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17/06/2024 | FRANCE | N°24/00311

France | France, Cour d'appel de Rennes, Contestations honoraires, 17 juin 2024, 24/00311


Contestations Honoraires





ORDONNANCE N° 48



N° RG 24/00311

N° Portalis DBVL-V-B7I-UNXV













S.A.R.L. [Y] [L] AVOCAT



C/



Mme [M] [Z]-[X]































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES



ORDONNANCE DE TA

XE

DU 17 JUIN 2024







Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,



GREFFIER :



Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 27 Mai 2024





ORDONNANCE :



Contradictoire,

prononcée à l...

Contestations Honoraires

ORDONNANCE N° 48

N° RG 24/00311

N° Portalis DBVL-V-B7I-UNXV

S.A.R.L. [Y] [L] AVOCAT

C/

Mme [M] [Z]-[X]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ORDONNANCE DE TAXE

DU 17 JUIN 2024

Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,

GREFFIER :

Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 Mai 2024

ORDONNANCE :

Contradictoire,

prononcée à l'audience publique du 17 Juin 2024, date indiquée à l'issue des débats

****

ENTRE :

S.A.R.L. [Y] [L] AVOCAT prise en la personne de Maître [Y] [L], avocat au barreau de NANTES

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparante en personne

ET :

Madame [M] [Z]-[X] agissant es qualité d'ayant droit de M. [V] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Mme [Z]-[X] agissant tant en son nom personnel qu'aux noms de ses enfants ([E], [K], [A] et [D] [Z]) et avec un pouvoir de ses enfants majeurs

comparante en personne

****

EXPOSE DU LITIGE :

M. [V] [Z] a chargé Me [Y] [L], membre de la Sarl [Y] [L] Avocat, avocat au barreau de Nantes, de la défense de ses intérêts dans le cadre d'une procédure de divorce.

Les parties ont signé le 7 décembre 2016 une convention d'honoraires rappelant que le client bénéficie de l'aide juridictionnelle et arrêtant en cas de retrait de l'aide légale, les honoraires de l'avocat au forfait (3 600 euros TTC). Un avenant a porté cette somme le 26 octobre 2020 à 5 400 euros TTC.

Le client est décédé en cours de procédure le 17 juin 2022.

L'avocat a établi le 31 octobre 2022 une facture d'honoraires de 5 400 euros qu'il a adressée au notaire chargé de la succession (Office Moriceau Torteau) lequel a procédé au règlement de la facture.

Exposant que ce règlement a été effectué sans son accord et que son mari bénéficiait de l'aide juridictionnelle, Mme [M] [Z]-[X] a, par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 30 mars 2023, saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nantes d'une contestation des honoraires de la Sarl [Y] [L] Avocat.

Le bâtonnier a prorogé par décision du 28 juillet 2023 de quatre mois le délai pour statuer.

Par décision du 30 novembre 2023, le bâtonnier a fixé à la somme de 3 600 euros TTC les frais et honoraires dus à Me [Y] [L], membre de la Sarl [Y] [L] Avocat, et a condamné l'avocat à restituer à l'office notarial Moriceau Torteau une somme de 1 800 euros TTC, ce compte tenu de la somme de 5 400 euros TTC déjà versée.

Pour ce faire le bâtonnier a retenu que si aucun retrait de l'aide juridictionnelle n'était formellement intervenu, le client avait, dans l'avenant, renoncé au bénéfice de l'aide légale. Il a estimé que si l'avocat pouvait réclamer un honoraire de 3 600 euros pour la procédure de divorce, il n'était pas fondé à réclamer la somme de 1 800 euros au titre d'autres procédures pour des prestations non justifiées, ce d'autant que la facture, libellée au nom de l'étude notariale, ne peut qu'être annulée, aucune prestation n'ayant été réalisée au bénéfice de celle-ci.

Par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 5 janvier 2024, la Sarl [Y] [L] Avocat a formé un recours contre cette ordonnance.

Elle précise que Me [L] est intervenu à la demande de son client dans plusieurs procédure (divorce, surendettement, procédures pénales).

Elle soutient que la convention du 7 décembre 2016 emporte retrait de l'aide juridictionnelle et que les autres procédures sont couvertes par l'avenant du 26 octobre 2020.

