La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2024 | FRANCE | N°22/07040

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 19 juin 2024, 22/07040


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 22/07040 - N° Portalis DBVL-V-B7G-TKCF













Mme [Y] [C]



C/



[11]























Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNE

S

ARRÊT DU 19 JUIN 2024



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère



GREFFIER :



Mme [E] [M] lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audi...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 22/07040 - N° Portalis DBVL-V-B7G-TKCF

Mme [Y] [C]

C/

[11]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Mme [E] [M] lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Avril 2024

devant Madame Cécile MORILLON-DEMAY, magistrat chargé d'instruire l'affaire, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 28 Octobre 2022

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Pole social du TJ de [Localité 12]

Références : 21/00581

****

APPELANTE :

Madame [Y] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Dominique PIRIOU-FORGEOUX, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

[7]

[Adresse 5]

BP 34

[Localité 3]

représentée par M. [O] [L], en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 30 avril 2019, Mme [Y] [C], salariée en tant que chef de rayon dans la grande distribution, a été victime d'un accident de trajet. La date de sa consolidation a été fixée au 30 août 2020. À compter du 31 août 2020, Mme [C] a été placée en arrêt de travail au titre du risque maladie, de manière continue jusqu'au 31 octobre 2020.

Le 11 septembre 2020, le service médical a rendu un avis défavorable à la poursuite de l'arrêt de travail de Mme [C] au-delà du 30 septembre 2020, estimant qu'elle était apte à la reprise d'une activité professionnelle quelconque à partir de cette date.

Contestant cette décision, Mme [C] a sollicité la mise en oeuvre d'une expertise médicale technique, laquelle a été réalisée le 10 mars 2021 par le docteur [S] qui a conclu ainsi : 'l'état de santé de l'assurée lui permettait de reprendre une activité professionnelle quelconque à la date du 30 septembre 2020'.

En conséquence, par courrier du 12 avril 2021, la caisse a informé Mme [C] du maintien de la décision de la caisse.

Par courrier du15 avril 2021, Mme [C] a saisi la commission de recours amiable de la caisse afin de contester cette décision, laquelle a rejeté son recours lors de sa séance du 20 mai 2021, après homologation du rapport d'expertise.

Mme [C] a alors porté le litige devant le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes le 9 juin 2021.

Par jugement du 28 octobre 2022, ce tribunal a :

- confirmé la décision de la caisse en ce qu'elle a cessé l'indemnisation de Mme [C] à compter du 1er octobre 2020 ;

- confirmé la décision de la commission de recours amiable en date du 20 mai 2021 ;

- débouté Mme [C] de ses demandes ;

- condamné Mme [C] aux dépens.

Par déclaration adressée le 21 novembre 2022 par courrier recommandé avec avis de réception, Mme [C] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 6 novembre 2022.

Par ses écritures parvenues au greffe le 28 septembre 2023, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, Mme [C] demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris ;

A titre principal,

- ordonner une expertise médicale ;

- désigner tel expert, qu'il plaira à la juridiction, avec pour mission de dire si l'état de santé de l'assuré lui permettait de reprendre une activité professionnelle quelconque à la date du 30 septembre 2020, dans la négative, dire à quelle date la reprise d'une activité professionnelle quelconque était possible ;

A titre subsidiaire,

- annuler la décision du 20 mai 2021 par laquelle la commission de recours amiable de la caisse a rejeté son recours et a homologué le rapport d'expertise médicale du 9 mars 2021 ;

- condamner la caisse à lui payer les indemnités journalières qui lui sont dues pour la période du 30 septembre 2020 jusqu'à sa date de consolidation le 14 avril 2022 ;

En tout état de cause,

- condamner la caisse aux dépens.

Par ses écritures parvenues au greffe le 1er septembre 2023, auxquelles s'est référée et qu'a développées son représentant à l'audience, la caisse demande à la cour de :

Sur la forme,

- la recevoir en ses écritures, fins et conclusions ;

Sur le fond,

A titre principal,

- dire et juger que les conclusions de l'expert sont claires, motivées et dénuées d'ambiguïté et que la décision de l'expert s'imposait à Mme [C] comme à la caisse ;

- dire et juger que compte-tenu des conclusions d'expertise, c'est à bon droit qu'elle a cessé toute indemnisation à compter du 1er octobre 2020 ;

- confirmer la décision rendue le 28 octobre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes ;

