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19/06/2024 | FRANCE | N°21/02961

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 19 juin 2024, 21/02961


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°324



N° RG 21/02961 -

N° Portalis DBVL-V-B7F-RUAY













S.A.S. HUB SAFE [Localité 19]



C/



M. [C] [Z]

















Infirmation partielle













Copie exécutoire délivrée

le :



à :

-Me Marie VERRANDO

-Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE

FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 JUIN 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

Mme Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du pron...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°324

N° RG 21/02961 -

N° Portalis DBVL-V-B7F-RUAY

S.A.S. HUB SAFE [Localité 19]

C/

M. [C] [Z]

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Marie VERRANDO

-Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

Mme Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 11 Avril 2024

En présence de Madame [I] [O], médiateur judiciaire,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

La S.A.S. HUB SAFE [Localité 19] prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Mathilde ROY-MASUREL, Avocat plaidant du Barreau de PARIS

INTIMÉ et appelant à titre incident :

Monsieur [C] [Z]

né le 06 Novembre 1982 à [Localité 19] (44)

demeurant [Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Sandrine PARIS de la SELARL ATALANTE AVOCAT, Avocat plaidant du Barreau de NANTES

Monsieur [C] [Z] a été embauché au sein de la Société SGA SECURITE GENERALE AEROPORTUAIRE AEROPORT [Localité 19] ATLANTIQUE en qualité d'agent de sûreté par contrat à durée indéterminée à compter du 10 avril 2004.

Il a exécuté son contrat au sein de la Société SSGA SERVICES DE SECURITE GENERALE AEROPORTUAIRE AEROPORT [Localité 19] ATLANTIQUE à compter du 18 juillet 2012 en qualité d'opérateur de sûreté.

Le 12 juin 2015, M. [Z] a signé un avenant pour une exécution de son contrat de travail en qualité d'opérateur de sureté qualifié au coefficient 160, niveau 4, échelon 1 de la convention Collective des Entreprises de Prévention et de sécurité, avec la Société HUB SAFE [Localité 19], à compter du début de l'exercice des prestations de sureté par HUB SAFE [Localité 19], avec reprise de son ancienneté au 10 avril 2004.

La société HUB SAFE (anciennement ALYZIA SURETE) est une société de prestations de services spécialisée dans la sûreté aéroportuaire et des environnements aéroportuaires.

Présente sur les aéroports parisiens d'[Localité 21], [27] et [12], la société a repris le marché public de la sécurité aéroportuaire de l'aéroport de [Localité 19] en 2015. C'est dans le cadre de cette reprise de marché que M. [Z] a été engagé.

Le 31 mars 2017, la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de Loire-Atlantique a attribué à M. [Z] la qualité de travailleur handicapé, avec un taux d'incapacité entre 20 et 45% (en raison de dysgénésies des membres inférieurs).

Le 14 novembre 2017, le CHSCT a rendu obligatoire le port de chaussures de sécurité.

Le 21 novembre suivant, une note de service a réservé le poste 'TRIBAG' aux agents masculins, en raison de la lourdeur des charges, rappelant que le port des chaussures de sécurité était obligatoire.

En décembre 2017, M. [Z] a informé sa direction qu'il ne pouvait pas porter de chaussures de sécurité eu égard à son handicap.

Le 11 janvier 2018, lorsque le coordinateur est venu lui apporter une paire de chaussures, M. [Z] a réaffirmé ne pouvoir les porter. Un incident est survenu à cette occasion.

Du 12 janvier au 12 février 2018, M. [Z] a été placé en arrêt de travail.

Le 12 février 2018, le médecin du travail a déclaré M. [Z] 'inapte au poste, apte à un autre', et a précisé qu' 'il serait apte à occuper un poste de travail sans station debout prolongée ni piétinement avec des horaires réguliers de journée, type poste administratif'.

Le 18 avril 2018, la SAS HUB SAFE [Localité 19] a notifié au salarié l'impossibilité de le reclasser.

La Société HUB SAFE [Localité 19] lui a notifié son licenciement pour inaptitude le 3 mai 2018.