Elle estime qu'en taxant ses honoraires à une somme inférieure à celle de l'avenant, le bâtonnier a excédé le champ de la saisine qui portait seulement sur le cumul d'honoraires et de rétribution au titre de l'aide juridictionnelle. Elle fait valoir qu'elle n'a reçu aucune rémunération à ce titre. Il précise avoir écrit le 5 janvier 2024 au bureau d'aide juridictionnelle pour que soit actée sa renonciation à cette aide.

Elle rappelle la jurisprudence selon laquelle un honoraire ne peut être contesté lorsqu'il a été payé après service rendu ce qui est le cas. Elle s'oppose donc à toute restitution d'honoraires.

Elle énumère en tout état de cause les prestations qu'elle a effectuées au bénéfice de son client.

Mme [Z]-[X] agissant tant en son nom qu'aux noms de ses enfants mineures et avec un pouvoir de ses enfants majeurs rappellent les circonstances dans lesquelles le notaire a, sous la pression de l'avocat, réglé à ce dernier une somme de 5 400 euros. Elle relève que l'aide juridictionnelle n'a pas été retirée à M. [Z]

Elle forme un appel incident et sollicite le remboursement en sa totalité de la somme versée par le notaire sans leur accord.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Le recours de la Sarl [Y] [L] Avocats, effectué dans les forme et délai de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991 est recevable.

M. [V] [Z] a été admis par décision du 21 novembre 2016 au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans le cadre de la procédure de divorce l'opposant à son épouse, Mme [M] [X].

Me [Y] [L] a accepté de le défendre à ce titre et les parties ont signé le 7 décembre 2016, soit quinze jours plus tard, pour cette procédure une convention d'honoraires.

L'article 1er de cette convention stipule que :

' «'a) RÉTRIBUTION DE L'AVOCAT :

Maitre [Y] [L] percevra à l'issue de sa mission l'indemnité au titre de l'aide juridictionnelle prévue par les textes pour la procédure ci-dessus visée [']

b) RETRAIT DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE :

Rappel des textes [']

c) RÉMUNÉRATION DE L'AVOCAT EN CAS DE RETRAIT DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE :

Dans l'hypothèse où le bénéfice de l'aide juridictionnelle serait retirée pour l'une des causes prévues par la loi ci-dessus rappelées, les honoraires (soumis à TVA à 20,00 %) de Maître [Y] [L] seront évalués de manière forfaitaire d'un montant de 3.000 euros HT, soit un montant de 3.600 euros TTC. [']'»

Cette convention qui prévoit la rémunération de l'avocat en cas de retrait de l'aide légale est parfaitement conforme aux dispositions de la loi du 10 juillet 1991 et notamment à ses articles 32 et 36 al 2 et 3 :

- article 32 : ' La contribution due au titre de l'aide juridictionnelle totale à l'auxiliaire de justice est exclusive de toute autre rémunération, sous réserve des dispositions de l'article 36. Toute stipulation contraire est réputée non écrite',

- article 36 : ' Lorsque la décision passée en force de chose jugée rendue au profit du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a procuré à celui-ci des ressources telles que, si elles avaient existé au jour de la demande d'aide juridictionnelle, celle-ci ne lui aurait pas été accordée, l'avocat désigné peut demander des honoraires à son client après que le bureau d'aide juridictionnelle a prononcé le retrait de l'aide juridictionnelle.

L'avocat désigné peut conclure avec son client une convention écrite préalable qui fixe le montant et les modalités de paiement des honoraires qu'il peut demander si le bureau d'aide juridictionnelle ou la juridiction saisie de la procédure prononce le retrait de l'aide juridictionnelle.

Lorsque l'avocat perçoit des honoraires de la part de son client après que l'aide juridictionnelle lui a été retirée, l'avocat renonce à percevoir sa rétribution au titre de l'aide juridictionnelle'.

Le 26 octobre 2020, les parties ont signé un avenant rédigé comme suit :

' Maitre [Y] [L] a accepté de défendre les intérêts de son client, Monsieur [V] [Z], dans le cadre d'une procédure de divorce autre que par consentement mutuel l'opposant à Madame [M] [X], épouse [Z], suivie devant le tribunal judiciaire de Nantes.

