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18/06/2024 | FRANCE | N°21/07058

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 18 juin 2024, 21/07058


2ème Chambre





ARRÊT n°230



N° RG 21/07058

N° Portalis DBVL-V-B7F-SGLR



(Réf 1ère instance : 19/01983)



(2)





Mme [F] [G]



C/



CASDEN BANQUE POPULAIRE

BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée



le :>


à :

- Me DUBERNAT

- Me PERONNET

- Me LE BERRE BOIVIN





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 JUIN 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseu...

2ème Chambre

ARRÊT n°230

N° RG 21/07058

N° Portalis DBVL-V-B7F-SGLR

(Réf 1ère instance : 19/01983)

(2)

Mme [F] [G]

C/

CASDEN BANQUE POPULAIRE

BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me DUBERNAT

- Me PERONNET

- Me LE BERRE BOIVIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Patricia IBARA, lors des débats, et Mme Ludivine BABIN, lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Février 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Juin 2024, après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [F] [G]

née le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 8]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Grégory DUBERNAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉES :

CASDEN BANQUE POPULAIRE

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Flora PÉRONNET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Philippe LECAT de la SCP LECAT & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Jean-Philippe RIOU de la SELARL PARTHEMA, plaidant, avocat au barreau de NANTES

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant offre réceptionnée le 18 février 2015 et acceptée le 2 mars 2015, la Banque Populaire Atlantique, devenue ultérieurement la Banque Populaire grand Ouest, a consenti à Mme [F] [G] un prêt immobilier d'un montant de 147 000 euros remboursable en 240 mensualités de 826,64 euros au taux de 2,55 % , avec le cautionnement solidaire de la Casden Banque populaire.

Se prévalant d'un défaut de paiement d'échéances, la Banque Populaire grand Ouest a mis en demeure Mme [F] [G] de régler le retard par lettre recommandée du 21 juin 2018 puis a notifié la déchéance du terme par courriers des 21 août et 14 novembre 2018, avant d'obtenir le paiement du solde du prêt de 131 719,68 euros de la Casden Banque populaire, selon quittance subrogative du 3 décembre 2018.

Par ordonnance du 25 février 2019, le juge délégué du président du tribunal de grande instance de Nantes a prononcé une injonction de payer contre Mme [F] [G] au bénéfice de la Casden Banque populaire portant sur les sommes de 131 719,68 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2018, et de 300,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Cette ordonnance a été signifiée à Mme [F] [G] par acte d'huissier du 15 mars 2019, laquelle a formé opposition le 9 avril 2019.

Suivant acte d'huissier du 5 juillet 2019, Mme [F] [G] a appelé en intervention forcée la Banque Populaire grand Ouest afin de solliciter la condamnation de celle-ci à lui payer les sommes de 131 719,68 euros d'indemnisation de la perte de chance de ne pas avoir contracté un concours ruineux, et de 2 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par jugement du 21 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Nantes a :

- Déclaré recevable l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer du 25 février 2019,

- Condamné Mme [F] [G] à payer à la société Casden Banque populaire la somme de 131 719,68 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2018 et celle de 800,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné Mme [F] [G] à payer à la société Banque Populaire grand Ouest la somme de 800,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejeté toutes autres prétentions plus amples ou contraires,

- Ordonné l'exécution provisoire,

- Condamné Mme [F] [G] aux dépens, avec autorisation de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Mme [G] est appelante du jugement et part dernières conclusions notifiées le 12 décembre 2023, elle demande de :

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal Judiciaire de Nantes du 21 octobre 2021, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'opposition présentée par Mme [G] le 9 avril 2019,

- Dire et juger que la Banque Populaire grand Ouest a manqué à son obligation de mise en garde vis-à-vis de Mme [G],

En conséquence,

- Condamner la Banque Populaire grand Ouest à payer à Mme [G] la somme de 131 718,68 euros à titre d'indemnisation de la perte de chance de ne pas contracter un concours ruineux,

- Ordonner la compensation de la condamnation de la Banque Populaire grand Ouest avec la condamnation qui pourrait être prononcée à l'encontre de Mme [G] au bénéfice de la Casden Banque populaire.

