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19/06/2024 | FRANCE | N°22/05408

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 19 juin 2024, 22/05408


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 22/05408 - N° Portalis DBVL-V-B7G-TC3M













Mme [T] [I]



C/



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'ILLE ET VILAINE























Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUP

LE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 JUIN 2024



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère



GREFFIER :



Mme Adeline TIREL lors...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 22/05408 - N° Portalis DBVL-V-B7G-TC3M

Mme [T] [I]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'ILLE ET VILAINE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Mme Adeline TIREL lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Avril 2024

devant Madame Cécile MORILLON-DEMAY, magistrat chargé d'instruire l'affaire, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 11 Août 2022

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Pole social du TJ de RENNES

Références : 17/00998

****

APPELANTE :

Madame [T] [I]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Marie MLEKUZ de la SELARL SELARL LARZUL BUFFET LE ROUX PEIGNE MLEKUZ, avocat au barreau de RENNES substituée par Me Jeanne LE GOUX, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'ILLE ET VILAINE

Service contentieux Général

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par M. [U] [P], en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 20 avril 2016, Mme [T] [I], salariée de l'association [4] (l'association) en tant qu'agent de fabrication, a déclaré une maladie professionnelle en raison d'une 'tendinite épaule droite'.

Le certificat médical initial, établi le même jour par le docteur [B], fait état d'une 'tendinopathie chronique non rompue non calcifiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM épaule droite' avec prescription de soins sans arrêt de travail jusqu'au 20 juin 2016.

Le 20 octobre 2016, le médecin conseil de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine (la caisse) a rendu son avis, considérant que la condition du tableau n°57 relative à la liste limitative des travaux n'était pas remplie.

Par décision du 28 juin 2017, après instruction et suivant avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Bretagne (CRRMP), la caisse a refusé de reconnaître le caractère professionnel de la maladie.

Contestant cette décision, Mme [I] a saisi la commission de recours amiable de la caisse le 28 juillet 2017, laquelle a rejeté son recours lors de sa séance du 31 août 2017.

Mme [I] a alors porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rennes, le17 novembre 2017.

Par jugement avant dire droit du 22 février 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Rennes a :

- déclaré Mme [I] recevable en son recours ;

- dit que la caisse a régulièrement refusé de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels l'affection de Mme [I] du 20 avril 2016 au regard de l'avis rendu par le CRRMP de Bretagne ;

- désigné le CRRMP des Pays de la Loire, aux fins notamment de donner un avis motivé sur le point de savoir si la maladie déclarée par Mme [I] a été directement causée par son travail habituel d'agent de production au sein de la société depuis le 20 avril 2016 ;

- dit que ce CRRMP prendra connaissance du dossier de la caisse et devra transmettre son avis dans les quatre mois de sa saisine ;

- dit que l'affaire sera de nouveau évoquée à une audience dont la date sera fixée à réception de l'avis du CRRMP précité ;

- réservé en l'état toute plus ample demande et les dépens.

Le 24 novembre 2020, le CRRMP des Pays de Loire a rendu un avis défavorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie au motif qu'il n'a pu établir une relation directe entre la pathologie présentée par Mme [I] et son activité professionnelle.

Par jugement du 11 août 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes, désormais compétent, a :

- débouté Mme [I] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné Mme [I] aux dépens exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

Par déclaration adressée le 5 septembre 2022 par communication électronique, Mme [I] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 20 août 2022.

Par ses écritures parvenues au greffe le 27 décembre 2023, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, Mme [I] demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel ;

- infirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes le 11 août 2022 en toutes ses dispositions ;

En conséquence et statuant à nouveau,

- à titre principal, dire et juger que la maladie de Mme [I] est d'origine professionnelle ;

- à titre subsidiaire, désigner un CRRMP afin que celui-ci détermine si la pathologie de Mme [I] est en lien direct avec son travail habituel ;

- à titre infiniment subsidiaire, ordonner une expertise médicale technique et désigner tel expert qu'il plaira à la cour à cette fin ;

En tout état de cause,

- débouter la caisse de toutes demandes plus amples ou contraires ;

- condamner la caisse au versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en première instance, ainsi que 3 000 euros en cause d'appel ;

- condamner la caisse aux dépens.

