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18/06/2024 | FRANCE | N°23/04807

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 18 juin 2024, 23/04807


1ère Chambre





ARRÊT N°186



N° RG 23/04807

N° Portalis

DBVL-V-B7H-UAHP



(Réf 1ère instance : 22/00418)









Mme [X] [O] épouse [R]



C/



M. [L] [Z]













Copie exécutoire délivrée



le :



à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 JUIN 2024





COMPOSITION DE L

A COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :

...

1ère Chambre

ARRÊT N°186

N° RG 23/04807

N° Portalis

DBVL-V-B7H-UAHP

(Réf 1ère instance : 22/00418)

Mme [X] [O] épouse [R]

C/

M. [L] [Z]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 février 2024 devant Madame Caroline BRISSIAUD, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 18 juin 2024 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 14 mai 2024 à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [X] [O] épouse [R]

née le [Date naissance 12] 1933 à [Localité 15]

[Adresse 11]

[Localité 17]

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Patrick-Alain LAYNAUD de la SELARL AVOCATS PARTENAIRES, Plaidant, avocat au barreau de SAINT MALO - DINAN

INTIMÉ :

Monsieur [L] [Z]

né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 14]

[Adresse 6]

[Localité 17]

Représenté par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Amaury GAULTIER de la SELARL DE MORHERY-GAULTIER, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-MALO

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant jugement d'adjudication du 28 juillet 1994, Mme [X] [R] a acquis la propriété des parcelles cadastrées n°[Cadastre 2] et n°[Cadastre 3] sises sur la commune de [Localité 17].

Ces parcelles sont occupées par Mme [A] [R] et M. [T] [K], fille et gendre de Mme [X] [R].

Par acte authentique de partage du 30 juin 2004, M. [L] [Z] est devenu l'unique propriétaire des parcelles voisines cadastrées n° [Cadastre 7], n° [Cadastre 8], n° [Cadastre 9] et n° [Cadastre 10] sises sur la commune de [Localité 17].

Les parcelles n° [Cadastre 2] et n° [Cadastre 3] bénéficient d'une servitude de passage sur les parcelles n° [Cadastre 7], n° [Cadastre 8], n° [Cadastre 9] et n° [Cadastre 10].

Depuis plusieurs années, les relations de voisinage sont émaillées de litiges, relatifs à l'assiette de la servitude de passage, à la revendication par Mme [R] de la propriété de la cour contiguë à la façade sud de la parcelle bâtie n° [Cadastre 2], aux bornages des parcelles n° [Cadastre 8] et [Cadastre 5], puis des parcelles n° [Cadastre 8] et [Cadastre 4], à des empiètements... Des décisions de justice ont été rendues.

Le 5 septembre 2019, une transaction amiable a été signée par Mme [A] [R], M. [T] [K], représentants Mme [X] [R] d'une part, et M. [L] [Z] d'autre part, aux termes de laquelle les parties ont convenu ce qui suit :

- la suppression du portillon du garage sur la parcelle n° [Cadastre 5],

- la donation par M. [Z] à Mme [R] d'une bande de terrain de 6 mètres située sur la parcelle n°[Cadastre 8], au droit de la façade sud de la parcelle n°[Cadastre 4]

- les frais de bornage de cette bande à la charge de Mme [R] et tous autres frais éventuels de cette cession,

- Mme [R] s'engage à réaliser un puisard pour récolter les eaux pluviales de la gouttière stipulée sur le plan,

- accord sur assiette de passage, largeur de 4 mètres tel que mentionné sur plan et maintien du poteau EDF,

- concernant l'utilisation du portillon, tolérance et exclusivement tolérance pour le gaz afin de remplir la cuve du fonds [R] à redéfinir à l'occasion du bornage (tel qu'il est mentionné sur le plan au niveau du pignon Est).

