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19/06/2024 | FRANCE | N°24/00264

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 19 juin 2024, 24/00264


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/122

N° RG 24/00264 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U4E4



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eri

c LOISELEUR, greffier placé,



Statuant sur l'appel formé le 17 Juin 2024 à 18H26 par Me [K]-paul BERTHAUT pour :



M. [N] [Y]

né le...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/122

N° RG 24/00264 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U4E4

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eric LOISELEUR, greffier placé,

Statuant sur l'appel formé le 17 Juin 2024 à 18H26 par Me [K]-paul BERTHAUT pour :

M. [N] [Y]

né le 08 Septembre 1992 à [Localité 1] (MAROC)

de nationalité Marocaine

ayant pour avocat Me Léo-paul BERTHAUT, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 15 Juin 2024 à 18H40 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées et ordonné la prolongation du maintien de M. [N] [Y] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 14 juin 2024 à 12H00;

En l'absence de représentant du préfet de Maine et Loire, dûment convoqué, ayant adressé un mémoire le 19 juin 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé,

En présence de [N] [Y], assisté de Me Léo-paul BERTHAUT, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 19 Juin 2024 à 09 H00 l'appelant assisté de M. [N] [H], ayant préalablement prêté serment, interprète en langue Arabe, et son avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et le 19 Juin 2024 à 15H00, avons statué comme suit :

M.[N] [Y] a fait l'objet d'un arrêté lui faisant interdiction du territoire français durant une durée de 3 ans, en date du 6 septembre 2023, notifié le même jour.

Par arrêté du 13 juin 2024, notifié le même jour, le préfet du Maine et Loire a placé M.[N] [Y] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Par requête, M.[N] [Y] a introduit une requête en contestation de l'arrêté de placement en rétention.

Par requête en date du 14 juin 2024, reçue le même jour, le préfet du Maine et Loire a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation de la rétention

Par ordonnance du 15 juin 2024, le juge des libertés et de la détention a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.

Par déclaration du 17 juin 2024 reçue à 18h26, M.[N] [Y] a formé appel de cette décision en soutenant divers moyens, à savoir :

L'irrégularité du placement en rétention administrative et de la notification de l'arrêté venant la formaliser

L'ineffectivité de l'exercice des droits de M.[N] [Y]

Le défaut de production d'une pièce justificative utile

Sur la possibilité d'une assignation à domicile

A l'audience, M.[N] [Y], assisté de son avocat, a fait soutenir oralement les moyens d'appel et a formalisé sa demande au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle. Au final, il a réclamé sa liberté en exposant que s'il avait violé ses précédentes mesures d'assignation à résidence, c'était pour des motifs médicaux ou bien parce qu'il n'avait pas saisi le contexte de ces décisions, faute de bien connaître la langue française.

Selon mémoire du 18 juin 2024 le préfet du Maine et Loire a conclu à la confirmation de l'ordonnance attaquée.

 

MOTIFS

L'appel, formé dans les formes et délais légaux, est recevable.

Sur le moyen tiré de l'irrégularité du placement en rétention administrative au regard de la temporalité de la notification de l'arrêté concerné

Le conseil de M.[N] [Y] soutient que la mesure de rétention administrative serait nulle du fait qu'elle aurait été notifiée à l'intéressé alors qu'il était encore sous le régime de la garde à vue, en violation des dispositions prévues en la matière.

L'article L741-6 du CESEDA dispose que la décision de placement en rétention est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention, qu'elle est écrite et motivée et qu'elle prend effet à compter de sa notification.

En l'espèce, il ressort du procès-verbal de notification de l'arrêté contesté que celui-ci a été notifié le 13 juin 2024 entre 12h et 12h15, à la suite de quoi les droits afférents à cette mesure ont été notifiés à M.[N] [Y] entre 12h15 et 12h30.

Par ailleurs, il est établi que M.[N] [Y] a été placé sous le régime de la garde à vue à compter du 12 juin 2024 à 17h10 et ce, pour une période de 19h20, conformément aux éléments rapportés par la procédure de gendarmerie produite à l'instance. De ce fait, la fin de la mesure de garde à vue est intervenue à compter du 13 juin 2024, à 12h30.

L'observation complémentaire du détail de cette mesure de garde à vue permet d'acter qu'il a été entendu pour la dernière fois à compter du 13 juin 2024 entre 9h et 9h55, pour être finalement mis au repos jusqu'à expiration de la mesure.

Ensuite de quoi la notification de l'arrêté a été organisée 15 minutes avant l'expiration de la mesure de garde à vue et celle des droits y étant attachés s'est faite concomitamment à la levée elle-même.

Dès lors, il résulte de ces développements que les deux mesures ne se sont nullement chevauchées, leurs régimes ne se confondant donc pas, puisqu'il convient de retenir que la notification de la mesure de rétention administrative s'entend également des droits et recours offerts à l'étranger et dont la globalité rend seule effective son organisation.

Au demeurant, à considérer que la notification de l'arrêté serait distincte et comprise dans le temps de la garde à vue, il doit également être observé que ce temps donné à la notification et donc à la bonne garantie des droits de M.[N] [Y] se comprend par la nécessité de le faire passer, sans délai, d'un régime restrictif de liberté à un autre, faute de quoi il y aurait lieu de critiquer la période durant laquelle il aurait été empêché d'aller et venir, sans support juridique.

Enfin, le seul fait de mentionner que le ministère public aurait donné instruction de lever la mesure de garde à vue à compter de 13h, sans aucune autre indication venant supporter cette réalité, ne permet pas de retenir arbitrairement que cette mesure aurait perduré jusqu'à cette heure.

