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15/06/2024 | FRANCE | N°24/00258

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 15 juin 2024, 24/00258


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/25

N° N° RG 24/00258 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U4BA



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



O R D O N N A N C E



article L 3222-5-1 et suivants du code de la santé publique



Ordonnance statuant sur les recours en matière d'isolement et de contention mis en oeuvre dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement



Nous, Fabrice ADAM, Premier Président de chambre à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recour

s fondés sur les articles L 3222-5-1 du code de la santé publique, assisté de, Mireille THEBERGE, greffière,



Vu l'ordonnance du Juge de...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/25

N° N° RG 24/00258 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U4BA

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3222-5-1 et suivants du code de la santé publique

Ordonnance statuant sur les recours en matière d'isolement et de contention mis en oeuvre dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement

Nous, Fabrice ADAM, Premier Président de chambre à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L 3222-5-1 du code de la santé publique, assisté de, Mireille THEBERGE, greffière,

Vu l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de RENNES rendue le 14 Juin 2024, notifiée le même jour à Monsieur [G] [Z], autorisant le maintien de la mesure d'isolement de :

Monsieur [G] [Z]

né le 05 Août 2001 à [Localité 3] (SIERRA LEONE)

détenu au Centre pénitentiaire de NANTES

Actuellement hospitalisé au [2]

Ayant pour conseil Maître Paméla LEMASSON DE NERCY, avocat au barreau de RENNES

Vu la déclaration d'appel formée par Maître Paméla LEMASSON DE NERCY pour M. [G] [Z] contre cette ordonnance et transmise au greffe de la cour d'appel 14 Juin 2024 à 14h41

Vu les articles L 3222-5-1 et suivants du code de la santé publique,

Vu les observations sollicitées et recueillies sur le recours formé ;

Vu l'avis du ministère public, Monsieur FICHOT, avocat général, l'ayant transmis par écrit du 14 juin 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

Vu le dossier de la procédure ;

EXPOSE DU LITIGE :

M. [G] [Z], détenu à la maison d'arrêt de Nantes, fait l'objet sur la base d'un arrêté préfectoral du 6 juin 2024, de soins psychiatriques sans son consentement au Centre hospitalier [2] (ci-après [2]), depuis le 10 juin 12h30.

Il est soumis, depuis le 10 juin 2024 à 12h35, à une mesure d'isolement. Cette mesure a été renouvelée le 12 juin à 12h44 ce dont le juge des libertés et de la détention a été informé à 14h42.

Par requête du 13 juin 2024 à 11h08, le directeur du [2] a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation de la mesure d'isolement.

Par décision du 14 juin 2024 prononcée à 11h20, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de la mesure d'isolement de M. [G] [Z].

Ce dernier a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue le 14 juin 2024 à 14h41.

Aux termes de son mémoire, M. [G] [Z] nous demande de':

- infirmer l'ordonnance contestée,

en conséquence,

- constater l'absence d'indications quant à l'existence d'un dommage grave ou imminent pour le patient ou pour lui-même justifiant une mesure d'isolement,

- constater l'absence de preuve d'une mesure d'hospitalisation sans consentement,

- constater l'absence d'information du juge des libertés et de la détention du renouvellement de la mesure d'isolement dans les délais requis,

- constater l'existence d'un certificat médical d'incompatibilité pris par un médecin décisionnaire de la mesure d'isolement,

- ordonner la mainlevée immédiate de la mesure d'isolement.

[Y] fait valoir, en premier lieu, qu'il ne résulte pas du dossier la preuve de l'existence d'une mesure d'hospitalisation sans consentement existante et régulière dans la mesure où aucun arrêté décidant de maintenir l'hospitalisation sans consentement et de la forme de la prise en charge n'est joint à la procédure.

Il soutient, en second lieu, que les éléments médicaux ne font pas apparaître en quoi existait un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui lors de la mise en 'uvre de la mesure ni, a fortiori, la persistance de ce risque au jour où le juge des libertés et de la détention a statué.

Il estime ensuite que le juge des libertés et de la détention n'a été informé que tardivement du renouvellement de la mesure d'isolement, le 12 juin à 14h42 soit plus de quatre heures après le début du renouvellement.

Il soutient enfin que l'avis médical d'incompatibilité, rendu par le médecin en charge des soins, de son état avec sa présence à l'audience n'est pas motivé.

La procédure a été transmise au procureur général qui s'en est rapporté à justice.