- débouter Mme [C] de ses demandes ;

- condamner Mme [C] aux dépens de l'instance ;

A titre subsidiaire,

- constater qu'elle entend s'en rapporter à la décision du tribunal sur l'opportunité d'ordonner une expertise judiciaire sur la justification médicale des arrêts de travail concernant la période du 1er octobre 2020 au 23 juin 2021 ;

- dire et juger que la mission qui devra être confiée à l'expert est de 'dire si l'état de santé de l'assurée lui permettait de reprendre une activité professionnelle quelconque à la date du 30 septembre 2020, dans la négative, dire si la reprise d'une activité professionnelle quelconque était possible avant le 24 juin 2021 et si oui, à quelle date' ;

- réserver les dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Mme [C] estime que la caisse devait lui verser des indemnités journalières postérieurement au 30 septembre 2020 et jusqu'à la date de sa consolidation et sollicite, pour justifier de son état de santé, l'organisation d'une nouvelle expertise.

La caisse considère, pour sa part, que l'expertise médicale technique réalisée sur demande de la commission de recours amiable lie les parties et que seule une nouvelle expertise permettrait de ne pas s'y référer. Elle ajoute qu'en tout état de cause, Mme [C] a bénéficié des indemnités journalières à compter du 24 juin 2021, date de son hospitalisation, de sorte que la période litigieuse est limitée au 23 juin 2021.

Il résulte des dispositions de l'article L.321-1 du code de la sécurité sociale que 'l'assurance maladie assure le versement d'indemnités journalières à l'assuré qui se trouve dans l'incapacité physique constatée par le médecin traitant, selon les règles définies par l'article L. 162-4-1, de continuer ou de reprendre le travail.'

En application de l'article L.323-1 du code de la sécurité sociale, le service des indemnités journalières cesse lorsque l'aptitude à reprendre un travail est constatée, peu important la nature de l'activité salariée, dès lors qu'il est établi médicalement qu'elle est désormais apte à exercer une activité quelconque.

Dans ce cadre, le service médical a considéré le 11 septembre 2020, que l'arrêt de travail de Mme [C] n'était plus médicalement justifié à compter du 30 septembre 2020. Le docteur [S], expert désigné par la caisse à la suite de la contestation de l'assurée, s'agissant de sa décision de cessation de versement des indemnités journalières, a conclu le 10 mars 2021 que 'l'état de santé de l'assurée lui permettait de reprendre une activité professionnelle quelconque à la date du 30 septembre 2020.'

Mme [C] conteste le résultat de cette expertise réalisée sur le fondement de l'article L.141-1 du code de la sécurité sociale.

Il résulte cependant des dispositions de l'article L.141-2 du code de la sécurité sociale, que lorsque le différend porte sur une décision prise après mise en oeuvre de la procédure d'expertise médicale technique, le tribunal peut ordonner une nouvelle expertise sur demande d'une partie, et dans ce cas, les règles prévues aux articles R.141-1 à R.141-10 du code de la sécurité sociale s'appliquent, sous réserve des dispositions du deuxième de ces articles. Selon le troisième, le médecin expert informe immédiatement le malade ou la victime des lieu, date et heure de l'examen et dans le cas où l'expertise est confiée à un seul médecin expert, celui-ci doit aviser le médecin traitant et le médecin-conseil qui peuvent assister à l'expertise.

Le résultat de l'expertise technique ordonnée en cas de litige s'impose à la caisse et à l'assurée. Néanmoins, la juridiction saisie de la contestation de cet avis technique peut désigner un nouvel expert, si elle estime que cet acte n'est pas suffisamment clair, précis et dénué de toute ambiguïté.

En l'espèce, les conséquences de l'accident de trajet dont Mme [C] a été victime le 30 avril 2019, ont été déclarées consolidées au 30 août 2020 mais celle-ci a continué à présenter des prescriptions d'arrêt de travail au titre de l'assurance maladie à compter du 31 août 2020.

Dans son expertise du 9 mars 2021, le docteur [S], reprend les constatations du médecin conseil, qui indique : 'douleurs diffuses non étiquetées sans vraie limitation fonctionnelle, l'obésité se majore du fait des arrêts, déconditionnement musculaire important, aucune prise en charge ou projet thérapeutique avant des mois, l'arrêt de travail ne sera pas bénéfique.' Il fait également état d'un suivi médical antérieur pour une polyalgie idiopathique diffuse chronique ayant conduit à une prise en charge au centre antidouleur (CETD) de [Localité 6] en 2017, sur un terrain dépressif franc. Dans un courrier du 10 août 2020, le docteur [H] préconise une reprise du suivi au [8] devant des douleurs mécaniques multiples musculo-squelettiques, sans base organique et articulaire objectivée.

