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13/06/2024 | FRANCE | N°21/02860

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 13 juin 2024, 21/02860


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°276/2024



N° RG 21/02860 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RTVF













M. [U] [E]



C/



S.A.R.L. AKOA















Copie exécutoire délivrée

le :13/06/2024



à :Me LHERMITTE

Me LECLAIR

Me COLLEU





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 JUIN 2024





COMPOSI

TION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°276/2024

N° RG 21/02860 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RTVF

M. [U] [E]

C/

S.A.R.L. AKOA

Copie exécutoire délivrée

le :13/06/2024

à :Me LHERMITTE

Me LECLAIR

Me COLLEU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 19 Février 2024

En présence de Madame Géraldine DUQUESNE, médiateur judiciaire

ARRÊT :

Réputé Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Juin 2024 par mise à disposition au greffe, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé le 23 Mai 2024 puis au 06 Juin 2024

****

APPELANT :

Monsieur [U] [E]

né le 01 Janvier 1973 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Paul DELACOURT de la SELARL EFFICIA, Plaidant, avocat au barreau de RENNES substitué par Me CHAINAY, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

S.A.R.L. AKOA

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Anne-Gaëlle LECLAIR de la SELARL CABINET MEUNIER & ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTERVENANTS :

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Marie-Noëlle COLLEU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Maître [S] [T], es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. AKOA, [Adresse 4],

Assigné le 24 octobre 2023 à personne habilitée..

Non comparant, non représenté

EXPOSÉ DU LITIGE

La Sarl AKOA dont le siège social est fixé à [Localité 8] exerce une activité de cuisiniste et applique la convention collective du négoce de l'ameublement. Son effectif est inférieur à 10 salariés.

Le 28 novembre 2013, M. [U] [E] a été embauché en qualité de Conseiller commercial dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée par la Sarl AKOA.

Par avenant daté du 28 novembre 2013, les parties ont convenu de la promotion du salarié au poste de Responsable de ventes à effet au 1er janvier 2014. Il bénéficiait d'une rémunération composée de la façon suivante :

- une partie fixe de 1 800 euros brut par mois sur une base mensuelle de 151,67 heures de travail,

- une partie variable constituée

- d'une commission (0.5%) sur le chiffre d'affaires mensuel du magasin HT hors pose, si le CA est supérieur à 100 000 euros,

- d'une prime mensuelle ' chiffre d'affaires' de 350 à 1 000 euros selon le CA du magasin,

- et d'une prime mensuelle ' objectif'si l'objectif magasin défini mensuellement par la Direction est dépassé de 20%.

Le 13 avril 2019, M.[E] a été placé en arrêt de travail pour maladie, renouvelé à plusieurs reprises.

Le 27 août 2019, M. [E] a mis en demeure son employeur de procéder à la régularisation d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, de dommages et intérêts pour violation de la contrepartie obligatoire en repos, d'une indemnité pour travail dissimulé et de dommages et intérêts pour harcèlement moral et/ou exécution déloyale de son contrat de travail.

Le conseil de la société AKOA a contesté les revendications financières du salarié et la réalité du harcèlement moral allégué.

Le 25 septembre 2019, M.[E] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur au motif que ' C'est au prix d'une charge de travail particulièrement lourde que les résultats (du magasin) ont été atteints. Officiellement, mes horaires de travail avaient été portés à 169 heures par mois. En réalité, j'ai effectué un temps de travail effectif très largement supérieur puisque mes journées de travail étaient les suivantes : de 8 heures (7h45 - 2 à 3 fois par semaine) à 12h30 et de 13h45 à 19 heures). A la fin de l'année 2017, vous avez décidé de changer d'enseigne, passant du franchiseur ' Aviva' au franchiseur ' Reddy Cuisine'. Ce changement

d'enseigne sera effectif le 19 septembre 2018 étant précisé que rien n'avait été préparé (en termes de logiciel tarifaire, communication, catalogue, internet... mais surtout la refonte du magasin) pour accompagner ce changement particulièrement important. Ainsi, pendant 6 mois, le magasin s'est trouvé en chantier et par-là même n'était plus un outil commercial provoquant ainsi une baisse particulièrement inquiétante du chiffre d'affaires, mettant tout simplement en péril la santé financière de l'entreprise. A cette dégradation des conditions de travail va s'ajouter le non-paiement de tout ou partie de la part variable de la rémunération due à chacun des membres de l'équipe commerciale, allié à une pression foret de votre part sur l'ensemble du personnel et au premier chef de moi-même, es qualité de responsable des ventes. J'apprendrai par la bande qu'était en outre envisagé la suppression de mon poste...

L'ensemble, un investissement particulièrement fort de ma part, une surcharge de travail, la pression de tous les instants dont je faisais l'objet et une décompensation brutale liée à la dévalorisation par vous tout à la fois de mon travail et de ma personne, ont conduit à un burn out dont j'ai été victime.

C'est dans ce contexte que je suis en arrêt de travail de manière interrompue depuis le 7 avril 2019. Je suis suivi par un psychologue depuis le 29 avril 2019 à raison d'une séance tous les 15 jours.

C'est dans ce contexte que je vous ai mis en demeure de notamment :

- opérer le règlement des heures supplémentaires auquel je peux prétendre outre les dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la violation de la réglementation afférente au repos compensateur obligatoire sur la période non prescrite de 3 ans,

- Adapter ma charge de travail dans le respect de l'obligation de sécurité de résultat auquel est tenu tout employeur.

