La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2024 | FRANCE | N°21/02988

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 12 juin 2024, 21/02988


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°311



N° RG 21/02988 -

N° Portalis DBVL-V-B7F-RUEZ













Mme [T] [D]



C/



S.A.S. ANTARGAZ ENERGIES

















Infirmation partielle













Copie exécutoire délivrée

le :



à :

-Me Christophe LHERMITTE

-Me Nicolas FALQUE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 JUIN 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS ...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°311

N° RG 21/02988 -

N° Portalis DBVL-V-B7F-RUEZ

Mme [T] [D]

C/

S.A.S. ANTARGAZ ENERGIES

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Christophe LHERMITTE

-Me Nicolas FALQUE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 Avril 2024

devant Madame Nadège BOSSARD, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [M] [L], médiatrice judiciaire,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 12 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame Mme [T] [D] née [G]

née le 30 Juin 1980 à [Localité 6] (95)

demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]

Ayant Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représentée à l'audience par Me Marie-Océane GELLY, Avocat plaidant du Barreau de NANTES

INTIMÉE :

La S.A.S. ANTARGAZ ENERGIES (anciennement dénommée UGI ENERGIE) prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Nicolas FALQUE, Avocat au Barreau de MARSEILLE

Mme [T] [D] a été engagée par la société Total Gaz dans le cadre d'un contrat de professionnalisation le 1er septembre 2002 puis selon contrat de travail à durée indéterminée le 1er janvier 2004 en qualité d'assistante commerciale de gestion avec reprise d'ancienneté au 1er octobre 2003.

Le 1er octobre 2016, le contrat de travail Mme [D] a été transféré en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, à la société UGI Energie, devenue Antargaz Energies.

Par avenant en date du 1er novembre 2016, Mme [D] a été promue au poste de Superviseur des conseillers relations clientèle, statut agent de maîtrise, soumise à un forfait heures annuel de 1573 heures correspondant à 207 jours travaillés.

Par courriel du 15 janvier 2018, elle a alerté sa hiérarchie sur sa surcharge de travail source d'épuisement et sollicitait un renforcement de son équipe.

Par avenant du 1er juin 2018, Mme [D] a été soumise à l'horaire collectif prévu par les accords d'entreprise soit 38 heures par semaine, le dépassement de la durée légale ayant compensé par des jours de repos soit 16 ours de RTT et 4 jours de fractionnement.

Par courriel du 21 septembre 2018, Mme [D] a dénoncé une surcharge de travail, des heures supplémentaires allant jusqu'à 45h par semaine depuis sa prise du poste en octobre 2016, une dégradation des relations internes et une absence de plan d'intégration et formation associée à son poste.

Le 24 septembre 2018, elle a été placée en arrêt de travail pour maladie, qui s'est poursuivi jusqu'à la rupture du contrat de travail.

Le 8 octobre 2018, dans la perspective d'une reprise du travail, le médecin du travail a préconisé un travail dans un bureau fermé ainsi qu'un temps partiel à 80 % lors d'une éventuelle reprise.

Le 14 février 2019, le médecin du travail a déclaré Mme [D] inapte à son poste de travail, en précisant qu'elle 'serait apte dans une autre entreprise et dans un autre contexte professionnel'.

Le 20 février 2019, Mme [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Le 28 mars 2019, la société UGI énergie a proposé deux postes de reclassement à Mme [D], l'un d'agent de livraison situé à [Localité 7] (35), l'autre également d'agent de livraison situé à [Localité 5] (64).

Le 1er avril 2019, Mme [D] a refusé les deux postes proposés par son employeur.

Le 4 avril 2019, son employeur lui a notifié son impossibilité de la reclasser.

Le 8 avril 2019, elle a été convoquée à un entretien préalable, auquel elle ne s'est pas présentée.

