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12/06/2024 | FRANCE | N°22/02344

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 12 juin 2024, 22/02344


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 22/02344 - N° Portalis DBVL-V-B7G-SU2M













CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE [Localité 3]



C/



CAISSE NATIONALE DE RETRAITE DES AGENTS DES COLLEC TIVITÉS LOCALES





















Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 JUIN 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emman...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 22/02344 - N° Portalis DBVL-V-B7G-SU2M

CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE [Localité 3]

C/

CAISSE NATIONALE DE RETRAITE DES AGENTS DES COLLEC TIVITÉS LOCALES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Mme Adeline TIREL lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Avril 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 12 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 04 Mars 2022

Décision attaquée : Décision

Juridiction : Pole social du TJ de RENNES

Références : 19/01159

****

APPELANTE :

CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Bruno LOUVEL de la SELARL PHENIX, avocat au barreau de RENNES substituée par Me Patrick CHAVET, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

CAISSE NATIONALE DE RETRAITE DES AGENTS DES COLLECTIVITÉS LOCALES

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Lara BAKHOS de la SELEURL PAGES - BAKHOS, avocat au barreau de RENNES substituée par Me Constance MORAUD, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 3 avril 2018, le Centre communal d'action sociale de [Localité 3] (le CCAS) a sollicité le remboursement de cotisations sociales au titre du dispositif d'exonération prévu par l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale pour la période du 1er juillet 2013 au 28 février 2015, auprès de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (la caisse).

Par courrier du 27 juin 2018, la caisse a rejeté cette demande, invoquant la prescription sauf s'agissant des cotisations correspondant à la période du 1er mars au 31 décembre 2015 qui ont fait l'objet d'une exonération.

Par courrier du 25 juillet 2018, le CCAS a contesté cette décision devant la caisse des dépôts et consignations, gestionnaire de la caisse, laquelle a maintenu le refus de remboursement des exonérations de cotisations patronales, par courrier du 10 août 2018.

Contestant cette décision, le CCAS a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Rennes le 11 octobre 2019.

Par jugement du 4 mars 2022, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes, a :

- débouté le CCAS de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté le CCAS de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné le CCAS aux dépens.

Par déclaration adressée le 12 avril 2022 par communication électronique, le CCAS a interjeté appel de ce jugement qui lui a été adressé par le greffe le 21 mars 2022.

Par ses écritures parvenues au greffe le 22 novembre 2022, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, le CCAS demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :

A titre principal,

- fixer l'interruption du délai de prescription au 20 septembre 2016 ;

- en conséquence, condamner la caisse à lui restituer les cotisations indûment versées sur la période du 20 septembre 2013 au 28 février 2015, dont le montant s'établit à 247 219,80 euros ;

A titre subsidiaire,

- fixer l'interruption du délai de prescription au 23 mars 2017 ;

- en conséquence, condamner la caisse à lui restituer les cotisations indûment versées sur la période du 1er avril 2014 au 28 février 2015, dont le montant s'établit à 226 504,55 euros ;

- condamner la caisse à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la caisse aux entiers dépens.

Par ses écritures parvenues au greffe le 13 avril 2023, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la caisse demande à la cour de :

- prononcer l'irrecevabilité de l'appel interjeté par le CCAS ;

Si l'appel est recevable,

- confirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes ;

- débouter le CCAS de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner le CCAS à la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le CCAS expose qu'entre le 1er juillet 2013 et le 31 décembre 2015, il a trop versé certaines cotisations qu'il devait aux différents organismes de recouvrement, en raison d'erreurs dans les modalités de calcul des exonérations pratiquées sur les rémunérations des aides à domicile. Il s'est alors rapproché de la caisse pour obtenir le remboursement des cotisations indûment versées pour un montant total de 675 478 euros. Il ajoute qu'il en a demandé le remboursement à la caisse qui lui a opposé la prescription de la créance pour la période antérieure au 1er mars 2015.

Sur la recevabilité de l'appel

En vertu de l'article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

Aux termes de l'article 1 du décret n° 2007-173 du 7 février 2007, 'la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales est gérée par la caisse des dépôts et consignations sous l'autorité et le contrôle du conseil d'administration de la caisse nationale ; la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales est représentée en justice et dans tous les actes de la vie civile par le directeur général de la caisse des dépôts et consignations.'

