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08/06/2024 | FRANCE | N°24/00243

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 08 juin 2024, 24/00243


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 115

N° RG 24/00243 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U3MN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Catherine LEON, Président de chambre à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assistÃ

© de Mme OMNES, greffière,





Statuant sur l'appel formé le 07 Juin 2024 à 14:29 par :



M. [X] [K]

né le 06 Octobre 1982 à [Localit...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 115

N° RG 24/00243 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U3MN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Catherine LEON, Président de chambre à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Mme OMNES, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 07 Juin 2024 à 14:29 par :

M. [X] [K]

né le 06 Octobre 1982 à [Localité 4]

de nationalité libyenne

ayant pour avocat Me Justine COSNARD, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 06 Juin 2024 à 17:42 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiaire de RENNES qui a rejeté le moyen d'irrégularité soulevé, le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [X] [K] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 6 juin 2024 à 17:42 ;

En l'absence de représentant du préfet de Finistère, dûment convoqué, ayant adressé un mémoire le 8 juin 2024 à 10:38 ;

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Mme LE CROM, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 7 juin 2024, lequel a été transmis aux parties ;

En présence de M. [X] [K], assisté de Me Justine COSNARD, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 08 Juin 2024 à 14H30 l'appelant assisté de M. [M], interprète en langue arabe, et son avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et le 8 juin 2024 à 15:30, avons statué comme suit :

M. [X] [R] a fait l'objet d'une interdiction du territoire français pendant une durée de trois ans prononcée à titre de peine complémentaire par le tribunal correctionnel de Brest le 28 novembre 2023, décision définitive suite à désistement par M.[K] de son appel.

Par arrêté du 31 mai 2024 le préfét du Finistère a a pris une décision d'éloignement à destination de la Tunisie , pays dont il détient la nationalité ou vers tout autre pays dans lequel il serait déclaré légalement admissible.

Le préfet du Finistère l'a placé en rétention administrative le 31 mai 2024, notifié le même jour, au centre de rétention administrative (CRA) de [Localité 3] pour une durée de 48 heures, du fait qu'il n'a pas obtenu de relèvement de l'interdiction précitée laquelle court jusqu'au 12 décembre 2026, qu'il a déjà fait l'objet de trois mesures d'éloignement et n'a pas respecté la mesure d'assignation à résidence prononcée le 23 février 2023 en ce qu'il n'a pas remis son passeport ni justifié de la préparation de son départ.Il s'est donc maintenu en situation irrégulière sur le territoire national.

Il est visé également le fait qu'il a refusé de quitter sa cellule le 28 mai 2024 de sorte que lui soit notifiée la procédure contradictoire prévue par l'article 122-4 du code des relations entre le Public et l'administration de sorte qu'il n'a pu être auditionné et formuler des observations préalables à sa levée d'écrou.

Enfin il est visé la menace qu'il constitue à l'ordre public.

Par requête en date du 05 juin 2024, M. [X] [K] a sollicité l'annulation de l'arrêté préfectoral portant placement en rétention administrative.

Par requête motivée en date du 05 juin 2024, reçue le 5 juin 2024 à 16h59 au greffe du tribunal de Rennes, le représentant du préfet du Finistère a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation pour une durée de 28 jours de la rétention administrative de M. [X] [K].

Par ordonnance rendue le 06 juin 2024, le juge des libertés et de la détention, a ordonné la prolongation du maintien de M. [X] [K] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 28 jours.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 7 juin 2024 à 14h29,M. [X] [K] a formé appel de cette ordonnance.

L'appelant fait valoir, au soutien de sa demande d'infirmation de la décision entreprise, les moyens suivants :

- le défaut d'examen et l'erreur manifeste d'appréciation quant à ses garanties de représentation

- l'absence d'information au procureur de la République de la mesure de rétention administrative

Le procureur général, suivant avis écrit du 7 juin 2024 sollicite la confirmation de la décision entreprise.

