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26/06/2024 | FRANCE | N°21/02330

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 26 juin 2024, 21/02330


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°327



N° RG 21/02330 -

N° Portalis DBVL-V-B7F-RRHN













M. [P] [O]



C/



S.A.S. ITM LOGISTIQUE ALIMENTAIRE INTERNATIONAL «ITM LAI»

















Réformation partielle











Copie exécutoire délivrée

le :



à :

-Me Perrine LIMON-DUPARCMEUR

-Me Marie VERRANDO





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE>
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 JUIN 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°327

N° RG 21/02330 -

N° Portalis DBVL-V-B7F-RRHN

M. [P] [O]

C/

S.A.S. ITM LOGISTIQUE ALIMENTAIRE INTERNATIONAL «ITM LAI»

Réformation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Perrine LIMON-DUPARCMEUR

-Me Marie VERRANDO

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 Mars 2024

devant Madame Nadège BOSSARD et Monsieur Philippe BELLOIR, magistrats tenant l'audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [A] [N], médiatrice judiciaire,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Juin 2024, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 05 juin précédent, par mise à disposition au greffe comme les parties en ont été informées

****

APPELANT :

Monsieur [P] [O]

né le 05 Juillet 1964 à [Localité 8]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Perrine LIMON-DUPARCMEUR, Avocat au Barreau de VANNES

INTIMÉE :

La S.A.S. ITM LOGISTIQUE ALIMENTAIRE INTERNATIONAL exerçant sous le sigle «ITM LAI» prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Maryline BATIARD, Avocat plaidant du Barreau de PARIS

M. [P] [O] a été recruté par la SAS ITM LOGISTIQUE ALIMENTAIRE (ITM LAI) le 06 avril 2009, en qualité de Directeur Logistique Régional, statut cadre dirigeant, niveau 9 en application de la Convention Collective du Commerce de Détail et de Gros à prédominance alimentaire.

En octobre 2017, Mme [V], une des subordonnées de M. [O], s'est plaint de ses agissements auprès de la direction des ressources humaines.

Le 31 octobre 2017, M. [O] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 20 novembre 2017 avec mise à pied à titre conservatoire.

Le 24 novembre 2017, il a été licencié pour faute grave, motif pris d'un management agressif, d'une absence d'adhésion à l'entreprise et d'une insubordination.

Le 22 août 2018, M. [O] a saisi le Conseil de prud'hommes de Vannes aux fins de, notamment :

A titre principal,

' Dire et juger qu'il avait fait l'objet d'un licenciement discriminatoire,

' Requalifier le licenciement pour faute grave en un licenciement nul,

' Condamner la SAS ITM LAI à lui payer la somme de 405.398 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et abusif,

A titre subsidiaire,

' Dire et juger que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

' Requalifier le licenciement pour faute grave en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' Condamner la SAS ITM LAI à lui payer la somme de 180.176,96 € au titre de

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En toute hypothèse,

' Constater qu'il avait été victime de harcèlement au travail,

' Condamner la SAS ITM LAI à lui payer :

- 15.000 € en réparation du préjudice moral subi du fait des agissements de harcèlement moral,

- 76.424,96 € bruts au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 10.134,95 € bruts au titre de rappel de salaire,

- 33.783,18 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 4.391,81 € au titre de l'indemnité de congés payés,

- 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour est saisie de l'appel interjeté par M. [O] le 13 avril 2021 contre le jugement du 24 novembre 2020, par lequel le Conseil de prud'hommes de Vannes a :

' Dit que le licenciement reposait sur une faute grave,

' Débouté M. [O] de l'ensemble de ses demandes,

' Condamné M. [O] à verser à la SAS ITM LAI,

-1.500 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- 1.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' Dit que M. [O] supportera les dépens de l'instance.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 12 juillet 2021 suivant lesquelles M. [O] demande à la cour de :

' Infirmer le jugement prononcé en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