Il en ressort que la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales dispose bien de la capacité juridique en sa qualité de personne morale mais qu'elle est représentée par la caisse des dépôts et consignation dans le cadre des instances en justice.

En première instance, la caisse était effectivement représentée par la caisse des dépôts et consignation, ainsi que cela ressort des termes du jugement, mais la décision a été rendue à l'égard de la caisse, partie à l'instance disposant de la personnalité juridique.

Dès lors que la déclaration d'appel a été établie à l'encontre de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, personne morale, avec la précision 'prise en la personne de ses représentants légaux', il y a lieu de considérer que cet acte est parfaitement régulier puisque la caisse des dépôts et consignation intervient à la procédure non pas pour défendre des intérêts propres mais comme organe de représentation de la caisse. Elle est donc bien visée par la déclaration d'appel en sa qualité de 'représentante légale' de l'intimée.

L'appel sera en conséquence déclaré recevable.

Sur la prescription de la demande de remboursement de cotisations

Il résulte de l'article L.241-10 du code de la sécurité sociale que les rémunérations d'une aide à domicile sont exonérées de cotisations patronales de sécurité sociale, à l'exception de celles dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, dans certaines conditions énumérées par le texte, et que cette disposition est applicable aux agents du CCAS.

Le CCAS a présenté à la caisse une demande de remboursement des cotisations qu'il a indûment versées entre le 1er juillet 2013 et le 28 février 2015 au titre de ce dispositif d'exonération.

La caisse lui a opposé le délai de prescription de trois ans prévu par l'article L.243-6 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, considérant que l'article 6 du décret n°2007-173 régissant ses modalités de fonctionnement renvoie au code de la sécurité sociale et que notamment l'article L.243-6 lui est applicable.

Le CCAS estime pour sa part que ce bref délai de prescription n'est pas applicable dans ses relations avec la caisse et invoque l'application du délai de prescription de droit commun de 5 ans prévu par l'article 2224 du code civil.

L'article 6 du décret n° 2007-173 du 7 février 2007 relatif à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, cité par la caisse prévoit que :

I.-Les employeurs visés à l'article 4 versent à la caisse nationale le produit des retenues et des contributions visées aux articles 3 et 5 du présent décret.

II.-1° Lorsque le fonctionnaire est détaché sur un emploi conduisant à pension de la caisse nationale ou du code des pensions civiles et militaires de retraite, les retenues prévues à l'article 3 et les contributions prévues à l'article 5 font l'objet d'un précompte mensuel par l'Etat ou la collectivité locale qui l'emploie, compte tenu des dispositions de l'article 5 du décret du 26 décembre 2003 susvisé.

Elles sont versées à la caisse nationale dans les conditions prévues au présent article.

(...)

III.-1° Le versement des retenues et contributions est effectué dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article R. 243-6 et au 3° de l'article R. 243-7 du code de la sécurité sociale. (...)

Le dernier versement porte régularisation du solde des retenues et contributions dues pour l'année en cours et est effectué à l'aide d'une déclaration annuelle à compléter par l'employeur. Elle indique, d'une part, le nombre de fonctionnaires titulaires ou stagiaires et, d'autre part, l'assiette et le montant des retenues et contributions dues pour l'année considérée.

Les modalités, et notamment la date et la périodicité, de versement des retenues et contributions sont fixées par le conseil d'administration.

Le service gestionnaire mentionné au second alinéa de l'article 1er du présent décret rend compte au conseil d'administration des contrôles effectués et de l'état du recouvrement.'

Contrairement à ce que prétend la caisse, ce texte spécial, s'il renvoie ponctuellement à certains des articles du code de la sécurité sociale, n'opère pas un renvoi général à l'application des dispositions du code de la sécurité sociale qui régit le régime général. Il ne peut donc être déduit de la lecture de ce décret que l'ensemble des dispositions du code de la sécurité sociale régissant le régime général serait applicable au cas d'espèce, et notamment celles relatives à la prescription.

Au surplus, les textes relatifs aux régimes spéciaux et notamment l'article L.711-4 du code de la sécurité sociale qui porte sur les délais de prescription ne renvoient aucunement à l'article L.243-6 du code de la sécurité sociale.

Par conséquent, c'est à bon droit que le CCAS invoque l'application de la prescription de 5 ans de droit commun de l'article 2224 du code civil.

