1ère Chambre
ARRÊT N°177
N° RG 21/06166
N° Portalis
DBVL-V-B7F-SCMK
(Réf 1ère instance : 18/05221)
M. [S] [R] [V] [Z]
C/
Mme [T] [O] épouse [W]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 11 JUIN 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 25 mars 2024 devant Madame Véronique VEILLARD, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 11 juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [S] [R] [V] [Z]
né le 12 mai 1988 à [Localité 8] (44)
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté par Me Cédric BEUTIER, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉE :
Madame [T] [O] épouse [W]
née le 14 mars 1964 à [Localité 7] (56)
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Elise JACOT de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de NANTES
FAITS ET PROCÉDURE
1. Mme [O] épouse [W] est propriétaire d'un appartement et d'un parking soumis au statut de la copropriété situés [Adresse 1] à [Localité 6] qu'elle a mis en vente par l'intermédiaire de l'agence immobilière i44.
2. Le 30 mars 2018, l'agence immobilière a transmis à Mme [W] l'offre d'achat de M. [Z] d'un montant de 186.000 €.
3. Les parties ont signé un compromis de vente le 6 avril 2018 sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt par M. [Z] d'un montant de 100.100 € remboursable en 25 années au taux maximum de 2,5 % l'an avant le 21 mai 2018.
4. Lors de la signature du compromis de vente, une somme de 8.850 € versée par M. [Z] a été séquestrée entre les mains du notaire rédacteur de l'acte définitif de vente, maître [U].
5. Le 21 mai 2018, M. [Z] n'avait pas rempli la condition suspensive de l'obtention d'un prêt.
6. Dans une lettre datée du 14 juin 2018 adressée à maître [U], M. [Z] a renoncé à l'achat du bien du fait de la défaillance de la condition suspensive et demandé la restitution de la somme séquestrée, ce que le notaire a refusé.
7. Considérant que la défaillance de la condition suspensive était due à une faute imputable à M. [Z], Mme [W] a assigné celui-ci le 26 octobre 2018 devant le tribunal judiciaire de Nantes aux fins de voir prononcer la résolution de la promesse de vente et de le voir condamner à lui payer le montant de la clause pénale prévue au contrat d'un montant de 17.700 €, soit 10 % du prix de vente du bien.
8. Par jugement du 9 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Nantes a :
- prononcé la résolution du compromis de vente du 6 avril 2018,
- condamné M. [Z] à payer à Mme [O] la somme de 17.700 € au titre de la clause pénale,
- dit qu'il sera déduit de la somme de 17.700 € celle de 8.850 € séquestrée chez Me [U] et qui sera libérée au profit de Mme [O],
- condamné M. [Z] à payer à Mme [O] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [Z] aux dépens recouvrés par le cabinet Fidal (maître Elise Jacot) conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
9. Le tribunal a retenu qu'au sens de l'article 1304-3 du code civil, il appartient au bénéficiaire d'une promesse de vente devant réaliser la condition suspensive d'obtention d'un prêt bancaire de démontrer qu'il a effectivement sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente, qu'en l'espèce, la condition suspensive n'est pas réalisée à la date butoir prévue dans l'acte, que M. [Z] ne justifie pas que les refus qui lui ont été opposés répondent à des demandes de prêts conformes aux caractéristiques prévus dans la promesse de vente, que de fait M. [Z] a renoncé à l'achat du bien par lettre du 14 juin 2018 adressée au notaire chargé de la vente, que la clause pénale a lieu de s'appliquer, qu'enfin, son montant n'est ni excessif ni dérisoire de sorte qu'il n'y a pas lieu de le modifier.
