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19/06/2024 | FRANCE | N°21/03084

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 19 juin 2024, 21/03084


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°325



N° RG 21/03084 -

N° Portalis DBVL-V-B7F-RUWI













Mme [Y] [Z]



C/



Société Mutuelle SMABTP

















Réformation partielle















Copie exécutoire délivrée

le :



à :

-Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN

-Me Karine BÉZILLE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU

PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 JUIN 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

Mme Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prono...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°325

N° RG 21/03084 -

N° Portalis DBVL-V-B7F-RUWI

Mme [Y] [Z]

C/

Société Mutuelle SMABTP

Réformation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN

-Me Karine BÉZILLE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

Mme Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 11 Avril 2024

En présence de Madame [A] [C], médiatrice judiciaire,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [Y] [Z]

née le 02 Janvier 1965

demeurant [Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Sandrine PARIS de la SELARL ATALANTE AVOCAT, Avocat plaidant du Barreau de NANTES

INTIMÉE :

La Société Mutuelle SMABTP prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Charlotte SICSIC substituant à l'audience Me Karine BÉZILLE de la SCP LEFEVRE PELLETIER ET ASSOCIES, Avocats au Barreau de PARIS

Le 3 janvier 2008, Mme [Y] [Z] a été embauchée par la société SMABTP en qualité d'«hôtesse d'accueil » à temps partiel selon contrat de travail à durée indéterminée.

Sa durée de travail a été portée à temps plein à compter du 1er janvier 2009.

Le 11 février 2014, une étude de poste a été réalisée par le médecin du travail sur la base d'un rapport d'observation ergonomique contenant des préconisations pour améliorer et sécuriser l'environnement de travail de Mme [Z].

Le 19 mars 2014, Mme [Z] a été placée en arrêt de travail pour épuisement professionnel.

Le 26 août 2014, lors de sa visite de reprise, le médecin du travail l'a déclarée apte, sous réserve d'une nouvelle dotation en mobilier.

Mme [Z] s'est vue confier des missions à la fois de standard et de secrétariat.

La société SMABTP a embauché Mme [S] [V] à temps partiel au poste d'hôtesse d'accueil en juin 2015.

Le 7 février 2017, la société SMABTP a notifié à Mme [Z] une lettre d'avertissement de la société SMABTP à la suite d'une altercation le 7 décembre 2016 avec Mme [V].

Lorsque Mme [V] a quitté son poste à la fin de son contrat en décembre 2016, la société SMABTP ne l'a pas remplacée et a confié le poste d'hôtesse d'accueil à temps plein à Mme [Z].

Une seconde étude de poste a eu lieu le 27 février 2017.

Le 19 avril 2017, Mme [Z] a été placée en arrêt de travail pour syndrome d'épuisement professionnel.

Le 14 juin 2017, la médecine du travail a déclaré Mme [Z] « inapte au poste d'hôtesse d'accueil » et a précisé que « l'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise ».

L'arrêt de travail de Mme [Z] a été prolongé le 15 juin 2017 puis le 26 juin 2017.

Le 29 juin 2017, la société SMABTP a contacté le médecin du travail afin qu'il apporte des observations sur une proposition de reclassement sur un poste de secrétaire commerciale à temps plein situé [Localité 5].

La société SMABTP a proposé ce poste à Mme [Z] le 12 juillet 2017 avec obligation de réponse avant le 24 juillet 2017.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 juillet 2017, Mme [Z] a été convoquée à un entretien préalable de licenciement pour inaptitude, pour la date du 28 août 2017.

Le 14 septembre 2017, la SMABT a notifié son licenciement à Mme [Z] 'pour impossibilité de reclassement à la suite de son inaptitude médicalement constatée'.