' Dire et juger qu'il a fait l'objet d'un licenciement discriminatoire,

' Requalifier son licenciement pour faute grave en un licenciement nul,

' Condamner la SAS ITM LAI à lui payer la somme de 405.398 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et abusif,

A titre subsidiaire,

' Dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

' Requalifier son licenciement pour faute grave en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' Condamner la SAS ITM LAI à lui payer la somme de 180.176,96 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En toute hypothèse,

' Constater qu'il a été victime de harcèlement au travail,

' Condamner la SAS ITM LAI à lui payer :

- 15.000 € en réparation du préjudice moral subi du fait des agissements de harcèlement moral,

- 76.424,96 € bruts au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 10.134,95 € bruts au titre de rappel de salaire,

- 33.783,18 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 4.391,81 € au titre de l'indemnité de congés payés,

- 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

' Ordonner la remise des documents sociaux rectifiés, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir à intervenir,

' Condamner, sur l'ensemble des demandes, au paiement des intérêts au taux légal,

' Condamner la SAS ITM LAI à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 11 octobre 2021, suivant lesquelles la SAS ITM LAI demande à la cour de :

' Déclarer M. [O] irrecevable et en tout cas non fondé en son appel et l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, l'en débouter,

' Confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions,

Ce faisant,

' Dire que :

- le licenciement de M. [O] repose sur une faute grave,

- M. [O] n'a pas fait l'objet d'un licenciement discriminatoire,

- M. [O] n'a pas fait l'objet d'un harcèlement moral,

' Débouter M. [O] de :

- l'ensemble de ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail,

- sa demande relative à la reconnaissance d'un licenciement nul,

- sa demande afférente à un prétendu harcèlement,

' Condamner M. [O] à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Dire que l'ensemble des condamnations à intervenir porteront intérêt à compter de l'introduction de la demande, avec capitalisation annuelle des intérêts par l'application de l'article 1343-2 du code civil,

' Condamner M. [O] aux entiers dépens qui comprendront ceux éventuels d'exécution avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 mars 2024.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties aux conclusions sus-visées.

***

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le harcèlement moral

Selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Dès lors que sont caractérisés ces agissements répétés, même sur une brève période, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l'intention de son auteur.

Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [O] invoque :

- le 21 octobre 2015, la crevaison des 4 pneus de son véhicule d'entreprise sur un parking d'hôtel, puis des pneus du véhicule de son épouse et de celui de sa belle mère,

- des lettres anonymes d'insultes reçues par deux comités d'établissement en 2016,

- du crédit donné par l'employeur aux allégations selon lesquelles M. [O] a entretenu une liaison avec sa collègue '[W]'(sous entendu Mme [J]).

M. [O] produit trois courriers adressés le 1er septembre 2016 au secrétariat des comités d'entreprise de [Localité 11] (56) et de [Localité 6] (61) aux termes desquels sont révélées son infidélité et sa relation extraconjugale avec Mme [J].

Aucun élément n'est produit de nature à établir les faits de crevaisons de pneus et d'insultes.

Ces seuls courriers concernant un fait unique, à défaut de produire d'autres éléments, ne font pas présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral. M. [O] sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts. Le jugement est confirmé à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur la nullité du licenciement en raison d'une discrimination

En application des articles L.1132-1 et L. 1132-4 du code du travail, le licenciement motivé par l'état de santé du salarié est nul en raison de son caractère discriminatoire.

L'article L.1134-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.

Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

M. [O] invoque la nullité de son licenciement au titre d'une discrimination fondée sur l'atteinte à sa vie privée en ce que des courriers anonymes adressés aux comités d'entreprise des différents sites où il se rendait habituellement révélaient qu'il avait une relation amoureuse avec une collègue de travail.

Il produit trois lettres anonymes reçues par deux comités d'entreprise en 2016, dont l'une était rédigée en ces termes :

« Bonjour,

Comme je vous l'avais promis voilà.

Vous attendiez le nom

C'est [K] (la contrôl de gestion) ».

