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26/06/2024 | FRANCE | N°21/02614

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 26 juin 2024, 21/02614


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°330



N° RG 21/02614 -

N° Portalis DBVL-V-B7F-RSSS













S.N.C. LIDL



C/



Mme [K] [M]

















Réformation partielle















Copie exécutoire délivrée

le :



à :

-Me Vincent BERTHAULT

-Me Christophe LHERMITTE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAI

S



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 JUIN 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé






...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°330

N° RG 21/02614 -

N° Portalis DBVL-V-B7F-RSSS

S.N.C. LIDL

C/

Mme [K] [M]

Réformation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Vincent BERTHAULT

-Me Christophe LHERMITTE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 18 Avril 2024

En présence de Madame [C] [U], médiatrice judiciaire,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

La S.N.C. LIDL prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Vincent BERTHAULT de la SELARL HORIZONS, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Murièle DEFAINS-LACOMBE substituant à l'audience Me Michèle CORRE, Avocats plaidants du Barreau de PARIS

INTIMÉE :

Madame [K] [M]

née le 21 Juin 1981 à [Localité 10] (35)

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Ayant Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et Me Binantifame TABIOU, Avocat au Barreau de STRASBOURG, pour conseil

La Société LIDL, créée en 1988, dans le secteur de la grande distribution, emploie environ 40.000 salariés relevant des dispositions de la Convention Collective Nationale du Commerce de Détail et Gros à Prédominance Alimentaire.

La Société a engagé Madame [M] sous contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 3 juin 2016, en qualité de caissière employée libre-service au sein du supermarché d'[Localité 5], dépendant de la Direction Régionale de [Localité 8].

Le 12 juin 2017, Mme [M] a été victime d'un accident de travail (heurt de sa cheville par le transpalette d'une collègue).

Du 5 au 19 août 2017, puis du 4 septembre au 20 décembre de la même année, elle a été placée en arrêt de travail.

Le 18 septembre 2017, Mme [M] a demandé qu'une rupture conventionnelle soit conclue, avant que la SNC LIDL ne le refuse le 26 septembre suivant.

Le 29 septembre 2017, la salariée a envoyé une demande de démission, avant de se rétracter le 3 octobre.

Le 21 novembre 2017, elle a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail, ainsi rédigé : 'Inapte au poste de travail : suite à l'étude de poste et des conditions de travail réalisées le 9 novembre 2017 et à l'examen clinique de ce jour, inapte au poste précédemment occupé (ELS polyvalente). Apte à un poste sans effort physique important (pas de port de charges)'.

La société a sollicité, par lettre du 24 novembre 2017, le médecin du travail, qu'elle a ensuite relancé par courriel du 12 décembre 2017, afin d'obtenir des précisions sur les postes pouvant être occupés par Madame [M].

Le médecin du travail a répondu le 12 décembre 2017 que Madame [M] était apte à suivre une formation destinée à lui proposer un poste adapté si cette formation ne comprenait pas d'effort physique et que seul le poste d'employé administratif pourrait lui convenir tandis qu'elle était inapte à son poste de caissière ELS dans tous les supermarchés.

Le 19 décembre suivant, un entretien relatif au reclassement de la salariée s'est tenu en sa présence.

Le 4 janvier 2018, Mme [M] a demandé à bénéficier d'un congé individuel de formation afin de suivre une formation d'assistante ressources humaines, que son employeur lui a accordé.

Le 8 février 2018, la SNC LIDL a transmis plusieurs offres de reclassement à la salariée, et lui a demandé une réponse avant le 25 février.

Le 15 février 2018, l'employeur a proposé trois offres supplémentaires, pour lesquels Mme [M] a manifesté de l'intérêt le 2 mars.

L'employeur a ensuite indiqué à la salariée que deux de ces postes avaient été pourvus et que le troisième était en contrat à durée déterminée, ce qui ne convenait pas à la salariée.