Par ses écritures parvenues au greffe le 10 juillet 2023, auxquelles s'est référée et qu'a développées son représentant à l'audience, la caisse demande à la cour de :

- Sur la forme, la recevoir en ses écritures, fins et conclusions ;

Sur le fond,

- constater que la condition administrative tenant à la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer l'affection déclarée par Mme [I] n'était pas remplie ;

- dire et juger qu'elle a fait une juste application des textes en transmettant le dossier de Mme [I] au CRRMP ;

- constater que deux CRRMP ont rendu un avis motivé défavorable à la reconnaissance de la maladie du 20 avril 2016 déclarée par Mme [I] au titre de la législation professionnelle ;

- en conséquence, dire et juger que c'est à bon droit qu'elle a refusé de prendre en charge la maladie du 20 avril 2016 déclarée par Mme [I] au titre de la législation professionnelle ;

En tout état de cause,

- débouter Mme [I] de l'intégralité de ses demandes ;

- débouter Mme [I] de sa demande de condamnation de la caisse au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer le jugement rendu le 11 août 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes ;

- condamner Mme [I] aux dépens de l'instance.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la réunion des conditions du tableau n°57 A des maladies professionnelles

L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale pose une présomption d'origine professionnelle au bénéfice de toute maladie désignée dans un tableau de maladie professionnelle et contractée dans les conditions mentionnées dans ce tableau.

Fixés par décret, les tableaux précisent la nature des travaux susceptibles de provoquer la maladie, énumèrent les affections provoquées et le délai dans lequel la maladie doit être constatée après la cessation de l'exposition du salarié au risque identifié pour être prise en charge.

La maladie déclarée doit correspondre précisément à celle décrite au tableau, avec tous ses éléments constitutifs et doit être constatée conformément aux éléments de diagnostic éventuellement prévus (2e Civ., 17 mai 2004, pourvoi n° 03-11.968).

Il est de jurisprudence constante que la désignation des maladies figurant dans les tableaux présente un caractère limitatif, en sorte que ne peuvent relever de ce cadre de reconnaissance de maladie professionnelle les affections n'y figurant pas (Soc., 5 mars 1998, n° 96-15.326).

Toutefois, il appartient au juge de rechercher si l'affection déclarée figure au nombre des pathologies désignées par le tableau invoqué, sans s'arrêter à une analyse littérale du certificat médical initial (2e Civ., 9 mars 2017, n°16-10.017) ou sans se fier au seul énoncé formel du certificat médical initial (2e Civ., 14 mars 2019, n° 18-11.975).

Lorsque la demande de la victime réunit ces conditions, la maladie est présumée d'origine professionnelle, sans que la victime ait à prouver le lien de causalité entre son affection et son travail.

Si une ou plusieurs de ces conditions ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituelle de la victime. Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée, non désignée dans un tableau de maladie professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L.434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans cette hypothèse, la caisse ne se prononce qu'après avis d'un CRRMP et la juridiction de première instance, saisie d'un différend portant sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale, doit recueillir l'avis d'un second CRRMP.

En l'espèce, Mme [I] qui exerçait la profession d'agent de fabrication au moment de la déclaration de maladie professionnelle le 20 avril 2016, a fourni un certificat médical initial faisant état d'une 'tendinopathie chronique non rompue non calcifiante de la coiffe des rotateurs épaule droite', maladie qui figure au tableau n° 57 A des maladies professionnelles. Ce tableau énumère la liste limitative des travaux concernés susceptibles de provoquer cette maladie professionnelle. Il s'agit des 'travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction avec un angle supérieur ou égal à 60 ° pendant au moins deux heures par jour en cumulé ou avec un angle supérieur ou égal à 90 ° pendant au moins une heure par jour en cumulé.'

Dans leurs avis des 16 juin 2017 et 24 novembre 2020, les CRRMP, successivement de Bretagne puis des Pays de la Loire, ont émis un avis défavorable à cette reconnaissance de maladie professionnelle considérant que la maladie de Mme [I] n'avait pas été directement causée par son travail habituel.

Les conditions de délai de prise en charge et de durée d'exposition ne sont pas en débat. En revanche, il appartient à Mme [I] de rapporter la preuve d'un lien direct entre sa pathologie et son travail.

Pour démontrer qu'elle effectuait bien des travaux avec les membres supérieurs élevés à 90 ° pendant au moins 4 heures par jour, Mme [I] s'appuie sur un rapport du docteur [O] en date du 23 mars 2022, aux termes duquel il estime que :

' les critères de reconnaissance sont pourtant réunis :

- IRM du 18 février 2016 et 2 mars 2021,

- travaux au moins de 4 h 00 par jour avec les membres supérieurs élevés à 90 °,

- délai de prise en charge respecté.

