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12/06/2024 | FRANCE | N°24/00252

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 12 juin 2024, 24/00252


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 116/24

N° RG 24/00252 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U3U6



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eri

c LOISELEUR, greffier placé,



Statuant sur l'appel formé le 11 Juin 2024 à 10H26 reçu au greffe à 11H41 par Me Omer GONULTAS pour :

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COUR D'APPEL DE RENNES

N° 116/24

N° RG 24/00252 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U3U6

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eric LOISELEUR, greffier placé,

Statuant sur l'appel formé le 11 Juin 2024 à 10H26 reçu au greffe à 11H41 par Me Omer GONULTAS pour :

M. [U] [J]

né le 01 Mai 2002 à [Localité 1] (EGYPTE)

de nationalité Egyptienne

ayant pour avocat Me Omer GONULTAS, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 10 Juin 2024 à 18H53 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a ordonné la prolongation du maintien de M. [U] [J] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de trente jours à compter du 10 juin 2024 à 14H15;

En l'absence de représentant du préfet de Seine-Maritime, dûment convoqué, ayant adressé son avis le 11 juin 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur FICHOT, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 11 juin 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence de [U] [J], représenté par Me Omer GONULTAS, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 12 Juin 2024 à 10 H 00 l'avocat en ses observations en présence de M. [U] [Y], interprète en langue Arabe, convoqué pour les besoins de la procédure

Avons mis l'affaire en délibéré et le 12 Juin 2024 à 15H00, avons statué comme suit :

Par arrêté du Préfet de Seine-Maritime du 24 août 2023 a fait obligation à Monsieur [U] [J] de quitter le territoire français.

Par arrêté du 11 mai 2024 le Préfet de Seine-Maritime a prolongé l'interdiction de retour de Monsieur [U] [J] sur le territoire français.

Par arrêté du 11 mai 2024 le Préfet de Seine-Maritime a placé Monsieur [U] [J] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Par ordonnance du 13 mai 2024, confirmée le 15 mai 2024, le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rouen a autorisé la prolongation de la rétention de Monsieur [U] [J] pour une durée de vingt-huit jours.

Monsieur [U] [J] a été transféré du Centre de Rétention Administrative de [Localité 2] au Centre de [4] le 04 juin 2024.

Par requête du 09 juin 2024 le Préfet de Seine-Maritime a saisi le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes d'une demande de seconde prolongation de la rétention de Monsieur [U] [J].

Par ordonnance du 10 juin 2024 le juge des libertés et de la détention a dit que la requête en prolongation de la rétention était accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles et était recevable, que la notification des droits en rétention était régulière, dit qu'il existait des perspectives raisonnables d'éloignement et a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de trente jours.

Par déclaration de son Avocat du 11 juin 2024 Monsieur [U] [J] a formé appel de cette décision en soutenant, au visa de l'article R743-2 du CESEDA, que la requête en prolongation était irrecevable comme n'étant pas accompagnée de la procédure de première prolongation de la rétention, à l'exception de la décision du juge des libertés et de la détention et de la décision d'appel.

Il a fait valoir en outre, au visa de l'article L141-3 du CESEDA, que ses droits en rétention et le règlement intérieur du Centre de Rétention Administrative à [Localité 3] lui avaient été notifiés au moyen d'un interprétariat par téléphone sans explication et qu'une atteinte à ses droits avait été générée.

Il a enfin soutenu, au visa de l'article L741-3 du CESEDA et de l'article 15 de la directive 2008/115/CE d'une part que le Préfet n'avait pas fait diligence en ne sollicitant pas des autorités égyptiennes qu'elles avancent la date du rendez-vous consulaire fixé par elles au 08 août 2024 et d'autre part qu'il n'existait de perspective raisonnable d'éloignement puisque un rendez-vous consulaire fixé au 08 août, la mesure d'éloignement ne pourrait pas être exécutée pendant la durée maximale de la rétention.

Il a conclu à la condamnation du Préfet à payer à son Avocat la somme de 1 200,00 Euros au titre des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

A l'audience, Monsieur [U] [J], représenté par son Avocat, fait développer oralement les termes de sa déclaration d'appel et maintient sa demande indemnitaire.

Selon mémoire du 11 juin 2024 le Préfet de Seine Maritime a précisé qu'il s'en remettait à sa saisine du juge des libertés et de la détention et à l'ordonnance attaquée.