Il est souligné que les premiers manquements étaient susceptibles de caractériser un travail dissimulé et le second manquement un harcèlement moral(...)'

Dans un courrier du 4 octobre 2019, la société AKOA a contesté les griefs formulés par le salarié à l'appui de sa prise d'acte, estimant que 'les arguments fallacieux de M.[E] ne sont qu'une manoeuvre alors qu'il vient de retrouver un emploi auprès d'un concurrent'.

M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Rennes par requête en date 11 octobre 2019 afin d'obtenir le paiement de rappels de salaires au titre d'heures supplémentaires, d'une indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en lien avec un harcèlement moral ou subsidiairement avec des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité, de voir requalifier sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts et griefs exclusifs de l'employeur et condamner ce dernier au versement de diverses indemnités de rupture.

La Sarl AKOA s'est opposée aux demandes du salarié dont la prise d'acte doit produire les effets d'une démission et a sollicité le versement d'une indemnité au titre du non-respect du préavis.

Par jugement en date du 7 avril 2021, le conseil de prud'hommes de Rennes a :

- Dit et jugé que la prise d'acte de rupture du contrat de travail par M. [E] s'analyse en une démission.

- Débouté M. [E] de l'ensemble de ses demandes.

- Condamné M. [E] à payer à la Sarl AKOA la somme de 500 euros au regard du préjudice subi par la non-exécution du préavis.

- Débouté la Sarl AKOA de ses autres demandes.

- Condamné M. [E] aux entiers dépens.

M. [E] a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 10 mai 2021.

La Sarl AKOA a fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du 3 mai 2023 du Tribunal de commerce de Rennes, avec désignation de Me [T] en qualité de liquidateur judiciaire.

L'AGS représentée par le CGEA de [Localité 5] est intervenue en cours de procédure d'appel.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 19 octobre 2023, M. [E] demande à la cour de :

- Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

- Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl AKOA ses créances à:

- 23 306,03 euros à titre de rappel de salaires lié aux heures supplémentaires effectuées sur la période de la semaine 15 de l'année 2016 à la semaine 14 de l'année 2019 et au titre des congés payés y afférents ;

- 7 407,38 euros nets à titre de dommages-intérêts pour violation de la contrepartie obligatoire en repos, sur la période de la semaine 15 de l'année 2016 à la semaine 14 de l'année 2019 ;

- 25 589,70 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé;

A titre principal :

- 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral dont il a fait l'objet sur le fondement de l'article L.1152-1 du code du travail ;

A titre subsidiaire :

- 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi lié aux manquements de l'employeur à son obligation de sécurité sur le fondement de l'article L.4121-1 du code du travail.

- Dire et juger que les manquements précités de la Sarl AKOA à son égard empêchaient la poursuite de la relation contractuelle.

- Dire et juger en conséquence bien fondée sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts et griefs exclusifs de la Sarl AKOA.

- Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl AKOA ses créances à :

- 8 529,90 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 852,99 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

- 6 397,42 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement;

A titre principal, sur les dommages-intérêts dans le cadre de la nullité du licenciement :

- Dire et juger que M. [E] ayant été victime d'un harcèlement moral, les conséquences de la prise d'acte par celui-ci de la rupture de son contrat de travail aux torts et griefs exclusifs de la société AKOA, seront les effets d'un licenciement nul.

- Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl AKOA la créance de M. [E], sur le fondement de l'article L.1235-3-1 §2 du code du travail, la somme de 38 384,55 euros nets.

Subsidiairement, sur les dommages-intérêts dans le cadre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse : Si la juridiction devait considérer que M. [E] a été victime d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, et plus généralement, victime d'une exécution déloyale du contrat de travail de la part de la Sarl AKOA mais non d'un harcèlement moral :

- Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl AKOA la créance de M. [E] à la somme de 29 854,65 euros nets.

En toute hypothèse :

- Assortir les condamnations précitées des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère salarial mais également au titre de l'indemnité de licenciement et à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir pour les sommes à caractère indemnitaire.

- Ordonner la capitalisation des intérêts par application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil sur l'ensemble des sommes auxquelles sera condamnée la Sarl AKOA.

- Fixer le salaire mensuel de référence à la somme de 4 264,95 euros.

- Condamner Me [T] es qualité à lui remettre un certificat de travail, une attestation destinée à Pôle Emploi, un bulletin de paie, l'ensemble pour tenir compte du jugement à intervenir.

- Assortir la remise des documents précités de fin de relation contractuelle d'une astreinte définitive de 250 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 8 jours suivant la notification du jugement à intervenir.

- Dire et juger que la cour d'appel se réserve le droit de liquider l'astreinte et, le cas échéant, de statuer à nouveau.

- Condamner Me [T] es qualité au paiement de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Débouter la Sarl AKOA de son appel incident et de sa demande reconventionnelle et plus généralement de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- Débouter Me [T] es qualité de toutes ses demandes fins et conclusions,

- Condamner Me [T] es qualité aux entiers dépens et ce compris ceux éventuels d'exécution.

La Sarl AKOA a conclu le 29 octobre 2021 avant le jugement de liquidation prononcé le 3 mai 2023.

Me [T] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl AKOA n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 23 janvier 2024, l'Unédic AGS CGEA de [Localité 5] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Rennes

- Débouter M. [E] de ses demandes

En toute hypothèse :

- Débouter de toutes ses demandes qui seraient dirigées à l'encontre de l'AGS.