Le 3 mai 2019, M. [Z] a saisi le Conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de :

' Ordonner avant dire droit la communication d'un organigramme détaillé de l'ensemble des entreprises et agences du groupe auquel elle appartient afin d'apprécier de manière exhaustive si la société avait satisfait à son obligation de reclassement,

' Fixer la moyenne des salaires à 2.473,80 €,

' Débouter le défendeur de toutes demandes fins et conclusions,

' Ecarter le barème fixé par l'article L.1235-3 du code du travail,

' Condamner la SAS HUB SAFE [Localité 19] à lui payer la somme de :

- 34.633,20 € (soit 14 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4.947,60 € (2 mois de salaire) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 494,76 € de congés payés afférents,

- 7.421,40 € (3 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement vexatoire,

- 14.842,80 € (6 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- 14.842,80 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de cette mesure discriminatoire,

- 7.421,40 € (trois mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté,

- 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamner aux entiers dépens dont frais d'exécution forcée,

' Intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,

' Exécution provisoire en toutes ses dispositions.

La cour est saisie de l'appel interjeté par la SAS HUB SAFE [Localité 19] le 12 mai 2021 contre le jugement du 19 avril 2021, par lequel le Conseil de prud'hommes de Nantes a :

' Requalifié le licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la SAS HUB SAFE [Localité 19] à verser à M. [Z] les sommes de :

- 19 800 € au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- 4 947,60 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 494,76 € de congés payés afférents,

- 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Fixé la moyenne des salaires à 2.473,80 €,

' Ordonné l'exécution provisoire du jugement pour la totalité des condamnations à caractère salarial et à hauteur de la moitié des sommes allouées en ce qui concerne les condamnations à titre indemnitaire,

' Débouté M. [Z] du surplus de ses demandes,

' Débouté la SAS HUB SAFE [Localité 19] de ses demandes reconventionnelles,

' Condamné la SAS HUB SAFE [Localité 19] à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées dans la limite de 1 mois d'indemnités,

' Condamné la SAS HUB SAFE [Localité 19] aux dépens éventuels.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 13 mars 2024 suivant lesquelles la SAS HUB SAFE [Localité 19] demande à la cour de :

' Recevoir la SAS HUB SAFE [Localité 19] en son appel, le dire bien fondé et y faisant droit,

' Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- requalifié le licenciement pour inaptitude en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société HUB SAFE [Localité 19] à verser à Monsieur [Z] les sommes de :

- 19.800 € au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- 4.947,60 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 494,76 € au titre des congés payés afférents,

- 1.200 € au titre de l'article 700,

- lesdites condamnations étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité pour les sommes à caractère salarial et de la date de notification du jugement pour celles à caractère indemnitaire, lesdits intérêts produisant eux-mêmes intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- débouté la partie défenderesse de ses demandes reconventionnelles ;

- condamné d'office la société à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées dans la limite d'un mois d'indemnité,

' Confirmer le jugement entrepris pour le surplus

Statuant de nouveau,

' Dire que :

- la SAS HUB SAFE [Localité 19] a respecté ses obligations en matière de recherches de reclassement,

- le licenciement pour impossibilité de reclassement à la suite de l'inaptitude de M. [Z] est fondé,

' Débouter M. [Z] de ses demandes à ce titre,

Et rejetant toutes prétentions contraires, comme irrecevables et en tout cas non fondées,

' Condamner M. [Z] à verser à la SAS HUB SAFE [Localité 19] la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 13 décembre 2022, suivant lesquelles M. [Z] demande à la cour de :

' Fixer le salaire moyen à 2.473,80 €,

' Débouter la SAS HUB SAFE [Localité 19] de toutes ses demandes, fins et conclusions

' Confirmer la décision du conseil de prud'hommes qui a jugé que le licenciement de M. [Z] était dénué de toute cause réelle et sérieuse, mais l'infirmer sur le quantum,

' Infirmer la décision du Conseil de prud'hommes en ce qu'il a jugé que :

- le licenciement de Monsieur [Z] n'était pas entaché de circonstances vexatoires,

- la SAS HUB SAFE [Localité 19] n'avait pas manqué à son obligation de sécurité,

- M. [Z] n'avait pas été victime d'une mesure discriminatoire,

- la SAS HUB SAFE [Localité 19] n'avait pas manqué à son obligation de loyauté,

Et, statuant à nouveau,

' Ecarter le barème d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse fixé par l'article L.1235-3 du code du travail en appréciant in concreto que l'indemnité prévue n'est pas adéquate pour réparer l'entier préjudice de M. [Z],

