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18/06/2024 | FRANCE | N°23/05388

France | France, Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 18 juin 2024, 23/05388


3ème Chambre Commerciale





ARRÊT N° 258



N° RG 23/05388 - N° Portalis DBVL-V-B7H-UDFU



(Réf 1ère instance : 2023001010)









S.A.S. MAN TRUCK & BUS FRANCE



C/



S.A.R.L. [M] [R] SARL

































Copie exécutoire délivrée



le :



à :

Me VERRANDO

Me LHERMITTE



Copie délivrée le :



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à :



TC Nantes







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 JUIN 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia...

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N° 258

N° RG 23/05388 - N° Portalis DBVL-V-B7H-UDFU

(Réf 1ère instance : 2023001010)

S.A.S. MAN TRUCK & BUS FRANCE

C/

S.A.R.L. [M] [R] SARL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me VERRANDO

Me LHERMITTE

Copie délivrée le :

à :

TC Nantes

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Avril 2024 devant Madame Fabienne CLEMENT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.S. MAN TRUCK & BUS FRANCE, société immatriculée au RCS d'[Localité 3] sous le numéro 318 919 065, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Frédéric DEREUX de la SELAS CHARLES RUSSELL SPEECHLYS FRANCE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Caroline MOREL, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.A.R.L [M] MAROT, société immatriculée au RCS de Angers sous le n° 487 730 202, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Bertrand BRECHETEAU de la SELAS AVOCONSEIL, Plaidant, avocat au barreau d'ANGERS

FAITS

Le 23 juillet 2021, M. [R] gérant de la société [M] [R] a passé commande auprès de la société MAN TRUCK & BUS FRANCE (MTB) d'un véhicule poids lourd de marque MAN de type TGX.

La date de livraison initiale du véhicule MAN était fixée au 2 février 2022.

Le véhicule n'a pas été livré à la date initialement convenue.

Les 8 mars 2022 et 5 avril 2022, la société MTB a diffusé des communiqués dans lesquels elle signalait des difficultés d'approvisionnements qui impliquaient des retards dans ses livraisons.

Le 17 mai 2022, la société MAN TRUCK & BUS FRANCE a informé la société [M] [R] de son impossibilité de livrer la commande dans les temps et a proposé un aménagement voire une annulation de la commande.

La société [M] [R] a refusé ces propositions et sollicité la livraison du camion.

A défaut de livraison du camion malgré plusieurs échanges entre les parties, la société [M] [R] a fait assigner la société MTB par acte du 20 janvier 2023 devant le président du tribunal de commerce de Nantes statuant en référés pour obtenir, sur le fondement de l'article 873 du code de procédure civile, la condamnation de cette dernière à la livraison du véhicule sous astreinte, ainsi qu'au paiement d'une provision en réparation de ses préjudices.

Le véhicule a finalement été livré à la société [M] [R] le 2 mai 2023.

Par ordonnance du 29 août 2023 le juge des référés a :

Au fond, renvoyé les parties à se pourvoir comme il appartiendra ;

Dés à présent, vu l'urgence, par provision, tous droits et moyens des parties étant réservés ;

s'est déclaré compétent

- Condamné la société MAN TRUCK & BUS France à payer à la société [R] la somme de 36 928,19 euros à titre provisionnel ;

- Condamné la société MAN TRUCK & BUS France à payer à la société [R] la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du CPC ;

- Débouté la société MAN TRUCK & BUS France de ses demandes ;

- Condamné la société MAN TRUCK & BUS France aux dépens de l'instance dont frais de Greffe liquidés a 40.67 euros TTC.

La société MAN TRUCK & BUS FRANCE a fait appel de l'ordonnance le 13 septembre 2023.

La société [M] [R] a refusé la tentative de médiation proposée par le président de la chambre commerciale de la cour d'appel de Rennes.

