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18/06/2024 | FRANCE | N°21/07569

France | France, Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 18 juin 2024, 21/07569


3ème Chambre Commerciale





ARRÊT N° 260



N° RG 21/07569 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SIQ4













Société VALITUS LTD

Société FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL LTD



C/



S.A.S. MAISONS DU MONDE FRANCE

Société BAIN CAPITAL LTD

Société BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY EUROPE LLP















































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Copie exécutoire délivrée



le :



à : Me BOURGES

Me PRENEUX



Copie certifiée conforme délivrée



le :



à : TC de NANTES













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 JUIN 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président ...

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N° 260

N° RG 21/07569 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SIQ4

Société VALITUS LTD

Société FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL LTD

C/

S.A.S. MAISONS DU MONDE FRANCE

Société BAIN CAPITAL LTD

Société BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY EUROPE LLP

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me BOURGES

Me PRENEUX

Copie certifiée conforme délivrée

le :

à : TC de NANTES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLÉMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, rapporteur

GREFFIER :

Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Avril 2024

ARRÊT :

Contradictoire prononcé publiquement le 18 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTES :

Société VALITUS LTD

société de droit britannique, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 12]

[Localité 9] - ROYAUME UNI

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Kenneth WEISSBERG de la SELARL SELARL WEISSBERG, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Audrey WEISSBERG de la SELARL SELARL WEISSBERG, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL LTD

société de droit sud-africain, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 11]

[Adresse 3]

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Kenneth WEISSBERG de la SELARL SELARL WEISSBERG, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Audrey WEISSBERG de la SELARL SELARL WEISSBERG, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

S.A.S. MAISONS DU MONDE FRANCE

société immatriculée au RCS de Nantes sous le numéro 383 196 656, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Muriel LE FUSTEC de la SELARL ARTLEX II, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Carole COUSON-WARLOP de la SELARL ARTLEX II, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

BAIN CAPITAL LIMITED

Société de droit anglais immatriculée sous le numéro 03918901, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 6] ROYAUME UNI

Représentée par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Muriel LE FUSTEC de la SELARL ARTLEX II, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Carole COUSON-WARLOP de la SELARL ARTLEX II, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY (EUROPE), LLP

Société de droit Britannique, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 8]

ROYAUME UNI

Représentée par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Muriel LE FUSTEC de la SELARL ARTLEX II, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Carole COUSON-WARLOP de la SELARL ARTLEX II, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

La société de droit français MAISONS DU MONDE, est une société spécialisée dans le négoce de meubles et objets de décoration.

La société de droit anglais BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY EUROPE LLP a été l'un des actionnaires de la société MAISONS DU MONDE.

La société de droit anglais BAIN CAPITAL Ltd et la société BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY EUROPE LLP font partie du même groupe

La société VALITUS LTD est une société de droit britannique spécialisée dans la revente de stocks déclassés .

La société de droit sud-africain FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL LTD (société FORUM) est spécialisée dans la vente de marchandises en Afrique du Sud.

En 2015, MAISONS DU MONDE a recherché un soldeur intéressé par son surplus de marchandises déclassées afin de l'exporter hors des territoires où elle est implantée.

Le 4 décembre 2015, MAISONS DU MONDE a contracté avec la société anglaise VALITUS pour le rachat par cette dernière d'une partie de son stock soit 29 313 grands articles et 203 606 petits articles non facturés, 1'ensemble étant devenu hors marché pour MAISONS DU MONDE , pour un montant de montant de 187 500 euros.

La valeur catalogue de ces produits était de 7.232.121 euros TTC.

L'acquéreur s'est s'engagé à une revente hors zone de chalandise de MAISONS DU MONDE et à supporter Ie transport et les droits de douanes y afférents.

La société VALITUS Ltd a revendu la marchandise à la société de droit sud africain FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL Ltd (la société FORUM) avant même d'en avoir pris possession et les containers ont été directement expédiés en Afrique du Sud.

La vente des marchandises a été effectuée pour un prix de 551.993 euros HT, outre la prise en charge par la société FORUM des frais de transport maritime, droits de douane et stockage, et le versement d'une partie de sa marge à la société VALITUS Ltd.

La marchandise expédiée par MAISONS DU MONDE et reçue par FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL LTD se serait avérée être différente selon cette dernière de celle vue lors de la visite réalisée avec BAIN CAPITAL aux entrepôts de MAISONS DU MONDE en novembre 2015. Les meubles auraient été mal ou pas du tout emballés et retrouvés endommagés à l' ouverture des containers en Afrique du Sud.

La société FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL, après avoir déballé sept envois soit 128 conteneurs, a refusé les 55 conteneurs non ouverts restants et a demandé à VALITUS de les reprendre.

Elle a revendu des marchandises à une société PARK VILLAGE pour 156.284 euros, à une société UNICORN pour 200.235 euros, et a refacturé à la société VALITUS la somme de 147.509 euros pour les containers refusés.

La société VALITUS a cherché à vendre les marchandises auprès d'autres soldeurs puis a réexpédié les marchandises vers l'EUROPE pour inviter BAIN CAPITAL puis MAISONS DU MONDE à assister à I'ouverture desdits 56 conteneurs afin de constater ensemble l'état de la marchandise.

Compte tenu du refus des venderesses de procéder au constat, VALITUS a mandaté une société SGS pour constater l'état des marchandises.

La SGS a procédé à des opérations de constat en janvier et février 2017.

Lorsque la société VALITUS a souhaité prendre livraison des 203 605 petits articles au mois d'Avril 2017, la société MAISONS DU MONDE a indiqué qu'elle les avait détruits, la société VALITUS ayant été très en retard dans leur prise en charge et n'ayant pas répondu à ses mises en demeure de venir en prendre possession.

La société VALITUS a tenté de se rapprocher de la société MAISONS DU MONDE pour trouver une solution amiable ce qui s'est soldé par une fin de non-recevoir de cette dernière.

Le 15 mai 2071, les sociétés VALITUS et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL ont introduit une action en référé à l'encontre de la société MAISONS DU MONDE demandant respectivement les sommes de 1 398 755,25 euros et 1.149 400 euros au motif du manquement de la société MAISONS DU MONDE à ses obligations contractuelles.

Le 12 décembre 2017, le juge des référés du tribunal de commerce de Nantes a rendu une ordonnance de référé selon laquelle il s'est dit incompétent et a invité les parties à mieux se pourvoir.

La caducité de l'appel formé contre cette ordonnance a ensuite été constatée.

Le 2 mai 2019 les sociétés VALITUS et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL ont introduit une action devant le tribunal de commerce de Nantes contre les sociétés MAISONS DU MONDE et BAIN CAPITAL.

En date du 21 juin 2019, les sociétés VALITUS et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL ont assigné devant la même juridiction la société BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY.

La jonction des procédures a été prononcée.

Le 11 mars 2020, la société VALITUS a demandé l'assistance des juridictions américaines pour obtenir la transmission de documents jugés importants par elle pour l'issue du litige détenus par un tiers à la présente procédure, la holding américaine BAIN CAPITAL HOLDING.

Le 2 novembre 2020, la Cour de District du Massachusetts a rendu une ordonnance aux termes de laquelle elle a ordonné à la société BAIN CAPITAL HOLDING, maison mère de la société BAIN CAPITAL UK de remettre les documents demandés par la société VALITUS aux fins d'être produits dans la procédure française pendante devant Ie Tribunal de Nantes.