10. M. [Z] a interjeté appel par déclaration du 1er octobre 2021.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
11. M. [Z] expose ses prétentions et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 27 décembre 2021 aux termes desquelles il demande à la cour :
- d'infirmer le jugement,
- statuant à nouveau,
- à titre principal,
- dire et juger que le paragraphe H de l'article VI du compromis de vente conclu entre les parties est nul et de nul effet et qu'il n'était pas tenu de déposer une demande de prêt dans un délai de 10 jours, ni d'en justifier auprès de la venderesse,
- dire et juger qu'il n'était tenu d'aucun délai pour justifier le refus de prêt,
- dire et juger que le compromis de vente est caduc compte tenu de la défaillance de la condition suspensive sans faute de sa part,
- autoriser Me [U] à libérer le séquestre d'un montant de 8.850 € à son bénéfice,
- débouter Mme [W] de l'ensemble de ses demandes,
- à titre subsidiaire,
- réduire le montant de la clause pénale dans de plus justes proportions,
- en tout état de cause,
- condamner Mme [W] à lui verser la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de Me Beutier conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
12. Il soutient que :
- la défaillance de la condition suspensive se constate sans qu'une faute puisse lui être imputée et que de ce fait, le montant du séquestre doit lui être restitué,
- ladite clause présente dans le paragraphe H de l'article VI du compromis de vente est contraire aux dispositions d'ordre public de l'article L. 313-41 du code de la consommation car la Cour de cassation énonce comme étant contraire à ces dispositions la clause qui oblige l'acquéreur à former des demandes de prêt dans un délai imposé,
- le paragraphe H de l'article VI du compromis de vente qui impose à l'acquéreur de déposer des demandes de prêt dans un délai de 10 jours et d'en justifier au vendeur dans les 48 h à compter du dépôt de la demande est donc contraire à l'article L. 313-41 du code de la consommation qui est d'ordre public et l'intimée ne peut donc pas invoquer une faute contractuelle à son égard pour des demandes de prêt tardives et une non-justification de ces demandes dans un délai de 48 h,
- selon les mêmes dispositions d'ordre public, la Cour de cassation a jugé que l'acquéreur n'était pas obligé de justifier d'un refus du prêt dans un délai donné, ainsi la faute invoquée par l'intimée à son égard concernant sa non-justification d'un refus de prêt à la date de réalisation de la condition suspensive est inopérante et le compromis de vente ne mentionnait, par ailleurs, aucun délai incombant à l'appelant pour justifier d'un refus de prêt,
- il justifie d'un refus de prêt du Crédit Agricole du 2 mai 2018 confirmé par une lettre de la banque du 3 juillet 2018 qui, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal en première instance, fait bien référence à une demande précise en mentionnant le bien immobilier pour lequel le prêt est demandé et en reprenant les caractéristiques du compromis de vente, soit un prêt d'une valeur de 100.100 € remboursable sur 300 mois ce qui équivaut à 25 ans,
- le fait que cette attestation ait été produite postérieurement à la date de réalisation de la condition suspensive ne doit pas conclure à son rejet puisque l'acquéreur n'est tenu d'aucun délai pour justifier de son refus de prêt,
- si l'attestation ne date pas le refus de prêt qu'elle confirme, il est aisé de comprendre qu'elle fait référence au refus du 2 mai 2018 émis par mail et signé de la même main,
- la défaillance de la condition suspensive n'est pas de son fait en raison de sa loyauté dans les démarches entreprises dès lors que, même s'il ne peut en fournir les attestations, il s'est vu refuser trois autres demandes de prêt dans le délai de la condition suspensive et en a formulé d'autres postérieurement, ce qui témoigne de sa loyauté dans la réalisation de la condition suspensive,
- les refus successifs ne s'expliquent pas par une faute de sa part mais par le fait que les différentes banques refusent de prendre en compte ses revenus provenant de l'étranger et jugés non pérennes,
- la mauvaise foi concernant ses capacités d'emprunt alléguée par l'intimée est fausse dans la mesure où il dispose d'une épargne importante et de revenus mensuels conformes à ce qu'il a déclaré, qu'il n'a jamais menti sur son activité professionnelle et où son courtier atteste du caractère réalisable du projet souhaité,
- la clause pénale n'a pas vocation à s'appliquer dans la mesure où la réitération de la vente n'a pas été proposée et n'a donc pas pu être refusée,
- en effet, l'intimée ne l'a jamais mis en demeure concernant la réitération de la vente par acte authentique, et lorsqu'il a fait part de sa volonté de se prévaloir de la condition suspensive afin de se voir remettre la somme séquestrée, l'intimée a considéré que le compromis de vente n'avait plus cours et a par conséquent renoncé à la vente,
- selon le compromis de vente, la clause pénale est due lorsque l'une des parties refuse de régulariser la vente par acte authentique, or un refus de signer l'acte authentique de vente n'a jamais été émis et l'intimée n'a jamais mis en demeure l'appelant de le faire,
- subsidiairement, si la condition suspensive était considérée comme réalisée et la vente comme résolue par sa faute, il convient de réduire le montant de la clause pénale dans de plus justes proportions.
