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19/06/2024 | FRANCE | N°24/00262

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 19 juin 2024, 24/00262


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/121

N° RG 24/00262 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U4C2



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eri

c LOISELEUR, greffier placé,





Statuant sur l'appel formé le 17 Juin 2024 à 11H25 par Me Léo-paul BERTHAUT pour :



M. [Y] [G]

né ...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/121

N° RG 24/00262 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U4C2

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eric LOISELEUR, greffier placé,

Statuant sur l'appel formé le 17 Juin 2024 à 11H25 par Me Léo-paul BERTHAUT pour :

M. [Y] [G]

né le 01 Janvier 1992 à [Localité 1] (SENEGAL) (00000)

de nationalité Sénégalaise

ayant pour avocat Me Léo-paul BERTHAUT, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 15 Juin 2024 à 17H40 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [Y] [G] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 16 juin 2024 à 08H30;

En l'absence de représentant du préfet de Eure et Loir, dûment convoqué,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 17 juin 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En présence de [Y] [G], assisté de Me Léo-paul BERTHAUT, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 19 Juin 2024 à 09H00 l'appelant assisté de M. [J] [K], par téléphone, interprète en langue Soninké, ayant préalablement prêté serment et son avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et le 19 Juin 2024 à 10H45, avons statué comme suit :

La cour d'appel de Paris a prononcé le 6 juin 2023 une interdiction définitive du territoire français dans le cadre d'une procédure d'infraction à la législation sur les stupéfiants.

A la levée d'écrou et par arrêté du 13 juin 2024, notifié le 14 juin 2024, le préfet d'Eure et Loir a placé Monsieur [Y] [G] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Par requête du même jour, Monsieur [Y] [G] a introduit une requête en contestation de l'arrêté de placement en rétention.

Par requête en date du 15 juin 2024, reçue le même jour, le préfet d'Eure et Loir a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation de la rétention

Par ordonnance du 15 juin 2024, le juge des libertés et de la détention a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.

Par déclaration du 17 juin 2024 reçue à 11h25, Monsieur [Y] [G] a formé appel de cette décision en soutenant que les autorités préfectorales ne justifiaient pas des diligences adaptées pour matérialiser l'éloignement.

A l'audience, Monsieur [Y] [G], assisté de son avocat, a fait soutenir oralement les moyens d'appel et a formalisé sa demande au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle. M.[G] a finalement indiqué qu'il souhaitait sa liberté pour pouvoir retrouver sa famille afin de récupérer ses affaires et quitter la France.

MOTIFS

L'appel, formé dans les formes et délais légaux, est recevable.

Sur le moyen tiré de l'insuffisance des diligences de la préfecture

Le conseil de Monsieur [Y] [G] soutient que la préfecture n'a pas accompli toutes les diligences utiles aux fins de mettre en oeuvre la mesure d'éloignement de son client, dans la mesure où elle ne justifie d'aucune démarche utile depuis le placement de l'intéressé en rétention administrative, considérant que les démarches effectuées antérieurement à la mise en 'uvre de la procédure sont sans effet, puisqu'elles n'ont pas conduit à prévenir les autorités consulaires de l'éloignement envisagé.

Conformément aux dispositions de l'article L 742-4 du CESEDA, le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public ;

2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement;

b) de l'absence de moyens de transport.

L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.

L'article L.741-3 du CESEDA dispose qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet et par décisions en du 9 juin 2010, la Cour de cassation a souligné que l'autorité préfectorale se devait de justifier de l'accomplissement de ces diligences dès le placement en rétention, ou, au plus tard, dès le premier jour ouvrable suivant l'organisation de la rétention.

En l'espèce, Monsieur [Y] [G] a été placé en rétention administrative le 13 juin 2024 sur le fondement d'une interdiction définitive du territoire français prononcée à son encontre le 6 juin 2023. L'intéressé se déclarant de nationalité sénégalaise mais n'étant en possession d'aucune pièce d'identité valable, la préfecture justifie avoir démarché dès le 6 juin 2024 les autorités consulaires sénégalaises afin de solliciter une demande d'identification pour l'un de ses possibles ressortissants et, dans l'affirmative, un laissez-passer pour permettre de formaliser le transport à destination.

Si l'appelant critique le fait que l'administration s'est abstenue d'informer les autorités consulaires sénégalaises du projet de rétention lorsqu'elles ont été interpellées sur cette situation ou de n'avoir organisé aucune nouvelle démarche depuis le placement effectif de Monsieur [Y] [G] en rétention administrative, il convient de retenir que dans le cadre de la demande formalisée le 6 juin 2024, les autorités préfectorales ont bien précisé à la fois le principe d'interdiction du territoire français et la date de levée d'écrou, de sorte que le principe du placement en rétention pouvait raisonnablement se déduire de ces éléments.

