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18/06/2024 | FRANCE | N°24/00263

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 18 juin 2024, 24/00263


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/120

N° RG 24/00263 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U4EN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eri

c LOISELEUR, greffier placé,



Statuant sur l'appel formé le 17 Juin 2024 à 16H18 par la CIMADE pour :



M. [D] [I] [G]

né le 04 Oct...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/120

N° RG 24/00263 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U4EN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eric LOISELEUR, greffier placé,

Statuant sur l'appel formé le 17 Juin 2024 à 16H18 par la CIMADE pour :

M. [D] [I] [G]

né le 04 Octobre 1999 à [Localité 1] (SOUDAN)

de nationalité Soudanaise

ayant pour avocat Me Nawal SEMLALI, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 14 Juin 2024 à 17H32 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a rejeté ordonné la prolongation du maintien de M. [D] [I] [G] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de trente jours à compter du 14 juin 2024 à 09H33;

En l'absence de représentant du préfet de la Sarthe, dûment convoqué,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 17 juin 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence de [D] [I] [G], représenté par Me Nawal SEMLALI, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 18 Juin 2024 à 10 H 30 l'avocat en ses observations, en présence de M. [R] [L], interprète en langue Arabe, convoqué pour les besoins de la procédure,

Avons mis l'affaire en délibéré et le 18 Juin 2024 à 15H00, avons statué comme suit :

M. [D] [I] [G] a fait l'objet d'un arrêté du 27 février 2024, notifié le même jour, portant transfert d'un demandeur d'asile aux autorités italiennes responsables de sa demande d'asile par le préfet de Seine-Maritime.

M. [D] [I] [G] a été placé en rétention administrative le 15 mai 2024 à 9 h 33 après notification d'un arrêté de M. le préfet de la Sarthe du même jour.

Par requête introduite par M. [D] [I] [G], l'intéressé a contesté son arrêté de placement en rétention administrative.

Par requête en date du 16 mai 2024, reçue le même jour, le Préfet de la Sarthe a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal de Rennes d'une demande de prolongation de la mesure de rétention.

Par ordonnance du 16 mai 2024, notifiée le même jour à 17 h 45, le juge des libertés et de la détention du tribunal de Rennes a ordonné la prolongation du maintien de M. [D] [I] [G] dans les locaux non pénitentiaires pour une délai maximum de 28 jours à compter du 17 mai 2024.

M. [D] [I] [G] a interjeté appel de cette ordonnance le 17 mai 2024. La décision a été entièrement confirmée par arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 18 mai 2024.

Par requête en date du 13 juin 2024, reçue le 14 juin 2024, le Préfet de la Sarthe a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal de Rennes d'une nouvelle demande de prolongation de la mesure de rétention.

Par ordonnance en date du 14 juin 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal de Rennes a ordonné la prolongation du maintien de M. [D] [I] [G] dans les locaux non pénitentiaires pour une délai maximum de 30 jours à compter du 14 juin 2024.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 17 juin 2024 à 16h18, M. [D] [I] [G] a formé appel de cette ordonnance.

L'appelant fait valoir, au soutien de sa demande d'infirmation de la décision entreprise, les moyens suivants :

- sur la recevabilité du recours en annulation de l'arrêté portant modification de placement en rétention administrative

- sur l'incompétence de l'auteur de l'acte

- sur la légalité du placement en rétention administrative au regard du statut de demandeur d'asile

sur la léglité du placement en rétention administrative sur le fondement d'une rétention retour eu égard au statut de demandeur d'asile

- sur le défaut d'examen complet et approfondi de la situation, l'erreur d'appréciation et le défaut de motivation

- sur l'atteinte aux droits

- sur l'absence de perspectives raisonnables d'éloignement

Le procureur général, suivant avis écrit du 17 juin 2024, sollicite la confirmation de la décision entreprise.

M. [D] [I] [G] est absent à l'audience, n'ayant pas souhaité être présent au regard de son indisposition.

Son conseil, en réponse à la possible irrecevabilité du moyen portant sur la qualité du signataire ayant produit l'arrêté administratif en date du 13 juin 2024 venant substituer le fondement de la mesure de rétention administrative, a indiqué que cette question était bien comprise dans la requête ayant saisi initialement le premier juge et devait donc être maintenue au débat. Au surplus, il a soutenu les moyens développés au mémoire déposé.

SUR QUOI :

L'appel est recevable pour avoir été formé dans les formes et délais prescrits.

Sur la recevabilité du recours en annulation de l'arrêté du 13 juin portant modification de l'arrêté de placement en centre de rétention administrative

Le conseil de M. [D] [I] [G] soutient la recevabilité du recours en annulation de l'arrêté contesté au motif qu'il s'agit bien d'un arrêté venant nouvellement fonder la mesure de rétention dès lors qu'il s'agit d'une décision venant abroger l'arrêté initial et ce, sur la base du droit au recours effectif tel que soutenu par la CEDH et la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.