Par jugement du 04 novembre 2021, le tribunal de commerce de Nantes a :

- jugé irrecevables et infondées les demandes de la société FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL contre la société MAISONS DU MONDE;

- jugé que Monsieur [H], collaborateur de la société BAIN CAPITAL, a agi en qualité de porte-fort de la société MAISONS DU MONDE vis-a-vis de VALITUS et qu'il a rempli son obligation de faire signer le contrat querellé par MAISONS DU MONDE ;

- jugé que Monsieur [H] s'est comporté par la suite en mandataire apparent de la société MAISONS DU MONDE ;

- jugé irrecevables les demandes adressées par la société VALITUS contre la société BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY ;

- jugé que la société MAISONS DU MONDE et BAIN CAPITAL LTD et la SOCIÉTÉ BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY (EUROPE), n'ont commis aucune faute dolosive à l'encontre de VALITUS et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL ;

- jugé que la société MAISONS DU MONDE a délivré les marchandises en l'état, conformes à celles promises aux termes du contrat conclu entre les parties le 4 décembre 2015 ;

- condamné la société VALITUS au versement d'une indemnité de 58.750 euros à la société MAISONS DU MONDE FRANCE en raison de ses manquements contractuels ;

- condamné in solidum les sociétés VALITUS et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL au versement d'une indemnité de 10.000 € aux sociétés MAISONS DU MONDE FRANCE, BAIN CAPITAL LIMITED et BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif de la procédure ;

- débouté les sociétés VALITUS et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL du surplus de leurs demandes fins et conclusions ;

- condamné in solidum les sociétés VALITUS et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL au versement d'une indemnité de :

- 19 121,68 euros à la société MAISONS DU MONDE FRANCE,

- de 38 390,22 euros à la société BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY sur le fondement de 1'article 700 du Code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement sur le fondement de l'article 515 dudit Code ;

- condamné in solidum les sociétés VALITUS et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL aux entiers dépens en application de l'article 696 du même Code dont frais de Greffe liquidés a 136, 61 euros toutes taxes comprises.

Par déclaration du 03 décembre 2021, les sociétés VALITUS et FORUM EXPORTER INTERNATIONAL ont fait appel du jugement.

Par conclusions d'incident du 11 avril 2023 renouvelées le 11 août 2023, les sociétés VALITUS et FORUM EXPORTER INTERNATIONAL ont saisi le conseiller de la mise en état, en lui demandant de :

' ordonner l'audition de Monsieur [Z] [H] dans le cadre de ses pouvoir d'enquête ;

' adresser le formulaire A à l'Autorité belge compétente par application de l'articles 3 du Règlement (UE) 2020/1783 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile ou commerciale et de demander le concours de l'autorité belge compétente afin de procéder à l'audition Monsieur [Z] [H] ;

' ordonner à LA SOCIÉTÉ MAISONS DU MONDE, à LA SOCIÉTÉ BAIN CAPITAL, LIMITED et à LA SOCIÉTÉ BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY (EUROPE), LLP de produire l'audit sur l'état des stocks de MAISONS DU MONDE en 2015 aux fins d'introduction en bourse de la société MAISONS DU MONDE auquel il est fait référence dans la déclaration spontanée de Mr [Z] [H].

En réponse les intimées ont conclu à la radiation de l'affaire du rôle de la Cour.

Par ordonnance du 12 octobre 2023, le conseiller de la mise en état :

- déclaré irrecevable la demande de radiation de l'affaire du rôle de la Cour.

- rejeté la demande d'audition de M. [H].

- rejeté la demande de production du rapport d'audit des stocks de la société MAISON DU MONDE réalisé lors de l'introduction en bourse de cette dernière.

- dit n'y avoir lieu à statuer sur une demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

- rejeté les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'arrêt rendu sur le fond.

Par conclusions du 03 avril 2024, les sociétés VALITUS Ltd et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL Ltd ont demandé à la Cour de :

INFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de Nantes du 4 novembre 2021 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de MAISONS DU MONDE relatives à l'atteinte à son image et à sa notoriété,

DÉCLARER que la société MAISONS DU MONDE n'a pas délivré les

marchandises conformes à celles promises aux termes du contrat conclu entre les parties le 7 décembre 2015,

DÉCLARER que les société MAISONS DU MONDE et BAIN CAPITAL LTD et la SOCIÉTÉ BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY (EUROPE), LLP ont commis une faute dolosive en promettant des marchandises de fin de ligne alors qu'elles savaient qu'il s'agissait en grande partie de marchandises de rebut à détruire,

DÉCLARER que la société MAISONS DU MONDE a commis une faute dolosive en emballant mal ou pas du tout les marchandises qu'elle a préparées et expédiées en vue d'un transport à l'international,

DÉCLARER que la société BAIN CAPITAL LTD et la SOCIÉTÉ BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY (EUROPE), LLP se sont immiscées dans gestion de leur filiale MAISONS DU MONDE en donnant l'apparence qu'elle se substituait à elle,

DÉCLARER que la société BAIN CAPITAL LTD et la SOCIÉTÉ BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY (EUROPE), LLP se sont portées fort de l'engagement et de la bonne exécution du contrat par MAISONS DU MONDE,

DÉCLARER que les manquements susmentionnés ont causés les préjudices subis par VALITUS LTD et FORUM INTERNATIONAL LTD,

EN CONSÉQUENCE DÉCLARER la société MAISONS DU MONDE, la société BAIN CAPITAL LTD et la SOCIÉTÉ BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY (EUROPE), LLP responsables du préjudice subi par les Sociétés VALITUS LTD et FORUM INTERNATIONAL LTD,

CONDAMNER la société MAISONS DU MONDE, la société BAIN CAPITAL LTD et la SOCIÉTÉ BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY (EUROPE), LLP in solidum à payer à VALITUS LTD la somme de 1 090 021 EUROS plus les intérêts légaux depuis les faits jusqu'au parfait paiement (lesdits intérêts provisoirement évalués au 31 décembre 2023 à 92 524 euros)

CONDAMNER la société MAISONS DU MONDE et la société la société BAIN CAPITAL LTD et la SOCIÉTÉ BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY (EUROPE), LLP in solidum à payer la somme de 2 030 429 euros à FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL LTD plus les intérêts légaux depuis les faits jusqu'au parfait paiement (lesdits intérêts provisoirement évalués au 31 décembre 2023 à 172 348 euros)

DÉBOUTER les sociétés MAISONS DU MONDE, la société BAIN CAPITAL LTD et la SOCIÉTÉ BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY (EUROPE), LLP de leur appel-incident et de toutes leurs demandes,

ORDONNER le remboursement in solidum par MAISONS DU MONDE, BAIN CAPITAL LTD, SOCIÉTÉ BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY (EUROPE), LLP, à VALITUS LTD et FORUM INTERNATIONAL LTD, de la somme de 59 294, 90 euros réglée à titre provisoire par VALITUS LTD et FORUM INTERNATIONAL LTD à MAISONS DU MONDE, BAIN CAPITAL LTD, SOCIÉTÉ BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY (EUROPE), LLP, au titre des condamnations prononcées par le Tribunal de Commerce de Nantes du 4 novembre 2021,

CONDAMNER la société MAISONS DU MONDE, la société BAIN CAPITAL LTD et la SOCIÉTÉ BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY (EUROPE), LLP in solidum à payer 70.000 euros à VALITUS LTD et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL LTD au titre de l'article 700 CPC en première instance et les entiers dépens ,

CONDAMNER la société MAISONS DU MONDE, la société BAIN CAPITAL LTD et la SOCIÉTÉ BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY (EUROPE) LLP in solidum à payer 105.177 euros à VALITUS LTD et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL LTD au titre de l'article 700 dans l'instance d'appel et les entiers dépens.