Son licenciement est intervenu en novembre 2017.

M. [O] ne justifie pas d'autres éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination fondée sur l'atteinte à sa vie privée, à raison de ses moeurs. Ce seul fait établi antérieur d'une année n'est pas de nature à le laisser supposer.

Il convient dès lors de rejeter la demande de M. [O] tendant à reconnaître la nullité du licenciement et la demande financière subséquente.

Sur le licenciement

M. [O] soutient, à titre subsidiaire, que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce qu'il a été licencié pour faute grave.

La SAS ITM LAI reproche au salarié :

- un comportement managérial inacceptable,

- une non adhésion à l'organisation et aux décisions stratégiques de l'entreprise,

- une insubordination envers M. [U].

En matière de licenciement disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'appelant dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, les juges qui constatent que l'employeur s'est placé sur le terrain disciplinaire, doivent examiner l'ensemble des motifs mentionnés dans la lettre de licenciement et doivent dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse s'ils retiennent qu'aucun d'entre eux ne présente de caractère fautif.

La lettre de licenciement du 24 novembre 2017 est rédigée en ces termes :

(...) nous vous notifions votre licenciement pour faute grave, pour les motifs suivants :

Comportement managérial inacceptable vis-à-vis des équipes qui sont sous votre responsabilité dégradant leurs conditions de travail et mettant en péril leur santé :

Il résulte des différents témoignages recueillis que votre comportement se situe de manière récurrente, sur le registre de l'attaque blessante et de l'agressivité vis-à-vis de vos équipes. De très nombreux témoignages nous sont parvenus spontanément de la part des équipes de la Région Ouest vous visant directement et faisant notamment état de : 'Langage agressif, voire blessant', 'méthodes d'isolement', 'dictatorial', 'comportement agressif', 'délit de faciès', 'reproches inappropriés et dégradants intellectuellement', 'froid et distant', 'pressions, remarques désobligeantes, propos dévalorisant', 'propos inadaptés dans une relation professionnelle, sexiste, voire déplacés', voire 'harcèlement sexuel' et 'harcèlement moral'.

Il résulte de ces mêmes témoignages que les équipes ont tenté d'adapter leur attitude au gré de vos humeurs mais que leur attitude est mue par : la 'Peur', les 'risques de représailles morales', la 'crainte', 'l'appréhension', le 'malaise', 'les cadres des établissements, craignent la réaction de Monsieur [O] et n'osent pas s'exprimer en réunion de peur de s'attirer une remarque désobligeante'.

Or, ce comportement porte gravement atteinte à leurs conditions de travail et met en péril leur santé ; certains témoignages mettant en avant le caractère 'démotivant' de leur situation, un 'climat très pesant' voire même une 'souffrance morale'.

En effet, ceux qui vous ont résisté et subi vos agressions :

- Soit ont quitté leur poste profitant de mutations internes ou d'opportunités externes pour ne plus avoir à subir ce climat délétère et s'en sont ouverts auprès de nous (ex-RH de l'établissement de [9], ex-responsable du contrôle de gestion Ouest, Coordinateurs Projets Région, ex-RH de l'établissement de [10], ex-RH de l'établissement de [7], ex-RRH de l'établissement de [Localité 5] ayant fait reconnaître sa dépression en accident du travail suite à un épisode traumatisant que vous lui avez infligé en réunion.

- Soit ont été licenciés (ex-Directeur de l'établissement de [10] dont vous n'avez eu de cesse de décrédibiliser le travail et l'image professionnelle auprès des équipes).

- Soit encore dans les effectifs mais évoque expressément une 'dégradation de leurs conditions de travail', le cas échéant de nature à porter atteinte à leurs droits et à leur dignité et à altérer leur santé physique ou mentale et susceptible de compromettre leur avenir professionnel comme cela a été le cas des mois durant vis-à-vis de la responsable RH Région Ouest.