L'ordonnance de clôture est en date du 21 mars 2024.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses écritures notifiées le 20 mars 2024 la société MAN TRUCK & BUS France demande à la cour au visa des article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, 1102, 1103 et 1104 du code civil, 1218 du code civil de :

- Recevoir la société MAN TRUCK & BUS France en son appel, le dire bien fondé et y faisant droit,

- Infirmer et au besoin réformer l'ordonnance rendue par Monsieur le Président du tribunal de commerce de Nantes le 29 août 2023 en ce qu'elle a jugé :

« - Au fond, renvoie les parties à se pourvoir comme il appartiendra,

Dès à présent, vu l'urgence, par provision, tous droits et moyens des parties étant réservés ;

- Se déclare compétent

- Condamne la société MAN Truck & Bus France à payer à la société [R] la somme de 36 928,19 euros à titre provisionnel ;

- Condamne la société MAN Truck & Bus France à payer à la société [R] la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du CPC

- Déboute la société MAN Truck & Bus France de ses demandes ;

- Condamne la société MAN Truck & Bus France aux dépens de l'instance dont frais de Greffe liquidés à 40.67 € TTC »

Et statuant à nouveau :

In limine litis et à titre principal sur la compétence territoriale :

- Juger que Monsieur le Président du tribunal de commerce de Nantes était incompétent ;

En conséquence,

- Renvoyer l'affaire à Monsieur le Président du tribunal de commerce de Paris, seul compétent pour en connaître ;

A titre subsidiaire sur le défaut de pouvoir :

- Juger que l'obligation de livraison dont [M] [R] réclame l'exécution fait l'objet de contestations sérieuses ;

En conséquence,

- Débouter [M] [R] de l'ensemble de ses demandes provisionnelles;

- Renvoyer [M] [R] à mieux se pourvoir ;

En tout état de cause :

Et rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse mal fondée,

- Condamner [M] [R] à verser à la société MAN TRUCK & BUS France la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens, avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.

Dans ses écritures notifiées le 19 mars 2024 la société [M] [R] demande à la cour au visa des articles 873 alinéa 2 du code de procédure civile et 1103 du code civil, de

In limine litis,

- Confirmer l'Ordonnance du 29 août 2023 aux termes de laquelle Monsieur le Président du tribunal de commerce de Nantes s'est déclaré compétent pour connaître du présent litige ;

Et,

- Confirmer l'ordonnance rendue par Monsieur le Président du Tribunal de commerce de Nantes le 29 août 2023 en ce qu'elle a :

' Condamné la société MAN TRUCK & BUS FRANCE à payer à la société [M] [R] la somme de 36 928, 19 euros à titre provisionnel ;

' Condamné la société MAN TRUCK & BUS FRANCE à payer à la société [M] [R] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

' Débouté la société MAN TRUCK & BUS FRANCE de ses demandes ;

' Condamné la société MAN TRUCK & BUS FRANCE aux dépens de l'instance dont frais de Greffe liquidés à 40,67 euros TTC ;

- Débouter la société MAN TRUCK & BUS FRANCE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

En tout état de cause :

- Condamner la société MAN TRUCK & BUS FRANCE à payer à la société [M] [R] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure en appel ;

- Condamner la société MAN TRUCK & BUS FRANCE à supporter les dépens de la présente instance.

Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.

DISCUSSION

La compétence du juge des référés de Nantes

La société MTB soulève l'incompétence du juge des référés du tribunal de commerce de Nantes au profit du juge des référés du tribunal de commerce de Paris au visa d'une clause attributive de compétence figurant aux conditions générales de vente.

Les conditions générales de vente comportent une clause 22 :

Attribution de juridiction

22.1 Les tribunaux du ressort du siège social du lieu d'établissement ou du lieu de résidence du vendeur seront seuls compétents pour connaître des contestations pouvant s'élever entre l'acheteur et le vendeur à l'occasion du présent contrat ou de ses suites.

22.2 Cependant de convention expresse dans la cas où la société MAN TRUCK & BUS FRANCE serait mise en cause la tribunal de commerce de Paris sera seul compétent qu'il s'agisse d'une demande principale, d'un appel en garantie ou en intervention forcée d'une assignation en référé même en cas de pluralité de défendeurs pour connaître des contestations pouvant s'élever entre l'acheteur et le vendeur à l'occasion du présent contrat ou de ses suites

L'acheteur et le cas échéant le vendeur s'obligent expressément à respecter cette clause attributive de compétence même dans l'hypothèse où la société MAN TRUCK & BUS FRANCE serait appelée en garantie ou en intervention forcée alors que le tribunal initialement saisi serait celui d'une autre ressort

La société [M] [R] dont le siège social est situé à Saint-Léger-Sous-Cholet, a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Nantes pour obtenir la livraison du véhicule et des dommages et intérêts se fondant sur l'urgence tenant à la livraison.

