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12/06/2024 | FRANCE | N°21/02945

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 12 juin 2024, 21/02945


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 21/02945 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RT6W













S.A.R.L. [4]



C/



URSSAF PAYS DE LA LOIRE























Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



C

OUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 JUIN 2024



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère



GREFFIER :



Mme Adeline TIREL lors des débats et lors du pronon...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 21/02945 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RT6W

S.A.R.L. [4]

C/

URSSAF PAYS DE LA LOIRE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Mme Adeline TIREL lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Avril 2024

devant Madame Véronique PUJES, magistrat chargé d'instruire l'affaire, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 12 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 16 Avril 2021

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Pole social du TJ de NANTES

Références : 19/06173

****

APPELANTE :

S.A.R.L. [4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Sandrine PORCHER-MOREAU de la SELARL GILLES RENAUD ASSOCIES, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

URSSAF PAYS DE LA LOIRE

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Sabrina ROGER de la SARL SABRINA ROGER AVOCAT, avocat au barreau de NANTES

EXPOSÉ DU LITIGE

A l'issue d'un contrôle effectué le 11 décembre 2013 au sein de la société [4] (la société), exploitant un café bar PMU, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (la DIRECCTE) des Pays de la Loire a, le 3 mars 2015, dressé un procès-verbal relevant le délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié.

Ce procès-verbal a été transmis au procureur de la République ainsi qu'à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Pays de Loire (l'URSSAF).

L'URSSAF a notifié à la société une lettre d'observations du 17 mars 2016 pour un montant total de 52 970 euros, portant sur les chefs de redressement 'travail dissimulé avec verbalisation - dissimulation d'emploi salarié : taxation forfaitaire' et 'annulation des réductions générales de cotisations suite au constat de travail dissimulé'.

Par courrier du 29 avril 2016, la société a fait valoir ses observations.

En réponse, par courrier du 10 mai 2016, l'inspecteur a maintenu l'ensemble des redressements tels que notifiés dans la lettre d'observations.

L'URSSAF a notifié à la société une mise en demeure du 2 décembre 2016 tendant au paiement des cotisations notifiées dans la lettre d'observations et des majorations de retard y afférentes, pour un montant de 65 978 euros au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Contestant le redressement, par courrier du 3 janvier 2017, la société a saisi la commission de recours amiable puis, en l'absence de décision dans les délais impartis, a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes le 31 mars 2017.

Lors de sa séance du 25 avril 2017, la commission a rejeté les demandes de la société et confirmé le redressement notifié.

Par jugement du 16 avril 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes, devenu compétent, a :

- débouté la société de toutes ses demandes ;

- confirmé la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF du 25 avril 2017 ;

- condamné en conséquence la société à payer à l'URSSAF la somme totale de 65 978 euros se décomposant comme suit :

* 52 970 euros au titre des cotisations pour les années 2011, 2012 et 2013 ;

* 13 008 euros au titre des majorations de retard ;

- condamné la société aux dépens.

Par déclaration adressée le 12 mai 2021 par communication électronique, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été adressé par le greffe le 19 avril 2021.

Par ses conclusions n°3 parvenues au greffe par le RPVA le 27 mars 2024, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris ;

- annuler la procédure de contrôle de l'URSSAF et les redressements subséquents à savoir la taxation forfaitaire de cotisations sur la période de 2011 à 2013, et l'annulation des réductions générales de cotisations sur la même période ;

- dire et juger que les faits de travail dissimulé ne sont pas établis et en conséquence dire l'URSSAF infondée en ses redressements, taxation forfaitaire de cotisations sur la période de 2011 à 2013 et annulation des réductions générales de cotisations sur la même période ;

- débouter l'URSSAF de tous les chefs de redressement opérés pour les années 2011 à 2013, de toutes ses demandes en paiement de cotisations et de majorations et de pénalités de retard et de toute autre nature à son encontre ;

- débouter l'URSSAF de sa demande reconventionnelle de condamnation au paiement des cotisations au titre des années 2011 à 2013 pour 52 970 euros et des majorations de retard pour 13 008 euros et toutes autres sommes, dont les frais de justice et majorations de retard complémentaires restant à courir ;

A titre subsidiaire,

- limiter le redressement des cotisations et contributions pour les années 2011 à 2013 à 19 025 euros ;

- en conséquence, la condamner au paiement des sommes suivantes :

* cotisations années 2011 à 2013 : 19 025 euros ;

* annulation des réductions générales de cotisations : 4 551 euros ;

- condamner l'URSSAF à lui verser une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- mettre les dépens à la charge de l'URSSAF.