Concernant l'assiette du droit de passage et son entretien, les parties se sont mises d'accord sur le fait que la zone colorée en rouge sur le plan serait à l'usage exclusif du fonds [R] et les frais de mise en 'uvre et d'entretien à la charge exclusive de Mme [R] tandis que la zone colorée en vert serait à l'usage commun des fonds [R] et [Z], les frais d'entretien étant partagés par moitié.

Par une ordonnance en date du 24 juin 2020, la présidente du tribunal judiciaire de Saint-Malo a attribué force exécutoire au protocole d'accord transactionnel signé le 5 septembre 2019 par Mme [A] [R], M. [T] [K] et M. [L] [Z].

Par une ordonnance de référé du 7 avril 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Malo a :

- ordonné le retrait de la caméra présente sur la façade de la maison d'habitation appartenant à Mme [R], dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, aux frais de Mme [R],

- assorti la condamnation d'une astreinte de 50 € par jour de retard pendant une durée d'un mois à l'issue de laquelle il pourra être prononcée une astreinte définitive et être liquidée ladite astreinte,

- ordonné le retrait de l'ensemble des claustras posés sur la parcelle [Cadastre 8] appartenant à M. [Z], dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, aux frais de Mme [R],

- dit que cette condamnation est assortie d'une astreinte de 50 € par jour de retard pendant une durée d'un mois à l'issue de laquelle il pourra être prononcée une astreinte définitive et être liquidée ladite astreinte,

- ordonné la destruction de la portion de muret construit par Mme [R] le long de la voie publique de la croix aux merles, empiétant de l'ordre de 2,80 mètres sur l'Est de la parcelle [Cadastre 8] appartenant à M. [Z] et ce dans un délai de deux mois à compter du prononcé de la décision à intervenir, aux frais de Mme [R],

- assorti cette condamnation d'une astreinte d'un montant de 50 € par jour de retard pendant une durée d'un mois à l'issue de laquelle il pourra être prononcée une astreinte définitive et être liquidée ladite astreinte,

- ordonné la remise du chemin d'accès dans un état conforme à sa destination et sur une largeur de 4 mètres et sur l'assiette conformément au plan joint au protocole d'accord du 5 septembre 2019 et le retrait de l'ensemble des gravats et tas de pierres apposés sur le terrain de M. [Z] longeant cette assiette, suite aux travaux réalisés par Mme [R], dans un délai de trois à compter de la présente décision aux frais de Mme [R],

- assorti cette condamnation d'une astreinte de 50 € par jour de retard pendant une durée d'un mois à l'issue de laquelle il pourra être prononcée une astreinte définitive et être liquidée ladite astreinte,

- condamné Mme [R] à faire retirer toutes gaines électriques ou tout ouvrage passant sous la servitude de l'assiette de passage reliant les parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 5] à leurs frais dans un délai d'un mois à compter de la présente décision,

- assorti cette condamnation d'une astreinte d'un montant de 50 € par jour de retard pendant une durée d'un mois à l'issue de laquelle il pourra être prononcée une astreinte définitive et être liquidée ladite astreinte,

- ordonné le retrait des ouvrages d'écoulement des eaux pluviales présents sur le pignon Est de la construction [Cadastre 4] appartenant à Mme [R] et se déversant sur le fond [Z], et enjoint à Mme [R] de procéder à un ouvrage d'écoulement des eaux vers la voie publique, et ordonné à Mme [R] de procéder à la mise en place des ouvrages de récolte des eaux pluviales conformément au protocole du 5 septembre 2019 dans un délai de deux mois à compter de la signification de la décision,

- assorti ces condamnations d'une astreinte de 50 € par jour de retard pendant une durée d'un mois à l'issue de laquelle il pourra être prononcée une astreinte définitive et être liquidée ladite astreinte,

- réservé sa compétence pour liquider l'ensemble des astreintes prononcées,

- ordonné le retrait de la flamme publicitaire de la société Armoreprog, activité de M. [T] [K], du terrain de M. [Z], dans le mois de la notification de la décision.

Une ordonnance rectificative du 8 avril 2022 a corrigé la décision d'une erreur matérielle.