Le 16 avril 2019, Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de :

' Fixer le salaire mensuel moyen à 2.551,06 € (moyenne des trois derniers mois),

' Dire et juger que :

- la société SMABTP avait manqué à son obligation de sécurité,

- la société SMABTP avait manqué à son obligation de loyauté,

- Mme [Z] avait subi un harcèlement moral,

- l'avertissement notifié à Mme [Z] était nul,

- la sociéte SMABTP avait manqué à son obligation de reclassement,

- licenciement est nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

- l'inaptitude était d'origine professionnelle,

' Condamner la société SMABTP à payer à Mme [Z] :

- 15.306,36 € de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- 7.653,18 € de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 15.306,36 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 2.551,06 € pour préjudice moral au regard de l'avertissement injustifié et disproportionné,

- 5.102,12 € d'indemnité compensatrice de préavis,

- 510,21 € de congés payés afférents,

- 4.642, 98 € de dommages et intérêts au titre du delta de l'indemnité légale de licenciement,

- 45.919 € de dommages et intérêts pour licenciement nul, ou à défaut sans cause réelle et sérieuse,

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,

' Exécution provisoire de l'intégralité du jugement à intervenir,

' Condamner aux entiers dépens la partie adverse. dont frais d'exécution forcée par huissier.

Par jugement du 12 avril 2021, le conseil de prud'hommes de Nantes a :

- fixé la moyenne mensuelle brute du salaire de Mme [Z] à 2.096,82 €,

- jugé que les demandes formulées par Mme [Z] relatives à son licenciement étaient prescrites,

- débouté en conséquence Mme [Z] de toutes ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail,

- dit que :

- l'avertissement notifié à Mme [Z] était justifié,

- la société SMABTP n'avait ni manqué à son obligation de sécurité, ni à son obligation de loyauté,

- Mme [Z] n'avait pas subi de harcèlement moral,

- débouté en conséquence Mme [Z] de toutes ses demandes indemnitaires,

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [Z] aux dépens.

Mme [Z] a interjeté appel le 20 mai 2021.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 20 mai 2021 suivant lesquelles Mme [Z] demande à la cour de :

' Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- fixé la moyenne mensuelle brute du salaire de Mme [Z] à 2.096,82 €,

- jugé que les demandes formulées par Mme [Z] relatives à son licenciement sont prescrites,

- dit que :

- l'avertissement notifié à Mme [Z] était justifié,

- la société SMABTP n'avait ni manqué à son obligation de sécurité ni à son obligation de loyauté,

- Mme [Z] n'avait pas subi de harcèlement moral,

- condamné Mme [Z] aux dépens,

- débouté Mme [Z] de ses demandes tendant à voir :

- fixer le salaire mensuel moyen à 2.551,06 € (moyenne des trois derniersmois),

- dire et juger que :

- la sociéte SMABTP avait manqué à son obligation de sécurité,

- la sociéte SMABTP avait manqué à son obligation de loyauté,

- Mme [Z] avait subi un harcèlement moral,

- l'avertissement notifié à Mme [Z] était nul,

- la sociéte SMABTP avait manqué à son obligation de reclassement,

- le licenciement est nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

- l'inaptitude était d'origine professionnelle,

- condamner la société SMABTP à payer à Mme [Z] :

- 15.306,36 € de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- 7.653,18 € de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 15.306,36 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 2.551,06 € pour préjudice moral au regard de l'avertissement injustifié et disproportionné,

- 5.102,12 € d'indemnité compensatrice de préavis,

- 510,21 € de congés payés afférents,

- 4.642, 98 € de dommages et intérêts au titre du delta de l'indemnité légale de licenciement,

- 45.919 € de dommages et intérêts pour licenciement nul, ou à défaut sans cause réelle et sérieuse,

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dépens,

Statuant à nouveau,

' Fixer le salaire mensuel moyen à 2.551,06 € (moyenne des trois derniers mois),

' Débouter la société SMABTP de toutes ses demandes, fins et conclusions,

' Dire et juger que :

- la société SMABTP a manqué à son obligation de sécurité,

- la société SMABTP a manqué à son obligation de loyauté,

- Mme [Z] a subi un harcèlement moral,

- l'avertissement notifie à Mme [Z] est nul,

- la sociéte SMABTP a manqué à son obligation de reclassement,

- Mme [Z] peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents au titre de son licenciement nul ou à tout le moins au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- l'inaptitude est d'origine professionnelle,

A titre principal,

- le licenciement de Mme [Z] est nul en raison du harcèlement moral subi,

A titre subsidiaire,

- la société SMABTP a manqué à son obligation de recherche de reclassement

- le licenciement pour inaptitude de Mme [Z] résulte directement des manquements de la société SMABTP,

- le licenciement de Mme [Z] est sans cause réelle et sérieuse,

' Condamner la société SMABTP à payer à Mme [Z] :

- 15.306,36 € de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité (6 mois de salaire),

