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26/06/2024 | FRANCE | N°21/02796

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 26 juin 2024, 21/02796


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°333



N° RG 21/02796 -

N° Portalis DBVL-V-B7F-RTLR













Mme [G] [V]



C/



Fondation ARMEE DU SALUT

















Infirmation partielle















Copie exécutoire délivrée

le :



à :

-Me Yann MICHOT

-Me Stéphane PICARD





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇA

IS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 JUIN 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé





...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°333

N° RG 21/02796 -

N° Portalis DBVL-V-B7F-RTLR

Mme [G] [V]

C/

Fondation ARMEE DU SALUT

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Yann MICHOT

-Me Stéphane PICARD

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 18 Avril 2024

En présence de Madame [Z] [K], médiatrice judiciaire,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

Madame [G] [V]

née le 13 Juin 1959 à [Localité 7] (14)

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Comparante à l'audience, ayant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, Avocat au Barreau de POITIERS, pour postulant et représentée à l'audience par Me Gilles TESSON de la SELARL GILLES TESSON AVOCAT, Avocat plaidant du Barreau de LA ROCHE-SUR-YON

INTIMÉE et appelante à titre incident :

La Fondation de l'ARMÉE DU SALUT prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

[Adresse 3]

[Localité 4]

Ayant Me Stéphane PICARD de la SELEURL PICARD AVOCATS, Avocat au Barreau de PARIS, pour Avocat constitué

Madame [G] [V] a été engagée par la Maison de Retraite [5] à compter du 20 juin 2017, par contrat à durée indéterminée, en qualité d'in'rmière référente coordinatrice. Il s'agit d'un EHPAD situé à [Localité 6] qui accueille environ 80 résidents et emploie plus d'une cinquantaine d'intervenants.

Mme [V] relevait du statut de cadre de santé, au coef'cient 590, de la convention collective des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif, et percevait un salaire brut de 3405, 45 euros (au vu du contrat de travail)

Ses horaires de travail prévus au contrat étaient de 35 heures hebdomadaires.

Par avenant en date du 19 septembre 2017, la période d'essai de madame [V] était prolongée de 4 mois.

Le 20 novembre 2017, Madame [V] était avertie par courrier du changement d'employeur prévu pour le 1er Janvier 2018, la maison de retraite protestante rejoignant la Fondation Armée du Salut qui gère environ 200 structures d'accueil en France dont plusieurs EHPAD, et emploie près de 2 400 salariés. Ce courrier précisait que les contrats de travail ne subiraient aucune modi'cation.

Le 10 janvier 2018, Madame [V] signait un avenant à son contrat de travail qui prévoyait un changement de son horaire hebdomadaire de 35 à 39 heures, en contrepartie de 18 jours de RTT.

Madame [V] a été placée en arrêt de travail du 22 août au 6 octobre 2018, puis de nouveau à compter du 19 octobre (arrêt ensuite régulièrement prolongé).

Par courrier remis en main propre contre décharge le 10 octobre 2018 (deux jours après son retour au travail), madame [V] était convoquée à un entretien préalable qui s'est tenu le 19 octobre 2018, en présence de madame [B] [S], membre du CHSCT.

Elle était de nouveau placée en arrêt de travail à compter du 19 octobre, pour cause de syndrome dépressif réactionnel.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 30 octobre 2018, madame [V] était licenciée pour insuffisance professionnelle, avec une dispense d'exécuter son préavis de 4 mois.

Elle contestait ce licenciement dans un courrier du 6 novembre 2018.

De la fin de l'année 2018 aux environs de juin 2019, des échanges ont eu lieu entre Mme [V] et son ancien employeur s'agissant de la remise de documents sociaux de fin de contrat.

Le 28 octobre 2019, Mme [V] saisissait le Conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de :

A titre principal,

' Juger le licenciement intervenu nul, à défaut sans cause réelle ni sérieuse,

' Ordonner la réintégration avec le paiement des salaires à courir entre la fin du contrat (mars 2019) et le jugement à intervenir sur la base du salaire de référence mensuel : soit 5.508,78 € bruts, soit de mars 2018 à février 2021 : 132.210,72 € bruts,

A titre subsidiaire, en cas de non réintégration,

' Juger que le plafonnement issu du barème de l'article L.1235-3 du code du travail doit être écarté en raison de son inconventionnalité,

' Condamner l'association FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT à payer 60.000 € nets de CSG/CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre plus subsidiaire, si le conseil ne retenait pas l'inopposabilité du plafonnement,

' Condamner l'association FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT à payer :

- 11.017,56 € nets de CSG/CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 48.982,44 € nets au titre des préjudices spécifiques d'espèce supportés par Mme [V],

En tout état de cause,

' Juger :

- la situation constitutive d'une dissimulation d'emploi salarié (art. L.8221-5 du code du travail),

- que Mme [V] a subi du harcèlement moral, à défaut des agissements déloyaux,

' Condamner l'association FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT à payer les sommes suivantes :

- 2.970,41 € bruts de rappel d'astreintes de juin 2017 à février 2019, outre 297,04 € bruts de congés payés afférents,

- 1.621,80 € bruts au titre des dimanches et jours fériés travaillés et non payés, de juin 2017 à février 2019, outre 162,18 € bruts de congés payés afférents,

- 867,01 € bruts au titre du repos compensateur, outre 86,70 € bruts de congés payés afférents,

- 3.213,06 € bruts de rappel de RTT acquises, outre 321,31 € bruts de congés payés afférents,

- 16.165,22 € bruts de rappel d'heures supplémentaires, outre 1.616,52 € bruts de congés payés afférents,

- 607, 78 € bruts au titre des jours de carence, outre 60,78 € bruts de congés payés afférents,

- 1.871,10 € bruts au titre de trois astreintes oubliées en 2017, outre 187,11 € bruts de congés payés afférents,

- 2.141,10 € bruts au titre de trois astreintes oubliées en 2018, outre 214,11 € bruts de congés payés afférents,

- 33.052,68 € nets de CSG CRDS d'indemnité forfaitaire au titre de l'article L. 8223-1 du code du travail égale à six mois de salaire,

- 15.000 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral, à défaut, des agissements déloyaux,

- 10.000 € de dommages et intérêts pour non-respect des obligations en matière de prévention des risques professionnels en général et du harcèlement moral en particulier et des obligations en matière de santé et sécurité au travail,

- 2.000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Capitalisation des intérêts (article 1343-2 du code civil),

' Fixer le salaire de référence à la somme de 5.508,78 € bruts,

- Rejeter les éventuelles demandes reconventionnelles de l'association FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT,

' Dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à intervenir, et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire devront être supportées par la société défenderesse,

' Exécution provisoire du jugement à intervenir.

La cour d'appel est saisie de l'appel régulièrement interjeté par Mme [V] le 6 mai 2021 contre le jugement du 1er avril 2021, par lequel le Conseil de prud'hommes de Nantes a :

' Dit que :

- la demande de rappel de salaire au titre des jours de RTT était justifiée,

- les heures supplémentaires étaient dues,

- le harcèlement moral ne pouvait être établi,

- l'employeur n'avait pas manqué à ses obligations de sécurité,

- le licenciement était justifié,

' Condamné l'association FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT à payer à Mme [V] les sommes suivantes :

- 3.213,06 € bruts à titre de rappel de salaire pour les RTT non attribués, outre 321,31 € bruts à titre de congés payés afférents,

- 16.165,22 € bruts à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre 1.616,52 € bruts à titre de congés payés afférents,

- 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

' Lesdites sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2019, les intérêts produisant eux-mêmes des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil,

' Limité l'exécution provisoire du présent jugement à l'exécution provisoire de droit définie à l'article R.1454-28 du code du travail et, à cet effet, fixé à 4.700,42 € le salaire mensuel moyen de référence,

' Ordonné à l'association FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT de remettre à Mme [V] ses bulletins de salaire rectificatif mentionnant les sommes à caractère salarial ainsi qu'une attestation Pôle Emploi, conformes à la décision dans les 30 jours suivant cette décision,

' Débouté Mme [V] de ses autres demandes à caractère salarial,

' Débouté Mme [V] de ses demandes à ces titres et du surplus de ses demandes,

' Reçu l'association FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT en ses demandes reconventionnelles et l'en a débouté,

' Condamné l'association FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT aux dépens,

' Dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à intervenir et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la défenderesse

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 21 janvier 2022 suivant lesquelles Mme [V] demande à la cour d'appel de :

Confirmer le jugement du 1er avril 2021 en ce qu'il a :

- condamné l'association FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT à payer à Mme [V] les sommes suivantes :

- 3.213,06 € bruts à titre de rappel de salaire pour les RTT non attribués, outre 321,31 € bruts à titre de congés payés afférents,

- 16.165,22 € bruts à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre 1.616,52 € bruts à titre de congés payés afférents,

- 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens

- ordonné à l'association FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT de remettre à Mme [V] ses bulletins de salaire rectificatifs, mentionnant les sommes à caractère salarial ainsi qu'une attestation Pôle Emploi, conformes à la décision dans les 30 jours suivant la décision,

- dit avoir lieu à intérêts de droit à compter du 28 octobre 2019 (date de la requête prud'homale) ainsi qu'à l'application de l'article 1343-2 du code civil.