- Rappeler que l'AGS ne consentira d'avance au mandataire judiciaire que dans la mesure où la demande entrera bien dans le cadre des dispositions des articles L.3253-6 et suivants du code du travail.

- Dire que l'indemnité éventuellement allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile n'a pas la nature de créance salariale.

- Rappeler que l'AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L.3253-17 et suivants du code du travail.

- Dépens comme de droit.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 30 janvier 2024 avec fixation de l'affaire à l'audience du 19 février 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les heures supplémentaires

M.[E] maintient sa demande de fixation au passif de la société AKOA d'un rappel de 23 306,03 euros au titre des heures supplémentaires impayées entre la semaine 15 de l'année 2016 et la semaine 14 de l'année 2019, outre les congés payés afférents.

Le CGEA de [Localité 5] conclut au rejet de cette demande au motif que :

- le salarié transmet pour la première fois au soutien de sa prise d'acte le 27 septembre 2019 une réclamation au titre d'heures supplémentaires impayées durant la période de 2016 à 2019,

- il ne présente pas d'éléments suffisamment précis et détaillés des horaires de travail allégués , se bornant à soutenir qu'il travaillait chaque jour sur une base forfaitaire de 8h50 et à produire un tableau établi pour les besoins de la cause,

- les mails produits aux débats par le salarié ne confirment pas ses allégations en ce qu'ils émanaient d'une adresse commune aux conseillers commerciaux, qu'ils représentaient peu de messages transmis avant 8 H30 et au-delà de 19 heures,

- les attestations de ses anciens collègues qui ne travaillaient pas selon les mêmes horaires ne sont pas probantes et sont contredites par d'autres témoignages selon lesquels M.[E] s'absentait dans la journée pour des démarches personnelles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

M.[E] verse aux débats :

- l'avenant du 28 novembre 2013 se référant à une rémunération fixe de 1 800 euros brut sur une base de 151,67 heures par mois,

- ses bulletins de salaires entre mai 2016 et mai 2019 mentionnant un salaire de base ( 2 062,53 euros) pour 151,67 heures par mois et le règlement du même nombre d'heures supplémentaires ( 17,33 heures) y compris en période de congés payés,

- les tableaux récapitulant les heures de travail réalisées durant la période du1er avril 2016 au 19 avril 2019 selon un rythme non collectif du mardi au samedi de 8 heures-12h30 / 14 heures- 19 heures , représentant 47h30 par semaine

( pièce 3)

- les tableaux récapitulatifs des sommes dues au-delà des 39 heures hebdomadaires rémunérées, faisant apparaître 270,5 heures supplémentaires impayées en 2016 ( avril-décembre), de 357 heures en 2017, 382,5 heures en 2018 et 110,5 heures en 2019 ( janvier-avril), pour un montant total de 23 306,03 euros au titre des heures supplémentaires majorées(pièce 1)

- les attestations de Mme [X], conseillère commerciale recrutée en janvier 2017, ayant constaté l'amplitude des horaires de travail de M.[E], au regard de ses multiples missions'la gestion des SAV, des poseurs, des rdv avec les fournisseurs, de la gestion de s amils des clients, de la réception des marchandises , de la gestion de son équipe commerciale, la mise en place des stratagies commerciales et des déplacements chez les clients' , de sorte que ce dernier n'arrivait jamais après 8 heures, partait déjeuner à 12h30 pour revenir vers 13h45, quittait régulièrement l'entreprise après 19 heures. Elle précisait que si le magasin ouvrait à 10 heures et fermait à 19 heures du mardi au samedi, la Direction leur demandait d'être présents dès 9 heures pour les réunions animées par M.[E]. Elle ajoutait que les horaires exigés excédaient ceux prévus dans son contrat de travail ( 9h30), que les heures supplémentaires effectuées n'étaient ni payées ni récupérées 'Car il n'était pas possible de négocier quoi que ce soit , ayant déjà du mal à être payé correctement sur les commissions.' ( pièces 3 et 34)

- les attestations de Mme [V], ancienne commerciale depuis le 16 octobre 2018, confirmant que M.[E] était présent avant 8 h30, heure à laquelle elle-même arrivait dans l'entreprise; qu'elle assistait à la réunion commerciale de 9 heures et dépassait l'horaire de 19 heures avec les rendez-vous de clientèle, sans bénéficier des heures supplémentaires au-delà de ses horaires contractuels (début 9h30 - fin 19 heures ). ( pièces 4 et 36) car 'M.[C], Directeur, ne voulait pas entendre parler d'heures supplémentaires alors qu'il imposait ce fonctionnement'.

- le témoignage de Mme [G], ancienne employée commerciale ( depuis novembre 2016) : M.[E] considéré comme le Responsable du magasin

' avait des journées de travail surchargées'même au-delà de 19 heures , 'les horaires de travail ne sont pas clairement indiqués dans le magasin, nous devions venir pour des réunions à 9 heures alors que mon contrat prévoyait un début à 9 H30. Elle décrit la situation en septembre 2018 lorsque 'le Directeur du magasin a décidé de changer d'enseigne mais sans une communication préalable vis-à vis du public, sans catalogue ni affichage de sorte que l'équipe commerciale a dû se débrouiller avec un nouveau logiciel ne fonctionnant pas ou mal , dans un magasin en travaux ' M.[E] avait pris énormément de temps pour accueillir les fournisseurs, établir les plans du nouveau magasin, dessinre les cuisines d'exposition(..) Pendant ce temps, le magasin était dans un état déplorable avec des meubles et des cartons entreposés, il était impossible de vendre et donc d'avoir des commissions. La qualité de travail de M.[E] qui s'est investi corps et âme dans ce magasin et la pluralité des tâches qui lui étaient demandés ont eu raison de sa santé physique et aussi morale.'( pièce 28)

- des témoignages de M.[K] et de M.[L], poseurs indépendants, confirmant la présence de M.[E] dès 8 heures au sein de l'entreprise lors de leurs interventions et contacts téléphoniques.