Lors de l'entretien, vous avez cru bon de nier ces faits prétendant que les témoignages étaient purement mensongers ; mettant en avant un management 'certes pas très participatif' mais 'non agressif'. Que vous avez agi en pleine conscience ou que vous ayez sous-estimé la portée de votre mode de management, vous avez placé progressivement de nombreux salariés de l'entreprise dans une situation intimidante, hostile et offensante.

Vous avez insisté pour disposer des témoignages recueillis voire même avez sollicité une confrontation avec les témoins, mettant en avant la volonté de vous 'défendre' des accusations portées à votre encontre. Nous n'avons pas accédé à votre requête les salariés souhaitant garder l'anonymat de peur de représailles de votre part !

Votre attitude n'est pas digne d'un Directeur Logistique Régional niveau 9, membre du Comité de Direction (CODIR), qui se doit de porter les valeurs de l'entreprise, dont le respect des hommes et des femmes, à fortiori dans le contexte de profonde mutation qui est le sien.

Non adhésion à l'organisation de l'entreprise / décision stratégiques de l'entreprise et prise de décision fautive allant à l'encontre de cette organisation

Vous avez fait part régulièrement de votre désaccord sur les décisions et modalités choisies par la Direction générale pour la mise en 'uvre du lien hiérarchique entre :

- La Direction du contrôle de gestion et les équipes de contrôle de gestion régionales,

- La Direction des ressources humaines et les équipes RH régionales,

Vous ne vous êtes pas contenté de ne pas la partager vos avez tenté d'en freiner la mise en 'uvre au sein des équipes régionales :

- En mettant systématiquement en doute les décisions prises par la RRH région et en la mettant en difficulté dans la réalisation de ses missions,

- En nommant sans validation un nouveau responsable du contrôle de gestion Ouest,

- Et en faisant preuve d'un manque de loyauté vis-à-vis de vos homologues au Comité de Direction (Mr [T] [Y] pour la DRH, Mme [G] [X], pour la Direction du contrôle de gestion) Spécifiquement sur la promotion d'une des contrôleuses de gestion (région Ouest), au poste de responsable du contrôle de gestion ouest contre la volonté de la Direction

d'entreprise et en contradiction avec les règles internes :

Le 6 Septembre 2017, vous avez pris l'initiative d'annoncer la nomination de Mme [W] [J] au poste de responsable du contrôle de gestion Région ouest (en remplacement de Mme [B] [M] ex-responsable) alors même :

- Qu'avait été annoncée en CODIR le futur rattachement hiérarchique des équipes de contrôle de gestion régionales à la Direction du contrôle gestion ' que la décision ne vous appartenait donc plus,

- Que vous saviez que Mme [G] [X], n'avait nullement l'intention de promouvoir Mme [W] [J] à ce poste.

- Sans respecter le process de validation de la promotion qui implique à minima d'en avoir fait la demande auprès de votre Direction et du Directeur et du Directeur des Ressources Humaines' obligeant la Direction Générale d'ITM LAI à intervenir personnellement et à vous demander de suspendre cette nomination.

Le 12 Septembre 2017, malgré l'annonce officielle du rattachement hiérarchique de la filière contrôle de gestion à Madame [G] [X] et le départ de l'ex responsable du contrôle de gestion à l'exploitation, vous avez persisté à ne pas retirer la nomination. C'est pourquoi dans un mail du 28 Septembre 2017, Mme [X] a été contrainte de vous préciser qu'elle se laissait jusqu'à la fin de l'année pour proposer une organisation. En retour, par deux mails cinglants (des 28 et 29 septembre 2017), vous lui avez fait part ouvertement de votre désaccord.

Vous ne vous êtes pas contenté de ne pas partager cette organisation vous avez tenté d'en freiner la mise en 'uvre en nommant Mme [W] [J] dans la plus grand précipitation et sans en avoir discuté avec qui que ce soit ; En témoignent :

- Votre opiniâtreté à vouloir renouveler la commande de véhicule de Mme [B] [M] durant l'été 2017 jusqu'en septembre alors que vous saviez pertinemment qu'elle quitterait son poste. Vous avez même osé lui demander de se rapprocher de [W] [J] pour que cette dernière choisisse le modèle et la couleur du véhicule.