- fixé le salaire de référence à 5.508,78 € bruts,

' Infirmer le jugement du 1er avril 2021 pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

' Juger le licenciement intervenu nul, à défaut sans cause réelle ni sérieuse,

' Ordonner la réintégration avec le paiement des salaires à courir entre la fin du contrat (mars 2019) et le jugement à intervenir sur la base du salaire de référence mensuel : soit 5.508,78 € bruts, soit de mars 2018 à septembre 2022 : 302.982,90 € bruts,

A titre subsidiaire, en cas de non réintégration,

' Juger que le plafonnement issu du barème de l'article L.1235-3 du code du travail doit être écarté en raison de son inconventionnalité, au regard des articles 24 de la charte sociale européenne ainsi que 4 et 10 de la convention OIT 158, le droit à un procès équitable, l'atteinte à la liberté constitutionnelle de travailler, conserver son emploi dans un environnement sain, du harcèlement moral supporté et des préjudices d'espèce,

' Condamner l'association FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT à payer 80.000 € nets de CSG/CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre plus subsidiaire, si « le conseil » ne retenait pas l'inopposabilité du plafonnement,

' Condamner l'association FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT à payer :

- 11.017,56 € nets de CSG/CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 68.982,44 € nets au titre des préjudices spécifiques d'espèce supportés par Mme [V],

En tout état de cause,

' Juger :

- la situation constitutive d'une dissimulation d'emploi salarié (art. L.8221-5 du code du travail),

- que Mme [V] a subi du harcèlement moral, à défaut des agissements déloyaux,

' Constater le non-respect par l'employeur de ses obligations en matière de prévention des risques professionnels en général et du harcèlement moral en particulier et de ses obligations en matière de santé et sécurité au travail,

' Faire droit aux rappels de salaire suivants :

- 2.970,41 € bruts de rappel d'astreintes de juin 2017 à février 2019, outre 297,04 € bruts de congés payés afférents,

- 1.621,80 € bruts au titre des dimanches et jours fériés travaillés et non payés, de juin 2017 à février 2019,outre 162,18 € bruts de congés payés afférents,

- 867,01 € bruts au titre du repos compensateur, outre 86,70 € bruts de congés payés afférents,

- 607, 78 € bruts au titre des jours de carence, outre 60,78 € bruts de congés payés afférents,

- 1.871,10 € bruts au titre de trois astreintes oubliées en 2017, outre 187,11 € bruts de congés payés afférents,

- 2.141,10 € bruts au titre de trois astreintes oubliées en 2018,outre 214,11 € bruts de congés payés afférents,

' Condamner l'association FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT à payer :

- 33.052,68 € nets de CSG CRDS d'indemnité forfaitaire au titre de l'article L. 8223-1 du code du travail égale à six mois de salaire, (cas du travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié),

- 22.500 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral, à défaut, des agissements déloyaux,

- 10.000 € de dommages et intérêts pour non-respect des obligations en matière de prévention des risques professionnels en général et du harcèlement moral en particulier et des obligations en matière de santé et sécurité au travail,

- 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, et aux entiers dépens,

' Rejeter les éventuelles demandes reconventionnelles de l'association FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT et l'en débouter.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 6 mai 2021, suivant lesquelles l'association FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT demande à la cour d'appel de :

' Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Nantes en ce qu'il a :

- dit que :

- la demande de rappel de salaire au titre des jours de RTT était justifiée,

- les heures supplémentaires étaient dues,

- condamné l'association FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT à verser à Mme [V] les sommes suivantes :

- 3.213,06 € bruts à titre de rappel de salaire pour les RTT non attribués, outre 321,31 € bruts à titre de congés payés afférents,

- 16.165,22 € bruts à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre 1 616,52 € bruts à titre de congés payés afférents.

- 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

- jugé que lesdites sommes étaient assorties des intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2019, les intérêts produisant eux-mêmes des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- ordonné à l'association FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT de remettre à madame [V] ses bulletins de salaire rectificatifs mentionnant les sommes à caractère salarial ainsi qu'une attestation Pôle Emploi, conformes à la décision dans les 30 jours suivant cette décision ;

- débouté l'association FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT de ses demandes reconventionnelles,

' Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Nantes en ce qu'il a :

- débouté Mme [V] de ses autres demandes à caractère salarial,

- dit que le harcèlement moral ne pouvait être établi,

- l'employeur n'a pas manqué à ses obligations de sécurité,

- le licenciement était justifié,

- débouté Mme [V] de ses demandes à ces titres et du surplus de ses demandes.

Statuant à nouveau,

' Débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes,

' Ordonner la restitution, par Mme [V], des sommes perçues au titre de l'exécution provisoire ainsi que des bulletins de paie et documents de fin de contrats rectifiés,

Subsidiairement, si la cour d'appel venait à juger que le licenciement notifié à Mme [V] serait injustifié,

' Condamner l'association FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT à verser à Mme [V] la somme de 4.224,20 € bruts à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause et à titre reconventionnel,

' Condamner Mme [V] à verser à l'association FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT la somme de 6.500 € aux titres des frais engagés en première instance et en cause d'appel,

' Condamner Mme [V] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

***

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 avril 2024.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour d'appel se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties aux conclusions sus-visées

MOTIFS

Il convient d'abord de constater que la demande formée par Mme [V] dans le corps de ses conclusions au titre de la communication par l'intimée de certaines pièces, ne figure pas dans le dispositif de ses conclusions, dont la cour d'appel est seule saisie en application de l'article 954 du code de procédure civile Il ne sera donc pas répondu à cette demande.

Sur les demandes formées par Mme [V] au titre de l'exécution du contrat

Mme [V] demande à la cour d'appel de confirmer le jugement déféré en ce qui concerne le rappel de salaire au titre des RTT acquises ainsi que le rappel d'heures supplémentaires.

Elle sollicite l'infirmation du jugement en ce qui concerne le rappel d'astreintes de juin 2017 à février 2019, le rappel des dimanches et jours fériés travaillés et non payés, sur la période de juin 2017 à février 2019, les repos compensateurs, le rappel des jours de carence, ainsi enfin que des astreintes oubliées en 2017 et 2018.

Sur les astreintes oubliées en 2017 et 2018

Aux termes des dispositions de l' article L3121-9 dans sa version applicable au litige (issu de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 ) : « une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.

La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.

La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.

Les salariés concernés par des périodes d'astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable »

Mme [V], qui indique que sa rémunération inclut une astreinte mensuelle, fait valoir que certaines astreintes supplémentaires n'ont pas été rémunérées : 3 astreintes en 2017, à savoir du 15 au 22 septembre, du 20 au 28 juillet, et du 28 décembre 2017 au 8 janvier 2018.

Le contrat de travail prévoit en effet la réalisation d'astreintes  « en application de l'accord de branche n°2005-04 du 22 avril 2005 », lesquelles seront « rémunérées conformément aux dispositions conventionnelles en vigueur et au vu des périodes d'astreinte réellement effectuées sur chaque mois concerné » (pièce n°1 de la salariée)

Afin d'établir la réalité de ses astreintes en 2017, Mme [V] verse aux débats le cahier des astreintes (pièce N°13), permettant de connaitre les semaines où elle était effectivement d'astreinte, en précisant que cela ne correspond pas toujours avec le planning prévisionnel de la FADS MRP.

La cour d'appel note, à l'examen et la comparaison des pièces transmises par la salariée et par l'employeur qu'en ce qui concerne l'astreinte du 20 au 27 juillet 2017 (justifiée au regard du planning et du cahier d'astreinte), Mme [V] a été réglée de cette astreinte en avril 2018 (comme cela résulte du commentaire sur le tableau d'astreinte qui énonce qu'elle n'a pas réalisé d'astreinte en avril pour compenser celle de juillet 2017 ) ce même mois  ; que la période d'astreinte du 28 décembre au 31 décembre également justifiée (avec déplacement de 2H30 le dimanche 31 décembre) a été réglée en janvier 2018 (825, 94 euros), et celle du 1er au 8 janvier ont été réglées en février 2018 (1408, 41 euros), comme cela résulte de bulletins de salaire versés aux débats (pièce 39 de l'employeur) .

En revanche, à l'examen de ces mêmes pièces il n'est pas justifié du paiement de l'astreinte réalisée par Mme [V] du 15 au 22 septembre 2017, qui est toutefois bien mentionnée au cahier d'astreinte.