Le 24 avril 2019, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 4 novembre 2019, Mme [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de :

A titre principal,

' Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [D] aux torts de la SAS Antargaz énergies,

' Constater que cette résiliation judiciaire produisait les effets d'un licenciement nul, ou à défaut, sans cause réelle ni sérieuse,

' Condamner la SAS Antargaz énergies à verser 74.916 € de dommages et intérêts pour licenciement nul (18 mois de salaire),

A titre subsidiaire,

' Constater que le licenciement était sans cause réelle ni sérieuse,

Principalement,

' Constater que doit être écarté le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L.1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les article 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable,

' Condamner la SAS Antargaz énergies à verser :

- 79.110 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en prenant en compte les heures supplémentaires,

- 74.916 €, à défaut, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Subsidiairement, dans l'hypothèse où le conseil aurait considéré que le barème prévu par l'article L.1235-3 du code du travail avait été applicable,

' Condamner la SAS Antargaz énergies à verser :

- 59.332 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en prenant en compte les heures supplémentaires,

- 56.187 €, à défaut, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

' Constater que :

- Mme [D] occupait, de fait, un poste relevant du statut cadre et en tirer toutes les conséquences,

- Mme [D] était soumise à la durée légale de travail,

- Mme [D] a effectué des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées,

A titre principal, en prenant en compte les heures supplémentaires,

' Fixer la rémunération mensuelle moyenne à 4.395 €,

' Condamner la SAS Antargaz énergies à verser :

- 20.502 € d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 13.185 € d'indemnité compensatrice de préavis (3 mois),

- 1.318 € de congés payés afférents,

- 8.790 €, à défaut, d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois),

- 879 € de congés payés afférents,

A titre subsidiaire, en ne prenant pas en compte les heures supplémentaires,

' Fixer la rémunération mensuelle moyenne à 4.162 €,

' Condamner la SAS Antargaz énergies à verser :

- 19.450,49 € d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 12.486 € d'indemnité compensatrice de préavis (3 mois),

- 1.249 € de congés payés afférents,

- 8.324 €, à défaut, d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois),

- 832 € de congés payés afférents,

En tout état de cause,

' Condamner la SAS Antargaz énergies à verser :

- 2.796 € à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

- 12.507 € au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral (3 mois de salaire),

- 12.507 € au titre des dommages et intérêts pour manquements à l'obligation de sécurité (3 mois de salaire),

- 12.507 € au titre des dommages et intérêts pour manquements à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail (3 mois de salaire),

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Dépens à la charge du défendeur. y compris les éventuels frais d'exécution forcée,

' Exécution provisoire (article 514 du code de procédure civile).

Par jugement du 15 avril 2021, le conseil de prud'hommes de Nantes a :

' Ordonné la jonction de l'instance n° RG 19/1045 à l'instance n° RG 19/184,

' Débouté Mme [D] de l'ensemble de ses demandes,

' Débouté les deux parties de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

' Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

' Partagé les dépens par moitié entre les parties.

Mme [D] a interjeté appel le 14 mai 2021.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 12 mars 2024 suivant lesquelles Mme [D] demande à la cour de :

' Dire et juger Mme [D] bien fondée en son appel,

' Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, autrement dit infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [D] de sa demande effectuée à titre principal de résiliation judiciaire du contrat de travail ainsi que de sa demande effectuée, à titre subsidiaire, de nullité du licenciement ainsi que de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, des demandes au titre du complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis, de dommages et intérêts pour licenciement nul, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre de rappel de salaire, de dommages et intérêts pour harcèlement moral, de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'adaptation au poste de travail, manquement à l'obligation de sécurité, manquement à l'obligation de sécurité ; de ses demandes effectuées, en tout état de cause, au titre des heures supplémentaires, de l'attribution du statut de cadre, des manquements de l'employeur à l'adaptation à son poste de travail, du harcèlement moral, des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, des manquements à l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur ainsi que de la demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Et, statuant à nouveau,

A titre principal,

' Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [D] aux torts de la SAS Antargaz énergies,

' Dire et juger que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul, ou à défaut, sans cause réelle ni sérieuse,

A titre subsidiaire,

' Dire et juger que le licenciement intervenu est nul, ou à défaut, dépourvu de cause réelle ni sérieuse,