- Votre empressement à valider la mutation de Mme [B] [M] à un poste d'exploitation pour libérer sa place et promouvoir Mme [W] [J] alors qu'il résulte de nombreux témoignages que vous émettiez d'énormes doutes sur sa réussite.

Insubordination vis-à-vis de votre responsable hiérarchique

Depuis plus de 3 ans, vous adoptez un comportement tout à fait inadéquat avec Mr [Z] [U], votre responsable hiérarchique : vous vous permettez de lui adresser des mails agressifs, de le contrarier en réunion de CODIR ou COMOP : vous refusez de formaliser les EAP avec lui ; vous ne l'informez pas de votre activité et de la mise en 'uvre des projets que vous déployez d'ailleurs comme 'bon vous semble'.

Cette démarche de décrédibilisation de votre hiérarchique est inadmissible, mais témoigne, là encore, du fait que vous vous sentez 'intouchable' et 'tout puissant' au sein de l'entreprise. Lors de l'entretien préalable, vous avez même osé souligner que c'est Mr [Z] [U] qui devrait être à votre place, compte tenu de son esprit critique.

En synthèse, nous déplorons que l'ensemble de la ligne hiérarchique (subordonnés, collatéraux, hiérarchiques) ait eu à subir votre attitude avec plus ou moins de conséquences dramatiques sur sa santé en fonction de son endurance à accuser le coup de vos agressions et de vos sarcasmes.

Compte tenu de la gravité de ces faits, votre maintien dans l'Entreprise s'avère impossible. [...]

Sur le grief du comportement managérial inacceptable

L'employeur produit l'attestation d'une salariée, Mme [V], Responsable des ressources humaines de la région Ouest, qui relate des propos sexistes, déplacés voire sexuels en ce qu'elle indique avoir été 'victime de pressions et remarques désobligeantes, propos dévalorisant' et précise que 'Monsieur [O] avait une tendance à regarder mes jambes avec insistance, à chaque fois que je portais une jupe (...)'.

Mme [V] ajoute que M. [O] a tenu des propos suivants :

-' pourquoi tu portes un foulard, il cache ton decolleté, ce qu'il y a dessous est plus joli',

- 'je suis content car mes collègues trouvent que j'ai la plus jolie RRH région',

- 'tu devrais laisser pousser tes cheveux, je préfère',

- 'tu étais bien habillée hier en CA, ca a plu au DG'.

Mme [L] [V] indique qu'au mois d'octobre 2015, au cours d'une conversation téléphonique M. [O] lui a fait des confidences sur sa situation conjugale et il lui a dit ' Avec toi, [L], c'est différent, J'attends juste que tu te débarrasses de ton compagnon actuel pour te faire la cour'.

Elle précise que lors du comité Carrières du mois d'avril 2017, M. [O] lui a dit lors d'une conversation : « tiens, je vais aller voir à côté si cela ne mouille pas un peu mieux ! ».

De même, l'employeur communique un échange de mails, daté du 24 janvier 2013, dans lequel M. [O], contrairement à ce qu'il soutient, a initié avec deux salariées (Mme [V] et Mme [M]) une blague à connotation sexuelle.

L'employeur produit également des mails de M. [O] en date du 5 août 2016, du 5 décembre 2016, du 3 janvier 2017, du 20 mars 2017 et 15 juillet 2017, adressées à Mme [V], attestant du rapport agressif et directif entretenu par M. [O] avec ses collaborateurs en ce qu'il écrit :

- « Pour mes encouragements, je ne cesse de faire mais tu n'écoutes pas ou n'entend pas'. Alors arrête de chercher la justification de tes difficultés ! Tu suis mes instructions, écoute mes conseils ou ordres ! Et tout ira bien » (Pièce n°4) ;

- « [L], Franchement, je fatigue ! » (Pièce n°8)

- « Bonjour Et en plus cela doit être validé par moi ! » (Pièce n°7)

- « Tu viens encore une fois de ' pas respecter mes consignes ' De plus, je n'ai rien validé » ( pièce n°15 ) ;

- « Pour les pompiers c'était à moi de faire ET non toi ! Ils attendent c'est tout ! » (Pièce n°6).