Mme [V] peut donc prétendre au paiement de l'indemnité d'astreinte à hauteur de 853, 39 euros.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point et la Fondation Armée du Salut sera condamnée à payer cette somme à Mme [V].

Sur le montant des astreintes :

Mme [V] conteste la modification intervenue à compter de l'année 2018 dans les horaires de réalisation des astreintes, à savoir qu'elles débutaient à 21H00 et se terminaient à 7H00, au lieu de 18H30 à 8H30 précédemment. Elle sollicite en conséquence le paiement des heures d'astreinte réalisées de 18H30 à 21H puis de 7H00 à 8H30.

L'employeur ne conteste pas cette modification des horaires d'astreinte, et ne justifie pas en avoir informé les salariés. Il résulte en outre du cahier d'astreinte versé aux débats que pour les semaines d'astreinte de 2018, Mme [V] pouvait être sollicitée au titre de ses astreintes entre 18H30 et 21H, de même qu'entre 7H et 8H30.

La cour d'appel considère donc que Mme [V] est en droit d'être rémunérée La cour d'appel considère donc que Mme [V] est en droit d'être rémunérée au titre de ces heures d'astreinte réalisées en sus en 2018, à hauteur de 20 heures par semaine (étant rappelé que les journées des samedi et dimanche étaient déjà réglés en totalité). L'examen des plannings et du cahier d'astreinte permet de considérer qu'elle a réalisée 8 semaines d'astreinte en 2018 (avant ses congés d'été et son arrêt maladie), lui permettant de prétendre au paiement de la somme de 898, 80 euros (20 heures X 0, 25 X 22, 47) X 8 semaines).

Le jugement sera donc réformé sur ce point et la Fondation Armée Du Salut sera condamnée à payer à Mme [V] la somme de 898, 80 euros outre 89, 88 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande au titre du « rappel de salaire pour les astreintes de juin 2017 à février 2019 »

Mme [V], qui sollicite la somme totale de 2 970, 41 euros, n'explicite pas sa demande à ce titre.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [V] de cette demande.

- sur la demande au titre des dimanche et jours fériés travaillés et non payés

Mme [V] demande le paiement de ses interventions relatives aux dimanches et jours fériés ainsi que l'indemnisation des repos compensateurs

Selon l'article 3 de son contrat de travail, Mme [V] peut prétendre à une « indemnité de dimanches et jours fériés travaillés », versée « conformément aux dispositions conventionnelles »

Selon l'article 05-07.2.4 de la convention collective applicable, si au cours d'une astreinte, le salarié est appelé à assurer un temps de travail effectif, ce temps sera rémunéré en tant que travail effectif avec application des majorations correspondantes, dès lors que sont remplies les conditions légales et réglementaires ouvrant droit à ces majorations.

Cette indemnité se distingue de l'indemnisation de l'astreinte elle-même qui ne relève pas du temps de travail effectif (avec application d'un barème différent en cas d'astreinte de nuit, dimanche ou jour férié).

En premier lieu, en ce qui concerne le paiement de ses interventions, Mme [V], qui sollicite la somme de 1 621, 80 euros bruts sur la période de juin 2017 à février 2019, n'explicite aucunement sa demande à ce titre, dès lors qu'elle ne précise pas les jours fériés lors desquels sa présence était nécessaire sur place, avec déplacement.

A l'examen du cahier d'astreinte, il apparaît que sa présence a été requise sur place à trois reprises : le dimanche 31 décembre 2017 (2H30 sur place), ainsi que le samedi 24 février 2018 (30 minutes sur place) et le samedi 24 mars 2018 (8H15 sur place).

Elle ne peut donc solliciter que le paiement du dimanche 31 décembre à hauteur de 2H30 sur place, outre le temps de trajet (20 minutes), soit, selon les calculs réalisées par Mme [V] (pièce 13 : « astreintes 2017 : Etat de situation ») la somme de 79, 82 euros outre 7, 98 euros au titre des congés payés.

En second lieu, en ce qui concerne l'indemnisation des repos compensateurs non pris, Mme [V] sollicite le paiement de la somme de 867,01 euros (journées des 1er janvier, 21 mai, 14 juillet, 2018 et 1er janvier 2019 ainsi que 24 mars 2018).

Toutefois, selon les dispositions de l'article L3121-9 du code du travail, « la période d'astreinte doit faire l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos », si bien que Mme [V], qui a été payée de ses astreintes, ne peut solliciter une indemnisation complémentaire à ce titre.

Le jugement entrepris sera donc partiellement infirmé de ce chef.

Sur la demande au titre des RTT acquises :

Il résulte de l'avenant au contrat de travail signé entre les parties le 10 janvier 2018 que l'horaire hebdomadaire de Mme [V], cadre de santé non soumise à horaires, est fixé à 39 H par semaine et que conformément aux dispositions des accords en vigueur, elle bénéficie de 18 jours de RTT.

Contrairement à ce qu'elle indique dans ses écritures, Mme [V] sollicite l'application, non de la convention collective, mais de l'accord de branche applicable au secteur sanitaire, social et médico-social à but non lucratif, lequel renvoie à la conclusion d'un accord collectif afin d'organiser la RTT sous forme de jours de repos supplémentaires à hauteur de 23 jours en cas de durée du travail fixée à 39H hebdomadaire.

Toutefois, dès lors qu'en l'occurrence la convention collective applicable prévoit, pour les cadres non soumis à l'horaire collectif (ce qui est le cas de l'intéressée), 18 jours ouvrés de repos annuels supplémentaires, ce qui est conforme aux prévisions de l'avenant contesté, la demande formée par Mme [V] au titre des RTT supplémentaires n'apparaît pas fondée.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel de salaire formée à hauteur de 3 213, 06 euros bruts outre 321, 31 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les jours de carence

Mme [V] conteste des retenues de salaire opérées au titre des jours de carence appliqués suite à ses arrêts maladies.

Mme [V] a été placée en arrêt maladie du 22 août 2018 au 12 septembre 2018 suite à l'accident dont elle a été victime le 22 août, lequel a été prolongé jusqu'au 6 octobre 2018. (pièces 42 et 43 de l'employeur). Elle a ensuite de nouveau été placée en arrêt maladie à compter du 18 octobre 2018 jusqu'au 5 novembre 2018 (pour « stress réactionnel »), lequel a été prolongé jusqu'au licenciement intervenu le 30 octobre 2018 (pièce 31 de la salariée).

En application des dispositions combinées des articles L323-1 et R323-1 du code de la sécurité sociale, l'indemnité journalière est accordée à l'assuré social , à partir du 4ème jour qui suit le point de départ de l'incapacité de travail constatée par un médecin.

En outre, en cas d'arrêt de travail n'étant pas prescrit à la suite du précédent , le délai de carence de trois jours a vocation à s'appliquer à nouveau. Ce n'est qu'en cas de prolongation de l'arrêt de travail initial que ce délai ne s'applique pas (art L162-4-4 du CSS)

De même, la convention collective prévoit un délai de carence de 3 jours (sauf en cas d'hospitalisation ou d'affection de longue durée)

En l'espèce, les premiers arrêts de travail ayant été ininterrompus entre le 22 août 2018 et le 6 octobre 2018, ils ne pouvaient donc donner lieu qu'à 3 jours de carence initiaux. Il en est de même du second arrêt de travail (pour stress réactionnel) qui débute le 18 octobre pour se prolonger par la suite.

Toutefois, à l'examen des bulletins de salaire, aucun jour de carence n'est mentionné pour le mois d'août, alors même qu'il apparaît, à la lecture du bulletin de salaire du mois de septembre 2018, que la salariée a obtenu des indemnités journalières à compter du 22 août.

Mme [V] ne justifie pas de l'application injustifiée des jours de carence et de sa demande à ce titre, et le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

Sur les heures supplémentaires

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En outre, selon la jurisprudence de la cour d'appel de cassation, le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées (Cass Soc, 14 nov 2018)

Le contrat de travail signé le 20 juin 2017 mentionne que Mme [G] [V] est embauchée à « temps plein » « dans le respect des plannings affichés dans les unités de travail », soit 35H, ce qui n'est pas contesté par l'intimée.

Suite à l'avenant signé le 10 janvier 2018, la durée du travail de Mme [V] est portée à 39H par semaine (contre 18 jours de RTT).