Par ses écritures parvenues au greffe par le RPVA le 27 avril 2022, auxquelles s'est référée et qu'a développées son conseil à l'audience, l'URSSAF demande à la cour de :

- confirmer en tous ses points le jugement entrepris ;

- la recevoir en sa défense ;

- dire et juger la société mal fondée en son recours ;

- confirmer les chefs de redressement opérés pour les années 2011 à 2013 ;

- confirmer la décision de la commission de recours amiable du 25 avril 2017 ;

- condamner la société au paiement de la somme de 65 978 euros, sous réserve des frais de justice et majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu'à complet paiement des cotisations, décomposée ainsi :

* cotisations années 2011 à 2013 : 52 970 euros ;

* majorations de retard : 13 008 euros ;

- rejeter toutes les demandes de la société comme étant non fondées.

A l'audience, la cour a demandé à la société de produire un extrait Kbis et a autorisé l'URSSAF à répliquer aux dernières écritures et pièces transmises par l'appelante avec réponse éventuelle de celle-ci.

Le 4 avril 2024 la société a communiqué un extrait Kbis en indiquant que son fonds de commerce a été cédé le 22 février 2018, qu'elle est depuis lors en sommeil et que son représentant légal est non pas Mme [Y] mais M. [I], son fils.

Par une note en délibéré du 11 avril 2024, l'URSSAF fait valoir que le classement sans suite de la procédure pénale le 9 mai 2023 ne revêt pas l'autorité de la chose jugée et ne peut dès lors remettre en cause le redressement ; qu'en outre, la communication du soit-transmis de classement par l'appelante le 28 mars 2024 démontre qu'elle a bien eu accès au dossier pénal et, partant, au procès-verbal de travail dissimulé et aurait pu en récupérer une copie.

Le 15 avril 2024, la société réplique que si le classement sans suite de la procédure pénale n'a pas l'autorité de la chose jugée, cette décision du Parquet mérite d'être portée à la connaissance de la cour ; qu'en outre, l'URSSAF supportant la charge de la preuve du travail dissimulé, la procédure dressée par l'organisme de sécurité sociale doit être accompagnée des pièces de l'enquête diligentée par la DIRECCTE , notamment les procès-verbaux de constatations et d'auditions.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et notes susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la régularité de la procédure de contrôle et de redressement

La société soutient que le contrôle et le redressement subséquent sont nuls dès lors qu'elle a été privée d'une garantie de fond en ce que le procès-verbal de la DIRECCTE servant de base au redressement de l'URSSAF ne lui a pas été communiqué, l'empêchant de ce fait d'en vérifier la régularité s'agissant notamment du recueil du consentement préalable des personnes entendues.

L'URSSAF reconnaît avoir procédé à une exploitation directe du procès-verbal de la DIRECCTE pour la mise en recouvrement des cotisations et contributions comme le permettent les articles L. 8271-8 du code du travail et R. 133-8 du code de la sécurité sociale.

Elle ajoute que le directeur de l'URSSAF a dans ces conditions adressé à la société une lettre d'observations mentionnant les références du procès-verbal de la DIRECCTE et l'informant de la transmission de ce dernier au Parquet ; que la lettre d'observations comportait par ailleurs l'indication du montant du redressement envisagé, les éléments relatifs à son objet, les bases et le montant des régularisations ainsi que les modalités pour y répondre ; qu'elle a ainsi parfaitement informé la cotisante des éléments fondant le redressement, et la société a pu y répondre le 29 avril 2016 ; que les dispositions des textes précités ont donc été respectées ; que l'article L. 8113-7 du code du travail n'impose aucunement la transmission des procès-verbaux à la personne visée par eux et il en est de même pour les procès-verbaux d'audition ; qu'il appartenait à la société de solliciter auprès du Parquet le procès-verbal constatant l'infraction.

Sur ce :

L'article L. 8113-7 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige dispose que :

'Les inspecteurs du travail, les contrôleurs du travail et les fonctionnaires de contrôle assimilés constatent les infractions par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire.

Ces procès-verbaux sont transmis au procureur de la République. Un exemplaire est également adressé au représentant de l'Etat dans le département.

Avant la transmission au procureur de la République, l'agent de contrôle informe la personne visée au procès-verbal des faits susceptibles de constituer une infraction pénale ainsi que des sanctions encourues.'

Selon l'article L. 8271-8 du même code :

'Les infractions aux interdictions du travail dissimulé sont constatées au moyen de procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire.

Ces procès-verbaux sont transmis directement au procureur de la République.'

Selon l'article L. 243-7-5 du code de la sécurité sociale :

'Les organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-4 peuvent procéder au redressement des cotisations et contributions dues sur la base des informations contenues dans les procès-verbaux de travail dissimulé qui leur sont transmis par les agents mentionnés à l'article L. 8271-1-2 du code du travail. Ces organismes ainsi que ceux mentionnés à l'article L. 611-8 du présent code mettent en recouvrement ces cotisations et contributions.'