' Dire et juger que :

- le licenciement de M. [Z] est entaché de circonstances vexatoires,

- la SAS HUB SAFE [Localité 19] a manqué à son obligation de sécurité à l'encontre de M. [Z],

- M. [Z] a été victime d'une mesure discriminatoire de la part de la SAS HUB SAFE [Localité 19]

- la SAS HUB SAFE [Localité 19] a violé son obligation de loyauté à l'encontre de M. [Z],

' Condamner la SAS HUB SAFE [Localité 19] à payer à M. [Z] la somme de :

- 34.633,20 € (soit 14 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4.947,60 € (2 mois de salaire) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 494,76 € de congés payés afférents,

- 7.421,40 € (3 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement vexatoire,

- 14.842,80 € (6 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- 14.842,80 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de cette mesure discriminatoire,

- 7.421,40 € (trois mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté,

- 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamner la SAS HUB SAFE [Localité 19] :

- aux entiers dépens dont frais d'exécution forcée de l'arrêt à venir,

- à payer les intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 mars 2024.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties aux conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur l'exécution du contrat de travail

Sur la discrimination

Pour infirmation, M. [Z] expose que les faits à l'origine de la discrimination qu'il impute à son employeur sont les suivants :

- avoir demandé à un salarié handicapé d'enfiler des chaussures inadaptées, et ce en public, le plongeant dans un état de stress extrême (tremblements, vomissements),

- avoir ensuite abandonné l'obligation de porter de telles chaussures.

Pour confirmation, l'employeur explique qu'il n'avait été informé que de l'existence d'un handicap, sans précisions sur sa nature, et qu'il ne pouvait donc savoir que les chaussures n'étaient pas adaptées. Il ajoute que l'obligation de port de ces chaussures n'a pas été abandonnée mais reportée, et qu'elle est désormais en vigueur.

L'article L. 5213-6 du code du travail, dans sa version en vigueur du 29 mai 2008 au 8 août 2019 dispose qu' 'Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, l'employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1° à 4° et 9° à 11° de l'article L. 5212-13 d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée.

Ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en oeuvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l'aide prévue à l'article L. 5213-10 qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur.

Le refus de prendre des mesures au sens du premier alinéa peut être constitutif d'une discrimination au sens de l'article L. 1133-3.'

Selon l'article L. 1132-1 du code du travail, 'Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap'.

L'article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, M. [Z] invoque souffrir de dysgénésies des membres inférieurs et produit une attestation médicalement établie, une photographie de ses membres inférieurs ainsi que deux courriers de la maison départementale des personnes handicapées faisant état de ce que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de Loire-Atlantique lui a reconnu un taux d'incapacité entre 20 % et 45 % et s'est prononcée pour un premier accord de première demande de carte de priorité du 31 mars 2017 au 31 mars 2022.

Il ajoute que la société HUB SAFE [Localité 19] était informée de son handicap. Il produit les attestations de M. [D], chef d'équipe, M. [G], opérateur de sûreté aéroportuaire et M. [W], opérateur de sûreté, M. [N], Responsable adjoint opérationnel sûreté, dont il ressort que l'employeur de M. [Z] avait connaissance de son handicap.

M. [D] atteste : 'Il [Monsieur [Z]] me dit que son handicap ne lui permet pas de porter ces chaussures de sécurité, ne comprend pas pourquoi on lui propose, n'émarge pas la feuille puis se dirige vers le bureau chef d'équipe où se trouvent [M] [Y] et [B] [F]. Il redit la même chose aux deux coordinateurs'.

Le témoignage de M. [N], permet également de corroborer la version de M. [Z] :

' Quelques semaines plus tôt, lors d'une entrevue entre M. [F], M. [Z] et moi-même, M. [F] a prévenu M. [Z] que les chaussures de sécurité deviendraient prochainement obligatoires et que, ayant eu écho d'éventuelles difficultés pour M. [Z] de pouvoir les porter, il l'invitait à prendre contact avec la médecine du travail afin d'en être dispensé '.