Le 7 avril 2018, Mme [M] a accepté une nouvelle proposition d'employé administratif.

Le 20 avril suivant, elle a été conviée à un entretien avec deux autres salariées inaptes également candidates à ce poste, finalement obtenu par l'une d'elles.

Du 15 mai au 5 décembre 2018, le contrat de travail de Mme [M] a été suspendu durant son congé individuel de formation.

Le 9 janvier 2019, lors d'une nouvelle visite de reprise, le médecin du travail a maintenu la position émise dans l'avis du 21 novembre 2017.

Le 15 janvier 2019, un nouvel entretien de reclassement a eu lieu.

Le 25 janvier 2019, Mme [M] a refusé les deux offres de reclassement proposées la veille, invoquant leur éloignement géographique.

Le 4 février 2019, la SNC LIDL lui a notifié une impossibilité de reclassement.

Le 5 février 2019, elle a été convoquée à un entretien préalable fixé au 14 février, avant d'être licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 19 février.

Le 13 novembre 2019, Mme [M] a saisi le Conseil de prud'hommes de Lorient aux fins de :

' Constater le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement,

A titre principal,

' Prononcer la réintégration dans l'entreprise à un poste équivalent au précédent,

Subsidiairement,

' Condamner la SNC LIDL à verser à Mme [M] la somme de

- 18.607,87 € d'indemnité au titre de l'article L.1235-3-1 du code du travail,

- 4.000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 3.000 € de dommages et intérêts pour préjudice financier,

- 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

La cour est saisie de l'appel interjeté par la SNC LIDL le 29 avril 2021 contre le jugement du 12 avril 2021, par lequel le Conseil de prud'hommes de Nantes a :

' Constaté le manquement de la SNC LIDL à son obligation de reclassement,

' Condamné la SNC LIDL à payer à Mme [M] les sommes suivantes :

- 12.000 € nets d'indemnités au titre de l'article L.1235-3-1 du code du travail,

- 2.000 € nets d'indemnités au titre du préjudice moral,

- 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Ordonné l'exécution provisoire du jugement dans sa globalité,

' Condamné la SNC LIDL aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 27 octobre 2023 suivant lesquelles la SNC LIDL demande à la cour de :

' Réformer le jugement entrepris en qu'il a :

- constaté le manquement de la SNC LIDL à son obligation de reclassement,

- condamné la SNC LIDL à payer à Mme [M] les sommes suivantes :

- 12.000 € nets d'indemnités au titre de l'article L.1235-3-1 du code du travail,

- 2.000 € nets d'indemnités au titre du préjudice moral,

- 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement dans sa globalité,

- condamné la SNC LIDL aux entiers dépens,

' Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [M] de sa demande de :

- réintégration,

- d'indemnité pour préjudice financier,

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

' Juger que :

- la SNC LIDL n'a pas manqué à son obligation de reclassement,

- le licenciement de Mme [M] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

' Débouter Mme [M] de l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire,

' Fixer le montant de l'indemnité sur le fondement de l'article L.1235-3-1 du code du travail dans sa version applicable à 8.271,36 €,

En tout état de cause,

' Débouter Mme [M] de sa demande de :

- dommages et intérêts pour préjudice moral,

- frais irrépétibles et des dépens de première instance et d'appel,

' Juger que la SNC LIDL ne peut être condamnée à rembourser à Pôle Emploi les allocations chômage versées à Mme [M].