SUR CE':

sur la preuve de l'existence d'une mesure d'hospitalisation sans consentement':

L'article L 3222-5-1 du code de la santé publique énonce que': «'L'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d'un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en 'uvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical.

La mesure d'isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l'état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d'une durée totale de quarante-huit heures, et fait l'objet de deux évaluations par vingt-quatre heures...

À titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-delà des durées totales prévues au I, les mesures d'isolement et de contention, dans le respect des conditions prévues au même I. Le directeur de l'établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention du renouvellement de ces mesures. Le juge des libertés et de la détention peut se saisir d'office pour y mettre fin. Le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d'agir dans son intérêt dès lors qu'une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.

Le directeur de l'établissement saisit le juge des libertés et de la détention avant l'expiration de la soixante-douzième heure d'isolement ou de la quarante-huitième heure de contention, si l'état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de ces durées.

Si les conditions prévues au I ne sont plus réunies, il ordonne la mainlevée de la mesure...'».

L'article R 3211-33-1 du même code (et non l'article R3211-11-1 comme énoncé dans le mémoire de l'appelant) précise que': «'I.-Lorsque le directeur de l'établissement saisit le juge des libertés et de la détention, en application du II de l'article L 3222-5-1, la requête est présentée dans les conditions prévues à l'article R. 3211-10. Sont jointes à la requête les pièces mentionnées à l'article R 3211-12 ainsi que les précédentes décisions d'isolement ou de contention prises à l'égard du patient et tout autre élément de nature à éclairer le juge'».

Aux termes de l'article R 3211-12': «'Sont communiqués au juge des libertés et de la détention afin qu'il statue :... 2° quand l'admission en soins psychiatriques a été ordonnée par le préfet, une copie de l'arrêté d'admission en soins psychiatriques et, le cas échéant, une copie de l'arrêté le plus récent ayant maintenu la mesure de soins... 4° Une copie des certificats et avis médicaux prévus aux chapitres II à IV du titre Ier du livre II de la troisième partie de la partie législative du présent code, au vu desquels la mesure de soins a été décidée et de tout autre certificat ou avis médical utile, dont ceux sur lesquels se fonde la décision la plus récente de maintien des soins...'».

En l'espèce ont été joints à la requête les pièces suivantes':

- l'arrêté pris le 6 juin 2024 par le préfet de Loire Atlantique portant admission en soins psychiatriques de M. [Z], personne détenue et transfert en unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA),

- le certificat médical du docteur [N] en date du 6 juin 2024 au vu duquel cet arrêté a été pris,

- le certificat de 24h du 10 juin 2024 à 18h34 du docteur [P] [O] ainsi rédigé': «'Patient hospitalisé pour troubles du comportement en détention sous tendu d'une probable décompensation psychiatrique. Le patient est incurique, désorganisé sur le plan ideique et comportemental, rendant limités les échanges par une réticence ou opposition passive pathologique. Il était rapporté en détention des comportements masturbatoires permanents. Il ne semble pas avoir conscience de ses troubles. Il nécessite pour l'instant d'une mesure de soins intensives. La mesure de SDRE (soins sur décision d'un représentant de l'État) est justifiée et doit être maintenue'»,

- le certificat de 72 h du 12 juin 2024 à 12h du docteur [W] [V]': «'Actuellement, le contact reste médiocre avec des échanges laconiques, directifs ainsi que fluctuants, et parfois hostiles ; ceci témoignant d'un probable vécu de persécution pathologique. Il n'est pas en mesure d'exprimer un consentement aux soins de manière libre et éclairée. Son état clinique relève actuellement d'un placement en chambre de soins intensifs. Dans ce contexte la poursuite des soins doit s'envisager sous la forme d'une hospitalisation complète et continue, sans son consentement en milieu spécialisé. Maintien des SDRE à l'UHSA'»,

- le suivi de la mesure d'hospitalisation en soins sans consentement depuis le 10 juin 2024 à 12h30.

Le juge des libertés et de la détention a considéré à juste titre que si la décision de maintien des soins psychiatriques n'avait pas été transmise (le délai n'était pas encore expiré au moment où il a statué), il résultait des éléments produits, et plus précisément des deux certificats reproduits ci-dessus qui concluent au maintien de la mesure, que le patient faisait effectivement l'objet d'une mesure d'hospitalisation sous contrainte sous la forme d'une hospitalisation complète (article L 3213-1 al 2': «'Dans l'attente de la décision du représentant de l'État, la personne malade est prise en charge sous la forme d'une hospitalisation complète'»).