En tout état de cause,

' Constater que :

- la SAS Antargaz énergies n'a pas versé à Mme [D] l'intégralité de l'indemnité conventionnelle de licenciement qui lui était due,

- Mme [D] a effectué des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées,

- la société a commis des faits de harcèlement moral à l'encontre de sa salariée,

- la SAS Antargaz énergies a manqué à son obligation d'adaptation au poste de travail,

- la société a commis des manquements à l'obligation de sécurité,

- la société a commis des manquements à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail,

A titre principal, en prenant en compte les heures supplémentaires,

' Fixer la rémunération mensuelle moyenne à 4.528,25 €,

' Condamner la SAS Antargaz énergies à verser :

- 17.869,60 € d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 13.584,75 € d'indemnité compensatrice de préavis (3 mois),

- 1.358,47 € de congés payés afférents,

- 81.508,50 €, nets de CSG CRDS, de dommages et intérêts pour licenciement nul (18 mois de salaire),

- à défaut, 61.131,37 €, nets de CSG CRDS, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (13,5 mois de salaire),

- 13.584,75 €, nets de CSG CRDS, au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral (3 mois de salaire),

- 13.584,75 €, nets de CSG CRDS, au titre des dommages et intérêts pour manquements à l'obligation d'adaptation du poste de travail (3 mois de salaire),

- 13.584,75 €, nets de CSG CRDS, au titre des dommages et intérêts pour manquements à l'obligation de sécurité (3 mois de salaire),

- 13.584,75 €, nets de CSG CRDS, au titre des dommages et intérêts pour manquements à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail (3 mois de salaire),

A titre subsidiaire, en ne prenant pas en compte les heures supplémentaires,

' Fixer la rémunération mensuelle moyenne à 4.162 €,

' Condamner la SAS Antargaz énergies à verser :

- 14.916,49 € d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 12.486 € d'indemnité compensatrice de préavis (3 mois),

- 1.249 € de congés payés afférents,

- 74.916 €, nets de CSG CRDS, de dommages et intérêts pour licenciement nul (18 mois de salaire),

- à défaut, 56.187 €, nets de CSG CRDS, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (13,5 mois de salaire),

- 12.507 €, nets de CSG CRDS, au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral (3 mois de salaire),

- 12.507 €, nets de CSG CRDS, au titre des dommages et intérêts pour manquements à l'obligation d'adaptation du poste de travail (3 mois de salaire),

- 12.507 €, nets de CSG CRDS, au titre des dommages et intérêts pour manquements à l'obligation de sécurité (3 mois de salaire),

- 12.507 €, nets de CSG CRDS, au titre des dommages et intérêts pour manquements à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail (3 mois de salaire),

En tout état de cause,

' Condamner la SAS Antargaz énergies à verser :

- 4.145,80 € à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

- 414,58 € au titre des congés payés afférents,

- 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamner la SAS Antargaz énergies aux entiers dépens, en ce compris les éventuels frais d'exécution forcée,

' Débouter la SAS Antargaz énergies de ses demandes,

' Ordonner la capitalisation des intérêts pour une année entière.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 1er septembre 2021, suivant lesquelles la SAS Antargaz énergies demande à la cour de :

A titre principal,

' Confirmer le jugement dont appel

' Débouter Mme [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

' La condamner à payer à la SAS Antargaz énergies la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Subsidiairement,

' Dire et juger que Mme [D] ne peut prétendre à une indemnité supérieure à celle fixée par l'article L.1235-3 du code du travail en fonction des pièces justificatives qui seront versées aux débats.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 mars 2024.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS :

Sur les heures supplémentaires :

Selon l'article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Mme [D] sollicite le paiement d'heures supplémentaires sur la période du 1er janvier 2017 au 30 septembre 2018.

Concernant la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2018, elle était soumise à un forfait heures annuel de 1573 heures correspondant à 207 jours travaillés.

La validité de ce forfait heures n'est pas contesté et il n'est pas produit de décompte précis permettant d'établir que Mme [D] aurait accompli des heures supplémentaires au delà des 1573 heures annuelles applicables.