Il en est de même du témoignage de M. [G], ancien collègue et délégué du personnel au sein de HUB SAFE [Localité 19] ainsi rédigé : ' Je m'adresse à Mr [N], en tant que responsable opérationnel adjoint, je lui demande pour quel motif vous forcez Mr [Z] à porter des chaussures de sécurité, vous connaissez tous son handicap. Mr [D] et Mr [N] me répondent que c'est une obligation et qu'ils n'ont pas le choix '.

Malgré cette connaissance de son handicap par son employeur, M. [Z] fait valoir que la société HUB SAFE [Localité 19] lui a ordonné de mettre les chaussures inadaptées, et ce publiquement devant ses collègues et les usagers de l'aéroport, le 11 janvier 2018, et malgré son refus réitéré de les porter, ce qu'il indique avoir vécu comme des agissements humiliants de son employeur à son encontre.

Cette demande réitérée de son employeur l'a mis dans un état de stress extrême et l'a complètement bouleversé, nécessitant qu'il soit conduit par M. [D] et M. [G] à l'infirmerie de l'aéroport de [Localité 19], ce dont attestent ses deux collègues et ainsi qu'il ressort de la déclaration d'incident du PC sécurité de l'aéroport de [Localité 19].

Il ressort enfin des constats de l'infirmière de l'aéroport et de l'attestation de l'épouse de M. [Z], Mme [H], que le salarié a été pris de tremblements généralisés à la suite des échanges intervenus avec son chef de site, M. [F].

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que M. [Z] établit l'existence matérielle de faits qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination à son encontre.

C'est en vain que l'employeur expose que la Société HUB SAFE [Localité 19] a fait paraître le 22 novembre 2017 une note de service obligeant le port de chaussures de sécurité pour tous les agents masculins au 15 décembre 2017, en ce qu'il est établi que l'employeur était au courant du handicap de son salarié et qu'il aurait dû rechercher des solutions afin de trouver des chaussures de sécurité adaptées à ce dernier, d'autant que M. [Z] a de nouveau indiqué à son employeur ne pouvoir porter les chaussures de sécurité le 11 janvier 2018.

Il est au surplus établi que l'obligation de porter des chaussures de sécurité a ensuite été suspendue quelques temps après pour tous les salariés par la société HUB SAFE [Localité 19] alors alors que M. [Z] se trouvait en arrêt de travail.

Si l'employeur a bien contacté le médecin du travail et produit le rappel de rendez-vous en date du 4 janvier 2018 en procédure, ce n'est que par voie d'affirmation qu'il expose que M. [Z] ne s'est pas rendu au rendez-vous.

Le fait d'omettre volontairement de prendre en compte le handicap d'un salarié et de contraindre un salarié handicapé à se comporter comme un salarié en parfait état de santé est une discrimination.

Le moyen soulevé par l'employeur selon lequel M. [Z] se serait simplement vu remettre les chaussures sans obligation de les essayer en public est inopérant en ce que la simple remise des chaussures inadaptées, par un employeur ayant connaissance de la nature du handicap du salarié, suffit à caractériser la discrimination en raison du handicap.

Il est par ailleurs inopérant pour l'employeur de préciser qu'il n'a pas souhaité humilier son salarié en ce qu'aucun élément intentionnel n'est nécessaire à prouver la discrimination.

S'il n'est pas attesté que M. [Z] a essayé les chaussures, il est en revanche établi qu'il lui a été indiqué qu'il devait les porter 'immédiatement et [que] dans le cas contraire il ne pouvait pas assurer son service et devait donc rentrer chez lui conformément à la note de service et aux consignes données'.

Il est enfin inopérant pour l'employeur de prétendre que M. [Z] a réagi démesurément alors que le port des chaussures de sécurité lui a été présenté comme une obligation sous peine de ne pouvoir exercer ses fonctions.

La discrimination est donc établie en ce que l'employeur échoue à prouver que les faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination mais aussi en ce qu'il ne rapporte pas la preuve d'avoir pris les mesures appropriées à assurer l'égalité de traitement entre le travailleur handicapé et les autres travailleurs.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [Z] de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la discrimination.

Son préjudice doit être évalué à 5.000 euros.

Sur l'obligation de sécurité

Pour infirmation à ce titre, M. [Z] fait valoir avoir subi un état de stress extrême puis une dépression à la suite de l'incident du 11 janvier 2018. Il expose que son employeur n'a ainsi pas pris les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité et protéger sa santé mentale. Il ajoute que l'absence de chaussures adaptées à son handicap est également un manquement de l'employeur à ses obligations.