Cependant, la cour constate que le CCAS ne tire aucune conséquence de l'application de ce délai de prescription de 5 ans, puisqu'il demande que l'interruption du délai de prescription soit fixée au 20 septembre 2016, ou à titre subsidiaire au 23 mars 2017, et formule une demande de restitution des cotisations indûment versées portant sur la période de trois ans précédente, du 20 septembre 2013 au 28 février 2015, ou à titre subsidiaire du 1er avril 2014 au 28 février 2015.

Plus précisément, le CCAS estime que le courrier qu'il a adressé le 20 septembre 2016 ou celui du 23 mars 2017 est de nature à avoir interrompu la prescription dès lors que sa demande de remboursement permettait de déterminer le montant de l'indu et constituait donc une interpellation suffisante.

Pour valoir interpellation suffisante et être interruptif de prescription, il est nécessaire que le courrier de réclamation adressé par le cotisant portant sommation de payer, contienne l'ensemble des éléments permettant de déterminer le montant de l'indu. (Civ.2, 28 mai 2014, 13-17758)

A cet égard, le courrier du 20 septembre 2016, s'il mentionne bien l'objet de sa demande 'le mode de calcul des exonérations prévues par l'article L.241-10 du code de la sécurité sociale', la période concernée 'de septembre 2013 à février 2016", se contente d'indiquer que 'le mode de calcul appliqué ne prenait pas en compte l'intégralité de la rémunération des agents ouvrant droit à exonération et que l'exonération n'était pas appliquée lorsque l'agent se trouvait placé en arrêt de travail pour une durée d'un mois ou plus, avec la prévision d'un retour à son poste'. Il n'est pas précisé le montant réclamé ni le nom des salariés concernés, si bien que ce courrier ne peut constituer une interpellation suffisante d'autant qu'il se borne à solliciter un recalcul de ces exonérations et une validation par les services de la caisse, et non une demande de paiement.

Aux termes du courrier du 28 mars 2017 adressé en lettre recommandée avec accusé de réception, le CCAS précise 'qu'un nouveau calcul a été appliqué à partir de la paie de mars 2016, calcul que nous vous présentons dans le document de rescrit social joint et dont nous vous demandons la validation'. Etait joint à ce courrier le rescrit qui contenait la formule de calcul de l'exonération avant la paie de mars 2016 puis à partir de la paie de mars 2016, sans pour autant préciser ni le montant de la rémunération en cause, ni l'identité des salariés concernés, si bien qu'il ne peut être considéré que ce courrier emporte interpellation suffisante d'avoir à payer une somme dont le montant serait au moins déterminable.

Ce n'est finalement que le 6 avril 2018, que le CCAS a fait parvenir à la caisse le formulaire de remboursement, ainsi que les pièces nécessaires à l'étude de sa demande de régularisation, alors que dès le 6 octobre 2016, le service gestionnaire lui avait transmis le lien internet lui permettant de télécharger le document officiel de remboursement des cotisations patronales. Y était joint la période à régulariser du 1er juillet 2013 au 31 décembre 2015, un tableau ventilant par année le montant à rembourser et le nombre d'agents concernés, et le total réclamé soit une somme de 675 478 euros, outre la demande explicite de remboursement.

Par conséquent, seul ce courrier comporte une demande expresse de paiement et vaut mise en demeure interruptive de prescription.

Enfin, le courriel du 6 octobre 2016 adressé par la caisse au CCAS se contentait d'informer l'appelant des démarches à suivre en cas de demande de remboursement, en l'invitant à compléter le document accessible sur le site internet de la caisse et à fournir les pièces demandées au dos de ce modèle. Ce courriel ne peut nullement s'analyser comme une reconnaissance du droit du CCAS à réclamer le remboursement sur l'entièreté de la période finalement réclamée dans le courrier du 3 avril 2018.

La caisse ayant d'ores et déjà procédé au remboursement de l'exonération de cotisations pour la période non prescrite, elle n'est plus redevable d'aucune somme à l'égard du CCAS. Le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la caisse ses frais irrépétibles, si bien qu'elle sera déboutée de cette demande.

Les dépens de la présente procédure seront laissés à la charge du CCAS qui succombe à l'instance et qui de ce fait ne peut prétendre à l'application des dispositions l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Déclare recevable l'appel du CCAS de [Localité 3],

Confirme le jugement dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales de sa demande d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute le CCAS de [Localité 3] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne le CCAS de [Localité 3] aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 22/02344
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;22.02344 ?
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