Les deux ordonnances ont été signifiées à avocat le 1er juillet 2022 et signifiées à partie le 15 juin 2022.

M. [Z] a fait constater suivant procès-verbal de constat d'huissier en date du 14 octobre 2022 que les différentes obligations mises à la charge de Mme [R] par le juge des référés n'avaient pas été respectées.

Dans ce contexte, suivant acte du 13 décembre 2022, il a fait assigner Mme [R] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Malo aux fins de liquidation des astreintes provisoires, de prononcé d'astreintes définitives et en réparation des préjudices subis.

Par ordonnance de référé du 29 juin 2023, la présidente du tribunal judiciaire de Saint-Malo a :

- liquidé l'astreinte prononcée par ordonnance du 7 avril 2022 à la somme de 3. 000 € et condamné Mme [R] à payer à M. [Z] la somme de 3.000 € au titre de la liquidation de ladite astreinte,

- assorti la condamnation de retrait de la caméra présente sur la façade d'une astreinte définitive de 50 €/jour de retard dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, pendant une durée d'un mois à l'issue de laquelle il pourra être liquidé et fait droit, le cas échéant, une nouvelle astreinte,

- assorti la condamnation de retrait de l'ensemble des claustras posées sur la parcelle n°[Cadastre 8] appartenant à M [Z] d'une astreinte définitive de 50 €/ jour de retard dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, pendant une durée d'un mois à l'issue de laquelle il pourra être liquidé et fait droit, le cas échéant, une nouvelle astreinte,

- assorti la condamnation à la destruction de la portion du mur construit par Mme [R] le long de la voie publique de La croix au merle, empiétant de l'ordre de 2. 80 m sur l'est de la parcelle n°[Cadastre 8] appartenant à M. [Z] d'une astreinte définitive de 50 €/ jour de retard dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, pendant une durée d'un mois à l'issue de laquelle il pourra être liquidé et fait droit, le cas échéant, une nouvelle astreinte,

- assorti la condamnation à la remise du chemin d'accès dans un état conforme à sa destination et sur une largeur de 4.00 m et sur l'assiette conformément au plan joint au protocole d'accord du 05 septembre 2019 et le retrait de l'ensemble des gravats et tas de pierre posés sur le terrain de M. [Z] longeant cette assiette, suite aux travaux réalisés par Mme [R] d'une astreinte définitive de 50 €/jour de retard dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, pendant une durée d'un mois à l'issue de laquelle il pourra être liquidé et fait droit, le cas échéant, à une nouvelle astreinte,

- assorti la condamnation de Mme [R] à faire retirer toutes gaines électriques ou tous ouvrages passant sous la servitude de l'assiette de passage, reliant les parcelles n°[Cadastre 4] et [Cadastre 5] d'une astreinte définitive de 50 €/jour de retard dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, pendant une durée d'un mois à l'issue de laquelle il pourra être liquidé et fait droit, le cas échéant, une nouvelle astreinte de ladite astreinte,

- assorti la condamnation au retrait des ouvrages d'écoulement des eaux pluviales présents sur le pignon est de la construction [Cadastre 4] appartenant à Mme [R] et se déversant sur le fonds [Z] et enjoint Mme [R] de procéder à un ouvrage d'écoulement des eaux vers la voie publique et ordonne à Mme [R] de procéder à la mise en place des ouvrages de récolte des eaux pluviales conformément au protocole d'accord du 5 septembre 2019 d'une astreinte définitive de 50€/jour de retard dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, pendant une durée d'un mois à l'issue de laquelle il pourra être liquidé et fait droit, le cas échéant, une nouvelle astreinte,

- condamné Mme [R] à verser à M [Z] une provision d'un montant de 1.000 € au titre de la réparation de son préjudice,

- condamné Mme [R] à payer à M [Z] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [R] aux dépens et au coût du constat d'huissier en date du constat d'huissier du 14 octobre 2022.

