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24/06/2024 | FRANCE | N°24/00259

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 24 juin 2024, 24/00259


COUR D'APPEL DE RENNES

N O 24/118

N O RG 24/00259 N O Portalis DBVL-V-B71-U4BS

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE

article L 3211-12-4 du code de la santé publique



Nous, Catherine LEON, Présidente à la cour d'appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Eric LOISELEUR, greffier placé, lors des débats et de Julie FERTIL, greffière, lors de l'audience de mise à disposition.

Statuant sur l'appel form

é le14 Juin 2024 à 16H16 par :

M. [A] [P]

né le 28 Février 1983 à [Localité 3]

de nationalité Française [A...

COUR D'APPEL DE RENNES

N O 24/118

N O RG 24/00259 N O Portalis DBVL-V-B71-U4BS

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE

article L 3211-12-4 du code de la santé publique

Nous, Catherine LEON, Présidente à la cour d'appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Eric LOISELEUR, greffier placé, lors des débats et de Julie FERTIL, greffière, lors de l'audience de mise à disposition.

Statuant sur l'appel formé le14 Juin 2024 à 16H16 par :

M. [A] [P]

né le 28 Février 1983 à [Localité 3]

de nationalité Française [Adresse 2]

[Localité 1], représenté par Me Emmanuelle DELEURME-TANNOURY, avocat au barreau de RENNES

hospitalisé à l'EPSM du MORBIHAN

ayant pour avocat Me Emmanuelle DELEURME-TANNOURY, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 14 Juin 2024 par le Juge des libertés et de la détention de VANNES qui a ordonné le maintien de son hospitalisation complète ;

En l'absence de [A] [P], régulièrement avisé de la date de l'audience, représenté par Me Emmanuelle DELEURME-TANNOURY, avocat

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur FICHOT, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 14 juin 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence du représentant de l'établissement de soins, régulièrement avisé, ayant adressé des pièces le 17 juin 2024 et un avis motivé le 18 juin 2024, lequels ont été mis à disposition des parties,

Après avoir entendu en audience publique le 20 Juin 2024 à 14 H 00 1'avocat en ses observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, après en avoir délibéré, avons rendu par mise à disposition au greffe la décision suivante :

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 06 juin 2024, suite à des troubles à l'ordre public, M. [A] [P] a été admis aux urgences avec les forces de l'ordre puis en soins psychiatriques dans le cadre de la procédure sur péril imminent.

Le certificat médical du 06 juin 2024 du Dr [S] [W], n'exerçant pas dans l'établissement d'accueil, a établi la présence d'une agitation et d'une décompensation maniaque avec troubles du sommeil chez M. [A] [P]. Les troubles ne permettaient pas au patient d'exprimer un consentement. Le médecin a estimé que l'hospitalisation de M. [A] [P] être assortie d'une mesure de contrainte et a estimé que cette situation présentait un péril imminent.

Par une décision du 06 juin 2024 du directeur de l'Etablissement Public de Santé Mentale (EPSM) du Morbihan, M. [A] [P] a été admis en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète.

Le certificat médical des « 24 heures » établi le 06 juin 2024 à 16h24 par le Dr [L] [U] et le certificat médical des « 72 heures » établi le 08 juin 2024 à 11h01 par le Dr [N] [C] ont préconisé la poursuite de l'hospitalisation complète.

Par décision du 08 juin 2024, le directeur de l'Etablissement Public de Santé Mentale du Morbihan a maintenu les soins psychiatriques de M. [A] [P] sous la forme d'une hospitalisation complète pour une durée d'un mois.

L'avis motivé établi le 10 juin 2024 par le Dr [N] [C] a indiqué que M. [A] [P] était connu du service pour un trouble bipolaire avec alcoolodépendance comorbide. M. [A] [P] présentait une décompensation de son trouble bipolaire, sur un versant hypomaniaque, en partie lié à une rupture de son traitement psychotrope et à une majoration de la fréquence et de l'intensité de ses consommations alcooliques. Le patient avait toujours une humeur décompensée, ne critiquait pas les troubles ayant mené à l'hospitalisation et n'adhérait pas aux soins pourtant nécessaires. Le médecin a estimé que persistait un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade et/ou un péril imminent.

Par requête reçue au greffe le 07 juin 2024, le directeur de l'Etablissement Public de Santé Mentale du Morbihan a saisi le tribunal judiciaire de Vannes afin qu'il soit statué sur la mesure d'hospitalisation complète.

Par ordonnance en date du 14 juin 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Vannes a autorisé la poursuite de l'hospitalisation complète.

M. [A] [P] a interjeté appel de l'ordonnance du 14 juin 2024 par lettre simple adressée au greffe de la cour d'appel de Rennes le même jour.

Le ministère public a sollicité par avis écrit la confirmation de l'ordonnance attaquée.

Dans un certificat établi le 18 juin 2024 le Dr [C] indique que M.[P] nécessite la poursuite des soins psychiatriques sans consentement en hospitalisation complète pour les raisons médicales suivantes : patient connu du service pour un trouble bipolaire avec alcoolodépendance comorbide . Il présente actuellement une décompensation de son trouble bipolaire sur un versant hypomaniaque en partie lié à une rupture de son traitement psychotrope et à une majoration de la fréquence et de l'intensité de ses consommations d'alcool.

Depuis le début de son hospitalisation qui a notamment permis un sevrage d'alcool et une reprise du traitement thymorégulateur, son état psychique s'est amélioré mais l'humeur reste décompensée et il ne critique nullement les troubles du comportement à l'origine de son hospitalisation (agitation sur la voie publique, mises en danger...)

Son adhésion aux soins reste superficielle et une sortie prématurée risquerait d'entrainer une rapide recrudescence des troubles de l'humeur (et donc des mises en danger)

Il persiste à ce jour un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade et /ou un péril imminent Son état mental rend impossible un consentement éclairé aux soins.

M.[P] a écrit qu'après réflexion, il ne " participera pas à la cour d'appel de Rennes".

A l'audience du 20 juin 2024, il ne s'est pas présenté.

Son conseil a demandé l'infirmation de la décision et la levée de la mesure d'hospitalisation sous contrainte faisant valoir que:

- le péril imminent n'est pas suffisamment caractérisé dans le certificat intitial - il existe un seul document intitulé relevé des démarches de recherche et d'information de tiers pour un patient admis en soins psychiatriques en cas de péril imminent, ce document ne permet pas de savoir si on est sur l'avis à la famille ou la recherche d'un tiers ce qui fait nécessairement grief car il est important que la famille puisse agir

-la décision de maintien est signée par M.[F] [D] dont on ignore s'il est bénéficiaire d'une délégation de compétence pour prendre une telle décision, étant par ailleurs directeur de la logistique et des travaux

-la décision de maintien n'a pas été notifiée en réalité puisque rendue le 8 juin, la notification mentionne le 7 juin et les cases attestant que le patient a été informé de ses droits ne sont pas cochées

Au fond elle estime que le certificat de situation n'est pas suffisamment circonstancié.

En cours de délibéré l'Etablissement Public de Santé Mentale du Morbihan a produit la décision de délégation de signature de M. [D], le tableau de permanence des cadres, pièces qui ont été communiquées aux parties avec délai pour faire des observations.

Le 21 juin 2024 il a été transmis une décision de levée de la mesure de soins contraints de M.[P] lequel a accepté des soins ambulatoires, datée du même jour et prise sur la base du certificat médical du Dr [C].

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel :

Aux termes de l'article R. 3211-18 du code de la santé publique, le délai d'appel est de dix jours à comp'ter de la notification de l'ordonnance.

Selon l'article R. 3211-19, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure.

En l'espèce, M. [A] [P] a formé le 14 juin 2024 un appel de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Vannes du même jour.

Cet appel, régulier en la forme, sera donc déclaré recevable.

Sur la régularité de la procédure :

Aux termes de .l'article L. 3216-1 du Code de la Santé publique, la régularité des décisions administratives peut être contestée devant le juge des libertés et de la détention, et en cas d'irrégularité, celle-ci n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.

La saisine du juge des libertés et de la détention prévue par l'article L. 3211-121 du Code de la santé publique doit être accompagnée des avis et pièces tel que prévu par les articles R. 3211-12, -24 et -26 du même code afin de permettre au juge judiciaire de contrôler la régularité des décisions administratives et le cas échéant de statuer sur leur contestation.

En l'espèce,il ressort des avis et pièces mentionnés dans l'exposé des faits et de la procédure que celle-ci est contestée.

Sur la caractérisation du péril imminent :

Il ressort des observations orales du conseil de M.[P] que la procédure est contestée en ce que le péril imminent n'est pas caractérisé dans le certificat médical initial.

Aux termes de Iarticle L 3212-1 Il 2 0 du Code de la santé publique, le directeur de l'établissement hospitalier peut prononcer l'admission en soins psychiatriques dune personne malade lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande d'un tiers et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne dûment constaté par un certificat médical d'un médecin n'exerçant pas dans l'établissement d'accueil.

Le juge est autorisé à rechercher, au-delà des seules considérations du certificat médical initial, les circonstances exactes de l'admission du patient permettant de vérifier l'existence d'un péril imminent au moment de l'hospitalisation.

En l'espèce, M. [P] a été admis en hospitalisation complète sans son consentement, suivant la procédure de péril imminent sur la base d'un certificat médical initial du Dr.[S] [W], n'exerçant pas dans l'établissement d'accueil mentionnant les faits suivants :troubles de l'ordre public, admis au SAU avec les forces de l'ordre et constatant les troubles mentaux suivants: agitation, décompensation maniaque avec troubles du sommeil . Dans ce certificat le médecin coche la case de l'existence du péril imùminent pour la santé de l'intéressé.

Il y est donc fait état de manière claire et distincte de faits et de troubles dont le médecin déduit qu'il existe un péril imminent.

Sauf à substituer sa propre appréciation des troubles psychiques du patient et de leurs conséquences, le juge ne peut que constater que le certificat répond à l'exigence de la caractérisation du péril imminent.

Le moyen sera écarté.

Sur le défaut de délégation de signature allégué :

L'article L. 6143-7 du Code de la santé publique donne compétence au directeur du centre hospitalier pour « représenter l'établissement dans tous les actes de la vie civile et agir en justice au nom de l'établissement ».

L'article D. 6143-33 permet au « directeur d'un établissement public de santé (de) déléguer sa signature ».

L'article D. 6143-34 précise que « toute délégation doit mentionner :

1° Le nom et la fonction de l'agent auquel la délégation a été donnée ;

2° La nature des actes délégués ;

3°Eventuellement, les conditions ou réserves dont le directeurjuge opportun d'assortir la délégation ».

En l'espèce il a été justifié en cours de délibéré une décision du 13 janvier 2024 n o 2024-11 portant délégation de signature .

Selon le conseil de M.[P], it ne procède pas de cette décision que M. [D] serait susceptible de bénéficier de cette délégation de signature en qualité de directeur de garde dans le cadre de la continuité des soins et du service public.

Toutefois il ressort de l'examen de cette délégation que M. [F] [B] [D], cadre de l'établissement bénéficie d'une délégation de signature pour assurer la continuité du service public afin de signer notamment les décisions d'admission ou de maintien en soins contraints. S'agissant d'une décision rendue un samedi, M.[D] a manifestement signé en vertu de cette délégation, ce dont il a d'ailleurs été justifié postérieurement par l'envoi du tableau de garde du personnel de direction du 1 er semestre 2024 , document trnasmis au conseil de M. [P].

Le moyen ne sera pas retenu.

Sur le défaut d'information des proches :

L'article L. 3212-1 du Code de la santé publique prévoit que, « dans (le) cas [d'une admission en soins sur péril imminent], le directeur de l'établissement d'accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la Protectionjuridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci ».

En l'espèce, le formulaire intitulé "relevé des démarches de recherche et d'information de tiers pour un patient admis en soins psychiatriques en cas de péril imminent", mentionne que des recherches ont été faites par une infirmière

mais que la famille ne répond pas au téléphone la nuit. Il est précisé qu'au vu de ces éléments et du péril imminent l'admission est faite en SPI.

Par conséquent figure clairement sur ce formulaire la recherche infructueuse de tiers.

En revanche il s'en déduit que ceux-ci étaient manifestement identifiés et qu'ils n'ont pas répondu mais avec la circonstance particulière que l'appel a été passé de nuit.

Il n'est pas fait état d'une autre tentative d'information de ces personnes en journée de sorte qu'il n'est pas justifié de l'obligation visée par l'article L 3212-1 du code de la santé publique.

Il ne ressort par ailleurs d'aucun élément du dossier qu'ils ont pu être informés de la situation d'une autre manière de sorte qu'ils ont été privés de la possibilité d'agir dans l'intérêt de celui-ci, ce qui lui a nécessairement fait grief.

Il s'ensuit que la procédure est irrégulière.

Évoquant, sans nécessité d'examiner les autres moyens, il conviendra d'ordonner en tant que de besoin compte tenu de la décision intervenue le 21 juin 2024 , parvenue en cours de délibéré , la mainlevée de l'hospitalisation sous contrainte de M. [P].

Sur les dépens :

Les dépens seront laissés à la charge du trésor public.

PAR CES MOTIFS

Catherine LEON, présidente de chambre, statuant publiquement, et en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,

Reçoit M. [A] [P] en son appel,

Infirme l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

Ordonne en tant que de besoin la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement sous la forme de l'hospitalisation complète de M [P],

Laisse les dépens à la charge du trésor public.

Fait à Rennes, le 24 Juin 2024 à 11H00

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,Catherine LEON, Présidente

Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à [A] [P] à son avocat, au CH et ARS/tiers demandeur/curateur-tuteur

Le greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD

Le greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00259
Date de la décision : 24/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-24;24.00259 ?
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