Au soutien de sa demande en paiement des heures supplémentaires qu'elle indique avoir réalisées, Mme [G] [V] présente, pour chacun des mois concernés pendant sa période d'emploi, une feuille de relevé horaire (non contresignées par l'employeur) avec la date, l'heure d'embauche et de débauche ainsi que les pauses repas, ainsi que des tableaux récapitulatifs (pièces 12-1 et 12-2)

Elle verse également aux débats :

- Les attestations de Mme [P] [D] qui a travaillé avec Mme [V] jusqu'en décembre 2017 comme aide médico-psychologique, indiquant qu'elle était très investie dans son travail et qu'elle pouvait effectuer des heures supplémentaires non rémunérées, notamment lors du changement de logiciel informatique (pièce 65), ainsi que celle de [F] [U] (infirmière intérimaire) qui, bien qu'ayant peu travaillé au sein de la MRP, mentionne toutefois la présence de [G] [V] le soir à 20H (pièce 62). [A] [J], qui occupait le poste de cadre de santé avant Mme [V] indique pour sa part « sur la période d'été je travaillais jusqu'à 60H par semaine, de 8H à 20H » (pièce 34).

-un mail adressé par Mme [L] (armée du salut) à Mme [W] en juillet 2017 mentionnant « actuellement [G] travaille de 10H à 12H par jour » (pièce 40) .

- le document de préparation à l'entretien annuel d'évaluation réalisé le 12 décembre 2017 dans lequel Mme [V] mentionnait l'accomplissement d'heures supplémentaires avec la mention « fatigue physique et peu de vie privée » . (pièce 59-2)

Ces éléments, en particulier les tableaux réalisés sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, étant rappelé que contrairement à ce qu'il indique, il n'appartient pas à Mme [V] de rapporter la preuve de ses heures supplémentaires accomplies (notamment par la signature de l'employeur sur les relevés horaires transmis) et qu'il ne peut davantage être fait grief à celle-ci de ne pas en avoir réclamé le paiement pendant la période d'emploi alors qu'aucune prescription n'est alléguée.

De même, l'employeur ne peut se dispenser du paiement de ces heures au seul motif qu'elles ont été réalisées sans l'accord de la Direction, alors même que les attestations et autres pièces versées aux débats établissent la nécessité d'accomplir ces heures au regard de l'importance de la charge de travail qui était dévolue à Mme [V].

Par ailleurs, si l'employeur critique les éléments avancés par la salariée, il n'en fournit aucun de nature à justifier les horaires qui auraient réellement été suivis par Mme [V] et ne produit aucun document de contrôle relatif au décompte de la durée de travail.

En conséquence, la cour d'appel retient l'existence d'heures supplémentaires accomplies par Mme [V] pendant l'exécution de son contrat de travail, étant précisé que dans ses écritures et ses pièces, celle-ci prend en compte le passage à 39H par semaine à compter du 10 janvier 2018 (date de signature de l'avenant), ainsi que certaines récupérations qu'elle indique avoir obtenues.

Prenant également en compte le fait qu'il résulte de l'examen des bulletins de salaire concernés (avril et juin 2018) que quelques heures supplémentaires ont été payées, à hauteur de 268, 57 euros bruts, la cour d'appel fixe donc à 15 896, 65 euros bruts le montant du rappel de salaire dû à Mme [V] à ce titre, outre 1589,66 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé sur le principe de la réalisation des heures supplémentaires, mais infirmé sur le montant de la créance en résultant.

- Sur la demande formée au titre de la dissimulation d'emploi salarié

Selon l'article L.8221-5 du code du travail en sa rédaction applicable au présent litige, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l'espèce, s'il a été précédemment retenu que des heures supplémentaires ont été effectuées par Mme [V] sans avoir été rémunérées par la Fondation Armée du Salut MRP, ces seuls éléments ne suffisent pas à caractériser l'intention de l'employeur de se soustraire aux dispositions légales relatives à l'organisation de son travail, laquelle ne résulte pas seulement de l'inexécution des formalités à accomplir ou de l'absence de déclaration des heures effectivement réalisées sur les bulletins de paie.

L'infraction de travail dissimulé n'est donc pas caractérisée au sens des dispositions légales précitées, et le jugement entrepris sera confirmé à ce titre.

Sur les demandes formées par Mme [V] au titre de la rupture du contrat de travail

- Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1152-3 du code du travail prévoit que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction postérieure à la loi précitée, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, , permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le harcèlement moral peut en outre résulter de méthodes de gestion mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Pour infirmation à ce titre, Mme [V] soutient avoir été victime d'actes de harcèlement moral (ou agissements déloyaux) et sollicite en conséquence, outre l'octroi de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi de ce fait, la nullité du licenciement intervenu avec sa réintégration et le paiement des salaires correspondants

Mme [V] avance plusieurs griefs selon elle constitutifs de faits de harcèlement moral, ayant conduit à une dégradation de son état de santé et à son arrêt de travail du 18 octobre 2018 pour cause de « stress réactionnel », à savoir :

- le renouvellement irrégulier et imposé de la période d'essai malgré l'absence de stipulation l'autorisant dans le contrat ou la convention collective, à l'origine d'une insécurité professionnelle.

- une défiance exprimée en public par la directrice lors de réunions,

- un management agressif, un manque de soutien face au désarroi de l'équipe

- une organisation du travail délétère (surcharge de travail),

- une attitude de défiance : refus de la directrice de signer les procédures de désignation de référents/résidents proposées par la salariée

- une attitude blessante lors de la reprise du travail

- un entretien préalable déloyal (absence d'un représentant du personnel qualifié de 'pilier', positionnement de la salariée)

- des irrégularités dans la situation salariale post-licenciement

Sur le renouvellement de la période d'essai :

Le contrat de travail signé le 20 juin 2017 fixe à 4 mois la période d'essai, sans préciser la possibilité de renouveler celle-ci (conformément à la convention collective).

Alors qu'aucune disposition de la convention collective ne prévoit la possibilité de renouveler celle-ci, Mme [V] a toutefois signé un avenant à son contrat de travail le 19 septembre 2017 ayant pour objet de prolonger la période d'essai de 4 mois (pièce 4)

Toutefois, dès lors que Mme [V], en apposant sa signature à l'avenant, a bien donné son accord au renouvellement de la période d'essai, la cour d'appel ne retient pas ce fait comme matériellement établi.

Sur la défiance publique, le manque de soutien et le management agressif :

Mme [V] verse aux débats deux attestations établies par Mme [Y] [FD], ayant exercé comme animatrice au sein de la MRP, mentionnant, au sujet de [G] [V] que « lorsqu'elle prenait une initiative dans le cadre de sa fonction, celle-ci était systématiquement contestée par Mme [W] la directrice en réunion de Copil le lundi matin » (') « elle était cassée par des propos de Mme [W] la mettant en situation d'échec, d'humiliation et d'intimidation comme elle en a l'habitude avec la plupart des salariés, abusant d'un tout pouvoir toxique ». (pièce 89). Elle ajoute dans une seconde attestation (pièce 98) que Mme [W], la directrice pouvait s'adresser sèchement à Mme [V] avec des propos tels que « à refaire » « ce ne sont pas des procédures » « visiblement vous ne savez pas faire », ajoutant « elle (Mme [W]) semblait parfois prendre plaisir à mettre certaines salariées, comme Mme [V] ou moi, en situation d'échec. Elle n'avait pas le même comportement avec chacun d'entre nous ». (') « je dirais qu'elle divisait pour mieux régner » (') « nous subissions une pression psychologique et craignions ses réactions ». Elle précise également dans cette seconde attestation que «lors d'un COPIL Mme [W] a reproché à Mme [V] de faire de la résistance aux changements alors qu'elle relatait simplement les difficultés exprimées par l'équipe soignante », ou que lorsque Mme [V] n'était pas d'accord avec Mme [W], cette dernière pouvait la «rabrouer» ou lui faire des reproches «comme si elle voulait la détruire psychologiquement», ajoutant également que le management opéré par Mme [W] était « pathogène ».

Même si Mme [FD] expose ensuite les propres difficultés qu'elle a elle-même rencontrées avec Mme [W] qu'elle décrit comme « toxique », à l'origine d'un arrêt maladie pour cause de souffrance au travail (burn out), ses deux attestations établissent toutefois des faits auxquels elle a personnellement assistés et qui concernent directement Mme [G] [V].

Par ailleurs, si les autres attestations et lettres de démission versées aux débats ne relatent pas de faits précis en lien avec les agissements de Mme [W] à l'égard de Mme [V], elles permettent toutefois d'établir que le caractère agressif du management dénoncé par cette dernière était également ressenti par d'autres salariés, de même qu'un manque de soutien.

Mme [V] avait ainsi précisé, en ce qui concerne sa perception du contexte de travail lors la préparation de son entretien annuel d'évaluation, et plus précisément la relation avec l'encadrement « conditions d'exercice difficiles et destabilisantes. Il manque un véritable travail de collaboration et de confiance. Une direction qui voit les verres à moitié vide et pas à moitié pleins »

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour d'appel retient donc ce fait comme établi.

Sur la mauvaise organisation du travail et la surcharge de travail

Il a été établi que Mme [V] avait réalisé de nombreuses heures supplémentaires, non reconnues par la Direction, ce qu'elle avait mentionné dans la préparation de son entretien annuel d'évaluation pour l'année 2017, pièce 59-2, et qui se trouve également mentionné dans le compte rendu de cet entretien comme suit : « charge de travail trop lourde/temps accordé », « pression psychologique » (pièce 63) :).