A titre subsidiaire

- Prononcer la déchéance de la banque de tout droit aux intérêts, conformément aux dispositions de l'article L.341-27 du Code de la consommation.

A titre très subsidiaire,

- Accorder à Mme [G] les plus larges délais de paiement, de préférence par un report pur et simple de l'obligation de régler, et à défaut par les délais les plus larges,

En tout état de cause

- Condamner la Casden à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner la Banque Populaire grand Ouest à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner la Casden et la Banque Populaire grand Ouest aux entiers dépens de l'instance.

Par dernières conclusions notifiées le 13 décembre 2023, la BPGO demande de :

- Débouter Mme [F] [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- Confirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de Nantes du 21 octobre 2021 en ce qu'il a :

- Déclaré recevable l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer du 25 février 2019,

- Condamné Mme [F] [G] à payer à la société Casden Banque populaire la somme de 131 719,68 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2018 et celle de 800,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, Condamné Mme [F] [G] à payer à la société Banque Populaire grand Ouest la somme de 800,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejeté toutes autres prétentions plus amples ou contraires,

- Ordonné l'exécution provisoire,

- Condamné Mme [F] [G] aux dépens, avec autorisation de recouvrement direct donnée à la SELARL Pallier Bardoul et associés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Et y ajoutant :

- Condamner Mme [F] [G] à payer à la société Banque Populaire grand Ouest la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure d'appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- Rejeter toutes demandes, fins et conclusions autres ou contraires aux présentes.

Par dernières conclusions notifiées le 26 avril 2022, la Casden Banque populaire demande de :

1) Dire l'appel mal fondé

2) Confirmer purement et simplement le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Nantes, le 21/10/2021, en ce qu'il a :

- Condamné Mme [F] [G] à payer à la société Casden Banque populaire la somme de 131 719,68 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2018 et celle de 800,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné Mme [F] [G] aux dépens, avec autorisation de recouvrement direct donnée à la SELARL Pallier Bardoul et associés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

3) Débouter Mme [F] [G] de ses demandes.

A titre subsidiaire, si le jugement devait être infirmé :

4) Condamner Mme [F] [G] à payer à la société Casden Banque populaire la somme de 131 719,68 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2018

Et y ajoutant :

5) Condamner Mme [F] [G] à payer à Casden Banque populaire la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

6) Condamner Mme [F] [G] en tous les dépens d'appel, dont distraction conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions visées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Mme [G] fait grief au jugement d'avoir rejeté sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour manquement du prêteur à son devoir de mise en garde.

Il est de principe que la banque dispensatrice de crédit est tenue, à l'égard d'emprunteurs non avertis, d'un devoir de mise en garde sur les risques nés d'un endettement excessif au regard de leurs capacités de remboursement.

La BPGO fait valoir que Mme [G] en sa qualité d'assistante sociale doit être considérée comme un emprunteur averti.

Si en sa qualité de travailleur social en charge de la mise en place de mesures d'accompagnement auprès des personnes, apparaît devoir connaître des problématiques financières des personnes dont elle assure le suivi, il ne saurait cependant en être déduit qu'elle disposait de compétences financières particulières en matière d'acquisition immobilière dans un contexte où il n'est pas contesté qu'elle était elle-même primo accédante et hébergée chez sa soeur à la date de conclusion du contrat querellé.

Il ne saurait en conséquence être retenu que Mme [G] était un emprunteur averti dispensant le prêteur de tout devoir de mise en garde.

S'agissant des conditions financières la BPGO a consenti à Mme [G] un prêt immobilier d'un montant de 147 000 euros remboursable en 240 échéances mensuelles de 826,64 euros avec assurance.

La BPGO conteste qu'un tel prêt ait pu nécessiter mise en garde en faisant valoir que suivant l'avis d'imposition de l'année 2014 sur les revenus 2013 seul disponible à la date du contrat du 2 mars 2015, Mme [G] avait déclaré un revenu annuel de 34 391 euros de sorte que les échéances du prêt portait son taux d'endettement à 42 % du montant de ses revenus en tenant compte d'un prêt banque postale antérieur remboursé par des échéances de 378 euros.