Par déclaration du 3 août 2023, Mme [X] [R] a interjeté appel de tous les chefs de cette décision.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS

Mme [X] [R] expose ses prétentions et moyens dans ses dernières conclusions transmises au greffe et notifiées le 8 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé détaillé.

Elle demande à la cour de :

- infirmer tous les chefs de l'ordonnance rendue le 29 juin 2023 par le juge des référés près le tribunal judiciaire de Saint-Malo,

En conséquence, statuant à nouveau :

A titre principal :

- supprimer les astreintes prononcées par l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Malo en date du 7 avril 2022,

- condamner M. [Z] à verser à Mme [R] la somme de 8.000 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et matériel,

- condamner M. [Z] à verser à Mme [R] la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [Z] aux entiers dépens comprenant les coûts de constats d'huissier,

A titre subsidiaire :

- limiter le montant de la liquidation des astreintes à la somme de 1.000 €,

En tout état de cause,

- débouter M. [Z] de sa demande d'augmenter le montant de la liquidation des astreintes à la somme de 9.000 €,

- débouter M. [Z] de sa demande d'augmentation de la provision accordée au titre des dommages et intérêts à la somme de 2.500 €,

- débouter M. [Z] de l'ensemble de ses demandes contraires.

*****

M. [L] [Z] expose ses prétentions et moyens dans ses dernières conclusions transmises au greffe et notifiées le 15 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé détaillé.

Il demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance sauf celle concernant le quantum de liquidation de l'astreinte liquidée et le quantum des dommages et intérêts alloués,

Accueillant l'appel incident de M. [Z],

En conséquence, la réformant,

- liquider les astreintes prononcées précédemment par l'ordonnance de référé du 07 avril2022 à la somme de 9.000 € toutes astreintes confondues,

En conséquence,

- condamner Mme [X] [R] à payer à M. [Z], la somme de 9.000 €,

- condamner Mme [X] [R] à payer à M. [Z] la somme de 2.500  € à titre de provision sur dommages et intérêts pour préjudice moral et trouble de jouissance,

- débouter Mme [R] de toutes ses demandes fins et conclusions,

- condamner Mme [X] [R] à payer à M. [Z] la somme de 3.500 € au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 23 janvier 2024.

MOTIVATION DE LA COUR

A titre liminaire, sur le rejet de la pièce n° 37 produite par M. [Z]

Il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce, la cour n'étant saisie d'aucune demande de rejet de pièce dans le dispositif des conclusions de Mme [R], il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.

1°/ Sur la liquidation des astreintes et le prononcé des astreintes définitives

Selon les termes de l'article R. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution, 'L'astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut pas être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire.'

En application de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution 'tient compte du comportement de celui-ci à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. Elle est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.'

Il est constant que c'est à celui qui réclame la liquidation de l'astreinte de rapporter la preuve de la non-exécution ou de l'exécution tardive de l'obligation assortie de l'astreinte.

En revanche, celui qui invoque une cause étrangère doit la prouver.

Il convient également de rappeler que le juge saisi d'une demande de liquidation d'une astreinte prononcée par une décision irrévocable, tient de l'article L.131-4 la seule mission de vérifier l'exécution de l'obligation objet de l'astreinte sans pouvoir modifier celle-ci. (Civ. 3ème, 10 novembre 2016, n° 15-21.949).

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Malo est irrévocable. Elle a par ailleurs été signifiée à Mme [R] le 15 juin 2022 de sorte que les astreintes ont commencé à courir.

Il ressort du procès-verbal de constat du 14 octobre 2022, dressé par Me [P], commissaire de justice à [Localité 13], que les obligations mises à la charge de Mme [R] aux termes de l'ordonnance du juge des référés du 7 avril 2022 n'ont pas été exécutées.

