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18/06/2024 | FRANCE | N°21/07733

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 18 juin 2024, 21/07733


2ème Chambre





ARRÊT N° 226



N° RG 21/07733 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SJG3



(Réf 1ère instance : 19/01118)



(1)





M. [T] [I]



C/



Mme [S] [I]

Melle [C] [I]

Melle [X] [I]

M. [J] [I]

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LA [Localité 11]



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée













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Copie exécutoire délivrée



le :



à :

- Me Sabrina GUERIN

- Me Séverine FERRE-GUITTENY











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 JUIN 2024



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsi...

2ème Chambre

ARRÊT N° 226

N° RG 21/07733 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SJG3

(Réf 1ère instance : 19/01118)

(1)

M. [T] [I]

C/

Mme [S] [I]

Melle [C] [I]

Melle [X] [I]

M. [J] [I]

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LA [Localité 11]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Sabrina GUERIN

- Me Séverine FERRE-GUITTENY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 Mars 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Juin 2024, après prorogations, par mise à disposition au greffe

****

APPELANT :

Monsieur [T] [I]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 10] (MAROC)

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représenté par Me Sabrina GUERIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/001568 du 04/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

INTIMÉS :

Madame [S] [I]

née le [Date naissance 6] 1973 à [Localité 12]

[Adresse 9]

[Localité 14]

Représentée par Me Séverine FERRE-GUITTENY de la SELARL AXLO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Mademoiselle [C] [I]

née le [Date naissance 3] 1999 à [Localité 13]

[Adresse 9]

[Localité 14]

Représentée par Me Séverine FERRE-GUITTENY de la SELARL AXLO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Mademoiselle [X] [I], mineure, représentée par Madame [S] [I] ès qualité de représentant légal

née le [Date naissance 5] 2004 à [Localité 13]

[Adresse 9]

[Localité 14]

Représentée par Me Séverine FERRE-GUITTENY de la SELARL AXLO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Monsieur [J] [I], mineur, représenté par Madame [S] [I] ès qualité de représentant légal

né le [Date naissance 4] 2007 à [Localité 14]

[Adresse 9]

[Localité 14]

Représenté par Me Séverine FERRE-GUITTENY de la SELARL AXLO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LA [Localité 11]

[Adresse 8]

[Localité 11]

Représentée par Me Pierre SIROT de la SELARL RACINE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

3

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 20 février 2014, M. [T] [I] a clôturé les plans épargne logement (les PEL) ouverts dans les livres de la société Caisse de crédit mutuel de la [Localité 11] (la banque) au nom de ses enfants [C], [X] et [J] et fait virer la somme de 16 577,22 euros déposée sur chacun des comptes sur le compte de dépôt de Mme [S] [V], son épouse.

 

Le 20 février 2014, M. [T] [I] a procédé au retrait de la somme de 82 000 euros du compte de dépôt de son épouse, les fonds provenant de la clôture des PEL et de virements réalisés par lui à partir de comptes d'épargne ouverts au nom de ses enfants [X] et [J].

 

Suivant acte d'huissier du 20 février 2019, Mme [S] [I] née [V] agissant tant en son  nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs [X] et [J] ainsi que Mme [C] [I] ont assigné la banque devant le tribunal de grande instance de Nantes.

 

Suivant acte d'huissier du 27 septembre 2019, la banque a assigné en intervention forcée M. [T] [I].

 

Suivant jugement du 18 novembre 2021, le tribunal de grande instance de Nantes devenu tribunal judiciaire de Nantes a :

 

Condamné la banque à payer :

La somme de 16 577,22 euros outre 1 000 euros en réparation de son préjudice économique et financier à Mme [C] [I].

La somme de 16 577,22 euros outre 1 000 euros en réparation de son préjudice économique et financier à Mme [S] [I] née [V] agissant en qualité de représentante légale de sa fille mineure [X].

La somme de 16 577,22 euros outre 1 000 euros en réparation de son préjudice économique et financier à Mme [S] [I] née [V] agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur [J].

Condamné la banque à payer à Mme [C] [I] et Mme [S] [I] née [V] ès qualités la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamné M. [T] [I] à payer à la banque la moitié de l'ensemble des sommes mises à sa charge en principal, accessoires, intérêts, frais et dépens.

Ordonné l'exécution provisoire.

Condamné la banque aux dépens sous réserve de son recours en garantie pour moitié de ces frais contre M. [T] [I].

