qu'il a dit que la clause de déchéance de garantie est opposable à la société Top Elevage ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Déboute la société Top Elevage de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Condamne la société Top Elevage à procéder à la restitution des fonds versés indûment par la société Thelem Assurances soit la somme de 11 505 euros ;

Condamne la société Top Elevage à verser à la société Thelem Assurances la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Condamne la société Top Elevage aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Déboute la société Thelem Assurances du surplus de ses demandes.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/03908
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;21.03908 ?
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