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 28 mars 2024 selon lesquelles Mme [M] demande à la cour de :

' Déclarer la SNC LIDL irrecevable en sa demande, en tout cas mal fondée,

' Confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 12 avril 2021 par le Conseil de prud'hommes de Lorient,

' Débouter la SNC LIDL de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

' Condamner la SNC LIDL à verser à Mme [M] une somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel, outre les entiers frais et dépens, et la débouter de ses demandes à ce titre.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 avril 2024.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties aux conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement pour manquement à l'obligation de reclassement :

La salariée formule les reproches suivants à l'encontre des offres complémentaires de reclassement formulées par la société LIDL:

- le poste à [Localité 12] s'est révélé être un contrat à durée déterminée de 3 mois et non le contrat à durée indéterminée promis,

- le poste à [Localité 11] : ne pas avoir été enregistrée sur le site Internet de recrutement, à l'inverse d'une autre candidate sur ce poste,

- le poste à [Localité 6] : n'avoir reçu aucune réponse à la suite de sa candidature,

- à l'encontre de l'offre du 4 avril 2018 : avoir été soumise à une procédure de recrutement et non de reclassement, en concurrence avec d'autres salariées,

- à l'encontre des offres du 25 janvier 2019 : être éloignées respectivement de 500 et 1.000 kilomètres de son domicile et ne pas avoir été informée, malgré ses demandes, des aides à la mobilité qui pouvaient lui être apportées.

Elle reproche globalement à ces postes d'avoir été fictifs et qu'elle n'avait aucune chance de les obtenir, ce qui constitue selon elle un reclassement déloyal. Elle reproche également une absence d'aménagement de son poste.

L'employeur explique que l'organisation des magasins LIDL nécessite peu de personnel administratifs (d'où le peu de postes convenant à la salariée). Il ajoute que l'organisation implique également le port de cartons lourds, les postes étant presque tous polyvalents, et que cette polyvalence est prévue par un accord du 14 février 2012 sur la pénibilité au travail (d'où la difficulté d'aménager un poste).

Conformément à l'article L. 1226-10 du code du travail, lorsque le salarié victime d'un accident du travail est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Selon l'article L. 1226-12 du code du travail, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions ci-dessus décrites, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

La présomption instituée par ce texte suppose que l'employeur ait proposé au salarié, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail, un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Dans le cadre de l'obligation de recherche de reclassement, le reclassement du salarié déclaré inapte doit être recherché parmi les emplois disponibles dans l'entreprise sans que l'employeur soit tenu d'imposer à un autre salarié une modification de son contrat de travail à l'effet de libérer son poste. Toutefois, il est tenu de proposer un poste disponible même s'il l'est seulement pour une durée limitée.

Il est précisé que l'avis du médecin du travail sur l'aptitude du salarié à occuper son poste de travail s'impose aux parties et qu'en cas de difficulté ou de désaccord sur la portée de l'avis d'inaptitude délivré par le médecin du travail, le salarié ou l'employeur peuvent exercer le recours prévu par l'article L. 4624-1 du code du travail.

Seule l'impossibilité de reclassement peut justifier le licenciement du salarié déclaré inapte.

L'employeur doit rapporter la charge de la preuve de l'impossibilité du reclassement.

Les réponses apportées, postérieurement au constat régulier de l'inaptitude, par le médecin du travail sur les possibilités éventuelles de reclassement concourent à la justification par l'employeur de l'impossibilité de remplir cette obligation.

En l'espèce, le médecin du travail n'a coché, dans l'avis d'inaptitude du 20 novembre 2017, aucune des deux cases afférentes aux situations suivantes : «'tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé» et «'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'».

Son avis est ainsi rédigé : 'Inapte au poste de travail : suite à l'étude de poste et des conditions de travail réalisées le 9 novembre 2017 et à l'examen clinique de ce jour, inapte au poste précédemment occupé (ELS polyvalente). Apte à un poste sans effort physique important (pas de port de charges)'

Au regard de cet avis, l'employeur était tenu de rechercher un poste de reclassement, ce dont conviennent les parties.

Il ressort des pièces du dossier que la Société a par lettre du 24 novembre 2017, sollicité le médecin du travail, qu'elle a ensuite relancé par courriel du 12 décembre 2017, afin d'obtenir des précisions sur les postes pouvant être occupés par Madame [M].