 

Suivant déclaration du 13 décembre 2021, M. [T] [I] a interjeté appel (procédure n° 21/7733).

 

Suivant déclaration du 5 janvier 2022, la banque a interjeté appel (procédure n° 22/0057).

 

Les procédures ont été jointes.

 

En ses dernières conclusions du 30 juin 2022, M. [T] [I] demande à la cour de :

 

Vu l'article 122 du code de procédure civile,

Vu les articles 2224, 382 et 382-1 du code civil,

 

Infirmer le jugement déféré.

Statuant à nouveau,

A titre principal,

Dire prescrite l'action de la banque.

Déclarer mal fondées ses demandes et les rejeter.

A titre subsidiaire,

Débouter la banque de ses demandes.

En tout état de cause,

Débouter Mme [S] [I] née [V] agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités et Mme [C] [I] de leurs demandes.

Condamner la banque à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La condamner aux dépens.

 

En ses dernières conclusions du 9 janvier 2024, la banque demande à la cour de :

 

Vu les articles 1147 et 1382 du code civil dans leur rédaction applicable au litige,

Vu les articles 9 et 700 du code de procédure civile,

 

Infirmer le jugement déféré.

Statuant à nouveau,

A titre principal,

Débouter M. [T] [I], Mme [S] [I] née [V] ès qualités et Mme [C] [I] de leurs demandes.

A titre subsidiaire,

Condamner M. [T] [I] à la garantir des condamnations prononcées à son encontre.

En tout état de cause,

Condamner M. [T] [I] et Mme [S] [I] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

 

En leurs dernières conclusions du 5 janvier 2024, Mme [S] [I] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de son fils mineur [J], Mme [C] [I] et Mme [X] [I], devenue majeure, demandent à la cour de :

 

Vu les articles 382 et 382-1 du code civil,

Vu les articles 1147 et suivants du code civil,

 

Confirmer le jugement déféré.

Débouter M. [T] [I] et la banque de leurs demandes.

Y ajoutant,

Condamner solidairement M. [T] [I] et la banque à leur payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les condamner solidairement aux dépens.

 

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.

 

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2024.

 

 

MOTIFS DE LA DÉCISION :

 

 

Sur la prescription.

 

M. [T] [I] soutient que l'action de la banque à son égard est prescrite puisque les faits qui lui sont reprochés auraient été commis le 16 ou le 20 février 2014 et que la banque ne l'a assigné que le 27 septembre 2019, soit au-delà du délai de cinq ans.

 

L'action de la banque n'est cependant pas prescrite pour avoir été intentée le 27 septembre 2019 quand elle-même avait été mise en cause le 10 octobre 2017, la demande de réparation de la victime constituant le point de départ du délai de prescription de cinq ans consacré par l'article 2224 du code civil.

 

Sur le fond.

 

M. [T] [I] soutient qu'il n'a commis aucune faute dès lors que la clôture des PEL et que le retrait des fonds a été opéré d'accord avec son épouse dans le cadre de la séparation du couple. Il souligne le fait que les fonds ont transité par le compte de dépôt de cette dernière. Il prétend que la somme de 82 000 euros a été partagé par moitié entre eux. Il considère que la banque a commis une faute en ne sollicitant pas l'autorisation des deux parents et qu'il n'a pas à en répondre.

 

La banque considère que le comportement de Mme [S] [I] née [V] laisse à penser que la clôture des PEL et le retrait des fonds par M. [T] [I] n'ont pas été effectués à son insu. Elle en veut notamment pour preuve que sa réclamation est intervenue très tardivement en 2017 alors qu'elle ne pouvait ignorer les mouvements de fonds intervenus en 2014 et qu'elle n'a formulé aucune réclamation à l'encontre de M. [T] [I]. La banque soutient qu'il n'existe pas de lien de causalité entre la faute qu'elle a commise, à savoir ne pas avoir obtenu l'autorisation des deux parents quant à la clôture des PEL, et le détournement de fonds opéré par M. [T] [I], de manière tout à fait imprévisible à la faveur d'une procuration que son épouse lui avait consentie sur son compte de dépôt.