Il a en effet été constaté que :

'- Au droit de la propriété [R] existent toujours des claustras au nombre de huit,

- La caméra située sur la façade est toujours présente,

- Le câble électrique situé sous le chemin reliant l'atelier situé de l'autre côté du fonds du requérant n'a pas été retiré,

- L'ensemble des gouttières de la propriété [R], déversent toujours les eaux pluviales sur la propriété [Z],

- La 'amme publicitaire est située sur le trottoir,

- La terre qui a été retirée lors de l'établissement du chemin pour accéder au garage est toujours présent sur la propriété [Z],

- Un muret en pierres sèches a été réalisé,

- Le muret situé sur rue n'a pas été détruit,

- La porte sur le pignon du garage donnant sur le fonds du requérant n'a pas été fermée et ouvre toujours sur la propriété de M. [Z],

- L'accès et la cour sont en très mauvais état.'

L'obligation de retrait de la flamme publicitaire a été respectée puisque celle-ci ne se situe plus sur la propriété de M. [Z] mais a été décalée sur le trottoir. Il n'y a donc pas lieu de liquider l'astreinte prononcée de ce chef.

S'agissant des autres obligations, Mme [X] [R] fait valoir en premier lieu que les demandes de liquidation d'astreinte de M. [Z] ne sauraient prospérer en ce qu'elle ne serait plus la seule propriétaire du bien immobilier à la suite du décès de son époux et que Mme [A] [R] et M. [T] [K], en tant qu'occupants et indivisaires, auraient dû être attraits à la cause.

Il convient d'observer que Mme [X] [R] a acquis le bien suivant jugement d'adjudication du 28 juillet 1994. Il est exact que le jugement d'adjudication mentionne qu'elle était mariée à M. [S] [R], sans qu'il ait été conclu entre les époux un contrat de mariage.

Pour autant, nonobstant les dispositions de l'article 1402 du code civil et les règles de la dévolution successorale, il ne résulte d'aucune pièce que Mme [A] [R] serait devenue propriétaire indivise des parcelles litigieuses, au décès de son père, survenu le 4 juin 2000.

Il incombe à Mme [R] qui soulève en réalité une fin de non-recevoir (sans pour autant tirer toutes les conséquences juridiques du moyen soulevé) de rapporter la preuve qu'elle ne serait pas l'unique propriétaire du bien.

A cet égard, aucun enseignement ne peut être tiré du courrier de Me [J] en date du 26 octobre 2002, lequel distingue au contraire clairement les droits de Mme [X] [R] dans la succession de son époux d'une part, et la situation de la propriété de [Localité 17] acquise par adjudication d'autre part, pour laquelle le notaire n'évoque aucune indivision successorale.

La preuve de la propriété du bien pouvait facilement être rapportée au moyen d'un extrait de matrice cadastrale, d'un acte de notoriété ou encore d'un acte liquidatif de la succession.

En l'occurrence, Mme [X] [R] s'est toujours présentée dans tous les litiges l'ayant opposée pendant près de vingt ans à son voisin comme étant l'unique propriétaire des parcelles en cause. Elle n'a jamais cru devoir attraire ses enfants, avec lesquels elle prétend aujourd'hui et pour la première fois, être en indivision. Si tel était le cas, Mme [A] [R] aurait également dû signer le protocole d'accord en qualité d'indivisaire, et non seulement en tant que représentante de Mme [X] [R], ainsi que cette dernière le conclut.

Il n'a pu échapper à la cour que c'est en réalité la fille et le gendre de l'appelante qui se plaignent de ne pas avoir été attraits à l'audience ayant ordonné les obligations et les astreintes dont il est aujourd'hui sollicité la liquidation. Or, nul ne plaide par procureur.

Rien n'empêchait Mme [A] [R] et son époux d'intervenir volontairement à la cause. Ce qu'ils n'ont jamais fait, y compris dans la présente instance.

A suivre les conclusions de l'appelante, pour être cohérent, ce sont tous les héritiers de feu [S] [R] qu'il aurait fallu attraire à la cause et non pas seulement Mme [A] [R].

En tout état de cause, la cour n'est saisie que du contentieux de la liquidation des astreintes prononcées par l'ordonnance du 7 avril 2022, laquelle est devenue irrévocable.