Le détail des badgeages qu'elle verse aux débats n'est pas explicité de sorte qu'il n'est pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

Mme [D] communique un décompte pour la seule période d'octobre 2017 à septembre 2018 mentionnant un nombre hebdomadaire d'heures supplémentaires sans que soit indiqué à partir de quelle durée hebdomadaire de travail elles ont été retenues. Ce décompte n'est donc pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

Concernant la période à compter du 1er juin 2018, Mme [D] était soumise à l'horaire collectif prévu par les accords d'entreprise soit 38 heures par semaine avec une compensation du dépassement de la durée légale par des jours de repos soit 16 jours de RTT et 4 jours de fractionnement.

Le décompte produit comprend pour partie la période de juin 2018 à septembre 2018 mentionnant un nombre hebdomadaire d'heures supplémentaires sans que soit indiqué à partir de quelle durée hebdomadaire de travail elles ont été retenues. Ce décompte n'est donc pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

Mme [D] ne produisant pas d'éléments suffisamment précis, sa demande est rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le harcèlement moral :

Selon l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l'article L1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Mme [D] invoque :

- un accroissement considérable de sa charge de travail à la suite du transfert de son contrat de travail et de la situation pathogène existante au sein de la société,

- l'absence de formation pendant deux ans après sa prise de poste,

- l'absence d'entretien annuel,

- une absence de réponse aux difficultés signalées,

- un arrêt de travail continu à compter de septembre 2018.

Mme [D] communique les deux courriels dans lesquels elle a fait part à ses supérieurs N+1 et N+2 de sa surcharge de travail. Cette surcharge est établie.

Elle produit également les attestations de trois de ses collègues qui témoignent qu'une 'pression permanente s'exerçait sur les responsables de groupe car les objectifs demandés étaient de plus en plus compliqués à atteindre'.

Mme [W], prédécesseur de Mme [D] expose que 'les méthodes managériales sont devenues beaucoup trop toxiques : aucune écoute, peu d'implication et de soutien de son N+1 M. [Y], mise en place de pression seul à seul dans son bureau, directives contradictoires, mensonges''. Toutefois, Mme [D] n'évoque pas avoir subi de tels faits dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, faisant état sans autre précision d'une situation pathogène.

Elle établit uniquement que deux autres salariées ont été licenciées pour inaptitude à une période contemporaine de son licenciement.

La surcharge de travail, l'absence de formation et d'évaluation de novembre 2016 à novembre 2018 sont établis.

Toutefois en l'absence d'agissements précis, ces faits pris dans leur ensemble ne laissent pas supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur le manquement à l'obligation d'adaptation au poste de travail :

Selon l'article L6321-1 du code du travail, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret. Il peut également proposer aux salariés allophones des formations visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret.

Pour les salariés mentionnés à l'article L. 7221-1 et ceux employés par les particuliers employeurs mentionnés à l'article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles, les modalités d'application du troisième alinéa du présent article sont fixées par décret.

Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de développement des compétences mentionné au 1° de l'article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l'acquisition d'un bloc de compétences.

L'obligation d'adaptation s'entend de l'adaptation du salarié à l'évolution de son emploi, c'est-à-dire à celui qu'il occupe.

Mme [D] fait valoir que c'est seulement deux ans après sa prise de poste, au mois de septembre 2018, qu'elle a pu assister à deux journées de séminaire, comme les autres Responsables de Groupe, visant à faire émerger des pratiques managériales communes.

Pour autant, si elle invoque une absence de formation et une surcharge de travail, ces éléments sont distincts d'une inadaptation à un poste de travail que la salariée n'expose pas. Elle ne démontre pas plus ne pas avoir conservé sa capacité à occuper un emploi.

Sa demande indemnitaire à ce titre est en conséquence rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité :

Selon l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Mme [D] a alerté son employeur à deux reprises de la dégradation de son état de santé et du risque psycho-social auquel elle était exposé.