13. Mme [W] expose ses prétentions et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 23 mars 2022 aux termes desquelles elle demande à la cour de :
- confirmer le jugement,
- débouter M. [Z] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner M. [Z] aux dépens de première instance et d'appel et à lui verser la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
14. Elle soutient que :
- la condition suspensive doit être réputée réalisée puisque sa défaillance est imputable à l'appelant,
- selon l'article 1176 du code civil, la condition suspensive est défaillante lorsqu'elle n'a pas été remplie à la date convenue ce qui entraîne la caducité de la promesse de vente, cependant, selon l'article 1304-3 du code civil, elle est réputée réalisée si sa défaillance est imputable au comportement du débiteur,
- la Cour de cassation a jugé à jurisprudence constante que le bénéficiaire d'une promesse de vente dont la réitération dépend de la réalisation d'une condition suspensive d'obtention d'un prêt doit démontrer qu'il a sollicité un prêt conforme aux caractéristiques décrites dans la promesse de vente, et que cette preuve n'est pas caractérisée en présence d'une simple attestation de refus de prêt sans précisions des caractéristiques ni de la date de demande du prêt,
- l'appelant avait 45 jours, soit jusqu'au 21 mai 2018, pour réaliser la condition suspensive définie dans l'acte, soit obtenir un prêt de 100.100 € remboursable en 25 années au taux de 2,50 % par an,
- l'appelant ne justifie pas d'une demande de prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente puisque les courriels de refus des différentes banques sollicitées ne mentionnent pas les demandes afférentes aux refus,
- en effet, le refus du Crédit Agricole du 2 mai 2018 ne précise pas le montant, ni la durée, ni le taux du prêt demandé tandis qu'il en va de même pour les refus du Crédit Mutuel du 15 mai 2018, du Crédit foncier du 18 mai 2018, de la Bnp Paribas du 19 mai 2018, du Crédit foncier du 17 mai 2017 qui fait référence à une demande non conforme à celle stipulée dans la promesse,
- de plus, le mandat de recherche confié par l'appelant à la société MP Courtage ne mentionne que la recherche d'un crédit d'environ 100.000 €, le refus de Invest Courtier du 26 juin 2018 mandatée par l'appelant est postérieur à la date de réalisation de la condition suspensive et vise une demande de prêt de 100.100 € remboursable sur 300 mois au taux de 2,5 % par an ce qui n'est pas selon elle conforme aux stipulations de la promesse de vente qui mentionnait un remboursement sur 25 années, celui du crédit agricole du 3 juillet 2018 ne mentionne pas le taux du prêt demandé et est postérieur à la date de réalisation de la condition suspensive sans que l'appelant démontre qu'il a formulé la demande afférente dans le délai imposé,
- l'appelant ne rapporte pas la preuve qu'il a effectué des démarches tendant à l'obtention du prêt visé dans la promesse de vente dans les 10 jours, soit au plus tard le 16 avril 2018, comme il lui était imposé dans la promesse de vente,
- l'appelant était bien soumis à un délai pour justifier de ses refus de prêt puisque la condition suspensive devait être réalisée avant le 21 mai 2018, or, il ne justifie d'aucun refus antérieur à cette date et il ne démontre pas avoir formulé des demandes de prêt avant le 16 avril 2018 comme il s'y était obligé ce qui est de nature à qualifier un manquement à son devoir de diligence et de loyauté de sorte que la défaillance de la condition lui est imputable,
- l'argument selon lequel les refus de prêt s'expliquent par la nature des revenus de l'appelant jugés non pérennes et non par les caractéristiques des demandes de prêt est inopérant en ce que l'appelant devait respecter les termes de la promesse de vente,