Sur les sautes d'humeur imprévisibles de M. [O], la SAS ITM LAI établit par les attestations de plusieurs salariés que :

- il pouvait passer « d'une heure à l'autre d'une humeur de joie à des colères impressionnantes » (attestation Mme [V] ) ;

- « selon ses humeurs du jour, son comportement était non collaboratif et venait dégrader l'esprit d'équipe ['] Il ne parlait pas ou peu et était de mauvaise humeur. Il ne fallait pas exprimer notre bonne humeur car cela se traduisait par un regard désagréable ou un ton autoritaire par la suite des échanges » (attestation Mme [R] ) ;

- « selon son humeur du jour, les relations pouvaient être compliquées et cela ne facilitait pas mon travail au quotidien » (attestation M. [S]) ;

- il était « tantôt très lunatique, tantôt, souriant et sympathique, tantôt froid et distant » ['] « Son attitude lunatique se traduisait par des directives contradictoires. Notamment, à l'occasion de la finalisation d'une vidéo, celui-ci avait félicité ses collègues par mail puis quelques semaines plus tard sans explication, son comportement avait changé du tout au tout et il nous a demandé de la retourner en partie car cela ne correspondait pas à sa demande » (attestation M. [D] ).

L'employeur produit, sur les propos humiliants de M. [O] relatifs aux compétences de ses collègues, différentes attestations, rapportant qu'il a tenu des propos tels que : 'il est où l'autre niakoué', ' tu n'as pas de couilles au cul' ou encore 'et en plus elle est moche cette conne'.

M. [O] a communiqué une attestation de M. [E], Directeur d'Exploitation, qui a travaillé sous sa hiérarchie entre 2012 et 2017, lequel atteste que le salarié 'n'a tenu de propos insultants, ou n'a manqué de respect à qui que ce soit. Nous avons fait des réunions chaque semaine, et jamais aucun écart vis-à-vis de l'ensemble des cadres et maîtrises. Au contraire, j'ai toujours collaboré avec Monsieur [O], qui a su mettre en valeur l'ensemble de mon équipe'.

Cette opinion rapportée par cette attestation n'est, pour l'essentiel, pas incompatible avec la retranscription des propos d'autres salariés ayant fait état, au quotidien et hors réunions, de leurs relations de travail dégradées et des propos et comportements inappropriés reprochés à M. [O].

Il en résulte que le grief du comportement managérial inacceptable est constitué.

Sur le grief de l'absence d'adhésion à l'organisation et aux décisions stratégiques de l'entreprise

A cet égard, l'employeur communique une attestation de Mme [X], directrice du contrôle de gestion, qui indique que M. [O] 'fait part de son désaccord systématique sur les décisions

qui sont prises par la Direction générale et partagées en comité de Direction, notamment la dernière en date qui est le rattachement hiérarchique des contrôleurs de gestion à la Direction, du contrôle de gestion et non plus à chaque Directeur Logistique Région.