Pour confirmation à ce titre, la société HUB SAFE [Localité 19] expose qu'elle a toujours apporté un soin particulier à l'adaptation des horaires de travail au regard des exigences des avis médicaux. Elle ajoute que M. [Z] ne caractérise pas l'existence d'un préjudice certain pas plus qu'il n'établit de lien de causalité avec un quelconque fait dommageable.

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

L'obligation générale de sécurité se traduit par un principe de prévention au titre duquel les équipements de travail doivent être équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs.

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs que le médecin du travail est habilité à prendre en application de l'article L. 4624-1 du code du travail dans sa version en vigueur jusqu'au 19 août 2015.

Respecte l'obligation de sécurité, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail (actions de prévention, d'information, de formation...) et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.

En l'espèce, la société HUB SAFE [Localité 19] aurait dû prendre des mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé mentale de M. [Z], ce qu'elle échoue à prouver.

La société HUB SAFE [Localité 19] aurait dû mener des actions de prévention des risques professionnels, et notamment des risques psychosociaux, ce dont elle ne justifie pas.

C'est à tort que les premiers Juges ont décidé qu' 'en rendant obligatoires les chaussures de sécurités, HUB SAFE [Localité 19] [avait] pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique des travailleurs' et que partant l'entreprise avait parfaitement rempli son obligation de sécurité.

En effet, l'obligation de sécurité se conçoit à l'égard du salarié qui l'invoque. En l'espèce, il ne peut être retenu que l'obligation de porter des chaussures de sécurité non adaptées à un handicap ayant pour effet de déformer les pieds du salarié était de nature à assurer la sécurité de M. [Z].

Au vu des pièces fournies au dossier, le 11 janvier 2018, M. [Z] a bien été mis en demeure de porter ces chaussures de sécurité par son supérieur. Cette demande a entraîné un choc traumatique attesté par l'infirmière de l'aéroport de [Localité 19] qui a reçu M. [Z] le jour-même.

La Cour relève que le préjudice de M. [Z] est avéré en qu'il a été placé en arrêt de travail le 12 janvier 2018, soit le lendemain de l'incident, à cause des agissements de la société HUB SAFE [Localité 19] à son encontre.

Il ressort de l'attestation du médecin traitant de M. [Z] qu'il a été placé en arrêt de travail en raison d'un état dépressif réactionnel à un stress professionnel.

En ce que ce préjudice est distinct de celui indemnisé au titre de la discrimination, il sera alloué à M. [Z] la somme de 2.000 euros sur ce fondement.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur l'obligation de loyauté

Pour infirmation à ce titre, M. [Z] fait valoir avoir subi une humiliation le 11 janvier 2018, en lui demandant d'enfiler des chaussures tout en sachant qu'il ne pouvait les porter.

Pour confirmation, la société expose ne pas avoir fait subir d'humiliation à M. [Z].

L'article L.1222-1 du Code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

En l'espèce, s'il est établi que l'employeur de M. [Z] avait connaissance de la situation de handicap du salarié, il ne ressort pas des pièces de la procédure que la société a manqué à son obligation de bonne foi ou de loyauté.

Il n'est en effet pas démontré que l'employeur ait agi de manière déloyale, c'est-à-dire volontairement à l'encontre des intérêts du salarié.

L'exécution déloyale n'est en conséquence pas caractérisée et la demande indemnitaire formulée de ce chef est rejetée.

Le salarié ne démontrant pas que la société HUB SAFE a agi délibérément dans l'intention de nuire, il y a lieu de le débouter de ses demandes indemnitaires à ce titre.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

2. Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

A titre liminaire, la Cour constate qu'il n'est pas fait état dans la procédure d'une maladie professionnelle ou d'un accident professionnel et que les parties s'accordent à considérer que l'inaptitude est d'origine non professionnelle. En outre, le médecin du travail ne fait pas référence dans son avis médical à un quelconque accident de travail et à une inaptitude d'origine professionnelle.

Pour confirmation, M. [Z] expose que son employeur a manqué à son obligation de reclassement en ne recherchant pas des postes au sein de l'ensemble du groupe et en ne consultant pas les délégués du personnel.

Pour infirmation, l'employeur explique avoir recherché des postes administratifs auprès de différents aéroports où la société exerçait, mais ne pas en avoir trouvé, ceux-ci étant très rares.

En vertu de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2018, 'Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail'.

Il ressort de ce texte que l'employeur est tenu de proposer au salarié déclaré inapte à son poste un autre emploi approprié à ses capacités, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Il appartient à l'employeur qui prétend s'être trouvé dans l'impossibilité d'effectuer un tel reclassement d'en rapporter la preuve. Cette recherche de reclassement doit être mise en 'uvre de façon loyale et personnalisée.

Il résulte des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1, alinéas 2 et 3, du code du travail, en leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l'employeur de consulter les délégués du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Le comité social et économique ou les délégués du personnel doivent être consultés sur les propositions de reclassement faites au salarié déclaré inapte à son poste par le médecin du travail et ce, indépendamment de la taille de l'entreprise et de l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude.

La consultation doit ainsi intervenir entre le constat d'inaptitude établi par le médecin du travail et l'éventuelle proposition de reclassement faite au salarié.

Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de reclasser le salarié, la consultation doit dans tous les cas être organisée avant que la procédure de licenciement ne soit mise en oeuvre.

En l'espèce, l'avis d'inaptitude a été prononcé le 12 février 2018, soit un mois après le début de l'arrêt de travail de M. [Z], le 12 janvier 2018.

Par note de service en date du 26 janvier 2018, l'employeur informe l'ensemble des salariés de l'absence d'obligation de porter les chaussures de sécurité.

La Cour relève que l'employeur remet en cause le port des chaussures de sécurité mais ne réexamine pas la situation de M. [Z], toujours salarié de l'entreprise à cette date.

Sont produites en procédure les recherches effectuées auprès d'AEROPORT de [Localité 22] (ADP), ADP ingénierie [Localité 6], ADP [Localité 21] Aérogare, SAMSIC propreté ([Localité 16], [Localité 7], [Localité 15], [Localité 25], [Localité 31], [Localité 20] Côte d'Azur, [Localité 26], [Localité 9], [Localité 8], [Localité 30], [Localité 5], [27], [Localité 10], [Localité 23], [Localité 14] [Localité 28], [Localité 23], [Localité 29], [Localité 24], [Localité 11], [Localité 18]), HUB ONE, LA PROVIDENCE ([Localité 13] et [Localité 17]).

L'organigramme du groupe HUB SAFE versé aux débats ne permet pas d'apporter la preuve de ce que les recherches de reclassement ont été effectuées au sein de l'entier groupe, contrairement à ce qu'affirme l'employeur.

Au surplus, la preuve de ce que les représentants du personnel ont été consultés sur les propositions de reclassement de M. [Z] n'est pas rapportée. En effet, la pièce n°15 de l'employeur, intitulée 'Information DP possibilités de reclassement' n'est pas datée. Ce n'est au demeurant que par voie d'affirmation que l'employeur fait état de la présentation de cette fiche à une réunion des délégués du personnel le 18 avril 2018, sans qu'il ne puisse rapporter la preuve de la tenue de cette réunion.

Enfin, est mentionné au sein de cette fiche d'information que l'inaptitude a une origine professionnelle, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Par conséquent, à défaut de la preuve du recueil de cet avis et de la preuve de ce que les recherches ont été effectuées au sein de l'ensemble du groupe, la Cour constate que l'obligation de reclassement n'est pas satisfaite et déclare que le licenciement qui s'en suit est sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

3. Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail

En l'espèce, M. [Z] ayant été déclaré inapte le 12 février 2018, ce sont les dispositions issues de la loi du 8 août 2016 entrée en vigueur le 1er janvier 2017, qui s'appliquent.

Ayant été licencié le 3 mai 2018, ce sont les dispositions postérieures à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 (entrée en vigueur le 27 septembre 2017) qui sont applicables.

Sur la rupture vexatoire

Les juges du fond doivent caractériser le comportement fautif de l'employeur, les conditions vexatoires ou brutales ayant entouré la procédure ainsi que le préjudice distinct de celui résultant du licenciement ou de la sanction prononcée et examiner l'ensemble des éléments avancés par le salarié.

En l'espèce, le comportement fautif de l'employeur ayant causé un préjudice distinct du licenciement n'est pas rapporté.