Bien que le compte-rendu ne soit pas signé, il apparaît en outre que la réunion extraordinaire du CHST du 20 mars 2019 dans le cadre de son droit d'alerte sur la situation des salariés et des résidents sur le plan de la santé et de la sécurité (pièce 71) - certes postérieure au départ de Mme [V] - a mis en évidence un climat de souffrance au travail en lien avec ces mêmes griefs ( dépassement d'horaires et non-respect des temps de pause, épuisement physique et psychologique des salariés). Le procès-verbal de la réunion du CSE du 19 décembre 2019 (pièce 99) reprenait également cette souffrance des salariés en lien avec la charge de travail, les conditions de travail et le « turn over ».

La cour d'appel retient donc ce fait comme établi.

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Sur l'attitude de défiance quant aux procédures proposées par Mme [V] :

Mme [V] reproche à la Direction de ne pas avoir accepté de signer les procédures qu'elle avait établies dans le but d'améliorer la prise en charge des résidents.

Elle produit un tableau des diverses procédures, dénommé « sommaire procédures soins » non signé (pièce 79).

Elle se réfère également au témoignage de Mme [FD] (pièce 98), lequel, très général, ne permet pas d'établir ce grief spécifique, étant rappelé que sauf en cas d'abus, il ne peut être reproché à l'employeur, dans l'exercice de son pouvoir de direction, de ne pas valider une procédure proposée par un salarié.

Afin d'établir ce même grief quant à l'attitude générale de défiance voire d'«obstruction » de la direction vis-à-vis des salariés, Mme [V] verse également aux débats un procès -verbal de réunion du CHSCT du 15 janvier 2019 (certes postérieur à son départ) dont il résulte que Mme [W] refusait dans un premier temps d'adresser à ce comité le compte-rendu de la psychologue du travail en lien avec la prévention des risques psycho-sociaux au sein de l'établissement (pièces 73 et 74), ce que Mme [O], aide-soignante et déléguée du personnel, a également attesté (pièce 88).

Même si ces éléments permettent à la cour d'appel d'obtenir un éclairage quant au contexte et à l'attitude de la Direction à l'égard des salariés de la MRP, y compris après le départ de Mme [V], cela ne peut pour autant permettre de retenir le grief comme établi, faute de faire état de faits précis et circonstanciés se rapportant à la situation personnelle de Mme [V].

Il en est de même des « irrégularités pour régulariser la situation salariale » postérieurement au licenciement, qui ne peuvent avoir d'effet sur ce dernier.

Sur l'attitude blessante de la directrice à l'occasion de la reprise du travail :

Afin d'établir cet élément de fait, Mme [V] produit un premier mail adressé à Mme [W] le 3 octobre 2023, à l'issue de son 1er arrêt de travail, dans lequel elle prévient de son retour le lundi 8 octobre, ainsi que la réponse apportée par celle-ci le 4 octobre indiquant qu'elle sera absente le lundi et le mardi et lui donnant rendez-vous le mercredi (10 octobre) à 10 heures pour « évoquer les semaines passées et futures », ainsi que le courrier de convocation à l'entretien préalable à un licenciement éventuel daté du 10 octobre 2018.

Ces seuls éléments ne suffisent toutefois pas à établir la matérialité de cet élément de fait, dès lors qu'il n'est aucunement établi une « attitude blessante » de la part de la directrice à cette occasion.

Mme [V] établit en revanche que l'entretien préalable a été fixé le 19 octobre, soit s'agissant d'un vendredi (jour de RTT) un jour où l'un des représentants du personnel est absent.

Il résulte en outre du courriel adressé par M.[C], psychologue (pièce 51) que Mme [W] avait annoncé son départ de manière prématurée (pièce 51).

Mme [I] [O] a par ailleurs attesté « j'ai eu à plusieurs reprises Mme [V] quand elle a reçu sa lettre de licenciement, elle est dévastée de cette situation ».

La cour d'appel constate que la convocation à l'entretien préalable au licenciement a été remise à Mme [V] par la directrice trois jours seulement après son retour d'arrêt maladie (pour cause de chute de vélo) et que son licenciement est intervenu alors qu'elle venait tout juste de reprendre ses fonctions.

Mme [V] établit ainsi les éléments de fait qu'elle invoque au soutien d'un comportement déloyal de l'employeur lors de la mise en 'uvre de son licenciement.

Sur la dégradation de l'état de santé de la salariée

Mme [V] transmet les justificatifs de ses arrêts de travail à compter du 18 octobre 2018 pour cause de « stress réactionnel » accompagnés de prescriptions médicales, ainsi que le certificat du Dr [T] [H], psychiatre, du 11 avril 2019 qui atteste recevoir l'intéressée en consultation depuis le 13 novembre 2018 à la demande de son médecin traitant, en raison d'un syndrome dépressif nécessitant un traitement antidépresseur et anxiolytique, ainsi enfin que la reconnaissance par la CPAM d'une prise en charge au titre d'une affection de longue durée (courrier CPAM du 29 avril 2019, pièce 81).

Elle transmet également l' «expertise d'arbitrage » réalisée le 24 juin 2021 à la demande de la MACSF dans les suites de son arrêt de travail du 18 octobre 2018 (pièce 95) rappelant la chronologie des faits et des arrêts de travail successifs de Mme [V] (1er arrêt suite à un accident de vélo, et 2nd arrêt dans la suite directe de son licenciement pour cause de stress réactionnel), ainsi que le ressenti de celle-ci (qui déclarait être « tombée des nues » sans comprendre ce qui lui arrivait dès lors qu'elle n'avait pas de difficultés relationnelles au sein de l'établissement et que son entretien annuel s'était passé normalement, un sentiment d'incompréhension face à l'attitude de la Directrice à son égard, et l'apparition consécutive de plusieurs symptômes (troubles du sommeil, sensation d'angoisse, anxiété, ').

Le Dr [E] en charge de cette expertise notait alors l'existence d'un syndrome dépressif majeur dans un contexte de « quasi sidération psychomotrice » suite à l'annonce du licenciement., après un long parcours professionnel vécu de manière plutôt harmonieuse, et il concluait à l'absence de consolidation de son état de santé, et au fait que Mme [V] se trouvait encore dans l'incapacité absolue d'exercer une activité professionnelle.

***

A l'examen de l'ensemble de ces éléments, il est constant que la salariée justifie, notamment par les éléments médicaux versés aux débats, de la dégradation de son état de santé dans la suite directe de l'entretien préalable au licenciement, par le développement d'un syndrome anxio-dépressif ayant conduit à de nombreux arrêts de travail et à son impossibilité de pouvoir reprendre une activité professionnelle (placement en ALD)

Même si certains griefs ne sont pas matériellement établis, Mme [V] établit en revanche plusieurs faits qu'elle reproche à son employeur, à savoir un mode de management agressif et pathogène, une mauvaise organisation du travail avec surcharge de travail, et un manque de soutien de la directrice à son égard, une mise en 'uvre déloyale du licenciement.

Pris dans leur ensemble, ces faits permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, et il incombe ainsi à l'employeur de démontrer que ses agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

A cet égard, il sera relevé que l'employeur, sauf à faire valoir sa volonté d'établir un diagnostic des risques sociaux et de stabiliser le climat social en 2018, avec la mise en place d'un contrat d'établissement (pièce n°45 de l'intimée), vient seulement contester les éléments produits par la salariée.

Il indique en outre que le licenciement n'est aucunement déloyal mais justifié par les manquements de Mme [V] caractérisant une situation d'insuffisance professionnelle.

Il appartient donc à la cour d'appel d'apprécier le bien-fondé du licenciement de Mme [V].

Sur le bien fondé du licenciement

Il résulte de l'article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

L'insuffisance professionnelle se définit comme l'inaptitude du salarié à exécuter son travail de manière satisfaisante, au regard de son statut, de ses responsabilités et des compétences requises pour l'exercice de ses fonctions. Elle est de nature qualitative et ce motif n'entraîne pas comme dans le cas d'un licenciement disciplinaire l'énumération précise et exhaustive des griefs, la seule référence à cette insuffisance constituant un motif de licenciement matériellement vérifiable pouvant être précisé et discuté devant le juge prud'homal.

Caractérisée par le manque de compétences du salarié pour exécuter les tâches qui lui sont confiées, elle doit donc reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur la seule appréciation purement subjective de l'employeur.

