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07/06/2024 | FRANCE | N°24/00241

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 07 juin 2024, 24/00241


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 113/24

N° RG 24/00241 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U3KV



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eri

c LOISELEUR, greffier placé,



Statuant sur l'appel formé le 07 Juin 2024 à 12H02 par la CIMADE pour :



M. [R] [J]

né le 13 Octobre...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 113/24

N° RG 24/00241 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U3KV

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eric LOISELEUR, greffier placé,

Statuant sur l'appel formé le 07 Juin 2024 à 12H02 par la CIMADE pour :

M. [R] [J]

né le 13 Octobre 1987 à [Localité 1] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne

ayant pour avocat Me Marine LE BOURHIS, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 06 Juin 2024 à 17H38, notifiée à 18H00, par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a rejeté le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [R] [J] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 6 juin 2024 à 10H11;

En l'absence de représentant du préfet de Loire Atlantique, dûment convoqué, ayant adressé un mémoire le 07 juin 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Madame LE CROM, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 07 juin 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En présence de [R] [J], assisté de Me Marine LE BOURHIS, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 07 Juin 2024 à 15 H 00 l'appelant assisté de M. [F] [N], ayant préalablement prêté serment, interprète en langue Arabe, et son avocat en ses observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et le 07 Juin 2024 à 16H00, avons statué comme suit :

Monsieur [R] [J] a été écroué le 19 mai 2023, suite à sa condamnation par le tribunal correctionnel de Nantes en date du 15 juin 2023, notamment à la peine complémentaire d'interdiction du territoire français pour une durée de 5 ans et ce, en répression de la commission de faits de violence suivie d'incapacité supérieure à huit jours par conjoint ou concubin aggravée par une circonstance. Cette sanction a été confirmée par arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 18 octobre 2023.

Le préfet de Loire Atlantique a placé en rétention administrative le 4 juin 2024, notifié le même jour, au centre de rétention administrative (CRA) de [Localité 2] pour une durée de 48 heures, Monsieur [R] [J] du fait qu'il ne dispose d'aucune pièce d'identité ou de voyage régulière et de la menace qu'il constitue à l'ordre public.

Par requête introduite par Monsieur [R] [J], l'appelant a contesté l'arrêté de placement en rétention administrative.

Par requête motivée en date du 5 juin 2024, reçue le 5 juin 2024 à 18h47 au greffe du tribunal de Rennes, le représentant du préfet de Loire Atlantique a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation pour une durée de 28 jours de la rétention administrative de Monsieur [R] [J].

Par ordonnance rendue le 6 juin 2024, le juge des libertés et de la détention, a ordonné la prolongation du maintien de Monsieur [R] [J] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 28 jours.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 7 juin 2024 à 11h33, Monsieur [R] [J] a formé appel de cette ordonnance.

L'appelant fait valoir, au soutien de sa demande d'infirmation de la décision entreprise, les moyens suivants :

- le défaut d'examen approfondi de la situation de l'intéressé

Le procureur général, suivant avis écrit du 7 juin 2024 sollicite la confirmation de la décision entreprise.

Monsieur [R] [J], présent à l'audience, n'a formulé aucune observation sur sa situation.

Son conseil soutient les prétentions, conformément au mémoire déposé au soutien de l'appel et il a formalisé une demande au titre des dispositions de L'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

En réponse, le représentant de la Préfecture de Loire Atlantique sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise en indiquant que Monsieur [R] [J] ne justifie d'aucun élément susceptible de pouvoir caractériser son état de vulnérabilité ou qu'il ne pourrait pas bénéficier des soins adaptés dans son pays d'accueil, aucune demande n'ayant été soutenue en ce sens.

SUR QUOI :

L'appel est recevable pour avoir été formé dans les formes et délais prescrits.

Sur le moyen tiré du défaut d'examen approfondi de la situation du retenu :

Le conseil de Monsieur [R] [J] soutient que la mesure de rétention est irrégulière dès lors qu'il ne serait pas justifié en quoi le Préfet de Loire Atlantique n'aurait pas procédé à un examen approfondi de sa situation psychique et psychiatrique en amont de la rétention, puis en organisant cette mesure qui a rendu impossible des soins strictement nécessaires en la matière, entachant ainsi la régularité de la mesure.

Il ressort des dispositions de l'article L741-1 du CESEDA que l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.

Conformément aux dispositions de l'article L612-3 CESEDA, le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.

Aux termes de l'article 15 '4 De la directive 2008 /115 /CE du Parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008, dite directive retour, ' à moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les Etats membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement en particulier lorsque a) il existe un risque de fuite, b) le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement ».

Qu'il est donc strictement nécessaire d'observer si la mesure de rétention est proportionnée à la situation du retenu ou bien si une mesure restrictive de liberté de moindre intensité, telle que l'assignation à résidence, n'aurait pas du être préférée, en tenant compte à la fois de l'état de la personne et des garanties de représentation qu'il est susceptible de présenter à date de son placement en rétention administrative ;

Que dans le cas d'espèce, l'observation des éléments concernant Monsieur [R] [J] déterminent que par arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 18 octobre 2023, il a été définitivement condamné à la peine complémentaire d'interdiction du territoire français pour une période de 5 ans.