Au surplus, il convient d'acter que Monsieur [Y] [G] a toujours revendiqué la nationalité sénégalaise, tel que cela ressort de son audition en date du 17 avril 2024, de même que de par ses observations en date du 24 mai 2024, et que la réponse des autorités consulaires sénégalaises, matérialisée dès le 10 juin 2024 par l'unité centrale d'identification de la direction générale de la police aux frontières, a conduit à proposer une visite consulaire de l'intéressé le 18 juin 2024.

Ainsi, s'il est acté qu'aucune diligence de la préfecture d'Eure et Loir auprès des autorités consulaires sénégalaises n'a été matérialisée dans les 24 heures du placement en rétention Monsieur [Y] [G], dans le respect des exigences de la jurisprudence de la cour de Cassation (Civ. 1ère 17/10/2019 ) en la matière, il ne peut s'en déduire de grief utile pour l'appelant.

En effet, ces nouvelles démarches ou relances des autorités étrangères se justifient par la nécessité de préciser et raccourcir au maximum le processus d'identification de l'étranger, en l'espèce de Monsieur [Y] [G] mais que, dans le cas présent, l'antériorité des contacts aura permis de concrétiser et d'anticiper le dispositif en l'encadrant dans des délais extrêmement courts, de sorte que toute nouvelle initiative aurait été superfétatoire au regard des éléments déjà fournis et pris en compte, les autorités sénégalaises n'ayant provoqué aucune explication supplémentaire.

Il s'ensuit que toutes les diligences ont bien été effectuées par la préfecture dans la mise en 'uvre de la mesure d'éloignement. Une demande d'identification ayant été effectuée dès avant le placement en rétention de Monsieur [Y] [G] auprès du pays de retour, légitimement retenu, il ne saurait être reproché à l'administration de ne pas avoir organisé les requêtes nécessaires pour disposer d'un document de voyage. Il est, au surplus, souligné que des renseignements précis ont été produits auprès des interlocuteurs consulaires pour faciliter l'identification de l'intéressé.

A ce stade de la mesure, au vu du caractère complet des sollicitations, et alors qu'aucun développement particulier n'a été demandé en retour, il reste raisonnable d'apprécier que les contraintes induites par l'échange avec des autorités étrangères ne justifiaient pas de nouvelles démarches pendant la dernière période de rétention. En conséquence, cette attente ne saurait être assimilée à une période de privation de liberté injustifiée pour Monsieur [Y] [G] puisque l'administration a valablement matérialisé des engagements qui doivent avoir vocation à l'identifier au plus vite et à l'éloigner en conséquence, l'appelant s'étant lui-même mis en position de ne pas pouvoir corroborer son identité.

Dans ces circonstances, conformément aux prescriptions de l'article L 741-3, le premier juge à valablement apprécié que toutes les diligences nécessaires, utiles et nécessaires ont été réalisées par l'autorité préfectorale.

Ce moyen ne saurait ainsi prospérer.

Sur le bien-fondé de la prolongation de la rétention administrative :

Il y a lieu de rappeler que l'article 741-1 du CESEDA dispose que « L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente. »

Monsieur [Y] [G] n'est porteur d'aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité. Il n'a pas de domicile stable et ne justifie d'aucune forme d'installation pérenne et régulière sur le territoire national dès lors qu'il est sans domicile justifié, sans attaches familiales en France, autre que des frères avec lesquels il ne justifie pas de liens particuliers. Il n'est pas inséré sur le plan professionnel puisqu'il ne dispose d'aucun titre de travail.

Il a été acté, dans la décision de condamnation, qu'il tirait l'essentiel de ses revenus de sa participation à divers délits et qu'un tel mode de vie s'accompagne d'une recherche de clandestinité.

Il est, de ce fait, dépourvu de toutes garanties sérieuses de représentation et dans ces circonstances, la mesure d'éloignement est de nature à assurer l'exécution de l'obligation de quitter le territoire national délivrée contre l'intéressé. Il indique au surplus qu'il refuse de retourner au Sénégal, mais sans en préciser les motifs utiles.

Enfin, en conformité avec les dispositions de l'article L.742-4 CESEDA, cette prolongation est strictement motivée par l'attente d'une reconnaissance de nationalité et d'un laissez-passer consulaire dont la concrétisation reste légitimement attendue à ce stade de la mesure.

En conséquence, c'est à bon droit que la requête entreprise a été accueillie par le premier juge et il y a lieu d'ordonner la prolongation de la rétention, à compter du 15 juin 2024, pour une période d'un délai maximum de vingt-huit jours dans des locaux non pénitentiaires.

La décision dont appel est confirmée.

Dit n'y avoir lieu à condamner le préfet d'Eure et Loir sur la base des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

 

PAR CES MOTIFS

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes du 21 mai 2024,

Rejetons la demande titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public. 

Fait à Rennes, le 19 Juin 2024 à 10H45

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [Y] [G], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00262
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;24.00262 ?
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