Faute de grief pour l'appelant, ce moyen sera écarté comme étant inopérant.

Sur le moyen tiré de l'ineffectivité des droits de l'étranger retenu :

Le conseil de M.[N] [Y] soutient que suite à la notification de son arrêté de placement en rétention administrative, l'intéressé aurait été maintenu indûment pendant 90 minutes sans faculté d'exercer effectivement ses droits.

Il résulte des dispositions de l'article L744-4 du CESEDA que l'étranger placé en rétention est informé dans les meilleurs délais qu'il bénéficie, dans le lieu de rétention, du droit de demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil et d'un médecin, et qu'il peut communiquer avec son consulat et toute personne de son choix. Ces informations lui sont communiquées dans une langue qu'il comprend.
En cas de placement simultané en rétention d'un nombre important d'étrangers, la notification des droits mentionnés au premier alinéa s'effectue dans les meilleurs délais.
Les modalités selon lesquelles s'exerce l'assistance de ces intervenants sont précisées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d'Etat.

Dans le cas d'espèce, il ressort des éléments que les droits afférents à son placement en rétention administrative ont été notifiés à M.[N] [Y] à 12h30 le 13 juin 2024. Il est également rapporté que par procès-verbal de transfert, l'appelant s'est vu informer à 13h45, le même jour, qu'il allait être transféré jusqu'à un centre de rétention et qu'il disposait, pour rappel, du droit d'utiliser son téléphone, d'user de celui du service afin de contacter un avocat, un interprète ou un avocat, ou la CIMADE.

A cette question, M.[N] [Y] a répondu qu'il ne souhaitait pas faire usage du téléphone mis à disposition par l'administration pour contacter des tiers et qu'il ne souhaitait pas être consulté par un médecin. Il a même ajouté qu'il avait bien compris l'ensemble de ses droits, préalablement notifiés, et les modalités pratiques d'exercice de ceux-ci.

Dans ces conditions, et alors qu'il est établi qu'il n'a pas souhaité faire usage de ses droits à compter de 13h45, qu'il n'est nullement mentionné en procédure qu'il aurait cherché à faire valoir ses droits en amont de cette notification alors qu'il disposait de la faculté de faire connaître ses doléances comme cela vient d'être souligné, il doit être considéré qu'il n'en a manifestement pas émis le souhait ou la volonté.

En conséquence, faute pour M.[N] [Y] de justifier d'un éventuel grief, le moyen sera rejeté.

Sur le moyen tiré du défaut de production d'une pièce justificative utile :

Le conseil de M.[N] [Y] soutient que la requête en prolongation serait irrecevable, faute de contenir les éléments relatifs à la contestation administrative de l'arrêté d'obligation d'avoir à quitter le territoire national en date du 6 septembre 2023, sur lequel se base l'administration pour soutenir la mesure de rétention administrative.

L'article R743-2 du CESEDA dispose qu'à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.

Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.
Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du juge des libertés et de la détention, de la copie du registre.

En l'espèce, M.[N] [Y] affirme qu'il a introduit un recours le 7 septembre 2023 devant la juridiction compétente concernant l'arrêté querellé en date du 6 septembre 2023 lui valant obligation de quitter le territoire national. Il n'est pas contesté que cet arrêté est celui qui fonde l'arrêté de placement en rétention provisoire en date du 13 juin 2024.

M.[N] [Y] en justifie, tel que cela résulte d'un accusé d'enregistrement d'une requête en date du 7 septembre 2023, mais surtout de la décision d'incompétence rendue par le tribunal administratif de Rennes en date du 28 novembre 2023.

La cour de cassation exige, de manière constante (Civ.1ère, 29 mai 2019, n°18-13989), que dans une telle hypothèse, l'administration doit justifier des diligences nécessaires pour limiter le temps de rétention et notamment d'avoir informé la juridiction saisie du placement en rétention administrative de l'étranger à l'origine de la requête pour lui permettre de statuer selon les règles d'une procédure accélérée, en vertu des dispositions de l'article L614-9 du CESEDA et ainsi, de fixer la régularité de la décision entreprise.

Il ne ressort pas des éléments de la procédure qu'une telle information aurait été donnée ou que la décision ayant pu être adoptée par la juridiction de renvoi (le tribunal administratif de Nantes) a été portée à la connaissance des parties au soutien de la requête.

Une telle carence fait grief dès lors qu'il n'est pas possible, à défaut, d'apprécier le caractère certain de la légalité de la situation administrative de la personne retenue.

Dès lors, il y a lieu de constater l'irrecevabilité de la requête de la préfecture en date du 14 juin 2024 et ce faisant, de dire n'y pas lieu à prolongation de la mesure de rétention administrative du fait de l'irrégularité de la procédure, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens ou le fond.

Par suite, il convient d'infirmer l'ordonnance dont appel et la cour, statuant à nouveau, ordonne qu'il soit mis fin à la rétention administrative de M.[N] [Y].

Il convient de condamner le Préfet du Maine et Loire à verser à Me [K]-Paul BERTHAULT la somme de 500 €uros sur la base des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement,

Déclarons l'appel recevable,

Infirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en date du 16 juin 2024,

Statuant à nouveau,

Rejetons la requête du Préfet du Maine et Loire,

Ordonnons qu'il soit mis fin sans délai à la rétention administrative de M.[N] [Y],

Il convient de condamner le Préfet du Maine et Loire à verser à Me [K]-Paul BERTHAULT la somme de 500 €uros sur la base des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

Rappelons à M.[N] [Y] qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,

Laissons les dépens à la charge du trésor public

Fait à Rennes, le 19 Juin 2024 à 15H00

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [N] [Y], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00264
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;24.00264 ?
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