- 7.653,18 € de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail (3 mois de salaire),

- 15.306,36 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral (6 mois de salaire),

- 2.551,06 € pour préjudice moral au regard de l'avertissement injustifié et disproportionné (1 mois de salaire),

- 5.102,12 € d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois de salaire),

- 510,21 € de congés payés afférents,

- 4.642, 98 €, ou à tout le moins 2 426,82 €, au titre du delta de l'indemnité légale de licenciement,

- 5 102,12 € au titre de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L.1226-14 du code du travail (2 mois de salaire),

A titre principal

- 45.919 € de dommages et intérêts pour licenciement nul (18 mois de salaire),

A titre subsidiaire,

- 45.919 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (18 mois de salaire),

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Rejeter toutes demandes, fins et conclusions autres ou contraires aux présentes.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 16 septembre 2022, suivant lesquelles la société SMABTP demande à la cour de :

' Déclarer la société SMABTP bien fondée en ses écritures,

' Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nantes le 12 avril 2021 en ce qu'il a jugé que :

- les demandes de Mme [Z] au titre de la contestation de son licenciement étaient prescrites,

- Mme [Z] n'avait pas été victime de harcèlement moral,

- la société SMABTP n'avait pas manqué à son obligation de sécurité,

- la société SMABTP n'avait pas manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail à l'égard de Mme [Z],

- l'avertissement du 7 février 2017 était bien fondé et justifié,

- débouté en conséquence Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires,

Statuant à nouveau,

' Condamner Mme [Z] au versement à la société SMABTP de la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamner Mme [Z] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 mars 2024.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS :

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en contestation de la rupture du contrat de travail :

Selon l'article L1471-1 du code du travail, toute action portant sur l'exécution se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

Le deuxième alinéa n'est toutefois pas applicable aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7, L. 1237-14 et L. 1237-19-10, ni à l'application du dernier alinéa de l'article L. 1134-5.

Conformément à l'article 40-II de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de publication de ladite ordonnance, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Lorsqu'une instance a été introduite avant la publication de ladite ordonnance, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne y compris en appel et en cassation.

Mme [Z] a été licenciée par la SMABTP le 14 septembre 2017.

Au jour de l'entrée en vigueur du nouvel article L. 1471-1 du code du travail, la prescription de l'action en contestation du licenciement était donc en cours.

Conformément aux dispositions transitoires, la prescription de 12 mois s'appliquait à l'action en contestation du licenciement de Mme [Z] à compter du 23 septembre 2017.

Mme [Z] avait donc jusqu'au 23 septembre 2018 pour contester son licenciement.

Or, Mme [Z] a saisi le Conseil de prud'hommes de Nantes le 16 avril 2019.

Elle est prescrite en sa contestation de son licenciement sur les autres fondements que le harcèmleent moral ou au regard des autres moyens qu'elle invoque en contestation de la rupture de son contrat de travail.

En revanche, en vertu de l'alinéa 3 de l'article L1471-1 du code du travail, elle demeure recevable à contester son licenciement sur le fondement du harcèlement moral lequel est régi par un délai de cins ans non expiré à la date de la saisine du conseil de prud'hommes.

Il en résulte que seules sont recevables la demande en contestation du licenciement à raison d'un harcèlement moral ainsi que les demandes indemnitaires et de rappel de salaires liées à l'exécution du contrat de travail régies par un délai de deux ans non expiré.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de Mme [Z] relatives à son licenciement.

Sur la demande d'annulation de l'avertissement :

Selon l'article L1331-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'article L1333-2 dispose que le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Selon l'article L1332-1 aucune sanction ne peut être prise à l'encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit des griefs retenus contre lui.