Comme rappelé à juste titre par les premiers juges, aux termes de sa décision du 13 novembre 2020 (QPC n° 2020-864), le Conseil constitutionnel, saisi au motif que ces dispositions autoriseraient les organismes de recouvrement à procéder au redressement de cotisations et contributions sociales sur la base de procès-verbaux de travail dissimulé sans que ces procès-verbaux soient préalablement communiqués aux personnes faisant l'objet du redressement, a retenu qu'elles ne méconnaissaient pas le principe du contradictoire.

Enfin, selon l'article R. 133-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable aux opérations de contrôle litigieuses :

'Lorsqu'il ne résulte pas d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 du présent code ou de l'article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, tout redressement consécutif au constat d'un délit de travail dissimulé est porté à la connaissance de l'employeur ou du travailleur indépendant par un document daté et signé par le directeur de l'organisme de recouvrement, transmis par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.

Ce document rappelle les références du procès-verbal pour travail dissimulé établi par un des agents mentionnés à l'article L. 8271-7 du code du travail et précise la nature, le mode de calcul et le montant des redressements envisagés. Il informe l'employeur ou le travailleur indépendant qu'il a la faculté de présenter ses observations dans un délai de trente jours et de se faire assister par une personne ou un conseil de son choix.

A l'expiration de ce délai et, en cas d'observations de l'employeur ou du travailleur indépendant, après lui avoir confirmé le montant des sommes à recouvrer, le directeur de l'organisme de recouvrement met en recouvrement les sommes dues selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations de sécurité sociale.'

Il sera à titre liminaire rappelé que la demande de sursis à statuer dans l'attente d'une décision sur l'action publique présentée par la société en première instance n'est pas reprise dans ses dernières conclusions d'appel, la procédure pénale ayant fait l'objet d'un classement sans suite du Parquet.

Il ne résulte d'aucune des dispositions précitées l'obligation pour l'URSSAF de joindre à la lettre d'observations le procès-verbal constatant le délit de travail dissimulé à l'origine du redressement litigieux (2e Civ., 14 février 2019, pourvoi n° 18-12.150). Il n'est pas davantage exigé d'elle qu'elle communique ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale.

Il suffit de constater en l'espèce que la lettre d'observations mentionne en page 2 la date et les références du procès-verbal établi par la DIRECCTE, mettant ainsi pleinement la société en mesure d'y avoir accès en effectuant les démarches nécessaires auprès de l'autorité compétente.

Le moyen soulevé par l'appelante est par conséquent mal fondé et c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté ce moyen.

Sur l'existence d'un travail dissimulé

La société fait valoir que l'URSSAF, qui se limite à la reprise des informations issues du constat des agents de la DIRECCTE sans communiquer le procès-verbal qui en est résulté, ne rapporte pas la preuve d'une situation de travail dissimulé ; que la présence de MM. [I] et [W], respectivement fils et compagnon de Mme [Y], n'a été observée qu'une seule journée, le 11 décembre 2013 ; que si M. [W] venait régulièrement au bar-PMU, il ne s'agissait que d'une entraide familiale pour permettre à sa compagne de se reposer ; que la présence de M. [I] ce jour-là s'expliquait quant à elle par l'indisponibilité ponctuelle de sa mère pour des motifs médicaux ; qu'aucun lien de subordination n'existait entre la société et MM. [I] et [W], lesquels n'ont fait qu'apporter leur aide occasionnelle et spontanée à la gérante en raison de sa situation de santé fragile.

Elle ajoute, s'agissant de M. [I], que celui-ci, employé à temps complet depuis février 2010, est sorti des effectifs le 31 janvier 2012 en raison d'un volume d'activité en baisse ; que les salaires et cotisations ont bien été réglés le concernant pendant toute cette période ; qu'il ne peut donc être considéré comme en travail illégal sur ladite période ; qu'il a réintégré l'entreprise en décembre 2013 dans le cadre d'un contrat à temps partiel à compter du 12 décembre 2013 jusqu'en mars 2014, date à laquelle il a succédé à sa mère comme gérant, cette dernière partant en retraite ; que, quoiqu'il en soit et contrairement à ce que soutient l'URSSAF, la société n'a jamais eu besoin de deux salariés, encore moins à temps complet.

L'URSSAF réplique que l'entraide familiale n'est pas caractérisée au regard des constats opérés par les agents de la DIRECCTE et des propres déclarations de MM. [I] et [W] ; que la relation salariée de M. [I] ressort par ailleurs de la déclaration préalable à l'embauche dès le lendemain du contrôle ; que les agents de la DIRECCTE ont constaté que la présence de deux personnes était manifestement indispensable au fonctionnement de l'établissement ; que la taxation forfaitaire a donc été à bon droit opérée sur la base de deux salariés à temps plein ; qu'il a par ailleurs été tenu compte des salaires déclarés par la société en 2011 , 2012 et 2013, lesquels ont été déduits des sommes réclamées.