- l'argument selon lequel le défaut de réitération de la vente n'est pas imputable à l'appelant à défaut de mise en demeure de signer l'acte authentique de vente est inopérant puisque l'appelant a expressément renoncé à ladite vente dans une lettre adressée au notaire en date du 14 juin 2018,
- enfin, la vente doit être résolue et la clause pénale doit s'appliquer,
- la clause pénale détermine forfaitairement les dommages et intérêts en cas d'inexécution de la promesse de vente et elle est, par principe, intangible, sa révision judiciaire n'étant qu'une exception,
- fixée à 10% du prix de vente du bien objet de la promesse, elle est conforme aux usages en matière de vente immobilière,
- l'appelant n'a pas effectué les démarches lui incombant dans les délais impartis ce qui a augmenté la durée d'immobilisation du bien, lui causant un préjudice financier certain puisqu'elle n'a pas été en mesure de payer les charges de copropriété aboutissant à plusieurs relances de la part du syndic qui l'a finalement contrainte de payer mensuellement une somme de 200 € pour rembourser le montant des charges dues et régler les provisions des charges à venir,
- alors que la vente du bien devait intervenir pour subvenir aux besoins familiaux du fait de sa perte d'emploi, cette somme s'ajoute aux autres charges financières afférentes au bien immobilisé et non vendu telles que le remboursement de son emprunt d'une valeur mensuelle de 750 €, l'assurance habitation d'une valeur mensuelle de 9,93 €, l'abonnement mensuel d'EDF d'une valeur de 10,87 € et la taxe foncière d'une valeur de 51 €,
- le bien ayant été revendu le 30 avril 2019, elle a dû supporter ces charges jusqu'à cette date alors que celles-ci couvraient la quasi-totalité de son indemnité chômage mensuelle et que les revenus du foyer se sont amoindris lorsque son mari s'est retrouvé sans emploi de juillet à octobre 2018,
- la mauvaise foi de l'appelant qui a déclaré être professeur de mathématiques alors que ses revenus provenaient de jeux de hasard cause ces préjudices financiers.
15. L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 20 février 2024.
16. Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.
MOTIFS DE L'ARRÊT
17. À titre liminaire, il convient de rappeler que l'office de la cour d'appel est de trancher le litige et non de donner suite à des demandes de 'constater', 'dire' ou 'dire et juger' qui, hors les cas prévus par la loi, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile lorsqu'elles sont seulement la reprise des moyens censés les fonder.
1) Sur la validité de la clause de délai de dépôt de la demande de prêt
18. L'article L. 313-41 du code de la consommation dispose que 'Lorsque l'acte mentionné à l'article L. 313-40 indique que le prix est payé, directement ou indirectement, même partiellement, à l'aide d'un ou plusieurs prêts régis par les dispositions des sections 1 à 5 et de la section 7 du présent chapitre, cet acte est conclu sous la condition suspensive de l'obtention du ou des prêts qui en assument le financement. La durée de validité de cette condition suspensive ne peut être inférieure à un mois à compter de la date de la signature de l'acte ou, s'il s'agit d'un acte sous seing privé soumis à peine de nullité à la formalité de l'enregistrement, à compter de la date de l'enregistrement.
Lorsque la condition suspensive prévue au premier alinéa n'est pas réalisée, toute somme versée d'avance par l'acquéreur à l'autre partie ou pour le compte de cette dernière est immédiatement et intégralement remboursable sans retenue ni indemnité à quelque titre que ce soit.'
19. La Cour de cassation a jugé sur ce fondement qu'un vendeur ne peut imposer à l'acquéreur un délai intermédiaire pour déposer sa demande de prêt (Cass. Civ. 3ème, 12 février 2014, n°12 27.182), et plus précisément que la clause obligeant l'acquéreur à déposer des demandes de prêt dans un délai de 10 jours à compter de la signature de l'acte et d'en justifier dans les 48 heures est nulle (Cass. Civ. 1ère, 28 janvier 1992, n° 896-11.152).