La lettre d'avertissement est libellée comme suit : « j'ai été sollicité par votre collègue Hôtesse d'accueil, Madame [S] [V] qui m'a fait part d'une altercation qu'elle a eu avec vous, au sujet de la gestion d'un véhicule mal garé sur le parking de l'Unité de Gestion. Au cours de cette altercation, vous avez insulté Madame [S] [V] en proférant « t'es qu'une connasse ». Madame [N] [U], collaboratrice au sen de l'UG et témoin de cette scène a dû intervenir pour demander à Madame [S] [V] et vous-même de cesser vos agissements. Lorsque nous vous avons entendu le jeudi 8 décembre, vous avez reconnu les faits ainsi que les paroles prononcées qui avez-vous ajouté, 'ont dépassé ma pensée'. Dans le cadre de l'entretien du 31 janvier, vou avez à nouveau confirmé avoir tenu ces propos en précisant que votre réaction épidémique avait été dictée par les réflexions désobligeantes d'[S] [V] à votre encontre'. Un tel comportement n'est pas acceptable. Je vous rappelle que le règlement intérieur du Groupe SMA prévoit que 'les membres du personnel doivent avoir, en toute circonstance, un comportement et une tenue convenable'. Nous vous informons par le présent courrier a valeur d'avertissement au sen de l'article 4.1.1 du règlement intérieur des sociétés du groupe SMA».

Mme [Z] ne conteste pas avoir proféré ces propos et se limite à faire valoir que sa collègue avec laquelle elle a eu cette altercationn'a pas été sanctionnée.

Les propos tenus par Mme [Z], étant contraires à ces obligations telles que rappellées par le règlement intérieur selon lequel « Chaque salarié doit respecter les règles élémentaires de savoir-vivre et de savoir-être en collectivité. Les rixes, injures, insultes, comportements agressifs, incivilités sont interdits dans l'entreprise », la faute disciplinaire est caractérisée.

Le fait que Mme [V], collègue de Mme [Z], mise en cause dans cette altercation, n'ait pas été sanctionnée s'explique notamment par le fait que son contrat de travail à durée déterminée prenait fin quelques jours plus tard après l'altercation soit le 16 décembre 2016.

Cela n'est pas de nature à exonérer Mme [Z] de sa responsabilité dans les faits qui lui sont reprochés.

L'avertissement délivré est en conséquence justifié.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le harcèlement moral :

Selon l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l'article L1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La salariée expose que :

- Mme [V] n'a cessé de dénigrer Mme [Z] au quotidien, de l'invectiver en lui indiquant qu'elle n'aimait pas être écoutée au téléphone, en lui indiquant qu'elle n'avait pas besoin d'elle pour être formée, de refuser de respecter les directives de Mme [Z], d'interdire à Mme [Z] de la regarder, de lancer des regards noirs et menaçants en direction de Mme [Z] dès que quelque chose lui déplaisait, de provoquer Mme [Z] pour la pousser à la faute,

- lors d'un exercice incendie, Mme [V] a délibérément choisi de ne pas informer sa direction que Mme [Z] se trouvait enfermée dans le sous sol,

- le 7 décembre 2016, une altercation au sujet d'un véhicule mal garé a eu lieu entre Mme [Z] et Mme [S] [V] qui a abouti à un avertissement infondé envers Mme [Z].

Cette dernière communique le compte rendu d'entretien de Mme [V] avec la responsable RH en date du 13 décembre 2016 aux termes duquel Mme [V] exprimait un doute que la productivité de Mme [Z].

Elle produit le compte rendu de l'entretien qu'elle a elle-même eu avec la responsable RH le 21 décembre 2016 et au cours duquel elle a dénoncé l'attitude de Mme [V] à son égard qui lui avait dit qu'elle n'aimait pas être écoutée au téléphone, qu'elle n'avait pas besoin d'elle pour être formée. Mme [Z] a précisé lors de cet entretien qu'elle avait infomé son supérieur M. [R] de ces faits. Elle a déclaré à la responsable RH que, pour elle, Mme [V] voulait l'évincer.

Elle établit par la production du procès-verbal de la réunion du CHSCT du 19 décembre 2016 qu'une personne était enfermée de l'intérieur dans la cave lors de l'alarme incendie et n'a pas entendu l'alarme ni été recherchée par les personnes serre-file.

Il est constant que le contrat de travail à durée déterminée de Mme [V] a été renouvelé.

Son médecin généraliste a constaté le 3 mai 2017 que les manifestation d'anxiété de Mme [Z] se sont estompées avec la prise de distance avec le travail mais que Mme [Z] se sent stressée à l'idée de retourner sur son poste de travail.

Le docteur [E], psychiatre, atteste le 9 mai 2017 de la dépression, de l'anxiété et des troubles somatiques invalidants dont souffre Mme [Z].

Pris dans leur ensemble, les éléments de fait ainsi établis laissent supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral.