 

Mme [S] [I] née [V] soutient qu'elle a découvert après leur réalisation les opérations litigieuses et que la banque a prétendu que son époux, cotitulaire de l'autorité parentale, avait le pouvoir d'y procéder. Elle ajoute qu'elle n'a appris qu'en 2017 que la banque ne pouvait procéder à la clôture des PEL sans l'autorisation des deux parents. Elle veut pour preuve de sa bonne foi qu'elle a révoqué la procuration consentie à M. [T] [I] le 24 avril 2014. Elle conteste les affirmations de M. [T] [I] selon lesquelles la somme de 82 000 euros aurait été partagée par moitié entre eux. Elle relève en toute hypothèse que la faute de la banque est patente pour n'avoir pas versé les fonds provenant de la clôture des PEL sur un compte ouvert au nom des enfants mineurs.

 

Les articles 389-4 et 389-5 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige, n'autorisaient les actes de disposition concernant un enfant mineur que d'un commun accord entre les parents et, à défaut d'accord, avec l'autorisation du juge des tutelles.

 

Le décret n° 2008-1484 du 22 septembre 2008 qui fixe la liste des actes réputés être des actes de disposition incluait parmi ces actes la modification de tout compte ou livret ouverts au nom de la personne protégée, l'emploi et le remploi des capitaux et des excédents de revenus et la clôture d'un compte bancaire.

 

Il n'est pas discuté que la clôture des PEL ouverts au nom des enfants [I] et le transfert des fonds vers un autre compte nécessitait l'autorisation des deux parents. En se dessaisissant des fonds sans cette autorisation préalable, la banque a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle. Restant tenue de la restitution des fonds, c'est à juste titre que le premier juge l'a condamnée à payer à Mme [C] [I] et à Mme [S] [I] née [V] agissant en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs [X] et [J] la somme de 16 577,22 euros pour chacun des comptes.

 

A cet égard, la banque ne peut prétendre qu'il n'existe pas de lien de causalité entre la faute qu'elle a commise et le détournement opéré par M. [T] [I] alors que le préjudice des enfants [I] réside dans le fait que les fonds déposés sur les PEL ouverts à leur nom ont été irrégulièrement versés sur un compte tiers, peu important qu'il s'agisse du compte de dépôt de leur mère, avant d'être divertis par leur père.

 

La banque ne peut pas plus prétendre que le préjudice subi par les enfants [I] n'était ni prévisible ni direct alors que le préjudice était éminemment prévisible, à hauteur des sommes irrégulièrement libérées, et qu'il constituait la suite immédiate et directe de l'exécution fautive du contrat de dépôt.

 

En revanche, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a alloué à chacun des enfants [I] la somme de 1 000 euros en réparation de leur préjudice financier alors qu'il n'a pas été justifié du préjudice effectivement subi.

 

Il n'est pas discuté que M. [T] [I] a prélevé sur le compte de dépôt de Mme [S] [I] les fonds provenant des PEL ouverts au nom de leurs enfants. C'est à bon droit que la banque sollicite sa condamnation à la garantir des condamnations prononcées à son encontre alors qu'il reste tenu de la restitution des fonds qu'il a fautivement accaparés.

 

Il n'est pas inéquitable de condamner in solidum la banque et M. [T] [I] à payer à Mme [C] [I], Mme [X] [I] et Mme [S] [I] née [V] agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur [J] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Il n'est pas inéquitable de condamner M. [T] [I] à payer à la banque la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

La banque et M. [T] [I], qui succombent au moins partiellement en leurs prétentions, seront condamnés in solidum aux dépens.

 

Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

 

 

PAR CES MOTIFS :

 

 

La cour,

 

Infirme partiellement le jugement rendu le 18 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Nantes.

 

Statuant à nouveau sur l'entier litige,

 

Condamne la société Caisse de crédit mutuel de la [Localité 11] à payer :

 

La somme de 16 577,22 euros à Mme [C] [I].

 

La somme de 16 577,22 euros à Mme [X] [I].

 

La somme de 16 577,22 à Mme [S] [I] née [V] agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur [J].

 

Condamne M. [T] [I] à garantir la société Caisse de crédit mutuel de la [Localité 11] des condamnations ci-dessus prononcées.

 

Condamne in solidum la société Caisse de crédit mutuel de la [Localité 11] et M. [T] [I] à payer à Mme [C] [I], Mme [X] [I] et Mme [S] [I] née [V] agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur [J] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Condamne M. [T] [I] à payer à la société Caisse de crédit mutuel de la [Localité 11] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Condamne in solidum la société Caisse de crédit mutuel de la [Localité 11] et M. [T] [I] aux dépens.

 

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

 

LE GREFFIER.                                                           LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/07733
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;21.07733 ?
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