Par ailleurs, le juge doit contrôler le respect des dispositions de l'article L. 6321-1 du code du travail qui prévoient que l'employeur doit assurer l'adaptation de ses salariés à leurs postes de travail et veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi compte tenu de l'évolution des technologies, des organisations et des emplois.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 30 octobre 2018 (pièce n°16 de la salariée) qui fixe l'objet du litige est rédigée comme suit :

' Vous occupez les fonctions d'infirmière coordinatrice depuis le 20 juin 2017. En qualité de coordinatrice vous êtes chargée de l'organisation, de la coordination et du contrôle des activités de soins dans leur globalité. Vous êtes titulaire des diplômes de cadre infirmier et de direction des établissements sociaux et médico-sociaux.

Vos missions principales sont notamment les suivantes : l'accompagnement des résidents et leurs familles, l'élaboration et la mise en place des projets de soins individualisés, la coordination des soins, la sécurisation du circuit des médicaments, l'évaluation des résidents, la rédaction, la mise en place et l'évaluation des protocoles, la gestion des produits pharmaceutiques et d'hygiène, l'encadrement des équipes placées sous votre responsabilité.

Madame [W] vous a expliqué qu'à l'occasion de vos arrêts maladie du 27 août au 8 octobre, elle a dû intervenir directement auprès des équipes de soins, en particulier celles du 2ème/3ème étages. Ses constats ont été les suivants :

1. Les plans de soins dans le logiciel Easy Suite dataient de mai 2018.

Depuis votre recrutement et l'arrivée du nouveau logiciel Easy Suite en décembre 2017- pour lequel vous avez été formée comme référente (du 23 au 27 octobre 2017 puis du 15 au 16 janvier 2018 parenthèse- Madame [W] vous a expliqué qu'il n'était pas possible pour les équipes soignantes de continuer à travailler 'de mémoire'. Les équipes ne peuvent travailler sans visualiser le plan de soins ; elles doivent y avoir accès afin d'être informées des modalités d'accompagnement et de ses éventuelles modifications avant d'entrer dans la chambre du résident.

Vous lui avez répondu que certains plans de soins étaient plus récents mais que tous n'étaient pas revus par manque de temps. En effet, pour vous, le temps des transmissions de début d'après-midi n'est pas suffisamment long. Elle vous a rappelé que les transmissions étaient suivies d'un temps dédié pour les actions en lien avec les projets personnalisés et qu'il aurait donc pu être utilisé pour effectuer les révisions de plan de soins.

2. Il n'existe pas non plus d'organisation écrite pour les aides-soignantes, même en période de congé annuel avec des remplacements programmés.

Les aides-soignantes écrivaient sur des feuilles des renseignements succincts, ce qui a provoqué des erreurs de lecture et de prise en charge. Or, il vous a été demandé de mettre en place (par la directrice) uniquement une liste non manuscrite des chambres, dans l'ordre de passage puis de se référer au plan de soins dans le logiciel.

Cette organisation n'étant pas mise en 'uvre, une résidence a été 'oubliée' par une remplaçante d'après-midi et a dû se coucher seule. En conséquence, cette résidence s'est couchée avec ses chaussures, sur son dessus de lit et y a passé une partie de la nuit. La remplaçante en question était infirmière mais occupait le poste d'aide-soignant donc il ne s'agit pas d'un problème de qualification de cette personne mais d'un défaut de votre part.

Vous avez répondu à Madame [W] que vous aviez mis en place des classeurs d'étages avec la copie des plans de soins. Or, cette solution n'est pas idéale puisque les impressions ne sont pas

datées et que, par définition, elle reste figée. Nous revenons donc au point numéro 1 évoqué ci-dessus.

3. L'infirmière, en contrat à durée indéterminée, ne connaissait pas le chemin informatique pour effectuer le remplissage de la grille AGGIR.

Lorsqu'un nouveau résident entre dans l'établissement il est indispensable de compléter une grille AGGIR dans le logiciel de soins afin, d'une part d'évaluer son niveau d'autonomie et donc d'établir un plan de soin et d'accompagnement en cohérence et, d'autre part de fixer le tarif dépendance et le niveau d'APA pour la facturation mensuelle. Vous avez d'ailleurs été formée le 7 septembre 2017 à la grille AGGIR.

Vous avez répondu à la directrice que vous ne saviez pas qu'une infirmière ne connaissait pas le chemin informatique pour effectuer cette tâche. Elle vous a alors demandé si vous aviez confié la charge d'effectuer les évaluations GIR en votre absence à une autre personne. Vous lui avez répondu que non, vous lui avez expliqué qu'elle vous avait dit de faire cette tâche seule.

L'évaluation de l'autonomie des résidents par la grille de cotation AGGIR est un point sur lequel vous avez échangé à de nombreuses reprises avec la directrice depuis le début de l'année. En effet, elle vous a demandé de réviser régulièrement les évaluations agir individuelles des résidents afin d'obtenir un GIR moyen pondéré à jour pour l'établissement. Les aides-soignantes vont tour à tour en formation sur ce sujet. Pendant plusieurs mois, vous avez opposé à la directrice le manque de temps et l'impossibilité de réunir les aides-soignantes pour la mise à jour sans provoquer des heures supplémentaires. Madame [W] a dû vous imposer d'effectuer la mise à jour seule en juillet pour obtenir cet indicateur qui est indispensable pour le budget 2019. Il s'agissait d'une mesure non pérenne. L'évaluation GIR peut-être faite en équipe sous la supervision du cadre infirmier si celui-ci prend les dispositions nécessaires.

4. Lors de la prise de poste des aides-soignantes, Madame [W] s'est rendue compte qu'une aide-soignante de nuit, présente depuis le 1er juillet dernier et pour tout l'été n'était pas formée à l'utilisation des plans de soins, ce qui a entraîné des oublis car elle ne travaillait qu'à l'aide de la mémoire.

Vous avez répondu ne pas être informée de cette situation.

5. Les numéros de sécurité sociale sont absents de 30 dossiers de résident (dossier de liaison d'urgence).

Vous avez répondu à la directrice de la maison de retraite que cette donnée venait de la fiche administrative, non complétée par le service administratif. Vous dites avoir alerté la directrice qui n'a pas le souvenir d'avoir été sollicité à ce sujet.

6. Utilisation abusive de produits d'incontinence de type 'pull-ups', ce qui n'est pas une bonne pratique et qui risque, à terme, d'engendrer des dépassements budgétaires.

Vous admettez avoir constaté cette dérivée avoir l'intention de former les équipes à la suite du changement récent de fournisseur.

L'établissement doit se préparer de façon rigoureuse pour la signature du CPOM en 2019. Comme vous le savez, cette signature tripartite entre l'Agence Régionale de Santé, le Conseil départemental et l'établissement valide les moyens financiers et les objectifs alloués à l'établissement pour les 5 années suivantes. Il s'agit donc d'une échéance importante pour l'ensemble des parties prenantes de l'établissement qui nécessitent une préparation en amont afin d'apporter des preuves de notre fonctionnement. Des données qualitatives et quantitatives, notamment extraites du logiciel de soins seront à présenter. Or les difficultés récurrentes pour obtenir une adhésion de votre part au modalités nécessaires à une bonne organisation des soins, à la bonne tenue des dossiers et à la traçabilité des actions menées ont érodé la relation de confiance nécessaire entre un directeur et un cadre de santé. Nous ne pouvons plus envisager une collaboration sereine et efficace.

La directrice a pu constater concrètement les insuffisances d'encadrement des équipes de soins et à vérifier que ces demandes réitérées de modification n'étaient pas irréalistes. Le manque de temps que vous lui opposez depuis maintenant un an n'a pas été un obstacle pour le cadre remplaçant qui a pu relancer un processus d'amélioration en très peu de temps.

En votre qualité d'infirmière coordinatrice diplômée, vous participez à la bonne prise en charge des personnes accueillies au sein de notre établissement. Vos omissions ont entraîné de graves dysfonctionnements et ne permettent pas d'assurer la continuité du service et une prise en charge de qualité de nos résidents qui, pour la plupart, sont en situation de dépendance et fragilisée par leur état de santé et leur âge.

Ces constats m'amènent à vous signifier votre licenciement pour insuffisance professionnelle.[...]

Il n'est pas contesté Mme [V] présentait une expérience professionnelle de « cadre de santé » lors de son recrutement par la MRP comme cela résulte de son CV faisant état de connaissances et compétences médicales larges y compris en gérontologie, ayant déjà précédemment exercé certaines fonctions au sein d'EHPAD (notamment un poste de Direction en CDD pendant quelques mois entre novembre 2016 et mai 2017).

Elle est embauchée au sein de la Maison de Retraite [5] en qualité d'«infirmière référente coordinatrice » à compter du 20 juin 2017, et placée sous la hiérarchie de la directrice de cette dernière.

Le contrat de travail régularisé mentionne « ses principales missions seront précisées dans une fiche de poste qui devra être finalisée dans un délai de deux mois suivant l'embauche »

La cour d'appel relève, comme le soulève la salariée, que contrairement aux dispositions précitées du contrat de travail, aucune fiche de poste n'a été transmise la concernant, sans qu'il ne puisse être retenu l'attestation établie par la Directrice elle-même mentionnant que Mme [V] aurait refusé la signature de cette dernière, ce qui n'apparaît établi par aucun autre élément objectif du dossier (et notamment aucune autre attestation).