Par conclusions du 02 avril 2024, les sociétés MAISONS DU MONDE, BAIN CAPITAL Ltd, et BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY EUROPE Llp ont demandé à la Cour de :

A titre principal :

CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nantes le 4

novembre 2021 en ce qu'il a :

- JUGE irrecevables les demandes adressées contre la société BAIN CAPITAL

PRIVATE EQUITY ;

-JUGE irrecevables et infondées les demandes de la société FORUM

EXPORTERS INTERNATIONAL ;

-JUGE infondées les demandes de la société VALITUS ;

-DÉBOUTE les sociétés VALITUS et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL de l'ensemble de leurs demandes ;

-CONDAMNE la société VALITUS à indemniser la société MAISONS DU

MONDE en raison de ses manquements contractuels ;

-CONDAMNE in solidum les sociétés VALITUS et FORUM à indemniser à

MAISONS DU MONDE, BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY et BAIN

CAPITAL LIMITED pour procédure abusive ;

-CONDAMNE in solidum les sociétés VALITUS et FORUM à payer 19.121,68

euros HT à MAISONS DU MONDE et 38.390,22 euros à la société BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

-CONDAMNE in solidum les sociétés VALITUS et FORUM aux entiers

dépens ;

REFORMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nantes le 4 novembre 2021 pour le surplus et :

- JUGER irrecevables les demandes adressées contre la sociétés BAIN CAPITAL LIMITED ;

- CONDAMNER la société VALITUS au versement d'une indemnité de 351.660,75 euros à la société MAISONS DU MONDE FRANCE en raison de ses manquements contractuels ;

- CONDAMNER les sociétés VALITUS et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL au versement d'une indemnité de 50.000 euros à chacune des sociétés MAISONS DU MONDE FRANCE, BAIN CAPITAL LIMITED et BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif de la procédure ;

- CONDAMNER les sociétés VALITUS et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL au versement d'une indemnité de 10.000 euros à la société MAISONS DU MONDE FRANCE en réparation du préjudice subi par la société MAISONS DU MONDE FRANCE du fait de l'atteinte à sa réputation du fait des communications sans réserve adressées à ses commissaires aux comptes.

A titre subsidiaire :

- CONSTATER et RECTIFIER les erreurs matérielles contenues dans l'exposé des motifs et le dispositif du jugement rendu le 4 novembre 2021 par le Tribunal de commerce de Nantes (RG n°J2019000021) dans la procédure opposant les sociétés MAISONS DU MONDE FRANCE, BAIN CAPITAL, LIMITED, et BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY (EUROPE), LLP aux sociétés VALITUS LTD et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL LTD, et, en conséquence :

- AJOUTER dans le dispositif du jugement la première condamnation au paiement d'une indemnité de 10.000 euros à l'encontre des sociétés VALITUS et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL pour procédure abusive (qui n'est pas « in solidum »);

- INTÉGRER dans les motifs du jugement que les deux condamnations pour procédure abusive à hauteur de 10.000 euros chacune, bénéficient tant à la société MAISONS DU MONDE FRANCE qu'aux sociétés BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY et BAIN CAPITAL LIMITED ;

- AJOUTER dans les motifs du jugement que les deux condamnations pour procédure abusive (l'une en raison des actes de malice et l'autre en raison de la procédure de discovery) sont à verser à la société MAISONS DU MONDE FRANCE, à la société BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY et à la société BAIN CAPITAL LIMITED ;

- PRÉCISER que seule la deuxième condamnation pour procédure abusive en raison de la procédure de discovery est prononcée « in solidum », conformément aux motifs du jugement.

- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nantes le 4 novembre 2021 en ce qu'il a :

- CONDAMNE la société VALITUS à payer 58.750 euros à la société MAISONS DU MONDE en raison de ses manquements contractuels.

En tout état de cause :

- DÉBOUTER les sociétés VALITUS et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL de l'ensemble de leurs demandes ;

- CONDAMNER in solidum les sociétés VALITUS et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL à payer 38.813,85 euros à MAISONS DU MONDE et à payer 82.869,68 euros à BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER les sociétés VALITUS et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL aux entiers dépens.

Lors de l'audience, la Cour a demandé aux parties de lui adresser une note durant le délibéré sur les liens capitalistiques exacts existant entre les sociétés MAISONS DU MONDE, BAIN CAPITAL Ltd, BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY EUROPE LLP, ainsi que sur les liens existant entre ces dernières et M. [Z] [H].

Les intimées ont adressé une note le 03 mai 2024 et le 15 mai 2024.

Les appelantes ont adressé une note le 25 avril puis le 06 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le droit applicable :

Le contrat signé le 04 décembre 2015 par la société de droit britannique VALITUS Ltd et le 22 avril 2016 par la société de droit français est un contrat de vente internationale de marchandises.

Il précise que le contrat est soumis au droit français, selon une disposition non contestée et conforme aux prescriptions des articles 10 et 11 du règlement 593/2008 dit Rome I permettant à des parties situées toutes deux dans des pays différents de l'Union Européenne de choisir la loi applicable à leur contrat.

L'article 25 de ce règlement précise que 'Le présent règlement n'affecte pas l'application des conventions internationales auxquelles un ou plusieurs États membres sont parties lors de l'adoption du présent règlement et qui règlent les conflits de lois en matière d'obligations contractuelles'.

La Grande-Bretagne et la France sont signataires de la Convention des Nations-Unies sur les contrats de vente internationales de marchandises, dite Convention de Vienne et connue sous le sigle CVIM.

L'article 1 de la CVIM, intitulé 'Champs d'application' est rédigé comme suit:

1) La présente Convention s'applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des États différents :

a) Lorsque ces États sont des États contractants; ou

b) Lorsque les règles du droit international privé mènent à l'application de la loi d'un État contractant'.

En l'espèce, les règles du droit international privé mènent à l'application de la loi française et le contrat conclu entre les parties n'exclut pas expressément l'application de la CVIM (ce que les dispositions de l'article 6 de cette dernière permettent).

Enfin, la CVIM est incluse dans le corpus du droit français.

Il en résulte que la CVIM est applicable au litige.

Sur la recevabilité des prétentions de la société FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL:

La société FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL LTD est le sous-acquéreur des marchandises vendues par la société MAISONS DU MONDE à la société VALITUS LTD..

La CVIM ne traite pas des rapports entre le vendeur et le sous-acquéreur.

L'article 7. 2) de la CVIM est rédigé comme suit :

'Les questions concernant les matières régies par la présente Convention et qui ne sont pas expressément tranchées par elle seront réglées selon les principes généraux dont elle s'inspire ou, à défaut de ces principes, conformément à la loi applicable en vertu des règles du droit international privé'.

Ainsi les rapports entre le sous-acquéreur et le vendeur relèvent du droit français.

Celui-ci reconnaît au sous-acquéreur le droit d'agir contre le vendeur initial au titre de sa responsabilité contractuelle, les droits et actions attachées à la chose vendue lui ayant été transmis par le premier acquéreur.

L'action de la société FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL LTD est recevable.

Sur la recevabilité des prétentions émises contre les sociétés BAIN CAPITAL Ltd et BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY EUROPE LLP:

L'examen des pièces versées aux débats met en lumière deux faits constants :

- le contrat a été conclu exclusivement entre deux parties: la société de droit français MAISONS DU MONDE et la société de droit britannique VALITUS; il ne fait jamais mention d'une société BAIN CAPITAL quelconque,

- le contrat a été négocié par M. [Z] [H], rédigeant ses e-mails sous l'adresse suivante: [Courriel 5]

Il résulte d'autre part des notes en délibéré qu'à l'époque de la signature du contrat litigieux la société BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY EUROPE LLP était l'associé majoritaire de la société MAISONS DU MONDE par l'entremise de filiales dont elle détenait aussi la majorité (filiales MAGNOLIA).