Il a d'ailleurs tenté de promouvoir une contrôleuse de gestion région au poste de responsable du contrôle de gestion région (allant jusqu'à annoncer par mail du 6 septembre 2017 sa nomination aux équipes région sans mon accord et surtout sans aucune concertation avec moi !). J'ai compris qu'il ne me considérait pas comme la directrice du CDG et donc que je n'avais pas mon mot à dire sur la nomination de la contrôleuse de gestion au poste de responsable du CDG. Je n'en ai pas dormi de la nuit [']

A partir du mois de juin 2017, il n'avait de cesse de demander à mettre la controleuse de gestion qu'il avait pressentie au poste de responsable dans ma liste de diffusion des Resp CDG. Plusieurs mails pour cette demande malgré ma réponse pour dire que ce sont les resp cdg qui communique au cdg de la région. Le nombre de mails pour me réitérer cette demande a été important. J'en étais à un point tel que je savais qu'à chaque envoi de mail aux resp CDG, j'allais avoir un mail de [P] pour me faire la même demande'.

A l'appui de ce grief ainsi formulé, la SAS ITM LAI a versé aussi les attestations de Mme [H], Mme [C], M. [Y], qui indiquent que M. [O] 'faisait part de son désaccord systématique sur les décisions qui sont prises par la Direction Générale', et évoquent un 'comportement de dénigrement systématique de nos arguments ; j'avais l'impression d'assister à un règlement de comptes', en parlant de l'attitude lors d'une réunion de présentation de la nouvelle organisation de l'entreprise.

A l'encontre de ces pièces, M. [O] allègue, sans autre précision, que c'est Mme [M], contrôleur de gestion qui, après avoir émis le souhait de changer de poste au mois d'avril 2017, a procédé au recrutement et validé la nomination de Mme [J] qu'elle avait formée entre temps.

Il est ainsi établi que M. [O] a adopté un comportement tendant à s'affranchir des règles internes et a tenté de faire nommer Mme [J] à un poste à responsabilité, malgré le désaccord du responsable hiérarchique du poste concerné, jusqu'à diffuser un mail annonçant la nomination sans avoir de validation de la Direction de la société.

Le grief est constitué.

Sur le grief d'insubordination vis-à-vis de votre responsable hiérarchique

A cet égard si la lettre de licenciement de M. [O] fait état de mails agressifs à l'égard de M. [U], son supérieur hiérarchique, de désaccord avec lui en réunion de CODIR , de refus de formaliser les entretiens annuels avec M. [U] et du défaut d'information, force est de constater que la SAS ITM LAI ne communique aucun élément précis du comportement de M. [O] sur ce grief.

En tout état de cause, au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est par une juste appréciation de ces faits dont les débats en cause d'appel n'ont pas altéré la pertinence, que les premiers juges ont tiré les conséquences de la gravité des propos et comportements de M. [O] dans son management, tels que ceux-ci ressortent des pièces produites par l'employeur et sur lesquels le salarié n'a pas apporté d'information contraire, comme de leur incidence directe sur la dégradation des conditions de travail des salariés visés et en ont déduit que de tels faits appelaient une réaction immédiate de l'employeur dans le cadre de son obligation en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, pour faire cesser le trouble ainsi causé par M. [O] au sein de l'établissement dont il avait la responsabilité.

Les faits établis caractérisent ainsi, dans les circonstances rapportées et compte tenu du niveau particulièrement élevé de responsabilité de M. [O] dans l'entreprise, une faute grave rendant impossible la poursuite de son contrat de travail, même pour la durée du préavis.

Le jugement entrepris doit ainsi être confirmé en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une faute grave du salarié et a débouté celui-ci de ses demandes à ce titre.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'une faute caractérisant une procédure abusive.

Il n'y a donc pas lieu de condamner M. [O] au paiement de la somme de 1.500 € de dommages et intérêts pour procédure abusive. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; M. [O], qui succombe en appel, doit être débouté de sa demande formulée à ce titre et condamné à indemniser l'employeur des frais irrépétibles qu'il a pu exposer pour assurer sa défense.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne les dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Statuant à nouveau de ce seul chef infirmé,

DIT n'y avoir lieu à condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive,

et y ajoutant,

CONDAMNE M. [O] à verser à la SAS ITM LAI la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre la somme déjà allouée en première instance sur ce fondement ;

DÉBOUTE M. [O] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [O] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/02330
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;21.02330 ?
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