Que si Monsieur [R] [J] met en exergue le fait qu'il aurait besoin de soins psychologiques ou psychiatriques qui ne pourraient pas lui être dispensés au sein du centre de rétention, il convient de relever que les éléments objectifs qui viennent soutenir sa position sont anciens et se résument à la relation, dans l'arrêt précité, d'une tendance à l'auto agressivité et à l'adoption de comportements dangereux et inadaptés dans certaines situations, courant mai 2023 et à la production d'une prescription médicale en date du 19 mai 2023 portant sur divers anxiolytiques.

Depuis lors, lors des débats de ce jour, il a produit un certificat médical en date du 12 avril 2024 du docteur [Z], établissant qu'il était suivi, durant sa détention, en entretiens au sein du SMPR ' CASPA de Nantes mais sans aucune précision sur la possible continuation d'un traitement particulier.

L'examen de ces éléments ne détermine pas, d'une part, que les problématiques psychiques ont perduré en intensité au-delà de la période observée puisqu'elles ont été traitées par la mise en place de traitement précis et d'autre part, que Monsieur [R] [J] aurait été confronté à une situation particulièrement déstabilisante, de ce fait, dans le cadre de la précédente mesure privative de liberté, au point de la rendre incompatible à son état.

Aucune précision n'est produite à propos de l'évolution d'un éventuel diagnostic, base strictement nécessaire pour apprécier l'état de la personne et les difficultés associées.

Au surplus, il est observé que l'appelant n'expose pas en quoi cet engagement psychiatrique l'exposerait à des risques particuliers, le fait d'être suivi ne constituant que la preuve d'une modalité de prise en charge qui ne révèle rien de particulièrement problématique puisqu'elle peut également concerner le stress lié à l'enfermement ou toute autre tendance pathologique rencontrée en détention.

De sorte qu'à date de son placement en rétention, Monsieur [R] [J] présentait quelques antécédents de fragilités, rarement mis en exergue, qu'il ne disposait d'aucun support probant pour mettre en lumière ces difficultés puisque s'il a pu dire qu'il avait déjà connu des mesures d'hospitalisation en Allemagne, vieilles de plus d'un an, nul document ou témoignage n'est jamais venu préciser la réalité de ces évènements.

Il se déduit de ces appréciations que la situation de Monsieur [R] [J] ne pouvait être assimilée à une situation de particulière vulnérabilité ou de handicap, étant souligné que les quelques informations soumises à l'examen de l'autorité préfectorale ont permis de considérer qu'il pourrait, si nécessaire, continuer à recevoir un traitement dans le cadre de la mesure de rétention, que l'interruption des consultations, au regard du délai relativement court de la rétention, ne pouvait pas constituer un atteinte grave à la santé mentale de Monsieur [R] [J] et que les quelques traits décrit avaient tout à fait vocation à être accompagnés en Tunisie, au regard du caractère générique des prescriptions proposées en 2023.

Il peut enfin être relevé qu'en dépit des craintes affichées de Monsieur [R] [J], ce dernier n'a formulé aucune demande particulière depuis son placement en rétention pour être étayé sur ce point et qu'il n'a pas non plus dénoncé ce sujet devant le premier juge.

En conséquence de quoi, il convient de retenir que la préfecture de Loire-Atlantique a bien produit un examen approfondi de la situation de Monsieur [R] [J].

En l'absence de grief établi, le moyen sera écarté comme étant inopérant.

Sur le fond :

Monsieur [R] [J] n'est porteur d'aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité. Il n'a pas de domicile stable et ne justifie d'aucune forme d'installation pérenne et régulière sur le territoire puisqu'il réclame de pouvoir partir s'installer en Italie. Il n'est pas inséré sur le plan professionnel.

Il est, de ce fait, dépourvu de toutes garanties sérieuses de représentation et dans ces circonstances, étant précisé qu'il a fait valoir qu'il n'entendait pas quitter le territoire national, la mesure d'éloignement est de nature à assurer l'exécution de l'obligation de quitter le territoire national délivrée contre l'intéressé.

Enfin, en conformité avec les dispositions de l'article L.741-3 et L.751-9 du CESEDA, cette prolongation est strictement motivée par l'attente d'un rendez-vous consulaire auprès des autorités tunisiennes, et dont la concrétisation n'a pu être raisonnablement opérée durant la période initiale de rétention.

En conséquence, c'est à bon droit que la requête entreprise a été accueillie par le premier juge et il y a lieu d'ordonner la prolongation de la rétention, à compter du 6 juin 2024, pour une période d'un délai maximum de vingt-huit jours dans des locaux non pénitentiaires.

La décision dont appel est donc confirmée.

Dit n'y avoir lieu à condamner le Préfet de Loire Atlantique sur la base des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement,

Déclarons l'appel recevable,

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en date du 6 juin 2024,

Rejetons la demande au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,

Rappelons à Monsieur [R] [J] qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,

Laissons les dépens à la charge du trésor public,

Fait à Rennes, le 07 Juin 2024 à 16H00

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [R] [J], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00241
Date de la décision : 07/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-07;24.00241 ?
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