Le médecin du travail a répondu le 12 décembre 2017 que Madame [M] était apte à suivre une formation destinée à lui proposer un poste adapté si cette formation ne comprenait pas d'effort physique et que seul le poste d'employé administratif, parmi les postes proposés, pourrait lui convenir tandis qu'elle était inapte à son poste de caissière ELS dans tous les supermarchés.

Le mode d'organisation du travail au sein de la Société Lidl, la polyvalence des postes de travail dans cette entreprise où les salariés exécutent des tâches de manutention et de magasinage et les restrictions médicales mentionnées dans l'avis d'inaptitude justifiaient que la Société Lidl ait orienté ses recherches de reclassement sur des postes administratifs.

Toutefois, l'organisation spécifique des supermarchés Lidl en France qui reposait sur la polyvalence n'excluait pas toute possibilité d'aménagement de poste. La polyvalence des salariés occupant des postes comportant des facteurs de pénibilité tels que les postes de caissier-employé libre-service, de chef caissier et de préparateur de commande ne saurait priver un salarié reconnu inapte d'une possibilité de reclassement par la mise en oeuvre d'une mesure de transformation de poste.

La société Lidl ne démontre pas d'ailleurs que la polyvalence de ses salariés soit une règle intangible dans l'entreprise ni que l'organisation de l'entreprise rendait de fait impossible toute mesure de transformations de postes ou aménagement du temps de travail pour permettre le reclassement de Madame [M].

C'est ainsi à tort que la SNC Lidl se refuse à rechercher des solutions de reclassement par aménagement ou transformation de poste en magasin et en entrepôt en prenant appui sur un accord national Lidl sur la polyvalence. En effet, la société LIDL ne peut se prévaloir d'un accord d'entreprise pour s'exonérer de ses obligations de reclassement.

La Cour constate ainsi que c'est à tort que la société LIDL n'a réalisé aucune recherche de reclassement par transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

Il ressort, par ailleurs, des échanges préparatoires à la réunion du 7 février 2018, entre la direction et les délégués du personnel que ces derniers notent qu'aucun contrat à durée indéterminée n'est proposé aux deux salariés inaptes et qu'il s'agit d'une première depuis l'élection des délégués du personnel en juin 2015. Ils ajoutent que cet état de faits va pousser les salariés à refuser des postes en contrat à durée déterminée éloignés de leur domicile.

Ayant par eux-mêmes effectués une recherche de poste en contrat à durée indéterminée de type équivalent à ceux proposés, les délégués du personnel notent avoir trouvé cinq postes en contrat à durée indéterminée qui auraient pu être proposés dans le cadre du présent reclassement.

La Cour relève que, malgré ces alertes des délégués du personnel et les cinq postes en contrat à durée indéterminée trouvés par eux, la société LIDL ne justifie pas avoir effectué des démarches pour s'assurer de leur pleine adéquation avec les souhaits de Mme [M] et les restrictions posées par le médecin du travail.

D'ailleurs, aucun des cinq postes n'a été proposé à Mme [M], qui n'a reçu que des propositions de reclassement en contrat à durée déterminée par courrier recommandé du 10 février 2018. L'éloignement et la précarité des contrats (CDD de 3 à 9 mois) proposés, alors que les délégués du personnel ont alerté la direction régionale sur le fait que cinq postes administratifs en CDI référencés, r-020926, fr-021775, fr-021922, fr-017790 et fr-021939, étaient disponibles, démontrent l'absence de sérieux dans les reclassements proposés.

Il est dès lors établi que les premières propositions de reclassement du 10 février 2018 n'étaient pas effectuées en toute loyauté par la société LIDL, ce que les délégués du personnel CGT ont par ailleurs constaté dans leur avis du 12 février 2018 ainsi repris :

'Les délégués du personnel CGT émettent un avis défavorable concernant les propositions de reclassement de la société Lidl à Mme [Z] [K].