- un certain nombre de mails et de scans adressés entre 2016 et 2019 comportant notamment des devis adressés par M.[E] avant 8 heures et après 19 heures, ainsi que des réponses à des clients.

- un sms d'une commerciale le 3 septembre 2018, lui annonçant que la réunion du lendemain matin était avancée par le dirigeant M. [C] à 8 heures au lieu de 9 heures.

Contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, ces éléments sont suffisamment précis et permettent un débat contradictoire dans le cadre duquel il appartient à l'employeur de rapporter la preuve des heures de travail effectivement accomplies par le salarié lequel ne bénéficiait pas d'un horaire collectif. Au demeurant, le principe de réalisation d'heures supplémentaires par M.[E] est acquis dès lors que son salaire intégrait chaque mois 17,33 heures supplémentaires.

Si le CGEA s'évertue à contester les pièces et à remettre en cause la crédibilité des témoignages présentés par le salarié, il est rappelé que l'employeur, à qui il incombait d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées, ne fournit pas le moindre élément permettant de décompter les heures supplémentaires effectuées et de contredire le chiffrage de l'appelant. Les bulletins de salaires ne comportent aucun compteur individualisé des heures supplémentaires réalisées. Contrairement à ce qui était allégué par l'employeur dans son courrier du 18 septembre 2019, le salarié n'était pas soumis à un horaire de travail collectif applicable au sein de l'entreprise, dont la société AKOA ne justifie pas au demeurant au travers d'une note interne et/ou d'un affichage dans le magasin.

Ainsi, des témoins (poseurs ) indépendants de la société AKOA ont confirmé la présence matinale de M.[E] à son poste de travail dès 8 heures tandis que plusieurs de ses anciens collègues ont attesté de l'organisation dès 9 heures de la réunion de l'équipe commerciale, préalablement à l'ouverture du magasin au public à 10 heures. Le fait que le salarié bénéficie d'une rémunération variable calculée en fonction du chiffre d'affaires mensuel du magasin conforte son implication active au sein d'une entreprise disposant d'un effectif limité (moins de 10 salariés) ainsi que la multiplicité de ses tâches dans la gestion des commandes, de l'établissement des devis, et du suivi des chantiers. Les courriels échangés entre le salarié et ses différents interlocuteurs - clients- fournisseurs-poseurs confirment l'amplitude horaire de travail alléguée par l'intéressé a minima entre 8 heures et 19 heures, avec une pause méridienne d'1h30. Les deux attestations produites par le CGEA ( anciens salariés M. [I] et [F]) se bornent à souligner l'autonomie du salarié autorisé à s'absenter de manière ponctuelle pour convenances personnelles sans pour autant remettre en cause la sincérité des autres témoins sur l'amplitude horaire de travail de M.[E].

La production par l'employeur ayant retrouvé trace dans l'ordinateur professionnel du salarié des documents scannés relevant de la vie privée du salarié ne présente aucun intérêt probant en matière d'heures supplémentaires s'agissant de scans limités en nombre sur une période de 3 ans, transmis en majeure partie avant 8 heures et en dehors des heures d'ouverture du magasin. Elle confirme à tout le moins la version du salarié selon laquelle l'utilisation du scan à des fins personnelles par les salariés était connue et tolérée par l'employeur.

Par ailleurs, contrairement aux allégations du CGEA, le fait que M.[E] n'ait pas réclamé le paiement d'heures supplémentaires avant la mise en demeure du 27 août 2019, particulièrement motivée, soit un mois avant la prise d'acte, est insuffisant à réfuter la réalisation d'heures supplémentaires.

Au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que M. [E] a effectué un certain nombre d'heures supplémentaires non payées ( 1120,5 heures) entre la semaine 15 de l'année 2016 et la semaine 14 de l'année 2019, de sorte qu'il y a lieu de fixer au passif de la société AKOA à la somme de 23 306,03 euros euros au titre des heures supplémentaires, outre 2 330,60 euros de congés payés afférents. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour non respect de la contrepartie obligatoire en repos

M. [E] maintient sa demande de dommages-intérêts de 7 407,38 euros pour perte de repos compensateurs dont il a été débouté par les premiers juges.

Le salarié qui n'a pas été en mesure du fait de son employeur de formuler une demande de repos compensateur obligatoire au titre des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires défini par la convention en application de l'article L 3121-11 du code du travail, a droit à l'indemnisation du préjudice subi.

Le salarié a fourni un décompte précis des heures supplémentaires réalisées au-delà du contingent annuel fixé par la loi à 220 heures par an en l'absence de dispositions contraires de la convention collective applicable. Ce décompte établi ( pièce 1 in fine) au titre de la valorisation des heures supplémentaires n'ayant pas donné lieu à repos compensateur n'est contesté dans son montant par l'employeur:

- en 2016 : 50,5 heures excédant le contingent annuel de 220 heures soit 667,61 euros,

- 2017 ; 137 heures soit 1 811,14 euros

- 2018 : 162,5 heures soit 4 928,63 euros tandis qu'il n'est pas dû de contrepartie pour l'année 2019 qui n'enregistre pas de dépassement du contingent annuel.