L'employeur répond que Mme [V] a elle-même été victime de remarques déplacées de la part de Mme [Z] et invoque les déclarations de Mme [V] lors de son entretien avec la responsable RH selon lesquelles elle a déclaré : « Elle m'a traité de clocharde », « Je l'entends dans le hall dire que je ne fais pas du bon travail et que je ne dois pas rester », « Elle m'a dit que « j'étais une connasse ».

L'employeur établit ainsi que Mme [Z] a participé à l'ambiance délétère existant au standard

Il établit également que c'est Mme [V] qui l'a alerté d'une situation de harcèlement moral à la suite de l'altercation du 7décembre 2016 et la SMABTP a tout de suite réagi en mandatant deux membres des ressources humaines pour interroger les principales intéressées.

L'avertissement qui a été notifié à Mme [Z] pour avoir insulté sa collègue lors de cette altercation est justifié par son comportement injurieux.

L'employeur apporte ainsi une justification objective à ses décisions et démontre que Mme [Z] a nourrri la mésentente avec sa collègue et que les invectives réciproques conduisent à retenir que Mme [Z] n'a pas été victime d'un harcèlement moral.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Y ajoutant la cour rejette la demande de nullité du licenciement fondée sur un harcèlement moral.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité :

Selon l'article L4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1°) des actions de prévention des risques professionnels ;

2°) des actions d'information et de formation ;

3°) la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

En l'espèce, la société SMABTP justifie avoir conclu le 27 septembre 2010 un accord de méthode sur la prévention des risques psychosociaux lequel définissait le stress au travail et organisait qu'un pré-diagnostic à partir d'indicateurs tels que l'absentéisme, les mouvements de personnel, les mesures et demandes des CHSCT, le nombre de salariés à temps partiel ou à horaires mobiles, le nombre d'accidents du travail et de maladies professionnelles, les inaptitudes, les visites médicales et les demandes d'aménagement de poste. Ce pré-diagnostic visait à constituer la base de définition par l'employeur d'un plan d'action.

Le document unique d'évaluation des risques élaboré en 2014 identifiait la charge de travail comme un facteur de risque psychosocial de niveau 3 et la défaillance de l'encadrement dans l'arbitrage des litiges comme un facteur de risque de niveau 2 et préconisait la mise en place de formation (former à l'accueil des personnes en souffrance, à l'écoute, à la gestion du stress, à la prise de recul, à la délégation, gestion des personnalités difficiles) et d'une cellule psychologique (numéro vert / psychologues externes »).

L'employeur communique les DUER mis à jour en 2015 et 2016 dont il résulte qu'il a inséré ces questions dans son catalogue de formation notamment s'agissant de la gestion des appels téléphoniques et de la charge de travail qui en résulte et qu'il a créé des outils de mesures de la charge de travail.

Le dossier médical de Mme [Z] auprès de la médecine du travail mentionne que des mesures avaient été préconisées par le rapport d'ergonomie lesquelles ont été mises en oeuvre (fauteuil, casque) à la date du 26 août 2014 ce qui a permis que Mme [Z] soit déclarée apte sans réserve par le médecin du trvail le 1er septembre 2015.

L'employeur justifie également avoir immédiatement réagi lors de la dénonciation le 8 décembre 2016 par Mme [V], binôme de Mme [Z], de l'incident intervenu entre elles. Chacune a été reçue en entretien le 13 décembre 2016 et au regard des éléments portés à sa connaissance l'employeur a décidé de sanctionner Mme [Z] considérant que l'altercation entre les deux salariés lui était imputable.

S'agissant de l'excercice incendie au cours duquel Mme [Z] est restée enfermée dans un local sans que sa présence ne soit détectée, le procès-verbal du CHSCT établit qu'n bilan de cet exercice a été effectué et que des mesures ont été décidées, afin qu'un tel dysfonctionnement ne se produise pas lors d'une situation réelle d'incendie, par la dénomination des personnes lors de l'appel par leurs nom et prénoms et non par leur seul prénom compte tenu d'homonymies sur le site.

La société SMABTP juistifie ainsi avoir pris les mesures de prévention et de traitement des situations néessaires afin de garantir la sécurité de Mme [Z].

La demande de dommges-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité est en conséquence rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le manquement à l'obligation de loyauté :

Mme [Z] reproche à son employeur de ne pas avoir voulu lui accorder le poste de secrétaire commerciale auquel elle pouvait selon elle prétendre au vu de son expérience et de son implication.