Actuellement, il persiste une tendinopathie chronique de l'épaule droite avec atteinte du sus épineux et sous scapulaire.'

Cependant, pour en arriver à cette conclusion, le docteur [O] s'est contenté des déclarations de Mme [I] s'agissant des mouvements exécutés et de leur fréquence, sans chercher à en vérifier la véracité.

Mme [I], embauchée le 2 septembre 1999 est, depuis le 14 janvier 2013, employée dans le cadre d'un contrat à temps partiel de 24 heures hebdomadaires, soit 3 jours de 8 heures chacun, ramené à 22 heures 50. Sa pathologie a été mise en évidence dans un certificat médical du 20 avril 2016 prévoyant des soins sans arrêt de travail jusqu'au 20 juin 2016. Elle a été placée en arrêt de travail à compter du 7 mars 2016 et jusqu'au 16 septembre 2016.

Dans le cadre de son questionnaire rempli le 4 août 2016, elle explique qu'elle travaille sur deux postes de production, l'un en doublon et l'autre seule, et qu'elle est amenée à lever le bras pour prendre des bobines de cuivre et pour les déposer sur un plateau plusieurs fois par jour à 60 ° et à 90 °. Elle évalue le nombre de pièces réalisées dans une journée de 1 250 à 1 500.

L'employeur dans son questionnaire indique que chaque opérateur traite 600 pièces par jour, 'qu'il prend une bobine de cuivre dans une caisse située face à lui, qu'il redresse manuellement les deux brins de cuivre de façon à faciliter l'insertion de ceux-ci dans le connecteur de ring. Muni d'une pince, il coupe les brins de cuivre qui remontent du connecteur. Fin de l'opération'. Il précise que l'atelier est chauffé, que l'opérateur est assis sur une chaise réglable et pivotante, que la table est découpée pour pouvoir poser les bras plus aisément et qu'un système électrique permet de monter ou descendre les caisses de bobines pour éviter de lever les bras. Il est joint un document intitulé 'consigne d'utilisation des moyens mis à disposition' qui démontre que la caisse à bobine peut être réglée en hauteur pour limiter les mouvements du bras à plus de 60 °, qu'il estime à 5 minutes par jour.

L'enquêteur de la caisse s'est déplacé sur le site de l'entreprise en raison des différences notables figurant dans ces deux questionnaires et a fait les constatations suivantes :

- lorsqu'elles travaillent à deux sur le poste, elle traite environ 1200 pièces et lorsqu'elle est seule, 600 pièces par jour.

- à l'observation de ce poste, il est repéré des mouvements d'épaule puisque l'opératrice sollicite ses membres supérieurs en permanence. Toutefois les mouvements du bras comportant une amplitude égale ou supérieure à 60 ° ne sont observés que lorsque l'opératrice prend les rings sur sa gauche (épaule gauche) et parfois lorsqu'elle saisit les bobines situées devant elle dans le boîtier, sachant qu'elle les saisit en alternant la main droite et la main gauche, et qu'il n'y a pas forcément une amplitude égale ou supérieure à 60° à chaque prise (normalement l'opératrice doit prendre les bobines par le bas dans le boîtier pour éviter de lever les bras).

- en supposant que Mme [I] prenne systématiquement chaque bobine de cuivre avec la main droite en soulevant son bras en hauteur, il peut être considéré qu'elle fera ce geste de 1 seconde 1200 fois au cours d'une journée, soit une durée cumulée de 20 minutes. Elle ne fait jamais de geste supérieur à 90 °. Il peut y être ajouté quelques gestes lorsqu'elle change le boîtier de bobines ou qu'elle dépose les pièces finies sur un plateau situé sur la droite mais elle est loin de comptabiliser deux heures par jour de gestes de soulèvement de l'épaule droite avec un angle égal ou supérieur à 60 °.

Dans un avis du 20 septembre 2016, le médecin du travail estime que l'origine professionnelle de la maladie est probable et que Mme [I] occupe un poste nécessitant (illisible) des gestes répétés sollicitant les deux épaules.