A cet effet, il a été régularisé une convention d'honoraires de retrait d'aide juridictionnelle le 7 décembre 2016.

Que cette convention d'honoraires, a visé expressément une seule intervention pour la procédure de divorce précitée.

Que dans le cadre de l'assistance générale de Monsieur [V] [Z] par Maitre [Y] [L], ce dernier est intervenu dans le cadre d'une procédure devant le tribunal d'instance (procédure de surendettement) laquelle est aujourd'hui terminée, d'une part'; et sera amené à intervenir dans le cadre d'une procédure pénale suivie devant le tribunal correctionnel de Nantes en qualité de prévenu (jugement du 3 février 2021), d'autre part.

Il est ainsi convenu ce jour, que l'honoraire fixé dans la convention d'honoraire en date du 7 décembre 2016, est porté'à 5 400 euros TTC (soit 5 000 euros HT + TVA à 20%)'; cet honoraire représentant un forfait pour l'ensemble des procédures précitées.

Les autres clauses de la convention d'honoraires du 7 décembre 2016 restent inchangées'».

Le fait que dans cet avenant, les parties ait qualifié la convention du 7 décembre 2016 de 'convention d'honoraires de retrait d'aide juridictionnelle' ne signifie nullement que M. [Z] a renoncé à l'aide juridictionnelle (renonciation parfaitement possible qui ne peut être présumée), mais seulement que les parties ont signé une convention prévoyant le montant de l'honoraires en cas de retrait de l'aide légale, ce montant étant alors porté à la somme de 5 400 euros compte tenu des interventions de Me [Y] [L] dans d'autres procédures que la procédure de divorce.

En interprétant cet avenant comme emportant renonciation par le client à l'aide juridictionnelle, le bâtonnier a manifestement dénaturé les termes de l'avenant. Il sera d'ailleurs relevé que dans ses dernières conclusions devant le juge aux affaires familiales (1er février 2022), M. [Z], ayant pour avocat Me [Y] [L], indiquait expressément être bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale (décision n° 202016/14933 du 21 novembre 2016).

L'aide juridictionnelle n'ayant jamais été retirée à M. [Z] et celui-ci n'y ayant pas renoncé avant son décès (ni ses héritiers postérieurement), la Sarl [Y] [L] Avocat ne peut prétendre à aucune autre rétribution que l'aide légale pour la procédure de divorce, rétribution qu'il lui appartient de réclamer, cette interdiction étant d'ordre public et l'avocat ne pouvant utilement arguer d'un règlement effectué après service fait, ce règlement ayant de surcroît été effectué par le notaire, sans l'accord des héritiers.

Il est, en revanche, établi que Me [Y] [L] est également intervenu, hors champ de l'aide juridictionnelle, au soutien des intérêts de son client devant le juge des libertés et de la détention puis devant le tribunal correctionnel dans le cadre de poursuites pénales pour violences volontaires contre son épouse et l'un de ses enfants. L'avocat fait également état d'interventions en matière de surendettement. Eu égard aux diligences dont l'avocat justifie et qui peuvent justifier dix heures de travail à 180 euros TTC/h, son honoraire doit être arrêté à la somme de 1 800 euros TTC.

La Sarl [Y] [L] sera donc condamnée à restituer au notaire chargé de la succession la somme de 3 600 euros TTC.

Partie succombante, la Sarl [Y] [L] Avocat sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement,

Infirmons l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Nantes du 30 novembre 2023 ;

Statuant à nouveau :

Vu la décision d'aide juridictionnelle totale accordée à M. [V] [Z],

Disons que la Sarl [Y] [L] Avocat ne peut prétendre à aucun honoraire du chef de la procédure de divorce.

Fixons les honoraires dus par feu [V] [Z] au titre des procédures pénales et de surendettement à la somme de 1 800 euros TTC.

Condamnons la Sarl [Y] [L] Avocat à restituer au notaire chargé de la succession de feu [V] [Z] la somme de 3 600 euros TTC.

Condamnons la Sarl [Y] [L] Avocat aux éventuels dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Contestations honoraires
Numéro d'arrêt : 24/00311
Date de la décision : 17/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-17;24.00311 ?
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