20. Dans le même sens, la Cour de cassation a jugé que le vendeur ne peut imposer à l'acquéreur de lui notifier un refus du prêt demandé dans le délai prévu pour la réalisation de la condition suspensive (Cass. Civ. 1ère, 9 mai 1996, n° 94-12.133).
21. En l'espèce, le paragraphe H de l'article VI du compromis de vente du 6 avril 2018 stipule que 'L'acquéreur s'engage ['] à déposer, dans le délai indiqué ci-contre [soit 10 jours], une ou plusieurs demandes de prêts répondant aux caractéristiques définies ci-avant au paragraphe 'D' et couvrant le montant global de la somme à financer par emprunt et à en justifier au vendeur et/ou au mandataire dans les 48 heures du dépôt ['].'
22. Ces obligations contreviennent aux dispositions d'ordre public de l'article L. 313-41 du code de la consommation en ce qu'elles sont de nature à étendre les obligations imposées à l'acquéreur bénéficiaire de la condition suspensive légale d'obtention d'un prêt.
23. M. [Z] n'était donc pas tenu de déposer des demandes de prêt dans les 10 jours à compter de la signature du compromis de vente ni de justifier du dépôt de ces demandes dans les 48 heures à la vendeuse. Pareillement, il n'était pas tenu de justifier d'un refus de prêt dans le délai de réalisation de la condition suspensive, soit 45 jours. En ce sens, l'attestation émise par le Crédit Agricole le 3 juillet 2018 concernant le refus du prêt demandé le 2 mai 2018 est recevable.
24. En conséquence, la demande tendant à la nullité du paragraphe H de l'article VI du compromis de vente en date du 6 avril 2018 sera accueillie.
2) Sur la défaillance de la condition suspensive
25. L'alinéa 1er de l'article 1304-3 du code civil dispose que 'La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.'
26. Il est constant qu'il appartient à l'emprunteur de démontrer qu'il a sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente (Cass. Civ. 1ère, 13 novembre 1997, n° 95-18.276) et que si tel n'est pas le cas, la condition suspensive doit être réputée accomplie (Cass. Civ. 1ère, 16 juillet 1992, n° 90-20.332).
27. Cependant, la Cour de cassation juge que l'emprunteur qui a sollicité un prêt non conforme aux stipulations de la promesse de vente ne commet pas de faute dès lors que la banque lui aurait, de toute façon, refusé le prêt en raison de l'insuffisance de ses capacités financières (Cass. Civ. 3ème, 12 septembre 2007, n° 06-15.640).
28. En l'espèce, le paragraphe D de l'article VI de la promesse de vente du 6 avril 2018 stipule que le prêt objet de la condition suspensive doit être d'un montant de 100.100€ remboursable en 25 années au taux maximum de 2,5 % l'an.
29. M. [Z] justifie de plusieurs refus de prêt émanant de plusieurs banques différentes :
- un refus du Crédit agricole du 2 mai 2018 doublé d'une attestation par lettre datée du 3 juillet 2018,
- un refus du Crédit mutuel du 15 mai 2018,
- un refus du Crédit foncier du 18 mai 2018,
- et un refus de la BNP Paribas du 19 mai 2018.
30. Cependant, aucun de ces refus ne précise les demandes exactes de prêt. Seule l'attestation du Crédit agricole en date du 3 juillet 2018 reprend l'essentiel de la demande sans toutefois mentionner le taux d'intérêt, ce qui ne permet pas d'établir que M. [Z] a déposé des demandes de prêt conformes aux stipulations de la promesse de vente.