Il est admis que le juge des référés compétent est celui qui appartient territorialement à la juridiction appelée à statuer sur le fond. Toutefois une clause attributive de juridiction est inopposable à la partie qui saisit le juge des référés laquelle peut toujours saisir de sa demande, le juge du lieu où les mesures doivent être prises ou exécutées.

Au cas d'espèce il n'est pas contesté que la société [M] [R] a saisi le juge des référés à l'origine le 20 janvier 2023 pour obtenir notamment une mesure conservatoire, la livraison du camion, lequel n'a été livré que le 2 mai 2023.

Dans ces conditions le juge des référés du tribunal de commerce de Nantes était compétent pour examiner les demandes de la société [M] [R].

Il convient de rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la société MAN TRUCK & BUS FRANCE.

L'ordonnance est confirmée de ce chef.

Les retards de livraison

La société MAN TRUCK & BUS FRANCE estime que les demandes en paiement de la société [M] [R] se heurtent à une contestation sérieuse aux motifs que les retards potentiels de livraison étaient prévus dès la commande et procèdent de cas de force majeure tirés des conséquences de la crise COVID et des évènements en Ukraine.

L'article 873 du code de procédure civil prévoit :

Le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

La société MAN TRUCK & BUS FRANCE ne conteste pas son incapacité à assurer la livraison du véhicule au 21 juillet 2022 et reconnait un retard de plus de 12 mois.

Elle a expliqué et justifié ces retards tout au long de sa relation commerciale avec la société [M] [R].

Le 8 mars 2022, un mois après la commande elle signale déjà dans un communiqué :

Objet : situation en Ukraine

Cher client,

Chaque jour, nous recevons des informations et des photos/vidéos terribles de la guerre en Ukraine.

Une guerre en Europe, personne ne pouvait ou ne voulait imaginer cela. Maintenant, c'est la réalité. Et cette réalité est terrifiante. Nos pensées vont aux personnes dont la vie est menacée, qui ont été blessées ou même tuées. Pour nous, en tant que MAN, il va sans dire que nous apportons notre aide la ou nous le pouvons dans cette situation extraordinaire et, pour nous tous, sans précédent. Nous avons pu mettre en sécurité du mieux que nous pouvions presque tous les collègues de l'organisation de vente ukrainienne et leurs familles.

MAN a réagi immédiatement après le déclenchement de la guerre et a mis en place une task force qui analyse quotidiennement la situation dans la zone de crise et détermine les effets sur notre entreprise.

Dans les usines de production, notamment an Munich et à Cracovie, la guerre en Ukraine a entrainé des pertes de production. L'approvisionnement de MAN pour certains composants nécessaires à la production de nos véhicules est interrompu depuis le 24 février. Deux fournisseurs ayant une production en Ukraine ont été contraints de fermer leurs usines. Cela a entrainé des arrêts de production et des ajustements d'équipes chez MAN Truck 8- Bus. Nos usines de composants à Nuremberg et Salzgitter subissent également des ajustements de programme.

Volkswagen Véhicules Commercial subit également des pertes de production en raison de la situation actuelle. Cela s'accompagne de restrictions dans le système et la programmation des commandes et de retards dans l'achèvement des véhicules, la livraison et l'approvisionnement en pièces d'origine. Cela a un impact direct sur la disponibilité du MAN TGE.

Nous vous demandons de comprendre que les prévisions au-dela de ce niveau ne sont actuellement pas possibles au vu de la situation volatile.

Soyez cependant assurés que nous continuerons à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour vous offrir une qualité optimale et pour réduire au maximum les délais de livraison.

Nous vous prions d'agréer, Cher Client, nos sincères salutations.

Le 5 avril 2022 elle ajoute :

Cher Client,

La guerre en Ukraine est une catastrophe humanitaire qui nous touche profondément. En tant qu'entreprise, nous aidons les personnes dans le besoin et dans leurs souffrances partout ou nous le pouvons. En outre, la guerre a un impact massif sur notre industrie et en ce qui nous concerne sur MAN Truck et Bus.

D epuis le 24 février dernier, nous faisons face à des ruptures d'approvisionnement extrêmement importantes en ce qui concerne les faisceaux électriques de camions. Immédiatement une task force a été constituée. Elle travaille sans relâche pour trouver des solutions afin de minimiser les perturbations de la chaîne d'approvisionnement. Par exemple, les structures d'approvisionnement en Ukraine pour les faisceaux électriques de camions sont actuellement en train d'être dupliquées dans d'autres pays.