Il doit être immédiatement relevé que si la société VALITUS Ltd soutient dans ses conclusions qu'il résulterait à l'évidence des faits de l'espèce que la société 'BAIN CAPITAL', actionnaire majoritaire de la société MAISON DU MONDE, et employeur de M. [H] se serait immiscée fautivement dans la gestion de sa filiale MAISONS DU MONDE, elle expose toutefois ne pas être réellement certaine de quelle société 'BAIN CAPITAL' il s'agirait, et s'être trouvée dans l'obligation 'par précaution', d'assigner tout à la fois les sociétés 'BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY EUROPE' et 'BAIN CAPITAL LIMITED'.

Il en résulte que la thèse de la société VALITUS selon laquelle elle aurait contracté avec une société 'BAIN CAPITAL', qui aurait 'donné l'apparence qu'ellese substituait à sa filiale' (paragraphe 165 des conclusions des appelantes) nonobstant les termes clairs du contrat qu'elle a signé est contredite par l'affirmation selon laquelle elle est dans l'incapacité de savoir de quelle société 'BAIN CAPITAL' il s'agirait.

S'agissant de M. [H], a été versé aux débats le contrat de travail le liant avec la société PORTFOLIO COMPANY ADVISORS EUROPE LLP, filiale de la société de la société BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY EUROPE LLP.

Ce contrat lui donne comme mission de fournir une mission d'assistance et de conseil de gestion aux sociétés détenues en portefeuille par certains fonds d'investissement.

Il est exact que son contrat prévoit aussi qu'il lui sera fait obligation de se plier aux règles définies par le 'Bain Capital Européan Compliance Manual', le 'Bain Capital London Employee Handbook' et tout autre corpus de règles émanant des sociétés soeurs ou filiales de la société PORTFOLIO COMPANY ADVISORS EUROPE.

Ce même contrat dans son article 19 fait expressément référence au groupe de sociétés détenues par BAIN CAPITAL HOLDING Inc (société de droit américain qui n'est pas à la cause).

Si les sociétés appelantes soutiennent que M. [H] doit être lié aux sociétés 'BAIN CAPITAL' par d'autres contrats de travail, elles sont dans l'incapacité de le démontrer, et ceci, alors qu'elles ont introduit contre la maison mère de droit américain une procédure leur ayant permis de se faire remettre plusieurs milliers de pièces.

Il résulte de tout ce qui précède que M. [H] a négocié avec la société VALITUS pour le compte de la société MAISONS DU MONDE, se comportant comme le mandataire apparent de cette dernière.

Au demeurant, nul ne conteste la qualité de contractant de la société MAISON DU MONDE et celle-ci a exécuté les engagements pris en son nom par M. [H] durant la période de négociation.

Il est d'usage que les groupes d'entreprise utilisent un adressage de courriels communs.

Cet usage est commun et répandu, et nul n'en tire comme conséquence que le salarié utilisant cet adressage engage le groupe dans son ensemble ou sa société holding.

Notamment, en l'espèce, un contrat écrit est venu rappeler de façon incontestable quelles étaient les parties au contrat.

S'il devait être démontré que M. [H] a usé de manoeuvres dolosives envers la société VALITUS, seul son employeur, par l'entremise de la responsabilité des commettants, pourrait en être responsable, à titre délictuel et non contractuel.

Or, cet employeur n'est ni la société BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY EUROPE LLP ni la société BAIN CAPITAL LTD.

D'autre part, l'immixtion de la société BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY EUROPE LLP dans la gestion des sociétés qu'elle détient dans le cadre de son activité de fonds d'investissement est patente puisque, précisément, le rôle de la société PORTFOLIO, employeur de M. [H], est de se pencher sur la gestion des sociétés détenues et d'en améliorer la rentabilité.

Telle est d'ailleurs précisément la mission dévolue à M. [H] au terme de son contrat de travail.

Les prétentions formées contre elle sont donc recevables.

Toutefois, cette immixtion ne peut engager la responsabilité de l'associé de la société contractant que pour autant qu'elle soit fautive.

En l'espèce les sociétés appelantes reprochent aux sociétés ' BAIN CAPITAL' de les avoir délibérément trompées en les convainquant d'acquérir des produits décrits comme des fins de stocks ou de ligne, alors qu'il s'agissait de produits détériorés et ne pouvant être vendus, ce qu'elles auraient su.

Cette thèse exige d'une part que la tromperie de M. [H] soit établie par la Cour, d'autre part qu'elle ait été portée à la connaissance de la société BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY EUROPE LLP par M. [H].

Elle exige donc l'examen du fond du litige.

D'ores et déjà, la société BAIN CAPITAL LTD doit toutefois être mise hors de cause, les liens capitalistiques et l'immixtion ne concernant que la société BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY EUROPE LLP.

Le litige :

Les sociétés VALITUS Ltd et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL Ltd formulent trois griefs à l'égard des sociétés MAISONS DU MONDE et BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY EUROPE:

- les avoir trompées en leur vendant des biens présentés comme des biens de fin de stock ou de fin de ligne, alors qu'il s'agissait de biens invendables car cassés ou détérioriés,

- ne pas avoir rempli leur obligation d'emballage des biens vendus, conduisant ceux-ci à être gravement détérioriés durant le transport,

- ne pas avoir fourni les 200.000 petits articles gratuits qui devaient être joints aux articles payés.

La tromperie sur la qualité des biens :

Il doit immédiatement être relevé que ce grief n'est apparu que récemment.

Les containers ont été débarqués en Afrique du Sud pour le dernier à la fin du mois de juin 2016.

La première réclamation, du 13 mai 2016, fait principalement référence à des inexactitudes des listes de colisage, conduisant à des difficultés avec les douanes ; elle signale aussi que les marchandises de l'entrepôt F (de la société MAISONS DU MONDE) sont tous arrivés cassés.

Il n'est pas fait mention d'une non-conformité, simplement de leur casse.

La seconde réclamation est datée du 20 juillet 2016 et contient des photos de l'ouverture d'un conteneur, avec une mention de la société VALITUS selon laquelle 'ce n'est pas acceptable'.

Au mois d'août 2016, M. [J], employé du groupe BAIN CAPITAL et résidant en Afrique du Sud, prendra contact avec le dirigeant de la société FORUM et rapportera ses doléances à M. [H]. Celles-ci sont relatives au mauvais emballage et à la désorganisation des conteneurs, non à la qualité des biens.

Ensuite, au mois de novembre 2016, Mme [X], l'un des associés (pour l'opération litigieuse) de la société FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL a écrit directement à plusieurs salariés du groupe BAIN CAPITAL (dont elle avait recueilli les noms sur le site internet du groupe) pour leur demander d'intervenir pour 'remédier au désastre' résultant des 'dégâts subis par la cargaison, qui semble avoir été jetée, mal chargée, certainement

sans supervision, il y a eu des dégâts au niveau du tri de la cargaison qui ont retardé la vente de la cargaison qui était en bon état (...)'.

Pour Mme [X], seul le chargement et l'emballage sont donc en cause.

M. [H] va demander des explications au dirigeant de la société VALITUS Ltd, qui répondra en expliquant que la société FORUM s'était donc associée pour financer les frais de transports et de douane et terminera en écrivant ce qui suit :

'malheureusement les choses se sont mal passées puisque les marchandises étaient si mal emballées qu'environ 60 des 129 conteneurs qu'ils ont réussi à dédouaner allaient être brûlés en raison des dégâts causés par le mauvais emballage (....) On dirait que les gens qui ont chargé nos marchandises les ont juste jetées dans les conteneurs. Si vous souvenez, nous n'avons pas été autorisés à charger nous-même à cause des syndicats. J'ai mon idée personnelle de la raison pour laquelle le chargement a été effectué ainsi(...)'.