En outre, s'il est fait état par l'employeur des mentions de l'avenant n°2017-02 du 15 mars 2017 à la convention collective prévoyant que « le cadre infirmier assure les fonctions d'organisation de service et est garant, en lien avec les médecins, de la qualité des soins », cela ne peut permettre de circonscrire les fonctions, missions et responsabilités réelles de Mme [V] au sein de la MRP.

La cour d'appel note en outre, sans que cela ne soit contesté, que dans le cadre du mandat de subdélégation ayant été signé le 5 juillet 2017 (pièce 2), Mme [V] a procédé au remplacement de Mme [W] en qualité de directrice de l'établissement, et ce à deux reprises pendant les congés d'été de cette dernière ; qu'il n'est par ailleurs pas justifié de quelconques reproches antérieurs concernant la pratique professionnelle de Mme [V] avant son retour d'arrêt maladie le 8 octobre 2018 (et surtout l'entretien du 10 octobre avec remise de la convocation aux fins d'un possible licenciement), ni même qu'un «accompagnement» lui aurait été proposé pour pallier aux difficultés et manquements reprochés.

Enfin, il sera rappelé que Mme [V] avait alerté sa hiérarchie, notamment lors de ses entretiens d'évaluation, sur le sous-effectif et la surcharge de travail au sein de l'établissement.

C'est à la lumière de ces éléments que les griefs, tels que mentionnés dans la lettre de licenciement, seront examinés.

Sur le logiciel Easy Suite

Il est reproché à Mme [V] de ne pas avoir mis à jour au sein du logiciel dénommé Easy Suite, dont elle était référente, les plans de soins depuis mai 2018, et ce malgré les formations diligentées en octobre 2017 et en janvier 2018, ce qui présentait une incidence sur le travail des équipes soignantes et la coordination des soins.

L'employeur communique plusieurs tableaux intitulés «plans de soins» des résidents de la maison de retraite (pièce 25) et l'attestation établie par Mme [W] elle-même quant aux défaillances de Mme [V] .

Mme [V] indique qu'il ne s'agit pas des « plans de soins » mais d'un historique partiel, en versant aux débats l'attestation de Monsieur [X] [R] (formateur sur des logiciels de soins utilisés en EHPAD).

Si la cour d'appel ne peut vérifier les dires des parties quant à la nature exacte des pièces produites par l'employeur, elle relève toutefois que de tels tableaux sont insuffisants pour établir le grief allégué

En outre, Mme [V], qui ne conteste pas avoir participé à deux formations pour la mise en place du logiciel Easy Suite, communique plusieurs pièces de nature à établir les dysfonctionnements informatiques du logiciel et les demandes d'intervention faites à ce titre, mentionnant également les pertes de temps induites par ces difficultés (pièce 37), ainsi que diverses transmissions effectuées via ce logiciel. (pièces 38-1 à 38-5) .

Elle avait également mentionné dans la préparation de son entretien annuel d'évaluation 2017 les difficultés ressenties avec l'utilisation du logiciel Easy Suite (« dysfonctionnements informatiques +++ qui empoisonnent le quotidien et très très chronophages », « logiciel Easy Suite qui nécessite accompagnement des équipes », pièce 59-2 de la salariée), ainsi que lors de l'entretien de juin 2018 (« informatisation des soins avec beaucoup de difficultés », pièce 59-1.

Mme [Y] [FD] témoigne « nous avons changé de logiciel informatique. Lors d'un COPIL, Mme [W] a reproché à Mme [V] de faire de la résistance aux changement alors qu'elle relatait simplement les difficultés exprimées par l'équipe soignantes. Le logiciel, en effet avait des faiblesses. Il n'était pas simple d'utilisation et parfois il n'était pas cohérent » (pièce 98), de même que Mme [O] : « pour ce qui est du logiciel informatique nous étions un établissement test, plusieurs salariés ont constaté le dysfonctionnement de ce logiciel, logiciel qui à ce jour n'est plus utilisé dans la structure ». (pièce 88)

Il est enfin établi que l'utilisation de ce logiciel a ensuite été abandonnée en 2019 et remplacé par un autre logiciel dénommé « NETSOINS », comme cela résulte des compte-rendu de réunions CHST et du CSE en novembre et décembre 2019.

En considération de l'ensemble de ces éléments, la cour d'appel considère que ce manquement n'est pas établi par l'employeur.

Sur l'absence de réalisation d'une organisation écrite pour les aides-soignantes

Il est reproché à Mme [V] un manquement à sa mission de coordination des soins et d'encadrement des équipes, faute d'avoir établi, comme cela lui avait été demandé par la directrice, de liste informatique pour le passage des aides-soignantes dans les chambres des résidents, et ce afin d'éviter tout oubli.

L'employeur évoque plus particulièrement un évènement du 20 août 2018, soit lors de l'absence de Mme [V], lors duquel une résidente a été « oubliée » par une IDE intervenant comme aide-soignante, et a été contrainte de se coucher seule (avec ses chaussures sur son dessus de lit).

De même que pour le grief précédent, l'employeur communique, outre le modèle de fiche de poste (pièce 5), l'attestation établie par Mme [W] elle-même quant aux défaillances de Mme [V], ainsi que le modèle d'une fiche informatique d'ordre de passage pour les couchers du soir qui est toutefois datée de 2020 (pièce 28)

Alors que Mme [V] indique que la Direction avait décidé elle-même de l'arrêt de la validation informatique des couchers et qu'elle refusait ses propositions sur les procédures ou bonnes pratiques à adopter, il n'est pas justifié des consignes lui ayant été transmises sur ce point, la seule attestation de Mme [W] ne pouvant permettre d'établir ce fait.

En considération de l'ensemble de ces éléments, la cour d'appel considère que ce manquement n'est pas établi par l'employeur.

Sur le fait qu'une infirmière en CDI ne connaissait pas le « chemin informatique » pour le remplissage des « grilles AGGIR »

Il est reproché à Mme [V] un manquement à sa mission d'encadrement des équipes soignantes, dès lors qu'une des infirmières ne connaissait pas le «chemin informatique» pour le remplissage des «grilles AGGIR» (grille d'évaluation du degré de dépendance des résidences avec une incidence budgétaire), l'employeur précisant que cette mise à jour se fait sous la supervision du cadre de santé au même titre que la mise à jour des plans de soins.

Mme [V], qui conteste ce grief, produit des impressions écran émanant du logiciel « easy suite » relatives aux grilles de cotation AGGIR afin d'établir que ce travail était réalisé, parfois « en équipe ». (pièce 39), ainsi que le témoignage de Mme [O], aide soignante élue au CSE qui précise que Mme [V] « n'a jamais refusé de faire les grilles AGGIR » (pièce 88).

En considération de ces éléments, et faute de tout élément concret et objectif transmis par l'employeur sur ce reproche particulier, la cour d'appel considère ainsi que ce manquement n'est pas établi.

===

Sur l'absence de numéros de sécurité sociale de 30 dossiers de résidents

Il est reproché à Mme [V], toujours dans le cadre de sa mission de coordination des soins, d'avoir omis de renseigner les numéros de sécurité sociale dans 30 dossiers de résidents, étant précisé que la lettre de licenciement ne détaille pas davantage ce manquement.

L'employeur rappelle le caractère indispensable de ces données en cas de commandes de médicaments ou d'équipements, ou en cas d'hospitalisation qui peut intervenir en urgence.

Force est toutefois de constater que ce manquement n'est pas davantage étayé par les éléments du dossier et que les pièces transmises par les parties ne permettent pas d'établir avec certitude qu'il serait imputable à Mme [V].

Sur l'utilisation abusive de produits d'incontinence

Il est reproché à Mme [V], dans le cadre de sa mission de gestion des produits pharmaceutiques et d'hygiène, de laisser ses équipes utiliser de manière abusive les produits d'incontinence de type « pull up », étant précisé que la lettre de licenciement ne détaille pas davantage ce manquement sauf à indiquer que ce n'est pas une « bonne pratique » et que cela risque d'engendrer des « dépassements budgétaires ».

L'employeur rappelle en outre que Mme [V] a bénéficié de deux formations spécifiques : formation ABENA le 8 novembre 2017 et formation TENA le 6 février 2018 puis en juillet 2018 (2X1H30), ce qui est toutefois contesté par cette dernière qui indique que la première est en réalité une information réalisée à son initiative, et que la seconde a été réalisée par un laboratoire d'analyse biologique à sa demande pour les IDE.