Il ressort cependant du bulletin de salaire de Mme [G] du mois de décembre 2014 que son cumule net imposable de l'année ne s'était élevé qu'à la somme de 23 270 euros soit une moyenne mensuelle de 1 939,15 euros. Les bulletins de salaire des mois de janvier, février et mars 2015 font apparaître que Mme [G] n'avait perçu qu'une moyenne de 1 917,49 sur les trois premiers mois de l'année 2015.

Il apparaît ainsi sur la base de la moyenne annuelle des revenus de l'année 2014 que les échéances du prêt consenti par la BPGO en sus du prêt consenti par la banque postale pour des échéances de 378,93 euros portait le taux d'endettement de Mme [G] à 62 % du montant de ses revenus.

Au regard de l'importance du taux d'endettement, manifeste au vu de la pratique habituelle consistant à retenir une capacité de remboursement effective de 33 %, l'octroi du prêt exposait manifestement Mme [G] à un risque d'endettement excessif justifiant sa mise en garde.

Pour s'exonérer de tout manquement, la banque ne saurait se retrancher derrière le fait que seul l'avis d'imposition de l'année 2014 sur les revenus 2013 était disponible à la date de l'octroi du prêt alors même qu'elle était parfaitement en mesure d'interroger Mme [G] pour actualiser ses revenus, d'obtenir communication des derniers bulletins de salaire de l'intéressée et qu'en sa qualité de banque domiciliatrice elle était à même de constater le montant des revenus effectifs de l'intéressée versés sur son compte.

La BPGO ne justifie pas d'avoir mis en garde Mme [G] sur le risque d'endettement excessif et sera conséquence tenue d'indemniser l'emprunteur de chance ainsi perdue de ne pas contracter cet emprunt.

S'agissant de l'indemnisation il sera tenu compte de ce que le prêt avait pour objet d'assurer le logement de l'intéressée et lui permettait d'accéder à la propriété. Le prêteur ne saurait soutenir l'absence de préjudice du fait d'une évolution favorable du marché de l'immobilier et de la valeur du bien acquis qui relève à ce stade de pure spéculation.

Néanmoins, l'importance de la charge d'endettement apparaît telle que la chance perdue de ne pas contracter apparaît significative et justifie l'allocation d'une indemnité qui, au vu des éléments de l'espèce, sera justement évaluée à la somme de 48 000 euros.

La BPGO sera condamnée au paiement de cette somme, le jugement étant infirmé en ce qu'il a débouté Mme [G] de ses demandes de dommages-intérêts.

C'est vainement que Mme [G] sollicite la compensation de cette créance indemnitaire avec les sommes qu'elle reste contractuellement devoir à la Casden subrogée dans les droits de la BPGO suivant quittance du 3 décembre 2018 en l'absence d'identité de personne entre les deux sociétés.

La créance de la banque telle que fixée par le premier juge n'est pas utilement contestée en ce que le prêteur ne saurait être déchu du droit aux intérêts en application des dispositions de l'article L. 341-27 du code de la consommation entrées en vigueur à compter du 1er juillet 2016 soit postérieurement à la conclusion du contrat.

L'appel en intervention forcé de la BPGO par Mme [G] étant justifié le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné Mme [G] à payer à la BPGO la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement sera confirmé en ses autres dispositions.

La BPGO qui succombe en cause d'appel sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à Mme [G] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'y a pas matière à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Casden Banque Populaire.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [G] de sa demande d'indemnisation au titre d'un manquement au devoir de mise en garde et condamné Mme [G] à payer à la Banque populaire grand Ouest la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau

Condamne la Banque populaire grand Ouest à payer à Mme [F] [G] la somme de 48 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Déboute la Banque populaire grand Ouest de sa demande formée à l'encontre de Mme [G] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Confirme le jugement pour le surplus

Y ajoutant

Condamne la Banque populaire grand Ouest à payer Mme [F] [G] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Casden Banque populaire.

Condamne la Banque populaire grand Ouest aux entiers dépens d'appel.

Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/07058
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;21.07058 ?
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