Alors que le litige est désormais connu dans son ampleur, le dirigeant de la société VALITUS n'évoque pas une tromperie sur la qualité des biens achetés mais met uniquement en cause, leur emballage.

Enfin, l'assignation délivrée le 15 mai 2017 par les sociétés VALITUS et FORUM à la société MAISONS DU MONDE pour demander paiement de provisions de 1.398.755,25 euros (VALITUS) et de 1.749.400 euros (FORUM) ne fait absolument pas mention d'une quelconque tromperie et se borne à faire état :

- d'un défaut de délivrance conforme en ce que les marchandises n'ont pas emballées ou conditionnées selon le mode habituel des marchandises du même type, en violation des dispositions de l'article 35 de la CVIM,

- de l'inexécution de l'obligation de délivrance des 200.000 petites pièces qui ont été détruites par la société MAISON DU MONDE alors qu'elle les avait promises à VALITUS Ltd.

Le grief tiré du dol et de la tromperie n'a été donc rajouté que tardivement, lors de la délivrance de l'assignation au fond.

S'il est établi, le dol permet d'écarter les dispositions de l'article 3.5 du contrat selon lesquelles :

'VALITUS Ltd achète les produits objets des présentes en l'état auprès de MAISONS DU MONDE, VALITUS Ltd ne saurait solliciter une prise en charge d'éventuelles réparations au titre d'une garantie de quelque nature et/ou des frais de remise en état desdits produits. VALITUS Ltd ne saurait solliciter de MAISONS DU MONDE une quelconque mise en conformité des produits au regard des normes des états dans lesquels les produits sont susceptibles d'être revendus'.

De la même façon, ne serait pas applicable l'article 3.2 du contrat selon lequel:

'VALITUS s'engage à prendre possession des marchandises en l'état et ne peut remettre en cause le listing défini entre les parties. VALITUS ne saurait invoquer un quelconque vice ou un quelconque défaut pour refuser de prendre possession de la marchandise'.

Le contrat conclu entre les sociétés MAISONS DU MONDE et VALITUS prévoit dans son préambule :

'la société MAISONS DU MONDE dispose, périodiquement, de stocks de marchandises qu'elle ne souhaite pas ou plus mettre en vente dans son circuit

de distribution habituel, c'est à dire au sein de son réseau de magasins à enseigne MAISONS DU MONDE. Pour autant, qu'il s'agisse de produits neufs invendus, de produits en retour VPC, ou de produits non conformes aux attentes de MAISONS DU MONDE, notamment d'un point de vue esthétique et/ou de finitions, MAISONS DU MONDE souhaite vendre ces produits tout en préservant la notoriété de sa marque'.

Il en résulte que le contrat prévoit expressément qu'il concerne des retours clients de vente par correspondance et des produits 'non conformes aux attentes de MAISONS DU MONDE'.

Il est exact que parmi la liste des produits vendus ne sont pas spécifiés lesquels sont simplement des produits obsolètes, lesquels sont des retours clients (souvent car ils sont arrivés abîmés), et lesquels sont 'non conformes aux attentes de MAISONS DU MONDE'.

Pour autant, les termes clairs du préambule permettent de conclure que la vente ne comportait pas que des produits de fin de stock.

Ensuite, un courriel de la société VALITUS, antérieur à la signature du contrat, évoque 'le pourcentage élevé de retours, qui ne sont pas dans leurs emballages d'origine'.

La société VALITUS ne peut donc prétendre avoir été trompée sur ce point.

Ensuite, les appelantes font état de la visite des entrepôts de [Localité 10] et d'[Localité 4] pour conclure qu'il ne leur a été montré que des produits en très bon état.

Les vidéos qu'elles versent aux débats sont très insuffisantes à justifier qu'il ne leur a pas été vendu des meubles comprenant des défauts tels qu'éraflures, mauvaise application de vernis etc...

Surtout, il n'existe pas de démonstration factuelle que le mauvais état de certains meubles, tels qu'il apparaît sur certaines photos, ait été antérieur à la vente et non pas la seule conséquence de dégradations durant leur transport entre l'Europe et l'Afrique du Sud suite à un emballage défectueux.

Sur ce point, la Cour relève que malgré l'arrivée échelonnée de conteneurs et des premiers désordres apparus dès le mois de mai, aucune mesure de nature à organiser des constatations non contestables n'a été organisée par les acquéreurs alors que les conteneurs se trouvaient en Afrique du Sud.

Le première saisine d'un cabinet d'expert a eu lieu début 2017, sur les containers ayant effectué le voyage de retour en Europe, et les constatations effectuées- pour autant qu'elles puissent être retenues comme probantes - sont toutes afférentes à des défauts d'emballage : absence de palette sous les meubles et absence de film ayant conduit à la détérioration des marchandises durant le transport.

Les appelantes font grand cas de leur pièce numéro 80 qui est un courriel de deux lignes dans lequel M. [H] écrit M. [J] 'As you know, the buyer of our broken furniture is reselling this in South Africa' pour conclure que dans ses courriels à usage interne, M. [H] indique lui-même avoir vendu de la marchandise cassée.

Toutefois, 'broken', comme le souligne la société MAISONS DU MONDE ne veut pas uniquement dire 'cassée' mais aussi 'abîmée', ce qui correspond aux produits non conformes aux attentes.

Sur ce point précis, , M. [H] avait écrit à M. [J] au mois d'avril 2016, avant même que les premiers containers soient livrés, donc avant tout litige, dans des termes qui permettent de comprendre ce qui doit s'entendre par 'broken':

' MAISONS DU MONDE a vendu 205 conteneurs of 'damaged furniture' (c'est à dire toujours fonctionnels mais pas assez bien pour être vendus dans nos propres magasins, il me semble des canapés en cuir éraflé, des tables avec du bois ébréché etc ...à une compagnie d'export anglaise du nom de VALITUS Ltd (avec pour directeur général [F] [P]), qui met les produits aux enchères en Afrique du Sud.

Comme nous voulons nous assurer que la marchandise a bien été livrée en Afrique du Sud et qu'elle est vendue dans les conditions convenues (...) Je voudrais vous demander si vous pouvez rendre visite aux commissaires priseurs qui s'occupent de la vente et éventuellement assister à une vente aux enchères pour voir comment cela fonctionne et qui achète (....)'.

Ce courriel, à usage interne au sein du groupe BAIN CAPITAL, ne peut être considéré comme ayant été écrit pour les besoins de la cause et donne une définition précise de ce que M. [H] considérait avoir été l'objet du contrat.

Les appelantes mettent aussi en exergue leur pièce numéro 84, qui est la réponse de M. [H] à M. [J] après que celui-ci, ainsi qu'explicité plus haut, ait pris contact avec le dirigeant (M. [E] [U]) de FORUM et reçu ses doléances :

M. [H] a répondu :

'Il est tout à fait possible que [E] perde 10 millions de rands, les marchandises ont été achetées 180.000 euros, le transport et l'entreposage ont coûté au moins 500-600.000 euros et ils ont dû payer les droits d'importation. Je crois qu'[F] (nb VALITUS) leur a survendu les marchandises : il y avait en effet un certain nombre de marchandises avec des pièces manquantes et aussi un certain nombre de marchandises endommagées, mais [F] avait vu et su tout cela'.

Les appelantes contestent cette dernière assertion, qui selon eux ne ressortirait d'aucune pièce.