En effet, pour les délégués du personnel CGT la procédure n'est pas menée de bonne foi. Il ne s'agit pas d'une recherche sérieuse de postes qui pourraient correspondre aux besoins de Mme [Z]. (..)

Ainsi concernant les propositions transmises aux délégués du personnel lors de la réunion du 7 février 2018, la direction ne propose que 7 CDD de 3 à 9 mois alors que Mme [Z] avait notifié qu'elle n'était « pas enclin(e) à accepter un poste de reclassement en CDD'.

Dans ce même avis, les délégués du personnel font valoir que 'les propositions de reclassement par simple mutation ne couvrent pas l'ensemble des démarches que la société peut faire pour tenter de reclasser un salarié', que 'le délai d'à peine 15 jours laissé aux salariés pour accepter une mutation est bien court' et pointent 'l'incertitude quant à la véritable disponibilité des postes proposés'.

Concernant les trois propositions complémentaires de postes de reclassement finalement proposés en CDI par la société le 15 février 2018, il ressort des éléments de la procédure que Mme [M] s'est déclarée intéressée par la totalité d'entre eux, par courrier du 2 mars 2018.

Toutefois, par courriels des 6 et 8 Mars 2018, la Direction Régionale de la SNC LIDL était informée que deux des postes étaient pourvus. Par ailleurs, Mme [M] était informée que, suite à une erreur, le troisième poste était en réalité un poste en contrat à durée déterminée.

Il est dès lors établi que les trois propositions de poste complémentaires en date du 15 février n'ont pas été loyales.

La SNC LIDL a fait paraître une offre d'emploi le 22 Mars 2018 pour un poste d'employé administratif h/f à la Direction Régionale de [Localité 9]. La SNC LIDL a proposé simultanément ce poste à trois salariées en inaptitude dont Madame [M]. Cette dernière, bien qu'ayant montré son intérêt, et bien que s'étant rendu à l'entretien, n'a pas été retenue.

Le contrat de Madame [M] a été suspendu du 15 mai 2018 au 5 décembre 2018 dans le cadre de son droit à la formation continue.

Le 9 janvier 2019, le médecin du travail a confirmé l'avis d'inaptitude délivré le 21 novembre 2017.

Le 24 janvier 2019, la SNC LIDL a proposé à Madame [M] deux postes en CDI éloignes géographiquement de 1114 kms et 500 kms en demandant à cette dernière de se positionner avant le 6 février 2019.

Les éléments versés aux débats démontrent que la société LIDL n'a pas plus loyalement exécuté son obligation de reclassement concernant ces dernières propositions puisque, si la société a formulé par lettre du 24 janvier 2019, des propositions en adéquation avec les compétences nouvellement acquises par Madame [M] après sa formation et conformes aux préconisations du médecin du travail, consistant en deux postes d'employée de gestion des ressources humaines, l'un situé dans le sud de la France et l'autre à [Localité 7], en Ile de France, en adéquation avec les souhaits formulés par Madame [M], qui avait expressément indiqué être prête à envisager un poste de reclassement dans un rayon de plus de 100 kilomètres autour de son ancien lieu de travail sans limitation mentionnée, il ressort des pièces versées au dossier que la salariée a, à plusieurs reprises, demandé en vain à son employeur des compléments d'information sur l'aide à la mobilité qui pourrait lui être apportée.

Il est ainsi établi que lors de l'entretien de reclassement du 15 Janvier 2019, Madame [M] a interrogé son employeur sur les moyens alloués dans 1e cadre d'une mobilité, sachant que de tels postes nécessitaient de déménager avec ses trois enfants et que son époux démissionne de son contrat à durée indéterminée pour la suivre.

La SNC LIDL n'apporte pas la preuve qu'elle a renseigné Mme [M] sur lesdites aides à la mobilité, faisant montre d'un manque de sérieux dans le processus de reclassement de la salariée.