Or l'argumentation développée Mme [X] [R], qui en réalité ne tend qu'à remettre en cause les obligations mises à sa charge dans l'ordonnance précitée (au motif que Mme [A] [R] et M. [T] [K] n'ont pas pu ' faire valoir leurs droits, étant précisé qu'à cette époque ils n'avaient plus de contact avec Mme [X] [R] ') s'avère par conséquent parfaitement inopérante, étant rappelé que l'astreinte est une mesure à caractère personnel.

Ce moyen ne peut donc qu'être rejeté.

En second lieu, Mme [X] [R] fait valoir que l'ordonnance de référé du 7 avril 2022 est contraire aux dispositions de l'article 2052 du code civil lesquelles prévoient que ' la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet ' et que par conséquent, M. [Z] ne pouvait pas saisir à nouveau le tribunal pour un litige ayant le même objet que celui auquel le protocole transactionnel a mis fin.

Outre que ce moyen d'irrecevabilité n'a pas été soulevé en son temps, qu'il n'a pas été fait appel de l'ordonnance de référé du 7 avril 2022 et que la cour statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution, ne saurait modifier les obligations mises à la charge de Mme [X] [R] aux termes de cette décision de justice devenue irrévocable, il n'est pas établi que les demandes auxquelles l'ordonnance du 7 avril 2022 a fait droit avaient le même objet que le protocole ou contrevenaient à celui-ci. Le moyen est d'autant plus mal fondé qu'il est établi que ce protocole n'a pas été exécuté par l'appelante.

En troisième lieu, pour justifier de l'absence de retrait de la caméra et des claustras, Mme [X] [R] plaide que ces obligations sous astreinte sont contraires au protocole transactionnel, aux termes duquel M. [Z] lui a fait donation d'une bande de 6 mètres au droit de la façade sud de la parcelle bâtie n°[Cadastre 4], sur la parcelle n°[Cadastre 8]. Elle estime que la caméra et les claustras sont donc désormais situés sur sa propriété.

En l'espèce, Mme [X] [R] tente en permanence de semer la confusion entre les obligations du protocole transactionnel du 5 septembre 2019 et celles résultant de l'ordonnance de référé du 7 avril 2022. La liquidation des astreintes prononcées doit en l'occurrence être exclusivement appréciée au regard de l'exécution ou de la non-exécution des obligations mises à sa charge par l'ordonnance de référé du 7 avril 2022.

En outre, comme précédemment indiqué, la cour ne peut revenir à l'occasion du contentieux relatif à la liquidation de l'astreinte, sur le bien-fondé des obligations qui ont été définitivement mises à la charge de Mme [X] [R].

Par ailleurs, aucun élément nouveau ne permet de considérer que l'astreinte devrait être supprimée en raison du fait que l'obligation serait devenue sans objet ou qu'elle n'aurait plus lieu d'être exécutée.

En effet, M. [Z] affirme que la donation n'a pas pu s'opérer faute de bornage préalable et de signature de l'acte notarié (conformément au protocole transactionnel).

Mme [X] [R] soutient que la seule signature du protocole transactionnel a opéré transfert de propriété, feignant d'ignorer que la donation d'un bien ou d'un droit immobilier doit obligatoirement faire l'objet d'une mesure de publicité foncière (article 939 du code civil) et donc d'un acte dressé en la forme authentique (article 4 du décret n°55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière).

En l'espèce, il n'est pas justifié de ce que la bande de terre de 6 mètres formant une cour devant la parcelle bâtie n° [Cadastre 4] serait désormais la propriété de Mme [R]. La caméra et les claustras demeurent donc situés sur la propriété de M. [Z] et n'ont pas été retirés.

Cette obligation n'a pas été exécutée.

En quatrième lieu, aux termes de l'ordonnance de référé, Mme [R] devait retirer les ouvrages d'écoulement des eaux pluviales sur le pignon est de sa propriété (parcelle n°[Cadastre 4]) et mettre en place un ouvrage d'écoulement et de collecte (puisard) des eaux pluviales vers la voie publique.