La société communique un DUER daté du 1er février 2019 soit à une date postérieure à l'arrêt de travail de Mme [D] et à la dénonciation des risques psycho-sociaux auxquels elle était exposée. Au demeurant, ce document estime le stress auquel était exposé le personnel commercial comme faible et expose avoir mis en place un dispositif de mesure des RPS et des indicateurs sociaux ainsi qu'une formation des managers. Les pièces produites ne démontrent toutefois pas que ces mesures aient été mises en oeuvre.

L'employeur produit par ailleurs le règlement intérieur qui rappelle que le harcèlement moral est proscrit.

Si l'employeur fait valoir qu'il a pris des dispositions à la suite du courriel d'alerte de sa salariée du 15 janvier 2018, en recrutant un intérimaire pour soutenir les responsables dans leurs tâches administratives de septembre 2017 à avril 2019 et quatre saisonniers pour la période de décembre 2017 à avril 2018 pour soutenir l'effectif, force est de constater que ces recrutements étaient antérieurs à la demande de Mme [D] et n'étaient pas de nature à répondre à sa demande de 5 effectifs de plus sur trois mois et du remplacement de sa collègue RDG non remplacée à son départ.

L'employeur fait enfin valoir qu'il n'a pas été en mesure de répondre au second courriel de Mme [D] avant qu'elle ne soit placée en arrêt de travail quelques jours plus tard.

Au regard de ces éléments, l'employeur ne justifie pas avoir pris les mesures nécessaires pour prévenir la dégradation de l'état de santé de Mme [D] ni pour faire cesser cette situation.

Il a ainsi manqué à son obligation de sécurité.

Le préjudice subi par Mme [D] de ce chef sera réparé par l'allocation de la somme de 3.000 euros.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

Il est de principe général que l'exécution du contrat doit être loyale.

Mme [D] soutient que son employeur a exécuté son contrat de travail de manière déloyale en ne réagissant pas à ses alertes relatives à la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé, en ne remplaçant pas les départs de salariés à des fins d'économie et en ne lui proposant pas de postes de reclassement appropriés, les deux seuls proposés l'ayant également été à une autre salariée.

S'agissant de l'absence de réponse à ses alertes, le préjudice consécutif à cette abstention a été réparé par l'allocation de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité. Mme [D] ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct.

Le non remplacement des départs de salariés a également été pris en compte en ce qu'il a contribué à la surcharge de travail de la salariée et a participé du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Les deux propositions de poste de reclassement relevaient certes d'une moindre qualification que celle de Mme [D] mais étaient compatibles avec l'avis du médecin du travail selon lequel Mme [D] 'serait apte dans une autre entreprise et dans un autre contexte professionnel'. En lui proposant ces deux postes, également proposés à une autre salariée, il n'est pas démontré que l'employeur ait agi de manière déloyale, c'est-à-dire volontairement à l'encontre des intérêts de la salariée.

L'exécution déloyale n'est en conséquence pas caractérisée et la demande indemnitaire formulée de ce chef est rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de résiliation judiciaire :

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

L'action en résiliation judiciaire du contrat de travail peut être demandée par un salarié sur le fondement de l'article 1304 du code civil (ancien 1184). Les manquements de l'employeur, susceptibles de justifier cette demande, doivent rendre impossible la poursuite du contrat de travail. Lorsque de tels manquements sont établis, la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée aux torts de l'employeur. Elle produit alors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul. En revanche, quand les manquements ne rendent pas impossible la poursuite du contrat de travail, le contrat ne peut être résilié et son exécution doit être poursuivie.

La résiliation judiciaire prend effet au jour de la décision qui la prononce sauf en cas de rupture préalable du contrat ou encore si le salarié n'est pas resté au service de son employeur, auquel cas la résiliation judiciaire est fixée à la date où ce maintien à disposition a cessé.

Le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est à l'origine de la dégradation de l'état de santé de Mme [D] ayant conduit à son inaptitude caractérise un manquement grave à ses obligations qui a rendu impossible la poursuite du contrat de travail.