Toutefois, les échanges précontractuels démontrent que la liste des biens offerts par la société MAISONS DU MONDE à la société VALITUS n'a cessé d'évoluer, que dès l'origine, il était évoqué par la société VALITUS le pourcentage important de retour client, et que quinze jours avant la signature du contrat, la société VALITUS justifiait le faible prix offert en 'voulant réserver 10% pour les dégâts-bris au cours du transport' et ne pas être certaine de la valeur de certains biens et de la possibilité de gagner de l'argent sur tous les articles du stock, en espérant que les pertes et profits sur les marchandises se compenseraient.

Ce courriel démontre ainsi que le 12 novembre 2015, soit trois semaines avant de signer le contrat, et en faisant son offre de prix, la société VALITUS Ltd était parfaitement consciente d'acquérir des biens qui n'avaient pas tous une valeur marchande (ce qui selon elle justifiait d'ailleurs la faiblesse de son offre), et acceptait de prendre le risque de dégradations élevées durant le transport.

Enfin, il ne peut pas être tiré des constatations réalisées par M. [J] au mois d'Août 2016 que MAISONS DU MONDE a vendu délibérément des marchandises cassées. Après avoir précisé que les entrepôts de stockage étaient

situés dans un des endroits les plus mal famés de Johannesburg, M. [J] écrit à M. [H] :

- qu'il lui semble que 30% des marchandises sont abîmées 'en raison d'un mauvais emballage',

- mais qu'il a remarqué 'd'un autre coté', que 'presque toutes les marchandises étaient ou étaient apparemment arrivées dans ce que j'appellerai un emballage 'MDM' correct', avec l'étiquette MAISONS DU MONDE encore présente;

- que parmi 'les nombreuses merdouilles (dont de spectaculaires cabines téléphoniques rose vif '!), j'ajouterai qu'il y avait de très beaux articles'.

Ce témoignage, qui a donc été réalisé pour un usage interne aux sociétés MAISONS DU MONDE et BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY EUROPE, n'accrédite pas la thèse de la vente par la société MAISONS DU MONDE de marchandises cassées et sans valeur marchande, puisque bien au contraire, seuls sont constatés des problèmes d'emballage restreints à un tiers des marchandises, le reste étant constitué de produits démodés que le témoin considère un peu ridicules (le sens qu'il faut manifestement donner au mot 'merdouilles' et aux cabines téléphoniques rose vif).

En conséquence de l'ensemble de ces motifs, la Cour constate qu'il n'est pas démontré que les sociétés MAISONS DU MONDE et BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY LLP aient trompé la société VALITUS sur les caractéristiques essentielles des marchandises vendues.

Le dol n'est pas établi.

Le défaut d'emballage :

Le contrat prévoyait dans son article 3.2 que la société VALITUS avait l'obligation de prendre livraison des produits selon les modalités définies à l'article 6.

Selon l'article 6:

'MAISON DU MONDE s'engage à mettre à disposition de VALITUS Ltd les produits suivant un planning défini en annexe (annexe 2). Les marchandises détenues par MAISONS DU MONDE dans ses entrepôts d'[Localité 4] devront être retirées dans les plus brefs délais à compte de la signature des présentes, et au plus tard le 20 décembre 2015. Les autres marchandises devront, quant à elles, être retirées avant le 20 février 2016.

VALITUS s'engage à faire le nécessaire pour venir prendre possession de la marchandise dans les délais impartis et procéder à l'enlèvement des conteneurs. A défaut, MAISONS DU MONDE facturera à VALITUS Ltd l'ensemble des frais dont des frais de traction, de stockage et d'entreposage des produits du fait de ce manquement, sans préjudice des éventuels frais annexes que MAISONS DU MONDE serait amenée à supporter'.

Les sociétés VALITUS et FORUM vont valoir que ces dispositions n'exonéraient pas la société MAISONS DU MONDE de l'obligation prescrite par les dispositions de l'article 35 de la CVIM, selon lesquelles :

1) Le vendeur doit livrer des marchandises dont la quantité, la qualité et le type répondent à ceux qui sont prévus au contrat, et dont l'emballage ou le conditionnement correspond à celui qui est prévu au contrat.

2) À moins que les parties n'en soient convenues autrement, les marchandises ne sont conformes au contrat que si (...) :

d) Elles sont emballées ou conditionnées selon le mode habituel pour les marchandises du même type ou, à défaut du mode habituel, d'une manière propre à les conserver et à les protéger.

Toutefois, les parties avaient expressément convenu dans leurs discussions précontractuelles, que la société VALITUS se chargerait de l'emballage.

Dans son courriel du 12 novembre 2015, la société VALITUS a en effet écrit, pour justifier de son offre de prix :

'Nous avons aussi prévu des frais pour la présence de notre équipe pendant environ 5 semaines pour charger les marchandises (4 personnes plus des occasionnels à engager en France)'.

Il est aussi acquis aux débats qu'une équipe de VALITUS est venue en France et a emballé les marchandises et a chargé elle-même 39 des 184 conteneurs.

La raison pour laquelle elle n'a pas réalisé l'entier emballage et l'entier empotage reste inconnu de la Cour, deux récits se confrontant sans preuve tangible.

En tout état de cause, la société MAISONS DU MONDE, tenue par ses obligations de libérer ses entrepôts (ce fait étant connu et expliquant le calendrier précis figurant au contrat), a pris la suite de la société VALITUS.

La Cour relève toutefois qu'aucun motif ne s'opposait à ce que le chef de l'équipe de VALITUS, M. [L] [T], reste présent sur place pour diriger l'emballage et l'empotage et qu'il est de la seule responsabilité de la société VALITUS que la suite des opérations ne se soit pas déroulée sous son contrôle effectif, dans la mesure où elle en avait la charge et que suite à son départ, certains points de divergence sont apparus entre les parties.

L'échange de courriels du 28 février 2016 démontre en effet que la société MAISONS DU MONDE entendait facturer la main-d'oeuvre mobilisée et les palettes utilisées, ce que la société VALITUS a refusé.

La société VALITUS Ltd a ensuite donné par courriel des instructions de chargement précises à la société MAISONS DU MONDE :

'Cette semaine, chargez vous même et continuez de la façon dont [L] a fait la semaine dernière: mettez deux personnes dans le conteneur vide et laissez un conducteur de chariot glisser la palette dans le container. Ensuite les palettes sont à démanteler à l'intérieur du container, donc nous ne perdons pas d'espace et vous ne perdez pas le coût de la palette (...) Apportez simplement les palettes telles qu'elles se trouvent dans le container pour qu'elles soient démantelées à l'intérieur du conteneur. Il n'y a pas besoin de ruban adhésif et film plastique'.

De la même façon, la société VALITUS donnera par courriel l'instruction suivante :

'veuillez ne pas charger de palettes dans les conteneurs afin que nous puissions tous deux économiser de l'argent'.

Or, la société VALITUS avait elle-même écrit au mois d'octobre 2015 qu'elle avait conscience de l'important pourcentage de retours clients non emballés et du fait que les meubles étaient déjà montés et nécessitaient des emballages spécifiques.

Elle a donc choisi délibérément de faire procéder par la société MAISONS DU

MONDE à un empotage et à un emballage ne permettant pas une protection adéquate des marchandises transportées.

Elle ne peut reprocher à la société MAISONS DU MONDE de ne pas avoir effectué des photos des containers remplis alors qu'elle refusait de payer les frais de l'emballage et de l'empotage qui lui incombaient.

Enfin, les observations faites par le cabinet d'expertise SGS dix mois plus tard sur les containers revenus en Europe ne mettent pas en exergue d'autres défauts que l'absence de palette et l'absence de film plastique, en leur attribuant la détérioration des meubles se trouvant dans les containers.

Il s'en déduit que la société VALITUS Ltd, pour le compte et sous les ordres de laquelle la société MAISONS DU MONDE a effectué les opérations d'emballage et d'empotage des marchandises, est entièrement responsable des dommages en étant résulté.

Ce moyen n'est pas fondé.

S'agissant des erreurs figurant dans les listes de colisage, qui ont conduit les douanes sud-africaines à faire des difficultés lors de l'ouverture des containers, et dont M. [H] a retenu dans un courriel que MAISONS DU MONDE en portait la responsabilité, la Cour ne dispose d'aucune données précise sur le nombre de containers concernés non plus que sur le retard précis pris au dédouanement des marchandises.

Il n'est pas non plus justifié que ces erreurs de colisage aient pu interdire la revente des marchandises.

Les attestations versées aux débats ont été rédigées par des personnes intéressées au litige : associés de VALITUS ou de FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL pour l'opération.

Enfin ces erreurs ont été commises alors que la société VALITUS Ltd avaient plusieurs mois de retard pour prendre possession des marchandises et que la société MAISONS DU MONDE, qui se devait de faire de la place dans ses entrepôts, était prise par le temps.

Dès lors, aucun préjudice précis n'est justifié de ce chef et ce moyen ne peut servir de fondement à une quelconque condamnation.

L'absence de délivrance des petites pièces :

Il est acquis aux débats que quoique le contrat ne le mentionne pas, la société MAISONS DU MONDE s'était engagée à fournir à la société VALITUS, à titre gratuit, environ 203.606 petits objets de décoration.

Il est aussi certain que ces objets devaient être enlevés dans les mêmes délais que les autres marchandises.

Il avait été demandé expressément par la société VALITUS que ces objets ne soient pas chargés dans les conteneurs à destination de l'Afrique du sud.

Il est aussi acquis aux débats que la date à laquelle les objets seraient enlevés par la société VALITUS était un élément essentiel du contrat, qui a fait l'objet d'une disposition précise, après avoir fait l'objet de négociations contractuelles expresses.

Selon l'annexe 2 du contrat, toutes les marchandises devaient avoir été enlevées au plus tard le 31 janvier 2016.

Au mois de décembre 2016, soit onze mois après la date contractuellement fixée, la société VALITUS n'avait pas pris possession des petits objets.

Le 08 novembre 2016, M. [H] a écrit au dirigeant de la société VALITUS qu'il devait absolument prendre possession des petits objets, leur destruction étant envisagée à défaut pour la fin du mois.

M. [P] s'est engagé par retour de courriel à en prendre possession à compter du 25 novembre.

Le 16 novembre, M. [P] a écrit que les petits objets seraient enlevés durant les deux premières semaines de Décembre.

Le 12 décembre, M. [P] a écrit pour indiquer ne pas trouver de camions et proposer d'enlever les objets à partir du 9 janvier 2017.

Le 04 janvier 2017, M. [P] a écrit ne pas trouver de camions suffisamment bon marché et demander un report des opérations d'enlèvement à la troisième semaine de janvier.

Le même jour, MAISONS DU MONDE lui a répondu pour demander un enlèvement plutôt début février, ayant des travaux à effectuer sur le site.

La société VALITUS n'a ensuite donné aucune nouvelle de l'enlèvement des petits objets jusqu'au 03 avril, date à laquelle elle a adressé un courrier pour demander quand elle pouvait procéder à l'enlèvement des petits objets.

Il lui a alors été répondu qu'ils avaient été détruits.

Il résulte de cet exposé des faits que, malgré le caractère essentiels des délais figurant au contrat, la société VALITUS a pris un retard considérable pour exécuter ses obligations.

Un courriel du 16 novembre 2016 l'a avertie du risque de destruction des objets sans conduire à une modification significative de ses diligences pour enlever les objets.

Si même, devant sa énième modification de date, MAISONS DU MONDE lui a demandé une semaine de délais (entre la troisième semaine de janvier et le début du mois de février 2016), la société VALITUS ne pouvait continuer, durant tout le mois de février et le mois de mars 2017, ayant pris plus d'une année de retard sur ses engagements, à ne pas s'exécuter.

Dès lors, la société MAISONS DU MONDE, qui l'avait avisée du risque encouru, était fondée au titre de l'exception d'inexécution, à ne plus lui livrer les objets et à libérer elle-même ses entrepôts.

Aucun préjudice indemnisable ne peut en découler pour les société VALITUS LTD et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL LTD.

En conséquence de ce qui précède, les sociétés VALITUS LTD et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL LTD sont déboutées de leurs prétentions indemnitaires et le jugement déféré est confirmé de ce chef.

Les demandes reconventionnelles de la société MAISON DU MONDE:

Les manquements contractuels :

La société MAISONS DU MONDE réclame à la seule société VALITUS la somme de 351.660,75 euros au titre de manquements contractuels constitués du retard dans le chargement, de la vente de marchandise en Europe, d'une atteinte à son image.

Les conséquences du retard dans le chargement :

Les marchandises (hors petits objets) ont été chargés avec un retard important par la société VALITUS, car celle-ci, ainsi qu'elle l'a admis dans un courriel, attendait de trouver elle-même un acquéreur, notamment pour savoir où envoyer les marchandises.

Les premiers chargements ont été réalisés au mois de mars 2016, alors qu'ils auraient dû être chargés au plus tard le 20 décembre 2015 pour l'entrepôt d'[Localité 4] et le 31 janvier 2016 pour les autres.

Néanmoins, la société VALITUS a pris en charge le paiement du loyer de l'entrepôt d'[Localité 4] jusqu'à ce que celui-ci soit libéré.

D'autre part, les motifs pour lesquels la société VALITUS n'a pas pu emballer et empoter plus de 40 containers sur 184 font l'objet de récits contradictoires.

La société VALITUS prétend que les dockers de [Localité 10] lui ont interdit de continuer à charger car ses salariés n'étaient pas syndiqués; auquel cas, MAISONS DU MONDE, qui a ses entrepôts à [Localité 10] et une connaissance de fine de son environnement social, aurait dû prévoir cette difficulté en amont et voit sa responsabilité engagée.

La société MAISONS DU MONDE prétend pour sa part que l'équipe de chargement de la société VALITUS était constituée de travailleurs sans permis de séjour payés en espèces et qu'elle n'a pu leur laisser l'accès à ses entrepôts ; auquel cas la responsabilité de la société VALITUS serait engagée.

Quoiqu'il en soit, ainsi que la Cour l'a mentionné plus haut, aucune preuve tangible ne permet de conclure au bien fondé de l'un ou l'autre de ces récits et de considérer que c'est de son fait que la société VALITUS n'a pas continué les opérations de chargement et d'empotage.

D'autre part, malgré les termes du contrat le lui permettant, la société MAISONS DU MONDE avait choisi de renoncer à facturer les prestations d'emballage et d'empotage réalisées pour le compte de la société VALITUS et ne peut dès lors, au prétexte de la procédure introduite par son co-contractant, modifier sa position.

Par conséquent, elle est déboutée de sa demande émise à ce titre.

Sur la vente de marchandises en Europe :

Le contrat conclu entre les parties prévoyait expressément que les marchandises vendues à la société VALITUS devaient être revendues par cette dernière sur le continent africain, à l'exception des pays du Magreb et de l'Egypte, l'acquéreur se portant fort de ce que les sous-acquéreurs respecteraient cette disposition.

Le contrat prévoyait aussi que si des objets venaient à être proposés à la vente,

directement ou indirectement hors le territoire prévu au contrat, la société VALITUS serait tenue au paiement d'une indemnité provisionnelle de 75.000 euros, sans préjudice de dommages et intérêts.

Il est acquis aux débats que 56 containers ont été retournés d'Afrique en Europe et leurs contenus vendus pour certains à une société VIPLINE et pour d'autres à une société JPP, pour être ensuite commercialisés sur le territoire européen.