Au vu de ce tableau, il sera fait droit à la demande d'indemnisation des repos compensateurs non pris pour les années 2016 à 2018 à la somme globale de 7 407,38 euros net, s'agissant de dommages-intérêts intégrant le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant de l'indemnité de congés payés afférents.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Sur le travail dissimulé

L'article L 8221-5 du code du travail dispose : est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :...2°- de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire , ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre I du livre I de la troisième partie.'

Selon l'article L 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 du même code a droit à une indemnité égale à 6 mois de salaire.

Compte tenu de l'effectif limité des salariés inférieur à 10 salariés travaillant dans le magasin et de la multiplicité des tâches dévolues à M.[E] en tant que Responsable des ventes dont l'employeur ne pouvait pas ignorer la réalité des horaires dépassant largement la durée légale et se bornait à rémunérer de manière forfaitaire quelques heures supplémentaires sans justifier du moindre relevé, ce qui caractérise à la fois une connaissance de la réalité des dites heures et une occulation volontaire de leur ampleur, l'intention de la société Akoa de dissimuler une partie du temps de travail de M.[E], est établie au regard du volume important des heures supplémentaires réalisées durant la période non prescrite ( 1 120,5 heures) et caractérise un travail dissimulé.

Il convient dès lors, faisant droit à la demande de M.[E], de fixer au passif de la société liquidée l'indemnité pour travail dissimulé représentant la somme dont le quantum n'est pas contesté de 25 589,70 euros par voie d'infirmation du jugement.

Sur le harcèlement moral

Selon l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de faits qui laissent supposer l'existence d'un harcèlement . Il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits , pris dans leur ensemble, laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L1152-1 du code civil. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.n l'espèce, M.[E] invoque les faits suivants :

- le dirigeant de l'entreprise M.[C] s'est déchargé sur lui considéré comme son ' bras droit'durant plusieurs années de la plupart de ses tâches et missions,

-il a décidé en 2018 de manère hasardeuse et sans anticipation des mesures nécessaires de changer de franchise de l'enseigne Avova vers celle de Reddy Cuisine, de sorte que le chiffre d'affaire a fortement chuté et que le nouveau franchiseur a mis la pression sur la société AKOA pour redresser la barre;

- le salarié a alors appris que son poste était menacé et qu'il 'était sur la selette', ce qui l'a anéanti et conduit à un burn out à compter du 7 avril 2019.

A l'appui de sa demande, le salarié produit:

- des arrêts de travail délivrés par son médecin traitant du 27 mai 2019 au 10 juin 2019 pour syndrome anxieux réactionnel, puis du 12 juin au 29 juin 2019 pour syndrome anxiodepressif.

- un courrier d'une psychologue clinicienne ( pièce 21) attestant du suivi thérapeutique de M.[E] depuis le 29 avril 2019 à la suite de la prescription de son médecin traitant alors que le salarié présente des symptômes liés à un épuisement professionnel et un stress post traumatique lié au travail : anxiété, insécurité, hypersomnie, pertes de mémoire et des capacités attntionnelles, vomissements, perte d'appétit, souffrance psychologique et fatigue émotionnelle et physique.

- un échange de mails le 6 mai 2019 entre M.[A] [C] et l'épouse de M.[E] (Mme [Z] [E]) : ' J'ai reçu ce matin un arrêt de [U] ( [E]) et je m'inquiète vraiment pour lui . Certes, les allemands ( nouveau franchiseur ) m'ont bien cassé l'entreprise et mon équipe avec leurs promesses non tenues. Comment est-il'comment va t'il' J'entends des choses sur son état qui ne me plaisent pas du tout.' Mme [E] : ' nous gérons de notre côté.. Malgre les trahisons '. M.[C] : 'il n'y en a pas.(..) Les allemands m'ont mis la pression depuis le début pour qu'on se sépare de [U]... ça n'a jamais été ma volonté ...tu me crois vraiment capable de çà' Il y a longtemps que ça aurait été fait sinon. (..) Mon équipe , je la défends depuis le début et [U] tour autant que les autres.(..)' Mme [E] : ' Tu n'aurais pas dû ignorer [U] , c'est ce qu'il y a de pire pour lui, d'où son état. (..) [U] te faisait confiance, il a tout donné;aujourd'hui, il a tout perdu : la confiance, le respect, la reconnaissance;' ( pièce 27)

- le classement des magasins de l'enseigne au titre de l'année 2015 faisant apparaître au 1er rang le magasin de [Localité 5] Saint Jacques avec un chiffre d'affaires ( illisible) supérieur à l'objectif fixé de 2,303 Keuros ( pièce 17)

- le classement des magasins de l'enseigne au titre du premier semestre 2018 mentionnant au 1er rang le magasin de [Localité 5] Saint jacques avec un chiffre d'affaires supérieur de 248 000 euros à l'objectif fixé de 1,300 Keuros.