31. En revanche, il apparaît clairement que ce ne sont pas les caractéristiques du prêt qui ont fondé ces refus successifs opposés à M. [Z] mais la qualité de ses propres revenus qui ont été jugés non pérennes, ce qui est attesté par plusieurs organismes bancaires :
- un mail du Crédit Agricole du 2 mai 2018 adressé au courtier mandaté par M. [Z] précisant que le refus du prêt demandé est relatif à la pérennité de ses revenus jugée insuffisante,
- un mail du Crédit Mutuel du 15 mai 2018 adressé au courtier mandaté par M. [Z] précisant que le refus du prêt se justifie par des 'revenus jugés aléatoires et non pérennes dans le temps' et un 'dossier inéligible à la CMH (caution mutuelle de l'habitat),
- un mail du Crédit Mutuel du 5 juin 2018 adressé à M. [Z] qui mentionne que la banque ne peut donner une suite favorable à sa demande et ce 'quel qu'en soit le montant' puisque 'la source et la nature' de ses revenus n'entrent pas dans 'les critères d'éligibilité' car jugés 'non stabilisés, non pérennes dans le temps', la banque précisant qu'avec un emploi en CDI, le prêt lui aurait été accordé,
- une attestation de la société Invest Courtier mandatée par M. [Z] du 26 juin 2018 qui mentionne l'impossibilité d'obtenir un prêt en raison du fait que les banquent refusent de prendre en compte les revenus provenant de l'étranger.
32. En effet, l'activité professionnelle principale de M. [Z] consiste à établir des paris sportifs, ce qui, pour les banques sollicitées, ne correspond pas aux critères d'attribution des prêts.
33. Dans ces circonstances, il ne saurait être retenu que M. [Z] a commis de faute de nature à entraîner la réalisation de la condition suspensive puisqu'indépendamment des caractéristiques de sa demande de prêt, les banques lui auraient refusé tout prêt en raison de la nature aléatoire de ses revenus professionnels.
34. En conséquence, M. [Z], est fondé à se prévaloir de la défaillance de la condition suspensive entraînant la caducité de la promesse de vente, laquelle sera prononcée sans qu'une faute puisse lui être imputée.
35. Le jugement sera infirmé ce point.
3) Sur l'application de la clause pénale
36. L'article 1231-5 du code civil dispose que 'Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.'
37. Il est constant que lorsque la condition suspensive a défailli sans qu'aucune des parties n'en soit à l'origine, la promesse de vente est caduque (Cass. Civ. 3ème, 17 janvier 1969, n° 66-12.415) et que les sommes payées par l'acquéreur au vendeur doivent lui être restituées.
38. En l'espèce, la condition suspensive d'obtention d'un prêt a défailli au jour fixé pour sa réalisation sans que la défaillance ne soit imputable à l'une ou l'autre des parties de sorte que la promesse de vente est caduque et que la clause pénale prévue à l'article X de la promesse de vente n'a pas lieu à s'appliquer.
39. En revanche, le paragraphe I de l'article VI du compromis de vente relatif à la non réalisation de la condition suspensive prévoit que si celle-ci a défailli sans faute de la part de l'acquéreur, toute somme versée par lui doit lui être 'intégralement' restituée.
40. Ainsi, la somme de 8.850 € versée par M. [Z] et séquestrée entre les mains de maître [U] lui sera restituée.
41. Le jugement sera infirmé sur ce point.
4) Sur les dépens et les frais irrépétibles
42. Succombant, Mme [W] supportera les dépens d'appel.
43. Le jugement sera infirmé s'agissant des dépens de première instance.
44. Enfin, eu égard aux circonstances de l'affaire, il n'est pas inéquitable de condamner Mme [W] à payer à M. [Z] la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles exposés par lui en première instance et en appel et qui ne sont pas compris dans les dépens.
45. Le jugement sera infirmé s'agissant des frais irrépétibles de première instance tandis que les demandes de Mme [W] de ce chef seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Nantes du 9 septembre 2021,
Statuant à nouveau,
Prononce la nullité du paragraphe H de l'article IV du compromis de vente du 6 avril 2018 signé entre Mme [T] [O] épouse [W] et M. [S] [Z],
Prononce la caducité du compromis de vente du 6 avril 2018,
Ordonne la restitution à M. [S] [Z] de la somme de 8.850 € séquestrée entre les mains de maître [U],
Condamne Mme [T] [O] épouse [W] aux dépens d'appel,
Condamne Mme [T] [O] épouse [W] à payer à M. [S] [Z] la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles,
Rejette le surplus des demandes.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE