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20/06/2024 | FRANCE | N°24/00268

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 20 juin 2024, 24/00268


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/123

N° RG 24/00268 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U4PG



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eri

c LOISELEUR, greffier placé,



Statuant sur l'appel formé le 19 Juin 2024 à 15H04 par la CIMADE pour:



M. [E] [Z]

né le 25 Avril 19...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/123

N° RG 24/00268 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U4PG

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eric LOISELEUR, greffier placé,

Statuant sur l'appel formé le 19 Juin 2024 à 15H04 par la CIMADE pour:

M. [E] [Z]

né le 25 Avril 1993 à [Localité 1] (ALGÉRIE)

de nationalité Algérienne

ayant pour avocat Me Omer GONULTAS, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 18 Juin 2024 à 17H08 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a ordonné la prolongation du maintien de M. [E] [Z] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de quinze jours à compter du 18 juin 2024 à 08H25;

En l'absence de représentant du préfet de l'Eure, dûment convoqué, ayant adressé un mémoire le 19 juin 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 19 juin, lequel a été mis à disposition des parties,

Enl'absence de [E] [Z], représenté par Me Omer GONULTAS, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 20 Juin 2024 à 10H 30 l'avocat en ses observations en présence de M. [E] [P], interprète en langue Arabe, convoqué pour les besoins de la procédure,

Avons mis l'affaire en délibéré et le 20 Juin 2024 à 15H00, avons statué comme suit :

Par jugement du 08 février 2022 le tribunal correctionnel de Versailles prononçait, à l'encontre de Monsieur [E] [Z], une peine d'interdiction définitive du territoire français.

Par arrêté du 26 mars 2024, notifié le 28 mars 2024, le préfet de l'Eure fixait le pays de renvoi.

Le 19 avril 2024, à sa levée d'écrou, le préfet de l'Eure plaçait Monsieur [E] [Z] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Par requête du 19 avril 2024, Monsieur [E] [Z] saisissait le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d'une contestation de la régularité de l'arrêté de placement en rétention.

Par requête du 20 avril 2024, le préfet de l'Eure saisissait le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation de la rétention.

Par ordonnance du 20 avril 2024, le juge des libertés et de la détention disait que la procédure de notification des droits en rétention était régulière et prolongeait la mesure de rétention administrative pour une durée de 28 jours.

Par arrêt du 23 avril 2024, la cour d'appel confirmait l'ordonnance querellée.

Par requête du 18 mai 2024, le préfet de l'Eure saisissait le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation de la rétention.

Par ordonnance du 18 mai 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes disait que la procédure était régulière et prolongeait la mesure de rétention administrative pour une durée de 30 jours.

Par arrêt du 22 mai 2024, la cour d'appel confirmait l'ordonnance querellée.

Par requête du 16 juin 2024, reçue le 17 juin 2024 à 15h24, le préfet de l'Eure saisissait le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation de la rétention.

Par ordonnance du 18 juin 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes disait que la procédure était régulière et prolongeait la mesure de rétention administrative pour une durée de 15 jours.

Par déclaration du 19 juin 2024 reçue à 15h04, Monsieur [E] [Z] formait appel de cette décision en soutenant en premier lieu que les autorités préfectorales ne justifiaient pas d'avoir déposé la requête en prolongation dans les délais légaux et en second lieu, il évoquait l'absence de motif légal pour soutenir cette nouvelle demande de prolongation de la rétention administrative.

Monsieur [E] [Z] ne s'est pas présenté pas à l'audience. Son avocat s'est désisté du moyen sur la tardiveté de la requête et a soutenu oralement le surplus des moyens d'appel. Il a formalisé sa demande au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

Selon avis du 19 juin 2024 le procureur général a sollicité la confirmation de l'ordonnance attaquée.

Selon mémoire du 19 juin 2024 le préfet de l'Eure a conclu à la confirmation de l'ordonnance attaquée.

 

MOTIFS

L'appel, formé dans les formes et délais légaux, est recevable.

Sur le moyen tiré du non-respect des conditions fixées par l'article L742-5 du CESEDA :

Le conseil de Monsieur [E] [Z] soutient que la requête fonde la demande de prolongation de la rétention administrative au seul visa du 3° de l'article L742-5 du code de l'entrée, du séjour des étrangers et du droit d'asile et que dans le cas particulier, les conditions n'en sont pas remplies au regard de l'absence d'obstruction à l'éloignement, de dépôt de demande d'asile ou de protection contre l'éloignement, de la preuve de l'organisation d'un départ à court délai ou de l'absence de caractérisation de la notion de trouble à l'ordre public.

La cour considère que c'est par une analyse circonstanciée des motifs pertinents qu'il convient d'adopter, que le premier juge a rejeté le moyen tiré d'une saisine imparfaite de l'autorité préfectorale au motif que seul le 3e du texte susvisé aurait été retenu comme support à la demande de prolongation, dès lors que l'autorité préfectorale a bien visé, dans le corps de la requête ces dispositions particulières de l'article L742-5 du CESEDA.

Au surplus, il convient de relever que dans son développé, cette requête se fonde principalement sur la notion de trouble à l'ordre public qu'elle détermine de manière précise, de sorte qu'il doit être considéré que c'est bien sur ce fondement que l'autorité préfectorale a entendu saisir la juridiction.

A ce titre, et pour définir ce cadre d'examen des mesures, il convient de souligner que dans sa nouvelle rédaction résultant de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024, les conditions offertes sont élargies puisque l'article L-742-5 du CESEDA dispose désormais que :

A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours:

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 9° de l'article L. 611-3 ou du 5° de l'article L. 631-3 ;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3;

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace à l'ordre public.

L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.

Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application du huitième alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.

Cette nouvelle circonstance se distingue manifestement des trois premiers cas de figure précédemment prévus, ne constituant pas à proprement parler un 4ème cas de figure, mais bien un support contextuel distinct. Par ce fait même, il ne peut lui être appliqué la temporalité exigée par les prémices de l'article, à savoir un développement récent dans les 15 jours qui précédent la décision de l'autorité judiciaire.

La notion de trouble à l'ordre public a, par suite, la faculté de pouvoir préexister à cette période récente et il revient aux éléments de l'espèce d'en justifier le principe, sans contrainte temporelle spécifique.

Telle est l'hypothèse relevée par l'autorité préfectorale dans le présent dossier lorsqu'elle énonce les antécédents pénaux et le parcours délinquant de Monsieur [E] [Z].

Dans le cas d'espèce, il est établi par les pièces de la procédure, que Monsieur [E] [Z] a d'ores et déjà été condamné à 3 reprises, suite à des condamnations toutes prononcées en 2022, pour de multiples atteintes aux biens. Il a, à ce titre, été condamné à plusieurs peines privatives de liberté, montrant par là qu'il est un délinquant d'habitude et qu'il n'a pas de volonté réelle de s'insérer puisqu'il a réitéré alors qu'il avait déjà été averti judiciairement et qu'il apparaît qu'il n'a cessé ses agissements que du fait de son incarcération. Il est en état de multi-récidive légale. Il ne soutient aucune promesse d'amendement particulière.

En outre, et même si cette mesure est contestée par le biais d'une requête en relèvement, Monsieur [E] [Z] reste soumis à une interdiction définitive du territoire français qui marque, par sa gravité, la nécessité de sanctionner durablement des comportements illégaux jugés incompatibles avec les obligations citoyennes que chaque résident se doit de respecter.

De sorte que le trouble à l'ordre public est manifestement caractérisé par ces développements additionnés.

Le moyen est donc rejeté comme étant non fondé ;

Sur le bien-fondé de la prolongation de la rétention administrative de [E] [Z]

Il y a lieu de rappeler que l'article 741-1 du CESEDA dispose que « L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente. »

Monsieur [E] [Z] n'est porteur d'aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité. Il n'a pas de domicile stable et ne justifie d'aucune forme d'installation pérenne et régulière sur le territoire national dès lors qu'il est sans domicile fixe. Il ne peut justifier de relations familiales sur le territoire puisqu'il n'a aucunement été visité en détention. Il n'est pas inséré sur le plan professionnel.

Il est, de ce fait, dépourvu de toutes garanties sérieuses de représentation et dans ces circonstances, la mesure d'éloignement est de nature à assurer l'exécution de l'obligation de quitter le territoire national délivrée contre l'intéressé.

Enfin, en conformité avec les dispositions de l'article L.742-5 CESEDA, cette prolongation est strictement motivée par l'attente d'une reconnaissance de nationalité et d'un laissez-passer consulaire dont la concrétisation ne peut être sérieusement contestée au regard des informations précises fournies par l'administration et en l'absence de position officielle de l'Algérie venant dénoncer une position de principe sur cette question.

En conséquence, c'est à bon droit que la requête entreprise a été accueillie par le premier juge et il y a lieu d'ordonner la prolongation de la rétention, à compter du 18 juin 2024, pour une période d'un délai maximum de quinze jours dans des locaux non pénitentiaires.

La décision dont appel est confirmée.

Dit n'y avoir lieu à condamner le préfet de l'Eure sur la base des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

 

PAR CES MOTIFS

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes du 18 juin 2024,

Rejetons la demande titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Fait à Rennes, le 20 Juin 2024 à 15H00

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [E] [Z], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00268
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;24.00268 ?
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