Sur ce :

Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige :

'Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.'

La réalité d'un travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié implique l'existence d'un contrat de travail (Soc. 27 mars 2001, pourvoi n° 98-45.429).

Le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s'engage à travailler pour le compte d'une autre et sous sa subordination moyennant une rémunération. Il ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination de leur convention mais des conditions dans lesquelles la prestation s'est exécutée.

Le lien de subordination, qui constitue le critère majeur du contrat de travail,

est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le travail au sein d'un service organisé pouvant constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail. (2e Civ., 8 octobre 2020, pourvoi n° 19-16.606 ; 2e Civ., 17 février 2022, pourvoi n° 20-19.493).

Une simple aide ponctuelle n'est pas de nature à caractériser un contrat de travail, en ce compris au profit d'un commerçant (Soc. 16 février 2012, pourvoi n° 10-20.912).

La cour constate en l'espèce que la lettre d'observations du 17 mars 2016, qui fait référence à la procédure pénale établie par la DIRECCTE, n'en reprend les constatations que de manière très succincte en ces termes :

' Une procédure pénale dressée par les services de la DIRECCTE le 3 mars 2015 relève le délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié pour deux personnes vues en situation de travail le 11 décembre 2013. La procédure pénale précise qu'il s'agit de M. [W] [Z] [G], né le 28/12/1951 et de M. [I] [T] né le 04/10/1977. Ces deux personnes reconnaissent travailler régulièrement dans l'établissement. Elles percevaient indûment l'ASS et des allocations de chômage versées par Pôle Emploi. En l'absence de contrat de travail écrit, nous considérons que ces deux personnes travaillaient à temps plein. Nous en déduisons donc un besoin constant pour l'établissement de deux personnes salariées.'

Suit le calcul de la régularisation sur une base forfaitaire aboutissant à la somme de 48 419 euros pour les trois années concernées.

En l'état des constatations rapportées ci-dessus, force est de relever que l'URSSAF ne démontre aucunement l'existence d'un travail dissimulé impliquant le compagnon retraité et le fils de la gérante. Leur présence dans l'établissement le 11 décembre 2013, qui n'est pas discutée, ne suffit pas en effet à caractériser l'existence de relations s'inscrivant dans le cadre d'un lien de subordination :

- entre la société et M. [W] pendant la période redressée,

- entre la société et M. [I] pendant la période à compter du 31 janvier 2012.

Pour la période pendant laquelle M. [I] a été embauché à temps partiel à compter de février 2010 jusqu'au 31 janvier 2012, date de son licenciement, l'URSSAF n'établit pas que l'intéressé travaillait en réalité à temps plein.

La société verse aux débats l'attestation de Mme [P], laquelle confirme que Mme [Y], dont les journées de travail devenaient de plus en plus pénibles depuis son accident, souhaitait céder le fonds à son fils fin 2013. Elle ajoute qu'elle voyait 'de temps à autre' M. [W] quand il venait apporter à sa compagne son repas du midi et quand il la remplaçait afin qu'elle puisse se reposer, ce qui 'n'était pas régulier'.

Cette attestation n'est pas utilement contredite par l'URSSAF, la société maintenant par ailleurs que l'aide apportée par le compagnon et le fils de la gérante était ponctuelle et que les intéressés n'ont jamais déclaré au cours du contrôle travailler régulièrement dans le bar- PMU.

Par ailleurs, l'argument de l'URSSAF tiré de ce que cette main d'oeuvre avait été nécessaire au bon fonctionnement de l'entreprise commerciale, affirmation péremptoire sans aucune démonstration, est impropre à caractériser un lien de subordination.

En outre, la circonstance qu'un contrat de travail a été conclu avec M. [I] dès le lendemain du contrôle est inopérant.

L'URSSAF échouant ainsi à démontrer l'existence d'une relation s'inscrivant dans le cadre d'un contrat de travail caractérisé par un lien de subordination, il y a lieu d'annuler le redressement contesté, y compris en ce qu'il a emporté annulation des réductions générales de cotisations.

Le jugement entrepris doit par conséquent être infirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société ses frais irrépétibles.

Les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de l'URSSAF qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la procédure de recouvrement régulière ;

Infirme ledit jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau :

Annule le redressement opéré par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Pays de Loire ;

Déboute en conséquence l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Pays de Loire de ses demandes ;

Déboute la société [4] de sa demande d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Pays de Loire aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 21/02945
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;21.02945 ?
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