Selon avis du 11 juin 2024 le Procureur Général a sollicité l'infirmation de l'ordonnance attaquée aux motifs que l'impossibilité absolue de pouvoir obtenir un rendez vous consulaire dans le temps de la prolongation et donc un laissez passer consulaire afin de pouvoir exécuter l'arrêté de reconduite en EGYPTE constitue bien une absence de perspective raisonnable d'éloignement qui rend la prolongation de rétention administrative irrégulière et que par ailleurs sur me moyen tiré de l'absence d'inscription sur une liste agréée de l'interprète ayant réalisé à distance la traduction des droits du retenu constitué bien une atteinte s'il est démontré que l'interprète ne bénéficie pas de cette inscription (RG 21/712 du 22 décembre 2021 et RG 23/00093 du 15 février 2023 juridiction du premier président de [Localité 3])

MOTIFS

L'appel, formé dans les formes et délais légaux, est recevable.

Sur la recevabilité de la requête,

L'article R743-2 du CESEDA dispose qu'à peine d'irrecevabilité la requête en prolongation de la rétention est accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles.

Il y a lieu de relever d'une part que Monsieur [U] [J] ne caractérise pas l'utilité de la production des décisions administratives antérieurs à la décision du juge des libertés et de la détention du 13 mai 2024. Il résulte d'autre part de cette ordonnance et de l'ordonnance confirmative du conseiller délégué par le Premier Président de la Cour d'Appel de Rouen que Monsieur [U] [J] n'a pas contesté la régularité de l'arrêté de placement en rétention et d'autre part que contradictoirement à ce qu'il soutient le respect de ses droits a été examiné au regard des dispositions de l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Enfin, au stade de la seconde prolongation de la rétention, des irrégularités tenant à la procédure de notification de l'arrêté de placement en rétention ne seraient plus recevables.

Sur la notification des droits en rétention et du règlement intérieur du Centre de Rétention,

L'article L141-3 du CESEDA dispose que lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète.

Ce texte précise qu'en cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger.

En l'espèce, les droits en rétention à Rouen et à Rennes sont identiques et Monsieur [U] [J] en a reçu régulièrement notification le 11 mai 2024 en langue arable et au moyen d'une notice écrite dans cette langue, qu'il comprend, puis le 04 juin 2024 à 16 heures dans une langue qu'il comprend, comme le montre le registre du Centre de Rétention Administrative signé par lui et enfin que, s'agissant du règlement intérieur, dont il a reconnu qu'il était affiché dans une langue qu'il comprend dans les locaux du centre de rétention, il a en reçu traduction par un interprète par téléphone, le 04 juin 2024 à 16 h 10, sans qu'il soutienne qu'il ne l'a pas compris.

Sur le défaut de diligence et l'absence de perspective d'éloignement,

L'article L741-3 du CESEDA prévoit que le Préfet fait toute diligence pour que la rétention soit la plus courte possible et qu'il doit en justifier.

Enfin, le paragraphe 4 de l'article 15 de la directive 2008/115/CE dispose que lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté.

Il résulte des pièces produites par le Préfet qu'il a été informé le 24 mai 2024 que les autorités égyptiennes recevraient Monsieur le 08 août. Le Préfet ne produit pas la demande faite à ces autorités de fixer un rendez-vous plus rapidement. Dans son ordonnance du 10 juin 2024 le juge des libertés a constaté que le Préfet pouvait encore demander une date de rendez-vous plus proche et il y a lieu de constater qu'à la date de l'audience de ce jour le Préfet ne démontre pas avoir formé cette demande et ne soutient pas non p^lus qu'il va le faire.

Il résulte de l'abstention du Préfet depuis le 24 mai 2024 et de la date du rendez-vous consulaire, à deux jours du terme de la durée maximale de la rétention, d'une part que le Préfet n'a pas fait toute diligence pour que la rétention soit la plus courte possible et d'autre part qu'il n'existe pas de perspective d'éloignement sur la durée totale de rétention de 90 jours.

L'ordonnance sera infirmée et le Préfet de Seine Maritime sera condamné à payer à l'Avocat de Monsieur [U] [J] la somme de 800,00 Euros au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide Juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS,

Déclarons l'appel recevable,

Infirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes du 10 juin 2024 et statuant à nouveau, disons n'y avoir lieu à prolongation de la rétention de Monsieur [U] [J] et ordonnons sa remise en liberté,

Rappelons à Monsieur [U] [J] qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,

Condamnons le Préfet de Seine-Maritime à payer à Maître Omer GONULTAS la somme de 800,00 Euros en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public,

Ainsi jugé le 12 juin 2024 à 15 heures

LE GREFFIER LE CONSEILLER DELEGUE

PAR LE PREMIER PRESIDENT

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [U] [J], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00252
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;24.00252 ?
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