C'est dès lors à bon droit que le juge des libertés et de la détention a écarté ce moyen.

Sur l'information donné au juge des libertés et de la détention du renouvellement exceptionnel de la mesure':

L'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique dispose que dès lors que le médecin renouvelle, à titre exceptionnel, la mesure d'isolement au-delà de 48 heures, «'1e directeur de l'établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention du renouvellement'» de cette mesure.

Contrairement à ce qu'indique M. [Z] dans son mémoire le renouvellement de la mesure qui a pris effet le 12 juin à 12h44 a été portée à la connaissance du juge des libertés et de la détention le jour même, moins de deux heures plus tard, à 14h42.

Le juge des libertés et de la détention a considéré, à juste titre, que ce délai répondait aux termes de l'article précité d'où il suit qu'il a pertinemment écarté moyen.

Sur le certificat de l'incompatibilité de l'état de M. [Z] avec sa comparution':

Le premier juge a rappelé, là encore à bon droit, qu'en matière de mainlevée et de contrôle des mesures de d'isolement et de contention, les dispositions spéciales de l'article R 3211-33-1 III 3° du code de la santé publique prévalaient sur les dispositions générales de l'article R 3211-12 5° b de sorte que l'avis motivé du médecin se prononçant sur la compatibilité de l'audition du patient par le juge des libertés et de la détention pouvait être, en l'absence de toute exclusion légale ou réglementaire, celui d'un médecin participant à la prise en charge de la personne faisant l'objet de soins, ce qui est manifestement le cas du docteur [P] [O] qui a établi le certificat litigieux.

Il sera ajouté que ce certificat précise suffisamment les motifs médicaux sur lesquels le praticien s'est fondé.

Ce moyen a dès lors été rejeté à juste titre.

Sur l'existence d'éléments médicaux mettant en évidence l'existence d'un dommage immédiat ou imminent pour le patient':

Le juge des libertés et de la détention a rappelé que s'il lui appartenait de rechercher si les évaluations médicales produites étaient suffisamment précises et circonstanciées au regard des conditions légales exigées pour justifier de la poursuite de la mesure d'isolement, il n'avait pas à se substituer à l'autorité médicale, notamment quant à l'évaluation du consentement, du diagnostic ou des soins.

En l'espèce, le juge a retenu par des motifs pertinentes que M. [Z], patient atteint de schizophrénie, a été placé en isolement après que des alternatives à cette mesure ont été tentées, notamment une intervention verbale, une désescalade, un espace d'apaisement et un entretien avec soignant, que son hospitalisation est intervenue sur la base du certificat précité du docteur [N] dont les termes sont particulièrement éloquents («'nouvel épisode de décompensation psychotique, troubles du comportement majeur (troubles masturbatoires permanents, dégradation de sa cellule, jets de liquide à répétition), repli sur soi majeur, rupture de soins depuis plusieurs mois avec réticence. L'état de santé de ce patient, actuellement incarcéré à la Majson d'Arrêt [1], justifie des soins dans un établissement mentionné à l'artcile L.3221-l du code de la Santé Publique (C.S.P.) du fait de troubles mentaux compromettant la sûreté des personnes ou portant atteinte de façon grave à l'ordre du public, en application de l'article R.6111-40-5, selon les articles L.3214-l et suivants et L.3213-l et suivants du C.S.P'») et se trouvent confirmés et corroborés par les certificats médicaux suivants reproduits ci-dessus qui confirment que l'état de ce patient relève actuellement d'un placement en chambre de soins intensifs.

La mesure d'isolement de M. [Z] constitue donc une mesure de dernier recours au sens de l'article L 3222-5-1 précité visant à prévenir un dommage immédiat ou imminent pour l'intéressé et/ou les tiers.

C'est en conséquence à juste titre que le juge des libertés et de la détention a fait droit à la requête dont il était saisi, rejetant les moyens soulevés.

PAR CES MOTIFS':

Statuant sans débats,

Vu le recours de M. [Z] et les pièces du dossier':

Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Rennes rendue le 14 juin 2024 à 11h20 dans le dossier de M. [G] [Z].

Laissons les dépens à la charge de l'Etat.

Fait à Rennes, le 15 Juin 2024 à 13h30

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, Fabrice ADAM,

Premier Président de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00258
Date de la décision : 15/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-15;24.00258 ?
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