D'après le constat d'huissier dressé le14 octobre 2022, par Me [P], ces obligations n'ont pas été davantage respectées.

Mme [X] [R] indique avoir mis en place un 'réceptacle pour l'eau des gouttières, ce qui a été constaté par constat d'huissier, lequel précise également l'existence d'un puit au sol.'

De fait, Mme [X] [R] produit un constat d'huissier dressé entre le 8 novembre 2021 et le 10 mars 2022 par Me [B], huissier de justice à [Localité 16] dont il ressort que : 'Au niveau de l'arrête Sud-Ouest de la maison d'habitation appartenant à la demanderesse, une gouttière entaillée horizontalement et un élément inséré en partie dans ladite gouttière via cette entaille relie ces éléments à une poubelle (dont le capot est découpé) et comportant en son sein de l'eau. Un puits est visible au sol près du portail du garage attenant à la maison de la demanderesse.'

Le dispositif d'écoulement et de collecte des eaux pluviales mis en place par Mme [X] [R] relève manifestement du bricolage de fortune. Les eaux pluviales ne sont toujours pas dérivées vers le réseau d'assainissement public et Mme [X] [R] n'explique pas ce que devient l'eau collectée dans la poubelle.

Dans son attestation du 4 avril 2023, M. [C] évoque 'un soi-disant puisard, une poubelle avec des cailloux pour recevoir les eaux de pluie et qui débordent à la première averse inondant toujours le terrain de M. [Z] en avril, d'où son impossibilité de faire des travaux d'assainissement.'

La cour constate par ailleurs qu'un puits n'est pas un puisard et que le puits évoqué par l'huissier (aucune photographie n'est annexée) est situé au niveau du garage (parcelle n°[Cadastre 5]) alors que le puisard que Mme [R] s'était engagée à réaliser dans le protocole transactionnel auquel l'ordonnance de référé se réfère est d'après le plan, situé au droit des gouttières située le long de la construction de la parcelle n°[Cadastre 4].

Il ne peut donc être sérieusement soutenu que cette obligation a été exécutée.

En cinquième lieu, s'agissant des gaines électriques, il n'est justifié par aucune facture, ni aucune constatation que cette obligation a été exécutée.

En sixième lieu, la cour constate que Mme [R] ne conclut pas sur le retrait du muret. Par ailleurs, la présence persistante de gravas et de tas de terres sur le terrain de M. [Z] n'est pas contestée, dans la mesure où Mme [R] se contente d'argumenter, de manière inopérante, sur le fait que ce dernier a été prévenu des travaux mais ne dit rien de l'évacuation des terres et gravas.

La non-exécution de ces deux obligations doit être retenue.

En dernier lieu, la cour ne peut que relever la contradiction dans l'argumentation de Mme [X] [R] qui plaide tout à la fois l'exécution de tout ou partie des obligations et la cause étrangère de l'article L.131-4 al.3 du code des procédures civiles d'exécution, en faisant valoir que l'exécution des obligations prononcées à son encontre par l'ordonnance du 7 avril 2022 s'est heurtée à la dégradation importante de son état de santé ainsi qu'à la mésentente avec sa fille.

Mme [X] [R] ne peut sérieusement soutenir que son état de santé ou son grand âge l'ont empêchée de réaliser les travaux mis à sa charge sous astreinte par l'ordonnance de référé du 7 avril 2022. Celle-ci, qui n'est pas sous mesure de protection, ne justifie d'aucune impossibilité d'effectuer des démarches auprès d'artisans aux fins de s'exécuter.

Le certificat médical indiquant que son état de santé l'empêche d'écrire ou de signer ne peut être retenu comme une cause étrangère, l'impossibilité de mandater un tiers pour signer les devis n'est pas rapportée.

Par ailleurs, Mme [X] [R] ne justifie pas de la mésentente alléguée avec sa fille et son gendre, dans l'intérêt desquels elle conclut d'ailleurs devant la cour.