Par courriel de ce jour le représentant de la préfecture a indiqué qu'il ne pourrait se présenter à l'audience et a fait valoir les observations suivantes :

- l'appelant est irrecevable à soutenir un moyen nouveau en appel tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation de ses garanties de représentation.
- en tout état de cause ce moyen n'est pas fondé en ce qu'il ressort des pièces du dossier qu'il n'a pas exécuté les précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre ce qui permet de regarder comme établi le risque de fuite (5° 612-3 du ceseda), il n'a pas remis son passeport lors de son assignation et n'a dès lors pas respecté ses obligations et il n'a entrepris aucune démarche pour organiser son départ lors de sa précédente assignation (PV 20 avril 2023 9h37) et n'a pas accepté l'audition par les services de police pour être entendu sur sa situation administrative en vue de son éloignement ce qui traduit une volonté de se maintenir sur le territoire.

Au surplus son casier judiciaire traduit une menace pour l'ordre public :

- sur la procédure la motivation du juge de première instance est conforme à la jurisprudence de la cour de cassation qu'il cite mais également à la position constante des Cours d'appel, dont la votre : CA Rennes, 4 janvier 2019, n° minute 11/19. Dès lors que le procureur de Brest a été informé de placement en rétention (ce qui est établi et constant) aucune irrégularité n'a était commise par l'absence d'information au procureur de Rennes.Au surplus, si une absence totale d'information du parquet constitue une irrégularité faisant grief, à supposer que par extraordinaire vous estimeriez qu'une information à l'ensemble des procureurs intéressés serait exigée par les dispositions de L. 741-8 du CESEDA, un manquement partiel à cette obligation par une omission à l'égard d'un seul procureur ne saurait être regardé comme portant substantiellement atteinte aux droits de l'étranger au sens de 743-18 du ceseda dans sa redaction issue de la loi du 2024-42 du 26 janvier 2024

Le représentant de la Préfecture du Finistère sollicite en conséquence la confirmation de l'ordonnance entreprise.

M [X] [K] est présent à l'audience, il a indiqué qu'il était né à [Localité 4] et de nationalité lybienne, qu'il souhaite quitter la France de lui même pour aller en Allemagne rejoindre des membres de sa famille.

Son conseil a soutenu le premier moyen soulevé dans la déclaration d'appel sur l'erreur manifeste d'appréciation, a versé une attestation d'hébergement de Mme [V] [B] [T] mais s'est désisté du second moyen concernant l'information au procureur de la république, estimant qu'il a été satisfait au texte.

Il a demandé la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi sur l'aide juridictionnelle.

SUR QUOI :

L'appel est recevable pour avoir été formé dans les formes et délais prescrits.

Sur le défaut d'examen et l'erreur manifeste d'appréciation quant à ses garanties de représentation

L'article 563 du code de procédure civile dispose : 'Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.'

En l'espèce le moyen soulevé dans la déclaration d'appel et soumis à la contradiction des parties, est recevable.

L'article L741-1 du CESEDA prévoit que l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.

L'article L612-2 prévoit que par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants :

1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ;

2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ;

3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet.

L'article L612-3 du CESEDA indique que :

Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :

1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;

7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;

8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.

Il résulte de l'article L. 552-4 que la décision d'assignation à résidence ne peut être prise qu'après la remise à un service de police ou de gendarmerie du passeport et de tout document justificatif de l'identité de l'étranger, ce qui exclut le recueil du passeport après la décision.

M.[K] soutient qu'il dispose d'un hébergement stable déjà déclaré auprès de l'administration, qu'il y a déjà été assigné à résidence et a parfaitement respecté les obligations de pointage prescrites ce que ne conteste pas l'administration.

Il estime que la réalité et la stabilité de son adresse ne peut être remise en question, que sa compagne vit à cette adresse et que par le passé, le préfet avait estimé qu'il présentait des garanties de représentation en vue d'une assignation à résidence.