C'est toutefois à tort que Madame [M] reproche à la Société d'avoir conclu à l'impossibilité de procéder à son reclassement sans lui avoir préalablement proposé le poste de Responsable Relations Humaines laissé vacant après le départ de son titulaire Madame [P], en ce qu'il s'agissait d'un poste de cadre niveau 7, tandis que Madame [M] occupait un poste d'employée niveau 2, de telle sorte que la Société ne peut se voir reprocher de ne pas lui avoir proposé ce poste.

Par conséquent, la société LIDL ne rapporte pas la preuve de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de procéder à son reclassement dès lors que :

- son état de santé ne faisait pas obstacle à tout reclassement dans l'emploi ni à son maintien dans l'entreprise, notamment par des aménagements de poste ;

- elle s'est portée à plusieurs reprises candidate à des postes de reclassements, qu'elle n'a pas obtenu ;

- la SNC LIDL n'a pas fait preuve de loyauté et de bonne foi dans la recherche du reclassement de Madame [M] ;

- la société ne justifie pas de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues par l'article L.1226-10 du code du travail, et en particulier ne justifie pas de l'impossibilité d'un reclassement aux postes administratifs que les délégués du personnel avaient identifiés.

Le refus de Madame [M] d'être reclassée sur l'un de ces deux postes d'employée de gestion des ressources humaines ne constitue donc pas un motif justifiant l'impossibilité de procéder à son reclassement en ce que les propositions n'étaient accompagnées d'aucune information lui permettant d'effectuer un choix éclairé.

La Cour constate au surplus que l'avis des délégués du personnel en février 2018, qui a bien été recueilli après la déclaration d'inaptitude, n'a pas été recueilli avant toute proposition d'un poste de reclassement approprié aux capacités de la salariée. En effet, le courrier de proposition de reclassement daté du 8 février 2018 est réceptionné par Mme [M] le 10 février, tandis que les délégués du personnel CGT rendent leur avis le 12 février 2018.

La Cour constate par conséquent que la procédure de consultation des délégués du personnel n'a pas été respectée, ajoutant au caractère déloyal du processus de reclassement.

Sur l'indemnité de l'article L.1226-15 du code du travail

Aux termes de l'article L.1226-15 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable à compter du 24 septembre 2017, lorsque le licenciement du salarié inapte à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, a été prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement, le juge octroie au salarié une indemnité dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l'article L.1235-3-1, qui ne peut donc être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En l'espèce la salariée sollicite la confirmation de la décision des premiers juges soit la somme de 12.000 euros tenant compte de la mauvaise foi de l'employeur dans la mise en oeuvre de son obligation de reclassement.

Au vu du montant de la rémunération mensuelle brut à retenir (1378,56 euros), des éléments de la cause et des explications fournies sur son préjudice, il apparaît que les premiers juges ont fait une exacte appréciation de l'indemnité à allouer au salarié.

En conséquence la cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société à verser au salarié la somme de 12.000 euros au titre de l'indemnité de l'article L.1226-15 du code du travail.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral

En l'absence de caractère distinct du préjudice moral invoqué, la Cour ne fait pas droit à la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral de la salariée, en infirmation du jugement entrepris.

Sur les dispositions accessoires

La Cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société aux dépens et a alloué au salarié une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société qui succombe est condamnée aux dépens d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile il est équitable que l'employeur contribue aux frais irrépétibles qu'il a contraint la salarié à exposer en cause d'appel. La société est en conséquence condamnée à lui verser la somme de 2.000 euros et elle est déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la SNC LIDL à verser à Mme [M] la somme de 2.000 euros au titre du préjudice moral ;

statuant à nouveau,

DÉBOUTE Mme [M] de sa demande de ce chef ;

y ajoutant,

RAPPELLE qu'en application de l'article 1231-6 du code civil les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire, en application de l'article 1231-7 du code civil, porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce ;

CONDAMNE la SNC LIDL à verser à Mme [M] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la SNC LIDL de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SNC LIDL aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/02614
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;21.02614 ?
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