- le chiffre d'affaires réalisé en janvier 2019 sous la nouvelle enseigne (pièce 9)

Le CGEA de [Localité 5] soutient que le salarié en justifie d'aucun fait précis permettant de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral alors que le changement de franchise relève d'une décision de l'enterprise, que l'employeur ne peut pas se voir reprocher une absence de consultation sur une telle décision, qu'il n'a jamais été le bras droit du dirigeant mais occupait le poste important après le gérant, que le salarié ne produit aucun élément sur la rumeur de suppression de son poste ; que les certificats médicaux ne suffisent pas à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Les éléments susvisés dont se prévaut M. [E], pris dans leur ensemble, ne permettent pas de supposer que son employeur aurait exercé des pressions pour obtenir son départ de l'entreprise ni que son emploi était menacé dans un contexte de changement d'enseigne. Comme l'ont en outre relevé les premiers juges, le dirigeant M.[C] lui assurait dans un message transmis à son épouse le 6 mai 2019 qu'il n'avait jamais envisagé de se séparer de lui.

Par ailleurs, ces éléments ne laissent pas plus supposer que le salarié aurait subi une pression commerciale excédant celle inhérente à l'exercice de ses fonctions de Responsable des ventes et que les objectifs fixés par la Direction auraient été irréalisables. Rien ne permet d'établir que des méthodes de management ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié ont été utilisées à son égard notamment lorsque le dirigeant a décidé de changer de franchiseur en septembre 2018, ce qui relève de son pouvoir de direction.

Les bulletins de salaire révèlent que M. [E] a perçu régulièrement durant la relation de travail des primes variables en lien avec son activité commerciale et avec les résultats favorables du magasin.

S'il est avéré que l'état de santé du salarié s'est trouvé brutalement dégradé au vu des observations de la psychologue à la fin du mois d'avril 2019, l'appelant produit deux arrêts de travail pour maladie entre le 27 mai et le 29 juin 2019 mentionnant l'existence d'un syndrome anxio dépressif sans qu'il soit possible de le rattacher à des agissements de harcèlement moral imputables à son employeur.

Il s'ensuit que le salarié n'établit pas la matérialité de faits précis et concordants qui pris dans leur ensemble permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre. La demande au titre du harcèlement moral sera donc rejetée, par voie de confirmation du jugement.

Sur le manquement par l'employeur à son obligation de sécurité

M. [E] soutient que la société AKOA ne démontre pas avoir satisfait à son obligation de veiller à la santé de son salarié dont la dégradation de l'état de santé était en lien avec :

-une charge de travail excessive en lien avec des horairesimportants pour faire face aux missions multiples,

- une absence d'accompagnement lors du changement de franchise.

Le CGEA de [Localité 5] réplique que rien ne permet d'établir un lien de causalité entre les conditions de travail et la détérioration de l'état de santé de M.[E]. Il réfute toute exécution déloyale par l'employeur du contrat de travail dès lors que le salarié a fait état auprès du dirigeant le 13 avril 2019 de problèmes de santé et de son absence durant une semaine, et n'a reçu aucune doléance avant le courrier de prise d'acte. Il observe que le salarié a rejoint le 15 octobre 2019 une autre société de fabrication et vente de cuisines et tente d'imputer la rupture à son ancien employeur.

Selon l'article L. 4121-1 du code du travail, en sa rédaction applicable au litige, l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur est également tenu de veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Tel qu'il résulte des articles L. 4121-2 à L. 4121-5 du même code, l'employeur est tenu d'évaluer dans son entreprise, les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs et de transcrire les résultats dans un document unique. Il appartient à l'employeur d'assurer l'effectivité de cette obligation en assurant la prévention des risques professionnels.

Dès lors que le salarié invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, il revient à l'employeur de démontrer l'absence de manquement de sa part à son obligation de sécurité.

Pour établir la réalité des manquements de son employeur, M. [E] verse aux débats :

- des tableaux recapitulatifs de ses heures de travail sur la base de 47,5 heures par semaine,

- les témoignages de ses anciens collègues de travail confirmant l'implication du Responsable des ventes ' totalement investi et subissant la pression des chiffres et des injonctions de M.[C]. Il a très mal vécu le changement d'enseigne qui n'était pas du tout préparé et qui a engendré une chute brutale du chiffre d'affaire.'' Je ne l'ai jamais vu partir en congés plus de 3 semaines dans l'année' ( Mme [X])

- ses deux arrêts de travail,

- le courrier de la psychologue évoquant des symptômes en lien avec un épuisement professionnel,

- des photographies ( 16 à 16-28) du magasin prises lors du changement d'enseigne Reddy Cuisines.

- l'échange de sms le 6 mai 2019 entre M.[C] et l'épouse du salarié.

(- la réponse du 18 septembre 2019 de son employeur ( pièce 31) à son courrier de mise en demeure du 27 août 2019 ( pièce 37 adverse) de lui régler un rappel de salaires pour des heures supplémentaires, d'une indemnité pour violation de la contrepartie obligatoire en repos et diverses indemnités notamment pour manquement à l'obligation de sécurité).

- Une lettre de mise en demeure adressée par le salarié à la société Akoa le 27 août 2019, dans laquelle il évoque les difficultés liées à sa charge de travail et sollicite le paiement de différentes sommes à titre rappel de salaires pour heures supplémentaires, indemnité pour violation de la contrepartie obligatoire en repos et autres indemnités notamment pour manquement à l'obligation de sécurité ;

- La réponse de l'employeur en date du 18 septembre 2019).

Dans son courrier de mise en demeure transmis à son employeur le 27 août 2019, M.[E], en arrêt de travail depuis le 13 avril 2019, évoque clairement ses efforts afin de ' reconstruire une équipe commerciale' et d'augmenter le chiffre d'affaire du magasin au prix de longues journées de travail. Il retrace les difficultés rencontrées en septembre 2018 lorsque le dirigeant a pris la décision brutale de changer d'enseigne sans aucune préparation en terme de logiciel tarifaire, de communication, de catalogue et d'internet, et qu'il a fallu 'refondre' le magasin pendant une période de travaux de 6 mois, à l'origine d'une baisse brutale du chiffre d'affaires et de la rémunération variable de chacun des membres de l'équipe commerciale.