Afin d'établir ce manquement, la Fédération Armée du Salut verse aux débats des mails émanant de Monsieur [N] [M], remplaçant de Mme [V] au poste d'infirmier coordinateur, concernant une formation TENA prévue le 30 novembre 2018 dans lequel il indique qu'il est important de former les équipes pour éviter les mauvais usages constatés en la matière (pièce n°32 de l'employeur) , ainsi que des tableaux de bord relatifs aux commandes de produits et au coût financier qui en résulte pour la maison de retraite (pièce 33)

Ces éléments ne permettent toutefois pas de caractériser une insuffisance imputable à Mme [V], étant précisé que les tableaux ainsi transmis évoquent des « scenarios », sachant que la pièce 34, qui émane du laboratoire TENA avec une référence 2019/2020, est également inopérante à caractériser des manquements spécifiques pouvant être reprochés à l'appelante, alors même que le changement de fournisseur (ABENA/TENA) date de l'été 2018.

En outre, Mme [V] communique pour sa part plusieurs pièces afin d'établir qu'aucun manquement ne peut lui être reproché, et notamment plusieurs messages sur le logiciel Easy Suite en date du 14 juin 2018 (pièce 38-4) ou en juillet 2018 (pièce 104) dont il résulte qu'elle rappelait aux équipes d'être vigilantes quant aux « restrictions de protections » ou d' « utiliser la diversité » de changes en lien avec la gestion des stocks, un changement de fournisseur étant ensuite intervenu en raison des problèmes de livraison ABENA (pièce 49 : extrait du logiciel Easy Suite)

En considération de l'ensemble de ces éléments, la cour d'appel considère que ce manquement n'est pas établi par l'employeur.

Sur les autres manquements :

L'employeur reproche enfin à Mme [V] des « difficultés récurrentes à une bonne organisation des soins, à la bonne tenue des dossiers et à la traçabilité des actions menées, couplées d'insuffisances d'encadrement des équipes de soins », à l'origine de difficultés pour l'établissement de pouvoir bénéficier, dans le cadre de la signature du CPOM (Contrat Pluriannuel d'Objectifs et de Moyens), d'allocations budgétaires nécessaires à l'accomplissement de ses missions.

Il ajoute que le cadre remplaçant Mme [V] dans ses fonctions a, pour sa part, remédié aux défaillances ainsi reprochées, notamment en réactualisant les plans de soins et en rédigeant une liste non manuscrite de l'ordre de passage dans les chambres, en simplifiant la procédure d'accès au logiciel Easy Suite avec copie d'écran pour le personnel soignant, en mettant en place des toilettes évaluatives avec les aides-soignants et en réorganisant le stockage des produits d'incontinence et la prise en charge des commandes.

Toutefois, il sera constaté que ce grief reprend pour l'essentiel les précédents manquements précédemment exposés et déjà examinés par la cour d'appel,

En outre, s'il apparaît en effet que plusieurs procédures ont été modifiées pour davantage de clarté et de rigueur, et afin d'améliorer le travail des équipes soignantes, il n'est pas établi que de tels objectifs aient été précisément transmis par l'employeur à Mme [V].

Enfin, il n'est pas davantage justifié par la fondation armée du salut que les manquements ainsi reprochés aient, comme elle l'indique, entrainé de «graves dysfonctionnements» au sein de l'établissement ou empêché d'assurer la continuité du service et la prise en charge des résidents.

En définitive, et en conséquence de l'ensemble de ces éléments, la cour d'appel constate que le licenciement pour insuffisance professionnelle ayant été notifié à Mme [V] n'est pas justifié, et que l'employeur échoue ainsi à justifier son attitude à l'égard de la salariée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il s'ensuit que Mme [V] a bien subi une situation de harcèlement moral au sens des dispositions légales précitées, justifiant à ce titre son indemnisation du préjudice spécifique subi à hauteur 3 000 euros en tenant compte des circonstances rapportées et notamment du préjudice moral subi au cours de l'exécution de son contrat de travail.

En outre, le licenciement irrégulier, dans les circonstances rappelées précédemment, participe donc au harcèlement moral, si bien qu'il doit être déclaré nul, conformément aux dispositions de l'article L1152-3 du code du travail.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé à ce titre.

Sur les conséquences de la nullité

Aux termes de ses écritures devant la cour d'appel, Mme [V] sollicite sa réintégration avec le paiement des salaires à courir « entre la fin du contrat et le « jugement » à intervenir soit de mars 2019 à septembre 2022, à hauteur de la somme de 302 982, 90 euros.

L'article L.1235-3-1 du Code du travail prévoit qu'en cas de nullité du licenciement le salarié est en droit de demander la poursuite de son contrat de travail.

Dès lors que la nullité du licenciement est constatée, l'employeur est tenu de faire droit à la demande de réintégration du salarié.

Le salarié dont le licenciement est nul en application des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cour d'appels de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé.

En l'occurrence, si le licenciement de Mme [V] donne en principe droit à réintégration ce droit n'est ouvert qu'autant que la réintégration est matériellement possible .

En l'espèce, dès lors qu'il résulte des pièces transmises que Mme [V] a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juillet 2021 (pièces N° 97 de la salariée), son contrat de travail a ainsi été rompu, ce qui fait obstacle à ce qu'elle obtienne sa réintégration dans son emploi ou un emploi équivalent.

La salariée ne peut dès lors prétendre, à l'instar des autres salariés dont le licenciement est nul, et qui ne demandent pas leur réintégration, qu'à la réparation du préjudice ayant résulté du caractère illicite du licenciement c'est-à-dire une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire, en application des dispositions de l'article L1235-3-1 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017.

En cas d'arrêts de travail pour arrêt maladie durant la période précédant la rupture, il convient de prendre en compte les salaires des derniers mois précédents ces arrêts.

En l'espèce, au regard de l'ancienneté de Mme [V] à l'échéance du préavis (20 mois), du fait qu'il s'agisse d'un établissement qui emploie plus de 11 salariés, et du montant de ses salaires des 12 derniers mois exempts d'arrêts de travail pour maladie (sur la base du salaire moyen évalué à 5 225, 56 euros prenant en considération des rappels de salaire afférents au calcul des temps d'astreine et des astreintes réalisées ainsi que des heures supplémentaires et des RTT ), ainsi que de sa situation personnelle et professionnelle depuis la rupture, Il y a lieu en conséquence de lui accorder la somme de 35 000 € au titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité et de prévention du harcèlement moral :

Mme [V] fait valoir des manquements de l'employeur en matière de santé au travail, et de ses obligations en matière de prévention des risques professionnels et du harcèlement moral, en évoquant la « perte de chance de travailler dans un environnement serein et protecteur ».

Selon L4121-2 du code du travail, l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1.

En l'espèce, le risque psycho-social s'est réalisé et l'employeur ne justifie pas avoir pris de mesure de prévention qu'il s'agisse d'actions d'information ou de formation au sein de la maison de retraite.

Il a ainsi manqué à son obligation de prévention du harcèlement moral lequel a causé un préjudice à Mme [V] qu'il convient de réparer en lui allouant une indemnité de 2 000 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'anatocisme

En application de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu'elle est régulièrement demandée ; il sera donc fait droit à cette demande de la salariée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif

L'intimée, qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser l'appelante des frais irrépétibles qu'elle a pu exposer pour assurer sa défense

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande de Mme [G] [V] relative au paiement d'heures supplémentaires, et en ce qu'il a rejeté les demandes formées au titre des jours de carence.

INFIRME le jugement entrepris en ses autres chefs contestés.

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la [5] à verser à Mme [G] [V] :

La somme de 853,39 euros bruts au titre de l'indemnité d'astreinte pour la période du 15 au 22 septembre 2017,

La somme de 898,80 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les heures d'astreinte réalisées en 2018 outre 89,88 euros bruts au titre des congés payés afférents,

La somme de 79,82 euros bruts au titre du rappel de salaire correspondant à l'intervention réalisée au cour d'appels de l'astreinte du 31 décembre 2017 outre 7,98 euros au titre des congés payés afférents,

La somme de 15 896, 65 euros bruts au titre du rappel de salaire pour les heures supplémentaires réalisées outre 1 589,66 euros bruts au titre des congés payés afférents,

La somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral,

La somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de prévention du harcèlement moral,

DIT que le licenciement de Mme [G] [V] est nul.

REJETTE la demande de réintégration,

CONDAMNE la [5] à verser à Mme [G] [V] la somme de 35 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

DIT que les sommes ainsi accordées porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère salarial (réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation) et à compter de la notification de l'arrêt pour les sommes à caractère indemnitaire, et avec anatocisme à compter la demande judiciairement formée pour les créances échues depuis une année entière.

DÉBOUTE Mme [G] [V]  de ses autres demandes ;

Et y ajoutant,

DEBOUTE la [5] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la [5] à verser à Mme [G] [V] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel

CONDAMNE la [5] aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/02796
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;21.02796 ?
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