Cependant, du fait de la complexité des produits, cette duplication prendra plusieurs mois avant que nous soyons en mesure de retrouver notre pleine capacité de production sur l'ensemble des gammes.

Depuis le début du mois de mars, les difficultés d'approvisionnement ont conduit à un arrêt des usines de fabrication de Munich et de Cracovie, ainsi qu'à des arrêts de production significatifs dans les usines de composants de Nuremberg et de Salzgitter. A l'heure actuelle, nous devons considérer que l'arrêt de la production des camions se poursuivra pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

Du fait des incertitudes actuelles et de cette impossibilité de sécuriser nos approvisionnements, et compte tenu des fortes augmentations du coût des matières premières, de l'énergie et de la logistique nous devons malheureusement vous informer que nous ne sommes plus en capacité de maintenir nos accords en ce qui concerne les délais de livraison et notre politique tarifaire. C'est donc avec un profond regret que nous sommes contraints de réorganiser notre portefeuille de commandes ainsi que nos capacités de production, et de revenir vers vous concernant la commande initialement confirmée. Ainsi, nous souhaitons vous donner la possibilité de passer une nouvelle commande à de nouvelles conditions de délais et de prix. Nous ferons de notre mieux pour maintenir l'ordre des commandes d'origine et donnerons la priorité à tous les clients qui ont une commande en cours chez MAN. Pendant une période de SIX semaines, nous ne prendrons plus de commandes de nouveaux clients pour vous permettre de vous positionner sur votre nouvelle commande. Notre équipe commerciale se rapprochera de vous prochainement à ce sujet.

Cette guerre constitue pour chacun d'entre nous un événement extraordinaire et extrêmement difficile .

Pour autant, soyez assuré que nous accordons la plus grande importance à notre relation. Nous sollicitons votre bienveillance et espérons pouvoir compter sur votre compréhension dans cette situation absolument exceptionnelle et regrettons profondément de ne pouvoir maintenir nos accords comme nous avons l'habitude de le faire.

Nous vous prions de croire, cher Client, en l'assurance de nos sincères salutations.

Dans ce contexte le 17 mai 2022 la société MAN TRUCK & BUS FRANCE a fait parvenir un courrier à la société [M] [R] :

Objet : Cas de force majeure -Annulation de votre commande

Cher Client,

Nous faisons suite à votre commande suivante :

...

Délai de livraison indicatif initial 02/02/2022

Comme nous vous l'avons déjà indiqué précédemment, notamment dans le courrier de M. [T] et de Mme [O] en date du 24/02/2022, dans le contexte de guerre en Ukraine, de pandémie du Coronavirus, et de pénurie de semi-conducteurs et de matières premières, la chaîne d'approvisionnement du Groupe MAN ainsi que ses processus de production et de logistique se trouvent trés fortement perturbés.

Ainsi, à l'heure actuelle, nous devons considérer que ces perturbations de production se poursuivront pendant plusieurs mois.

Face à cette situation échappant à notre contrôle, imprévisible et irrésistible, caractérisant une situation de force majeure, nous sommes malheureusement dans une position devant conduire à l'annulation de la commande en référence.

Néanmoins, conscients des désagréments que cette annulation peut causer à votre société, nous vous proposons dans un premier temps de voir ensemble comment la commande pourrait être aménagée afin d'éviter son annulation.

Notre équipe commerciale s'est déjà rapprochée de vous à cet effet et vous appellera trés rapidement pour continuer à échanger mais vous pouvez aussi la contacter à réception de ce courrier.

Nous souhaiterions connaître votre position définitive dans un délai de quinze (15) jours à compter de la date de la présente.

Dans de telles circonstances il appartient à la société [M] [R] d'établir que les retards de livraison engagent la responsabilité de la société MTB et justifient l'allocation d'une provision en réparation de ses préjudices.

La société [M] [R] estime que les moyens tirés de la force majeure évoqués par la société MTB ne sont pas convaincants. Elle rappelle que la crise COVID a développé ses effets avant la date de conclusion du contrat en juillet 2021 et que ce phénomène ne peut avoir perturbé MTB et justifier les retards qu'elle pouvait anticiper. Elle ajoute en outre que le déclenchement de la guerre en Ukraine le 24 février 2022 n'est pas de nature à expliquer le retard d'une livraison prévue antérieurement le 22 février 2022.