Il y a lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [D] aux torts de son employeur à la date du licenciement soit le 24 avril 2019.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

***

Sur l'indemnité de licenciement :

Selon l'article 7 du Chapitre 6 de la Convention collective applicable, relatif au calcul de l'indemnité de licenciement des Cadres :

'Sauf cas de faute grave du salarié, une indemnité de licenciement distincte du préavis, telle que définie ci-dessus, sera accordée aux salariés licenciés ayant au moins deux ans de présence dans l'entreprise et dans les conditions suivantes d'ancienneté relevées à la fin du contrat :

- jusqu'à 5 ans de présence : 3/10 de mois par année, pro rata temporis ;

- pour la tranche de 5 à 10 ans de présence : 4/10 de mois par année, pro rata temporis ;

- pour la tranche de 10 à 15 ans de présence : 6/10 de mois par année, pro rata temporis ;

- pour la tranche au-delà de 15 ans de présence : 7/10 de mois par année, pro rata temporis.

Un supplément forfaitaire d'indemnité égal à 2/10 de mois sera accordé aux salariés ayant entre deux et cinq ans de présence.

Un supplément forfaitaire d'indemnité égal à 1/10 de mois, et non cumulable avec le précédent, sera accordé aux salariés ayant entre cinq et dix ans de présence.

Toutefois, l'indemnité de licenciement ci-dessus prévue ne pourra dépasser quinze mois de salaire total.

En cas de licenciement économique un supplément d'indemnité sera versé sous réserve d'une ancienneté de deux ans et selon l'âge de l'intéressé à la date de fin du contrat :

- indemnité supplémentaire de deux mois, de 50 à 52 ans ;

- indemnité supplémentaire de trois mois, de 46 à 55 ans ;

- indemnité supplémentaire de un mois, de 56 à 59 ans.

Le salaire pris en considération pour le calcul de cette indemnité sera le douzième de la rémunération brute globale des douze derniers mois ou le tiers des trois derniers mois selon le cas le plus avantageux pour le salarié, primes calculées pro rata temporis.

Pour établir cette moyenne, il sera tenu compte de tous les éléments constitutifs du salaire, à l'exception des indemnités ayant le caractère d'un remboursement de frais.'

Au regard de l'ancienneté de Mme [D] de 16 années et de son âge au jour du licenciement inférieur à 50 ans, l'indemnité conventionnelle qui lui était due s'élevait à 33 553,64 euros.

Or, elle a perçu la somme de 18 637,15 euros. Il lui reste donc dû la somme de 14 916,49 euros. La société est condamnée à lui payer cette somme.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

Selon l'article L1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit:

1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;

3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

Mme [D] étant cadre, le préavis qui lui est applicable au regard des dispositions conventionnelles est de trois mois.

La société est en conséquence condamnée à lui payer la somme de 12 486 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 1 249 euros de congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Selon l'article L1235-3 du code du travail, Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux pour une ancienneté de 16 années entre 3 et 13,5 mois de salaire.

Au regard de la qualification de Mme [D], de son âge, de sa capacité à retrouver un emploi, le préjudice subi par elle du fait de la perte injustifiée de son emploi sera réparée par l'allocation de la somme de 56 000 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil, les créances salariales sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

En vertu de l'article 1231-7 du code civil, les dommages et intérêts alloués sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La capitalisation des intérêts étant sollicitée, il convient de l'ordonner s'agissant des intérêts échus sur une année entière.

Sur les dépens et l'article700 du code de procédure civile :

La société Antargaz énergies est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

* * *

*

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de résiliation judiciaire et les demandes d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

Le confirme en ses autres chefs contestés,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T] [D] aux torts de l'employeur avec effet à la date du 24 avril 2019,

Condamne la société Antargaz énergies à payer à Mme [T] [D] les sommes de :

- 14 916,49 euros de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 12 486 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 249 euros de congés payés afférents,

- 56 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande à l'employeur et les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus sur une année entière,

Condamne la société Antargaz énergies à payer à Mme [T] [D] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Antargaz énergies aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/02988
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;21.02988 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award