Dans son avis motivé du 16 juin 2017, le CRRMP de Bretagne conclut que :

- compte-tenu de la pathologie présentée, de la profession de Mme [I], de l'étude du dossier, notamment l'enquête administrative du 25 août 2016, de l'avis du médecin du travail, du rapport du médecin conseil, de l'absence de mise en évidence d'hypersollicitation des épaules en-dehors des zones de confort de manière habituelle, des aménagements de poste réalisés par l'employeur, et après avoir entendu l'ingénieur conseil qui confirme les conditions optimales dans cette entreprise,

- il ne peut être établi une relation directe entre la pathologie présentée et son activité professionnelle.

Dans son avis du 24 novembre 2020, le CRRMP des Pays de la Loire a confirmé l'analyse du précédent CRRMP en raison de l'absence de réalisation habituelle de gestes reconnus comme particulièrement pathogènes.

Mme [I] a produit l'attestation de M. [J], collègue de travail qui affirme que 'les postes de travail en individuel ne sont pas aménagés, à savoir pas de table découpée permettant de déposer les bras, pas de système électrique qui monte et descend les boîtes. Les postes en binôme sont équipés de système électrique, les tables sont découpées mais c'est impossible de déposer les bras.'

Mme [X], autre collègue, affirme que 'en secteur individuel, la position 90 et 60 est sollicitée en permanence car il n'y a pas de système électrique, il n'y a pas de découpe sur les tables travaillant en binôme. Nous sommes obligées de faire des mouvements à 60° et 90° pour prendre les pièces et toute autre opération, et pour également déposer les pièces vers le poste de contrôle. Sur les deux postes il y a beaucoup de mouvements annexes qui ne sont pas pris en compte, étant toujours en mouvement, il est impossible pour Mme [I] de poser les bras sur le poste de travail et sollicite en permanence ses épaules et ses bras.'

Mme [I] produit également des photographies d'une autre partie des ateliers dans lesquels se trouvent les postes individuels et de toute évidence, ces postes ne comportent pas les mêmes agencements destinés à limiter les risques de maladie des membres supérieurs, si bien qu'il est possible d'émettre un doute sur les équipements qui ont été montrés par l'employeur lors de l'enquête.

Le 4 juillet 2016, Mme [I] a fait une nouvelle déclaration de maladie professionnelle pour une épicondylite du coude droit et le 4 octobre 2018 une tendinite de De Quervain à droite. Le 15 juin 2021, son médecin traitant a rempli un nouveau certificat médical initial pour une 'tendinopathie épaule droite qui a nécessité une acromioplastie arthroscopie de l'épaule droite avec ténotomie du long biceps et résection claviculaire'.

Elle produit enfin un courrier du docteur [F], chirurgien du membre supérieur en date du 27 janvier 2022, qui la suit depuis son intervention chirurgicale, qui affirme que 'l'origine professionnelle de sa pathologie ne fait aucun doute d'autant plus qu'il s'y associe à présent une épicondylite latérale et une tendinopathie de de Quervain, toutes situées à droite.'

Il est constant que la maladie déclarée par Mme [I] correspond effectivement à l'une de celles prévues par le tableau 57. L'enquêteur de la caisse avait considéré que son poste de travail ne la mettait pas dans les conditions prévues par ce tableau notamment au regard des gestes effectués mais de toute évidence, il n'a pas étudié le poste individuel. Les attestations produites et l'évolution de l'état de santé de la salariée permettent de douter des constats faits. En effet, l'un de ces postes de travail ne comporte pas les équipements permettant de limiter la sollicitation de l'épaule et de toute évidence, elle effectue un très grand nombre de gestes qui l'amènent à lever le bras sans appui avec un angle supérieur à celui prévu par le barème.

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la survenance de la maladie est bien en lien direct avec le travail, si bien que le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les frais et dépens

Il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge de Mme [I] ses frais irrépétibles. La caisse sera en conséquence condamnée à lui verser à ce titre la somme de 1 200 euros.

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la caisse qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que la maladie déclarée par Mme [T] [I] le 20 avril 2016 au titre d'une tendinopathie chronique non rompue non calcifiante de la coiffe des rotateurs épaule droite a un caractère professionnel,

Ordonne à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine de prendre en charge la maladie déclarée par Mme [T] [I] le 20 avril 2016 au titre de la législation sur les maladies professionnelles,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine à verser à Madame [T] [I] une indemnité de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 22/05408
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;22.05408 ?
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