( Pièce 37 adverse)

L'employeur qui ne démontre avoir pris aucune mesure effective après le courrier long et précis (une dizaine de pages), a répondu le 18 septembre 2019 de manière succinte, par l'intermédiaire d'un avocat, en rejetant les demandes financières de son salarié mais sans proposer de mettre à sa disposition les moyens pour remédier aux difficultés organisationnelles dénoncées. Le fait pour l'employeur de ne pas tenir compte des doléances du salarié, dont les qualités et l'investissement professionnels étaient reconnues par son équipe, témoigne du déni par l'employeur de la souffrance morale exprimée par le salarié ce dont le dirigeant avait déjà connaissance au vu de la teneur de l'échange de sms du 6 mai 2019 avec l'épouse de M.[E].

Il ressort des éléments d'appréciation que M. [E] dont l'état de santé s'est dégradé au point d'être placé en arrêt de travail prolongé, a vainement dénoncé dans son courrier du 27 aût 2019 une charge de travail excessive et les conséquences d'un changement brutal et impréparé de l'enseigne courant 2018.

La société AKOA sur laquelle repose la charge de la preuve, s'était retranchée initialement derrière le fait que les fonctions de Responsable des Ventes n'exigeaient pas la présence de M.[E] au-delà d'un prétendu horaire collectif, dont la mise en place au demeurant non établie est contestée par le salarié et les collègues. Enfin, les allégations de l'employeur selon lequel le salarié ne devait pas effectuer d'heures supplémentaires dans le cadre de ses responsabiltés sont contredites par le fait qu'il rémunérait des heures supplémentaires effectuées sur une base forfaitaire de 17,33 heures par mois.

L'employeur ne s'explique pas sur le fait qu'il n'a mis en place aucun compteur d'heures supplémentaires ce qui contrevient à son obligation de veiller au contrôle de la durée de travail de son salarié, dont les horaires excédaient les horaires d'ouverture du magasin dès 8 heures pour l'accueil des fournisseurs et des poseurs et au-delà de 19 heures lorsque les conseillers commerciaux étaient en rendez-vous en magasin ou en déplacement de clientèle.

La cour observe par ailleurs que l'employeur ne veillait pas à ce que le salarié prenne régulièrement ses congés annuels comme le confirment le compteur des congés payés réprésentant au 31 mai 2016 un solde non pris de 33 jours (30 jours de l'année 2015-2016, 3 jours de l'année 2014-2025), au 31 mai 2017 un solde non pris de 35 jours et au 31 mai 2018 un solde non pris de 41 jours.

Enfin, l'employeur ne justifie d'aucune mesure destinée à accompagner le changement de l'enseigne et des travaux du magasin ayant abouti selon M.[E] et ses collègues à une baisse de la fréquentation de la clientèle et la chute brutale du chiffre d'affaire du magasin, ce qui est confirmé par les montants figurant sur les bulletins de salaire (de l'ordre de 50 % en janvier et en mars 2019).

Il ressort clairement des pièces produites et notamment des éléments de nature médicale que la surcharge de travail persistante a entraîné la dégradation des conditions de travail de M.[E].

Eu égard à la persistance du manquement de l'employeur à son obligation de protection de la santé et de la sécurité des salariés ayant causé un préjudice significatif à M.[E], il y a lieu de fixer à la somme de 5 000 euros la créance du salarié au passif de la société AKOA à titre de dommages et intérêts.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la prise d'acte

Selon l'article L 1231-1 du code du travail, le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ou d'un commun accord. En cas de prise d'acte de la rupture par le salarié, il lui appartient d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

Lorsque le salarié invoque des manquements suffisamment graves de son employeur empêchant la poursuite de son contrat de travail, la prise d'acte produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. A défaut, la prise d'acte est considérée comme une démission.

M.[E] invoque à l'appui de sa prise d'acte les manquements graves de l'employeur à ses obligations contractuelles empêchant la poursuite du contrat se traduisant par :

- le refus de l'employeur de régler des heures supplémentaires imposées,

- la violation de la réglementation afférente au repos compensateur obligatoire,

- un travail dissimulé,

- une exécution déloyale du contrat,

- une dégradation des conditions de travail s'inscrivant dans une surcharge de travail aboutissant à un burn out, de nature à caractériser un harcèlement moral.

Bien qu'il n'ait aucune obligation de mettre préalablement en demeure son employeur de respecter son contrat de travail, il fait valoir que la société AKOA n'a pas tenu compte de son courrier du 27 août 2019, l'écartant d'un revers de la manche en qualifiant sa mise en demeure de ' sans fondement' et qu'il a été contraint d'en tirer les conséquences en prenant acte par écrit du 25 septembre 2019 de la rupture aux torts de son employeur.