Il ressort de la fiche pénale actualisée au 22 mai 2024 qu'il serait hébergé par '[D] au [Adresse 1] à [Localité 2] .'

Cette adresse correspond à celle de sa compagne et qu'il a donnée dans le cadre de plusieurs procédures administratives ou judiciaires .

Toutefois il convient de relever que si Mme [V] [P] [T] a rédigé une attestation d'hébergement versée au dossier par le conseil de M.[K], il ressort du dossier que ce dernier a fait l'objet de poursuites pour violences sur conjoint et qu'il a refusé de sortir de sa cellule le 28 mai dernier pour être auditionné sur sa situation administrative et personnelle ce qui aurait permis d'actualiser celle-ci et de vérifier a minima cette domiciliation.

De plus contrairement à ce qu'il soutient il n'a pas respecté l'ensemble de ses obligations dans le cadre de ses précédentes assignations à résidence puisqu'il s'est présenté de nombreuses fois à un moment différent de la journée de celui convenu et surtout il n'a pas remis son passeport et les justificatifs de préparatifs de son retour.

Sur le plan pénal, il a été condamné pour un délit de fuite.

Enfin, devant le premier juge puis devant nous tout en soutenant avoir une relation stable avec sa compagne, il a évoqué l'idée de partir en Allemagne où il a des cousins paternels sans donner davantage de précisions.

Il ressort de ces éléments que sa situation et ses projets ne sont pas clairs, qu'il ne présente donc pas de garanties de représentation propres à prévenir le risque prévu par'article L612-3 du CESEDA précité et que la préfecture a justement apprécié sa situation.

Le moyen ne sera pas retenu.

Sur le moyen tiré l'absence d'information au procureur de la République de la mesure de rétention administrative

Il a fait l'objet d'un désistement à l'audience et d'un acquiescement à la décision du premier juge lequel a considéré que le parquet du lieu de prise de la décision et de sa notification à l'intéressé ayant été avisé, il a donc été satisfait à la loi.

Sur le fond :

M. [X] [K] n'est porteur d'aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité. Il ne justifie d'aucune forme d'installation pérenne et régulière sur le territoire national alors qu'il n'a pas respecté de précédentes mesure d'assignation à résidence. Il n'est pas inséré sur le plan professionnel.

Il est, de ce fait ainsi que pour les raisons exposées plus haut, dépourvu de toutes garanties sérieuses de représentation et dans ces circonstances, la mesure d'éloignement est de nature à assurer l'exécution de l'obligation de quitter le territoire national délivrée contre l'intéressé.

De plus, son parcours pénal est marqué par une multiplicité de faits délictueux dont des faits de violences et de port d'arme prohibé déterminant suffisamment le principe d'une menace pour l'ordre public dès lors qu'il ne s'est jamais amendé avant d'être incarcéré.

Enfin, en conformité avec les dispositions de l'article L.741-3 et L.751-9 du CESEDA, cette prolongation est strictement motivée par l'attente d'un laissez-passer auprès des autorités tunisiennes dont il est reconnu être un ressortissant ou lybiennes, M. [K] se réclamant ressortissant de ce pays, et dont la concrétisation n'a pu être raisonnablement opérée durant la période initiale de rétention.

En conséquence, c'est à bon droit que la requête entreprise a été accueillie par le premier juge et il y a lieu d'ordonner la prolongation de la rétention, à compter du 6 juin 2024, pour une période d'un délai maximum de vingt-huit jours dans des locaux non pénitentiaires.

La décision dont appel est donc confirmée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement,

Déclarons l'appel recevable,

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en date du 06 juin 2024,

Rejetons la demande au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,

Rappelons à Monsieur [X] [K] qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,

Disons n'y avoir lieu à condamner le préfet du Finistère sur la base des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

Laissons les dépens à la charge du trésor public,

Fait à Rennes, le 8 juin 2024 à 15:30

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE PRESIDENTDE CHAMBRE,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à M. [X] [K], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00243
Date de la décision : 08/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-08;24.00243 ?
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