La société VALITUS ne peut plaider avoir 'minimisé son préjudice' dans la mesure où il a été démontré plus haut qu'elle ne subissait pas de préjudice imputable à la société MAISONS DU MONDE.

Surtout, elle a revendu 5.800 pièces de marchandises à la société JPP en février 2016, c'est à dire avant même leur enlèvement des entrepôts de la société MAISONS DU MONDE.

Or, cette dernière démontre avoir introduit sur le territoire français une procédure de saisie-contrefaçon contre une société LUROMA ayant conduit à la démonstration que les objets MAISONS DU MONDE vendus par cette dernière provenaient de la société JPP.

Il en résulte une violation manifeste et immédiate du contrat par la société VALITUS, qui justifie qu'elle soit condamnée au paiement de la somme de 75.000 euros au titre de la clause pénale.

Au regard des enjeux résultant pour la société MAISONS DU MONDE de la vente par des destockeurs de marchandises portant son nom et ses étiquettes sur sa zone de chalandise, la clause pénale ne peut être considérée comme manifestement excessive.

Le jugement déféré est infirmé de ce chef.

Le préjudice d'image de la société MAISONS DU MONDE :

Ce préjudice se confond avec celui venant d'être indemnisé par la clause pénale prévue au contrat.

La demande est rejetée.

Le caractère abusif de la procédure:

Sont inclus dans cette demande les dommages résultant du caractère hasardeux de la procédure introduite en France et du caractère malicieux de la procédure introduite aux Etats-Unis.

Il n'est pas démontré que les sociétés VALITUS et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL aient agi pour d'autres motifs que de préserver leurs droits, la Cour ayant tout de même relevé des difficultés avec les listes de colisage établies par MAISONS DU MONDE, qui certes n'ont pas été caractérisées avec une précision suffisante pour pouvoir être indemnisées mais qui sont certaines.

Ensuite, il est constant que les dispositions des articles 138 et suivants du code de procédure civile réservent au juge devant lequel l'instance est introduite de pouvoir ordonner à un tiers, ou solliciter une autre juridiction, pour voir verser à la procédure des pièces détenues par ce tiers.

La Convention de la Haye ainsi que le règlement européen 1206/2001 sur l'obtention des preuves en matière civile et commerciale ne visent d'ailleurs que l'hypothèse d'une requête du juge et non de l'une des parties.

En l'espèce, postérieurement à la saisine du juge français, la société VALITUS LTD a saisi une juridiction américaine, la Cour de District du Massachussetts pour voir ordonner à la société holding de droit américain BAIN CAPITAL HOLDING LLC, afin, via une procédure dite de discovery, de l'obliger à lui communiquer toutes les pièces en sa possession relatives au litige plaidé devant le juge français (échanges précontractuels et post contractuels internes au groupe BAIN CAPITAL notamment).

Cette procédure, introduite devant une juridiction des Etats-Unis, pays dont le système judiciaire présente des garanties équivalentes au système judiciaire français, ne peut être considérée comme ayant été frauduleuse.

La société BAIN CAPITAL HOLDING LLC était défendue et a pu faire valoir ses arguments.

Elle aurait pu conduire à s'interroger sur la recevabilité des pièces ainsi obtenues devant le juge français puisque les articles 138 et suivant du code de procédure civile n'avaient pas été respectés, mais cette demande n'a pas été présentée à la Cour.

La demande d'indemnisation présentée par les sociétés MAISONS DU MONDE, BAIN CAPITAL LTD et BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY EUROPE LLP est rejetée.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur l'indemnisation des communications effectuées auprès des commissaires aux comptes :

Le litige entre les parties est né concommitamment à l'introduction en bourse de MAISONS DU MONDE.

Les avocats des sociétés VALITUS et FORUM ont le 06 juillet 2017, écrit directement aux commissaires aux comptes de la société MAISONS DU MONDE pour les informer d'un litige les opposant à cette dernière pour un montant de plus de trois millions d'euros.

Pour rappel, il appartient au seul dirigeant d'évaluer, sous sa seule responsabilité, le montant des provisions pour risques qu'il entend voir inscrire au bilan de la société qu'il administre.

Le courrier des conseils des sociétés VALITUS et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL relève d'une politique d'intimidation s'assimilant à une intention de nuire, visant à jeter le discrédit sur les choix de gestion du dirigeant de la société MAISONS DU MONDE.

Les sociétés VALITUS Ltd et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL Ltd sont condamnées à lui payer la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts.

Sur les erreurs matérielles affectant le jugement déféré :

La demande de rectification porte sur la dispositions suivante:

'condamne in solidum les sociétés VALITUS et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL au versement d'une indemnité de 10.000 euros aux sociétés MAISONS DU MONDE FRANCE, BAIN CAPITAL LIMITED et BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY EUROPE en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif de la procédure'.

Or, dans ses motifs, le premier juge a :

- condamné simplement et non 'in solidum', les sociétés VALITUS et FORUM à payer la somme de 10.000 euros à la seule société MAISONS DU MONDE pour procédure abusive,

- condamné in solidum les sociétés VALITUS et FORUM à payer à la seule société MAISONS DU MONDE la somme de 10.000 euros en indemnisation de la procédure abusive de Discovery.

Toutefois, la Cour a infirmé la disposition litigieuse et rejeté toute demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, quelle qu'en soit l'origine.

La demande de rectification est dès lors sans objet.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les sociétés VALITUS Ltd et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL , qui succombent, sont condamnées in solidum à payer aux sociétés MAISONS DU MONDE, BAIN CAPITAL LTD et BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY EUROPE LLP, ensemble, la somme de 25.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- jugé que M. [H] s'est comporté en mandataire apparent de la société MAISONS DU MONDE après la signature du contrat,

- jugé que les sociétés MAISONS DU MONDE, BAIN CAPITAL Ltd et BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY n'ont commis aucune faute dolosive à encontre de VALITUS et FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL,

- jugé que la société MAISONS DU MONDE a délivré les marchandises en l'état conforme à celles promises aux termes du contrat conclu entre les parties le 04 décembre 2015,

- débouté la société MAISONS DU MONDE de sa demande en réparation d'un préjudice d'image

- statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau :

Met hors de cause la société BAIN CAPITAL LTD et déclare irrecevables les prétentions formées contre elle.

Déclare recevables les prétentions formées contre la société BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY EUROPE LLP.

Déclare recevables les prétentions de la société FORUM EXPORTERS INTERNATIONAL LTD.

Dit que M. [H] était le mandataire apparent de la société MAISONS DU MONDE avant la signature du contrat conclu entre cette dernière et la société VALITUS LTD.

Condamne la société VALITUS LTD à payer à la société MAISONS DU MONDE la somme de 75.000 euros en raison de ses manquements contractuels.

Déboute les sociétés MAISONS DU MONDE, BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY LLP et BAIN CAPITAL LTD de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive devant les juridictions françaises et américaines.

Rejette le surplus des demandes.

Condamne in solidum les sociétés VALITUS LTD et FORUM INTERNATIONAL EXPORTERS LTD à payer à la société MAISONS DU MONDE la somme de 10.000 euros indemnisant les conséquences de la communication effectuées auprès de ses commissaires aux comptes.

Condamne in solidum les sociétés VALITUS LTD et FORUM INTERNATIONAL EXPORTERS LTD aux dépens d'appel.

Condamne in solidum les sociétés VALITUS LTD et FORUM INTERNATIONAL EXPORTERS LTD à payer aux sociétés MAISONS DU MONDE, BAIN CAPITAL LTD, et BAIN CAPITAL PRIVATE EQUITY EUROPE LLP, ensemble, la somme de 25.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 3ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/07569
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;21.07569 ?
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