MTB réplique pour sa part que sa cliente été informée dès la commande d'une date de livraison indicative et a accepté les aménagements contractuels que des retards pouvaient entraîner.

Contrairement aux affirmations de la société [M] [R] le litige oblige le juge à dire si les moyens tirés de la force majeure soulevés par MTB sont applicables au cas d'espèce aux fins de justifier les retards, et ce, à la lumière des documents contractuels liant les parties :

- Le bon de commande du 23 juillet 2021 qui indique 'délai indicatif et lieu de livraison' Date 02/02/2022 (Sous réserve de l'article 8 des conditions générales de vente) Lieu [Localité 4], ce qui selon la société MTB confirme que sa partenaire était informée des risques de retards de livraison ;

- L'article 8 des conditions générales de vente :

Délai de livraison

8.1 En raison des circonstances pouvant influer sur la production des Véhicules par le Constructeur, ainsi que sur leur importation, le délai de livraison indique sur le bon de commande n'est qu'indicatif. Il court à compter de date de la confirmation écrite de commande par le Vendeur et de règlement de l'acompte par l'Acheteur.

8.2 Cependant si le délai de livraison indicatif est dépassé de six semaines, l'Acheteur a la faculté de mettre en demeure le Vendeur d'avoir à livrer le produit dans un délai raisonnable. Cette mise en demeure constitue le point de départ du retard de livraison. Dans l'hypothèse où la mise en demeure serait restée sans effet dans le délai raisonnable fixé par l'Acheteur, il sera en droit d'annuler la commande. Cette annulation entraine pour le Vendeur obligation de restituer l'acompte versé, mais sans qu'aucune autre indemnité ne soit due à l'Acheteur.

8.3 En cas de force majeure au sens de l'article 1218 du Code civil ou de perturbations dans l'entreprise du Vendeur ou de ses fournisseurs empêchant momentanément le Vendeur, sans qu'il y ait faute de sa part de livrer le Produit dans le délai fixé le délai de livraison est prolongé de la durée des perturbations dues à ces circonstances. Au cas où ces perturbations provoquent un retard de plus de six mois dans l'exécution de la prestation, l'Acheteur peut résilier le contrat. Cette annulation entraîne pour le Vendeur l'obligation de restituer l'acompte versé mais sans qu'aucune autre indemnité ne soit due à l'Acheteur, cette clause selon MTB insistant bien sur les aléas tenant aux retards de livraison.

La société [M] [R] estime qu'en tout état de cause, les cas de force majeure au sens de l'article 1218 du code civil évoqués par MTB supposent que leurs effets puissent être évités par des mesures appropriées, qu'elle considère inexistantes en l'espèce.

Cette analyse est contredite par la société MTB qui rappelle que la société [M] [R] a été informée des tentatives de restructuration des chaînes d'approvisionnement à l'étranger et de sa faculté de revoir les conditions de sa commandes voire de l'annuler, ce qui établit qu'elle a tenté de réduire les inconvénients liés au manque de matériaux indispensables à la fabrication des éléments du camion.

Dans ce contexte le juge des référés juge de l'évidence n'est pas compétent pour retenir ou exclure la responsabilité de la société MTB.

En conséquence la société [M] [R] ne rapporte pas que les conditions de l'article 873 alinea 2 du code de procédure civile pour obtenir une provision, sont réunies alors en outre que tous les postes de préjudices sollicités sont également sérieusement contestés par la partie adverse.

Il convient donc de renvoyer les parties à mieux se pourvoir au fond et d'infirmer l'ordonnance.

Les demandes annexes

Il n'est pas inéquitable de rejeter les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Cahcune des parties conservera à sa charge les dépens de première instance et d'appel qu'elle a engagés.

PAR CES MOTIFS

La cour

- Infirme l'ordonnance sauf en ce qu'elle a déclaré le juge des référés du tribunal de commerce de Nantes compétent.

Statuant à nouveau ;

- Dit n'y avoir lieu à référé ;

- Rejette toutes les demandes des parties ;

- Dit que chaque partie conserve la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 3ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 23/05388
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;23.05388 ?
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