Dans ce rapport, le docteur [S] mentionne notamment une absence de suivi psychiatrique en cours, de suivi en rhumatologie ni médecine algologique sur le bassin rennais mais une prise en charge en balnéothérapie à raison de 2 ou 3 fois par semaine depuis février 2020. Il retient l'existence de polyalgies idiopathiques diffuses fluctuantes chroniques depuis au moins 2008 et une prise en charge au CETD de [Localité 6] initié en 2017 mais interrompue depuis plusieurs années, précisant qu'il n'y a aucun projet thérapeutique depuis plusieurs années. Il décrit enfin un déconditionnement à l'effort particulièrement important, allant crescendo en lien avec l'inactivité et un syndrome anxio-dépressif franc et sévère.

Pourtant, il en conclut que :

'- on ne constate à l'examen aucune inaptitude physique qui contre indiquerait une reprise du travail à son grade, même si l'on peut considérer qu'une reprise à mi-temps sur un poste plus adapté à ses douleurs chroniques serait souhaitable ;

- compte-tenu de ces éléments, il est possible de considérer que l'état de santé de Mme [C] nécessite une prise en charge algologique, psychiatrique mais que cela ne contre-indique en rien une reprise d'activité professionnelle quelconque, y compris à la date du 30 septembre 2020.'

La lecture de ce rapport d'expertise met en évidence un certain nombre de contradictions ou d'inexactitudes qui justifie la désignation d'un nouvel expert. En effet, Mme [C] produit des documents médicaux contemporains de son examen par le docteur [S], qui concernent plusieurs pathologies graves, notamment un examen du 30 avril 2021 qui a permis le diagnostic d'apnée hypopnée obstructive du sommeil très sévère, une lettre de son médecin traitant du 15 septembre 2020 qui mentionne un suivi ambulatoire pour le syndrome douloureux diffus mais une stagnation au niveau de la prise en charge des douleurs et la nécessité d'une prise en charge en rééducation en hôpital de jour, un courrier du docteur [H], rhumatologue en date du 10 août 2020 qui va dans le même sens. La démarche a bien été réalisée puisque dans un courrier du 18 août 2020, le [9] demandait le dossier de la patiente, tout en indiquant que les délais de prise en charge étaient importants.

Les conclusions du docteur [S] sont contredites également par le médecin du travail qui, dans un avis du 14 septembre 2020, indiquait que Mme [C] relevait de soins et que la prolongation de l'arrêt lui semblait légitime pour pouvoir réaliser ces soins. Il précisait que l'interruption des soins était liée à la crise [10] et au confinement. Il estimait que la reprise du poste qui comporte des contraintes physiques n'était pas envisageable même à temps partiel car les aménagements sont quasiment impossibles.

Par conséquent, au regard de ces constats médicaux contradictoires, il apparaît nécessaire d'ordonner une nouvelle expertise technique.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt avant-dire droit, contradictoire mis à disposition au greffe,

Ordonne une expertise médicale technique et commet pour y procéder le docteur [N] [K], [Adresse 2], avec mission de :

convoquer les parties, en avisant l'assurée qu'elle peut se faire assister par son médecin traitant,

examiner Mme [C] et prendre connaissance de son entier dossier médical ainsi que de toutes pièces médicales ou administratives qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission,

dire si, à la date du 30 septembre 2020, Mme [C] était apte à la reprise d'une activité professionnelle quelconque, et dans la négative, préciser à quelle date la reprise d'une activité professionnelle quelconque était possible,

faire toutes observations utiles à la solution du litige,

Dit que l'expert adressera son rapport au greffe de la cour dans le délai de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision le désignant,

Dit que le greffe de la cour transmettra, au plus tard dans les quarante-huit heures suivant sa réception, copie du rapport au service de contrôle médical de la caisse ainsi qu'à Mme [C],

Ordonne la radiation de l'affaire et dit qu'elle sera rappelée à la requête de la partie la plus diligente, accompagnée de ses conclusions,

Réserve les dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 22/07040
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;22.07040 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award