Elle ne rapporte pas la preuve de l'obstruction de ces derniers. Aucune mise en demeure, ni attestation d'artisan qui aurait été empêché de travailler, aucun devis ni autre pièce justifiant des démarches entreprises ne sont communiqués.

Les conditions de la cause étrangère ne sont nullement réunies en l'espèce.

La cour considère que Mme [X] [R] oppose une résistance injustifiée à M. [Z].

Sa mauvaise foi et celle des occupants des lieux est patente. Aucune démarche en vue d'exécuter les obligations énoncées dans l'ordonnance du 7 avril 2022 n'a été entreprise. Au travers de ses conclusions, la cour comprend que Mme [X] [R] conteste encore, de manière totalement inopérante, le bien fondé des obligations mises à sa charge.

L'ordonnance sera infirmée en ce qu'elle a liquidé toutes les astreintes confondues à hauteur de 3.000 €. Elle sera toutefois confirmée s'agissant des astreintes définitives prononcées.

Il s'en infère que les astreintes seront liquidées à hauteur de la somme à laquelle elles ont été prononcées selon les modalités détaillées au dispositif.

2°/ Sur les demandes indemnitaires

a. Sur la demande de provision de M. [Z]

L'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile prévoit que 'Dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence) peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.'

M. [Z], appelant incident de ce chef de l'ordonnance, sollicite la somme provisionnelle de 2.500 €.

En raison de la résistance fautive de Mme [X] [R], M. [Z] subit des empiètements persistants sur son terrain, des abus de droit relatifs à la servitude de passage, ce qui porte incontestablement atteinte à son droit de propriété. Par ailleurs, la résistance abusive de Mme [R] a obligé M. [Z] a initié une énième procédure entre les parties, alors que le litige dure depuis plusieurs années, étant observé que Mme [R] a perdu tous ses procès. Cette attitude fautive cause un incontestable préjudice moral a M. [Z].

Le tribunal a fait une juste appréciation des préjudices subis par celui-ci en lui accordant la somme de 1.000 € à titre de provision. L'ordonnance déférée sera confirmée de ce chef.

b. Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [R]

Mme [R] sollicite la condamnation de M. [Z] à lui verser la somme de 8.000 € à titre de dommages et intérêts.

Il est constant que l'octroi de dommages et intérêts excède les pouvoirs du juge des référés (Cass. 2ème civ.11 décembre 2008, n° 7-20.255) mais qu'il peut en revanche accorder une provision sur dommages et intérêts.

En l'espèce, Mme [R] n'a saisi la cour d'aucune demande de provision.

Il convient de dire n'y avoir lieu à référé sur ce chef de demande et de renvoyer Mme [R] à se mieux se pourvoir devant le juge du fond.

3°/ Sur les demandes accessoires

Les dispositions de l'ordonnance relative aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées.

Mme [X] [R] qui succombe en appel sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas inéquitable de la condamner à payer à M. [L] [Z] la somme de 3.000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance de référé rendue le 29 juin 2023par la présidente du tribunal judiciaire de Saint-Malo sauf en ce qu'elle a :

- liquidé l'astreinte prononcée par ordonnance du 7 avril 2022 à la somme de 3.000 €,

- condamné Mme [R] à payer à M. [Z] la somme de 3.000 € au titre de la liquidation de ladite astreinte,

Statuant à nouveau du chef de l'ordonnance infirmé et y ajoutant :

Liquide les astreintes prononcées par l'ordonnance de référé du 7 avril2022 à la somme de 9.000 €, toutes astreintes confondues,

Condamne Mme [X] [R] à payer à M. [L] [Z] la somme de 9.000€,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme [X] [R] et l'invite mieux se pourvoir devant le juge du fond,

Condamne Mme [X] [R] aux dépens d'appel,

Déboute Mme [X] [R] de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [X] [R] à payer à M. [L] [Z] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/04807
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;23.04807 ?
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