La problématique de la charge de travail soulevée par le salarié dans son courrier du 27 août 2019, lequel se fondait sur une chronologie des faits et sur son investissement au sein du magasin depuis plusieurs années, n'a fait l'objet d'aucune étude sérieuse de la part de la société AKOA qui l'a écartée en déniant l'implication du salarié dans son courrier du 18 septembre 2019, réitéré dans celui du 4 octobre 2019 ' ses fonctions de Responsable des ventes ne nécessitaient nullement sa présence au-delà de l'horaire collectif auquel il était soumis et le dirigeant n'a jamais exigé de sa part la réalisation d'heures supplémentaires', ce qui est contredit par les témoins évoquant des' injonctions' du dirigeant envers M.[E] ( Mme [X]). L'absence de prise en compte des doléances du salarié quant à sa charge de travail excessive, constitue un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité alors qu'il ne justifie d'aucune mesure effective de nature à protéger la santé et assurer la sécurité du salarié dont l'état de santé s'est dégradé au point d'être arrêté depuis plusieurs mois.

Le grief lié au refus de régler les heures supplémentaires est également établi à l'encontre de l'employeur.

Ces griefs sont d'une gravité telle qu'ils empêchaient la poursuite de la relation contractuelle et justifiaient la prise d'acte du 27 septembre 2019 du salarié de la rupture de son contrat de travail.

Cette prise d'acte aux torts de l'employeur doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non pas d'un licenciement nul en l'absence d'une situation reconnue de harcèlement moral.

Il convient en conséquence d'indemniser M.[E] des conséquences de la rupture et de fixer à ce titre au passif de la liquidation à son profit les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:

- 8 529,90 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis équivalente à deux mois de salaire

( 4 264,95 euros x2) outre 852,99 euros pour les congés payés y afférents,

- 6 397,42 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement.

En cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés, l'article L.1235-3 alinéa 3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte d'emploi. Le montant de cette indemnité est compris en l'espèce entre 2 et 7 mois pour une ancienneté de 6 ans.

M.[E], âgé de 46 ans lors de la rupture, justifie avoir retrouvé depuis le 15 octobre 2019 un emploi stable à temps complet de Manager vendeur, moyennant un salaire de 1750,10 euros brut par mois.

Compte tenu de la situation du salarié, notamment de son âge et de son ancienneté au moment de la rupture, de sa capacité à retrouver un emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer à la somme de

15 000 euros l'indemnité propre à réparer son préjudice, qui sera fixé au passif de la liquidation de la société AKOA, par voie d'infirmation du jugement.

Sur la demande reconventionnelle au titre de l'indemnité de préavis

La prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse pour les motifs développés précédemment, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné le salarié à verser à son ancien employeur la somme de 500 euros au titre de l'indemnité de préavis.

Sur les autres demandes et les dépens

Aux termes de l'article R 1234-9 du code du travail, l'employeur doit délivrer au salarié au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications lui permettant d'exercer son droit aux prestations sociales.

Il convient en conséquence d'ordonner au liquidateur judiciaire de la société AKOA de délivrer à M.[E] le bulletin de salaire, le certificat de travail, l'attestation destinée à Pôle Emploi devenue France Travail, conformes aux dispositions du présent arrêt et ce au plus tard dans le mois de la notification du présent arrêt sans qu'il soit nécessaire de prévoir une astreinte.

Conformément aux dispositions des articles 1231-7 et 1344-1 du code civil, les intérêts au taux légal sur les condamnations prononcées seront dus à compter du 16 octobre 2019, date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère de salaire. Il est rappelé que le jugement du 3 mai 2023 prononçant l'ouverture de la procédure collective de la société AKOA a arrêté le cours des intérêts légaux des sommes dues au salarié.

Conformément à l'article 1343-2 du Code civil, les intérêts échus produiront eux-mêmes des intérêts, pourvu qu'ils soient dus pour une année entière.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M.[E] les frais non compris dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement déféré étant infirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile

Le liquidateur judiciaire de la société AKOA ès-qualités sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt doit être déclaré opposable à l'AGS représentée par le CGEA de [Localité 5] dont la garantie n'est acquise au salarié que dans les limites et plafonds légaux et réglementaires.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- rejeté sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- rejeté sa demande tendant à voir dire que sa prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement nul.

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

- Dit que la prise d'acte de M.[E] de la rupture de son contrat de travail le 27 septembre 2019 doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Fixe au passif de la Sarl AKOA les créances de M.[E] aux sommes suivantes:

- 23 306,03 euros brut à titre de rappel de salaires pour des heures supplémentaires,

- 2 330,60 euros pour les congés payés y afférents,

- 7 407,38 euros net au titre de l'indemnité pour non-respect de la contrepartie obligatoire en repos,

- 25 589,70 euros net au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

- 5 000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- 8 529,90 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 852,99 euros pour les congés payés y afférents,

- 6 397,42 euros net au titre de l'indemnité de licenciement,

- 15 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Dit que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter du 16 octobre 2019, pour les sommes à caractère de salaire mais rappelle que le jugement du 3 mai 2023 prononçant l'ouverture de la procédure collective de la société AKOA arrête le cours des intérêts légaux des sommes dues au salarié.

- Dit que les intérêts échus produiront eux-mêmes des intérêts, pourvu qu'ils soient dus pour une année entière.

- Ordonne au liquidateur judiciaire de la Sarl AKOA de délivrer à M. [E] le bulletin de salaires conformes aux dispositions du présent arrêt et ce au plus tard dans le mois de la notification du présent arrêt,

-Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS représentée par le CGEA de [Localité 5] et rappelle que les créances ne seront garanties par l'AGS que dans les limites prévues par l'article L 3253-8 du code du travail et les plafonds prévus par les articles L 3253-17 et D 3253-5 du même code,

- Condamne Me [T] es qualité de mandataire liquidateur de la société AKOA aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/02860
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;21.02860 ?
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