Dès lors, il ne sera pas alloué à M. [Z] de somme en réparation de ce préjudice.

Le jugement entrepris sera confirmé de chef.

Sur l'indemnité de préavis

M. [Z] demande une indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire, outre les congés payés afférents.

La société n'avance aucun argument particulier portant sur l'indemnité compensatrice de préavis.

L'article L.1234-1 du code du travail énonce que lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, d'un préavis de deux mois.

M. [Z] est fondé à solliciter l'octroi d'une somme de 4.947,60 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 494,76 € brut au titre des congés payés afférents.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L'article L.1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte d'emploi. Le montant de cette indemnité est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés en nombre de mois de salaire, en fonction de l'ancienneté du salarié.

M. [Z] sollicite l'inapplicabilité du plafond d'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il expose notamment que les avis du 17 juillet 2019 de la Cour de cassation ne lient pas les juges du fond. Il en déduit qu'il convient donc de maintenir l'argumentation consistant à démontrer en l'espèce que le plafond de 12 mois de salaire ne répare aucunement le préjudice subi par M. [Z] de façon intégrale et adéquate.

À cet égard, il sera relevé que, aux termes de l'article 10 de la Convention n°158 de l'organisation internationale du travail (OIT), les organismes mentionnés à l'article 8 de la convention doivent, s'ils arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée, que ces stipulations sont d'effet direct en droit interne, que selon la décision du Conseil d'administration de l'OIT le terme 'adéquat' visé à l'article 10 signifie que l'indemnité pour licenciement injustifié doit, d'une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injusitifé, et d'autre part raisonnablement permettre l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

Or, les dispositions des articles L.1235-3, L.1235-3-1 et L.1235-4 du code du travail, et notamment celles de l'article L.1235-3 qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 précité avec les stipulations duquel elles sont compatibles.

Il sera relevé en outre que les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers de sorte que l'argument tiré de la décision du CEDS du 26 septembre 2022 est inopérant.

En conséquence, M. [Z] est fondé à réclamer une indemnité comprise entre 3 et 12 mois de salaire, compte tenu de son ancienneté.

Les pièces qu'il produit établissent sa situation précaire postérieurement au licenciement.

Au regard de ses 14 ans d'ancienneté, de son âge lors de la rupture (36 ans), du montant mensuel de son salaire brut (2.473,80 €), de la situation auprès des organismes sociaux dont il justifie, des attestations relatives à son prêt immobilier et son crédit à la consommation, et de la notification du licenciement pour inaptitude de sa conjointe justifié en procédure, il y a lieu de lui accorder la somme de 19.800 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il ne sera par conséquent pas fait droit à la demande de M. [Z] d'écarter l'application du barème d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse fixé par l'article L.1235-3 du code du travail.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le remboursement des indemnités FRANCE TRAVAIL

Par application combinée des articles L.1235-3 et L.1235-4 du code du travail, lorsque le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Sur ce fondement, il y a lieu de condamner la société HUB SAFE à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées, le cas échéant, à M. [Z] à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de six mois d'indemnités.

Le jugement sera confirmé de ce chef sauf en ce qu'il a limité le remboursement à un mois d'indemnités.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Les dépens d'appel sont à la charge de l'employeur, partie succombante.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. [Z] l'intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'employeur est débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas fait droit aux demandes indemnitaires de M. [Z] au titre de l'obligation de sécurité et de la discrimination et en ce qu'il a limité le remboursement aux organismes intéressés au titre des indemnités de chômage à un mois d'indemnités ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société HUB SAFE à verser à M. [Z] les sommes suivantes :

- 2.000 euros de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité ;

- 5.000 euros de dommages et intérêts au titre de la discrimination ;

CONDAMNE la société HUB SAFE à rembourser aux organismes concernés les éventuelles indemnités de chômage payées à M. [Z] dans la limite de six mois d'indemnités ;

RAPPELLE qu'en application de l'article 1231-6 du code civil les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire, en application de l'article 1231-7 du code civil, porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

CONDAMNE la société HUB SAFE à verser à M. [Z] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre la somme déjà allouée en première instance sur ce fondement ;

DÉBOUTE la société HUB SAFE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société HUB SAFE aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/02961
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;21.02961 ?
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