L'article 5 de la convention européenne des droits de l'homme, qui consacre le droit à la liberté et à la sûreté, dispose que ' toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales:

a) s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent;

b) s'il a fait l'objet d'une arrestation ou d'une détention régulières pour insoumission à une ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vue de garantir l'exécution d'une obligation prescrite par la loi;

c) s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci;

d) s'il s'agit de la détention régulière d'un mineur, décidée pour son éducation surveillée ou de sa détention régulière, afin de le traduire devant l'autorité compétente;

e) s'il s'agit de la détention régulière d'une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d'un aliéné, d'un alcoolique, d'un toxicomane ou d'un vagabond;

f) s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulières d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours.

Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle.

Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l'intéressé à l'audience.

Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.

Toute personne victime d'une arrestation ou d'une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation.'

L'article 13 de la convention européenne des droits de l'homme, qui consacre le droit à un recours effectif, dispose que 'toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles'

Ces dispositifs, transcrits dans la législation nationale sur la question de l'entrée et du séjour des personnes étrangères, ont été introduits par le truchement de l'article L731-1 du CESEDA qui dispose que 'l'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :

1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;

2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8;

3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;

4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat en application de l'article L. 621-1 ;

5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;

6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;

7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal;

8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.

L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article.

L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.

Mais également à travers les dispositions des article L741-1 du CESEDA qui prévoit que 'l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.'

Et enfin, à travers les dispositions de l'article L741-10 du CESEDA qui prévoit que ' l'étranger qui fait l'objet d'une décision de placement en rétention peut la contester devant le juge des libertés et de la détention, dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification.

Il est statué suivant la procédure prévue aux articles L. 743-3 à L. 743-18.'

En l'espèce, si M. [D] [I] [G] a effectivement fait l'objet d'une mesure initiale de rétention administrative le 15 mai 2024, à l'encontre de laquelle il a régulièrement produit un recours le 16 mai 2024, il convient de souligner que cette mesure se fondait exclusivement sur les dispositions encadrant le transfert d'un demandeur d'asile auprès des autorités nationales responsables de la demande d'asile, telles qu'encadrées par les articles L731-1 et L621-1 du CESEDA.

Cette mesure n'a pas pu prospérer de telle sorte que le Préfet du Maine et Loire, par a, par décision du 13 juin 2024, fait application de l'article 17.1 du règlement DUBLIN III, rendant ainsi la France responsable de cette demande d'asile.

En conséquence de quoi, l'arrêté du 13 juin 2024, portant modification du premier arrêté de placement en rétention administrative en lui substituant un autre fondement légal, basé exclusivement sur les dispositions des articles L611-1 et suivants du CESEDA et dont les conditions d'examen diffèrent, est venu imposer à l'appelant un cadre juridique distinct en abrogeant la première décision.

A cet égard, il convient d'observer que l'autorité administrative a acté de cette transformation en ouvrant, à la notification de cet arrêté, les mêmes droits que ceux offerts lors de la notifcation de la mesure initiale, soit un droit à un recours gracieux ou hiérarchique, mais également juridictionnel, devant la juridiction judiciaire.

Dès lors, et puisque le support de la mesure de rétention administrative a été repris et qu'il s'en déduit des distinctions manifestes dans ses conditions d'application, notamment pour ce qui concerne les motifs de placement et les garanties de représentation, il convient de considérer que l'organisation de cette décision a effectivement ouvert une nouvelle période de contestation de 48 heures, telle que prévue par les dispositions de l'article L741-10 du CESEDA, soit à compter du 13 juin 2024, s'agissant bien d'une mesure de placement en rétention administrative qui se construit selon des critères distincts.

L'examen de cette requête devant le premier juge, en date du 15 juin 2024, a également respecté les délais requis et il s'en déduit que ce recours sur la légalité de l'acte est recevable sur la forme et le fond.

Sur la légalité du placement en rétention administrative d'une personne disposant du statut de demandeur d'asile :

Le conseil de M. [D] [I] [G] soutient que dès lors que la France a fait application des dispositions de l'article 17.1 du traité DUBLIN III, elle devenait responsable de la demande d'asile de l'intéressé, devait tenir compte de cette procédure en cours en reconnaissant ce statut pour finalement en tirer toutes conséquences sur le principe de la rétention administrative.

Il résulte des dispositions internationales, et notamment de l'article 17.1 du règlement de Dublin, Règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003

que '1. L'État membre auprès duquel une demande d'asile a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut requérir ce dernier aux fins de prise en charge dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois après l'introduction de la demande d'asile au sens de l'article 4, paragraphe 2.

Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans le délai de trois mois, la responsabilité de l'examen de la demande d'asile incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite.'

De plus, l'article 29 du même règlement dispose que 'le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne.

Il est applicable aux demandes d'asile présentées à partir du premier jour du sixième mois suivant son entrée en vigueur et s'appliquera, à compter de cette date, à toute requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de demandeurs d'asile, quelle que soit la date à laquelle la demande a été faite. La détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile introduite avant cette date se fait conformément aux critères énoncés dans la convention de Dublin.

Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans les États membres conformément au traité instituant la Communauté européenne.'

L'article L541-1 du CESEDA dispose que le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français.

L'article L541-2 du CESEDA dispose que l'attestation délivrée en application de l'article L. 521-7, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile statuent.

L'article L541-3 du CESEDA dispose que, sans préjudice des dispositions des articles L. 753-1 à L. 753-4 et L. 754-1 à L. 754-8, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une décision d'éloignement prise en application du livre VI, cette dernière ne peut être mise à exécution tant que l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français, dans les conditions prévues aux articles L. 542-1 et L. 542-2.

En l'espèce, il ressort des éléments non contestés de la procédure que M. [D] [I] [G] a déposé une demande d'admission au titre de l'asile le 19 octobre 2023 auprès de la Préfecture du Calvados. Toutefois, il a été acté, après passage auprès de la borne EURODAC, qu'une précédente demande avait été déposée auprès des autorités italiennes en date du 15 septembre 2023, sans qu'il soit défini, depuis l'état de l'examen de cette demande.

Si les autorités italiennes ont été saisies le 7 novembre 2023 d'une demande de reprise en charge découlant des dispositions précitées et qu'elles en ont accepté le principe de manière implicite, à compter du 8 janvier 2024 en vertu de l'article 25.2 du règlement communautaire n°604/2013, cette procédure a pris fin à compter du 13 juin 2024 avec le refus de transfert formalisé par ce pays tiers.

Au regard de ce refus de l'Italie de récupérer M. [D] [I] [G], malgré sa demande initiale d'asile, l'administration française, par fiche de décision en date du 13 juin 2024, a acté qu'elle devenait responsable de la demande d'asile de ce dernier au regard des circonstances de l'espèce et de manière discrétionnaire, au visa des dispositions de l'article 17.1 du règlement européen précité.

En prenant cette décision, il revenait alors à l'autorité administrative, qui a acté de la réalité du dépôt de demande d'asile formalisée par M. [D] [I] [G] dès le mois d'octobre 2023 auprès de ses services, de justifier du devenir de son traitement et c'est par une erreur d'appréciation qu'elle a cru devoir simplement réouvrir un droit à une telle demande en remettant, à date du 13 juin 2024, un formulaire de dépôt de nouvelle demande d'asile.

Par suite, et alors qu'il est indifférent que M. [D] [I] [G] dispose ou non d'éléments probants supplémentaires (notamment un récépissé de dépôt), puisque la réalité de sa démarche n'est pas contestée, il convient de considérer que l'intéressé a bien introduit régulièrement une demande d'asile auprès de la France, pays désormais responsable, dont l'examen apparaît être toujours en cours, faute d'éléments contraires ou de motifs d'extinction de la responsabilité de la France sur cette question, tels que prévus par l'article 19 du règlement communautaire n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Dans ces conditions, aucune mesure d'éloignement n'a vocation à être exécutée à l'encontre de M. [D] [I] [G] avant qu'il ne soit statué définitivement sur sa demande.

En conséquence de quoi, il s'en déduit que l'arrêté portant modification de l'arrêté de placement en centre de rétention administrative en date du 13 juin 2024, en ignorant la réalité du statut juridique de M. [D] [I] [G], a indûment poursuivi cette mesure de rétention administrative qui ne répondait plus au nouveau cadre légal choisi par l'administration et aux principes de protection accordés aux demandeurs d'asile.

Par suite, la cour considère qu'il convient d'infirmer l'ordonnance dont appel, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés ou le fond, et statuant à nouveau de rejeter la requête du Préfet du la Sarthe, d'ordonner qu'il soit mis fin à la rétention administrative de M. [D] [I] [G].

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement,

Déclarons l'appel recevable,

Infirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en date du 15 juin 2024,

Statuant à nouveau,

Rejetons la requête du Préfet de la Sarthe,

Ordonnons qu'il soit mis fin sans délai à la rétention administrative de M. [D] [I] [G],

Laissons les dépens à la charge du trésor public,

Fait à Rennes, le 18 Juin 2024 à 15H00

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [D] [I] [G], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00263
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;24.00263 ?
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