Elle fait grief à son employeur dene pas lui avoir apporté le soutien qu'il affiche sur son site internet en indiquant : « Que vous ayez envie de changer de lieu de travail ou que vous soyez à la recherche de nouvelles missions pour étendre votre champ de compétences, nous serons là pour vous soutenir dans votre démarche».

Mme [Z] établit avoir fait part de son souhait d'évolution professionnelle lors de ses entretiens annuels et professionnels de 2008 à 2013 et avoir adressé une lettre de candidature le 30 janvier 2014 exposant son parcours de 8 années d'expérience après un BEP Secrétariat.

Si ces candidatures n'ont pas abouti favorablement, ces décisions de l'employeur relèvent de son pouvoir de direction. En l'absence d'engagement ferme de promotion, aucune déloyauté n'est démontrée à ce titre.

Quant à l'absence d'entretien professionnel en 2016, il convient de constater qu'amenée à indiquer si elle souhaitait un tel entretien, elle a répondu par la négative à la question en 2016 après avoir répondu oui en 2015.

Elle fait en outre valoir qu'elle a effectué des tâches nouvelles de secrétariat, directement liée à un poste de secrétaire qu'elle n'exerçait pas auparavant, sans avenant à son contrat de travail ni modification de sa classification et de sa rémunération.

Elle expose qu'elle effectuait les tâches suivantes :

- Veiller quotidiennement à être à jour des fournitures (trombones, élastiques, agrafes') ;

- Imprimer tous les vendredis le planning de la semaine des responsables et experts ;

- Mettre le tampon dateur à jour le matin ;

- Enlever quotidiennement le répondeur et mettre en place le casque téléphone, ouvrir les 3 sessions de travail sur l'ordinateur ;

- Accueillir quotidiennement le facteur et enlever les accusés de réception du courrier recommandé ;

- Tamponner tous les courriers ;

- Ranger le courrier dans les bannettes ;

- Accueillir les huissiers et signer les documents officiels, accueillir les sociétaires venant à l'accueil ou maître d'ouvrage et tout autre rendez-vous ;

- Réceptionner les colis livrés par messagerie express et prévenir le correspondant ;

- Aller au photocopieur dans une salle annexe chercher les fax et les distribuer ;

- Gérer le parking ;

- Tamponner les accusés de réception en fin de matinée ;

- Affranchir le courrier départ tout en le triant par département ;

- Scanner les demandes de résiliation et les envoyer par mail aux collègues concernés ;

- Réserver les taxis pour les visiteurs ;

- Gérer les interlocuteurs récalcitrants ;

- Vérifier les messages sur la base forum et les faire suivre aux gestionnaires concernés ;

- Gérer les appels urgents de notaires ;

- Transférer les mails reçus aux services concernés ;

- Avertir les collègues des réunions importantes.

Il n'est pas contesté que les tâches sur le mi-temps secrétariat consistaient en : « l'archivage service règlement et service contrat, photocopie, scanne, réponse au notaire, enregistrement des suivis clients dans un tableau, diverses tâches de secrétariat, courrier. Préparation et envoi de dossiers contentieux ».

Il résulte de ces éléments mêmes que les missions de Mme [Z] ont évolué à compter de 2014 dans le sens désiré par cette dernière en associant des tâches d'hôtesse d'accueil et de secrétaire administrative.

Cette modification ne justifiait pas de signature d'avenant en ce qu'elle consistait en une modification des conditions de travail et non du contrat de travail, ces tâches relevant de la même classification. Seule la fiche de poste était de nature à évoluer.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il n'est pas caractérisé de déloyauté de l'employeur. La demande indemnitaire formulée à ce titre est en conséquence rejetée.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement est confirmé de ces chefs.

Partie perdante en appel, Mme [Z] est condamnée aux dépens d'appel.

Les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel sont rejetées.

* * *

*

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande en nullité du licenciement fondée sur un harcèlement moral,

L'infirme de ce chef,

statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare recevable la demande de nullité du licenciement fondée sur le harcèlement moral,

Rejette la demande de nullité du licenciement fondée sur un harcèlement moral et la demande indemnitaire formée à ce titre,

Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [Y] [Z] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/03084
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;21.03084 ?
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