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06/06/2024 | FRANCE | N°24/00224

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 06 juin 2024, 24/00224


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 110/2024 - N° RG 24/00224 et 24/00225 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U2ON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



O R D O N N A N C E

article L 3211-12-4 du code de la santé publique



Catherine LEON, Présidente de chambre à la cour d'appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assistée de Patricia IBARA, greffière,



Statuant sur l'appel transmis par courriel reçu le 29 Mai 202

4 à 18 heures 33 formé par Me Valérie CASTEL-PAGÈS, avocat au barreau de RENNES pour :



Mme [M] [T], née le 08 Août 1987 à [Loc...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 110/2024 - N° RG 24/00224 et 24/00225 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U2ON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3211-12-4 du code de la santé publique

Catherine LEON, Présidente de chambre à la cour d'appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assistée de Patricia IBARA, greffière,

Statuant sur l'appel transmis par courriel reçu le 29 Mai 2024 à 18 heures 33 formé par Me Valérie CASTEL-PAGÈS, avocat au barreau de RENNES pour :

Mme [M] [T], née le 08 Août 1987 à [Localité 4]

[Adresse 1],

hospitalisée au centre hospitalier [3] de [Localité 5]

ayant pour avocat Me Valérie CASTEL-PAGÈS, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 24 Mai 2024 par le Juge des libertés et de la détention de RENNES qui a rejeté sa demande de mainlevée de son hospitalisation complète,

et,

sur la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le même courriel reçu le 29 Mai 2024 à 18 heures 33 présentée par écrit distinct et motivé de Me Valérie CASTEL-PAGÈS, avocat au barreau de RENNES, en application de l'article 61-1 de la Constitution et de l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel,

En présence de Mme [M] [T], régulièrement avisée de la date de l'audience, assistée de Me Valérie CASTEL-PAGÈS, avocat,

En l'absence du représentant de l'établissement de soins, régulièrement avisé, et du mandataire du centre hospitalier [3], service des majeur protégés, curateur,

En l'absence du représentant du préfet d'Ille et Vilaine, régulièrement avisé, qui a déposé ses observations et pièces le 31 mai 2024, communiquées aux parties,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis sur la question prioritaire de constitutionnalité par écrit déposé le 30 mai 2024 et sur l'appel par écrit déposé le 31 mai 2024, lesquels ont été mis à disposition des parties,

Après avoir entendu l'appelante et son avocat en leurs observations en audience tenue, à la demande de Mme [T], hors la présence du publique le 03 Juin 2024,

A mis l'affaire en délibéré et ce jour, par mise à disposition au greffe, a rendu la décision suivante :

EXPOSÉ DU LITIGE

Par arrêté du 02 mars 2016, le maire de [Localité 2] a ordonné l'admission en soins psychiatriques à titre provisoire de Mme [M] [T].

Le certificat médical du 02 mars 2016 Dr [Z] [F] a indiqué que Mme [M] [T] présentait des idées de persécution et un désir d'hétéroagression par arme blanche. Elle s'était présentée au domicile d'une personne de sa connaissance en la menaçant de mort, elle était alors porteuse d'un couteau, d'un rasoir et d'une scie.

Les troubles ne permettaient pas à Mme [M] [T] d'exprimer un consentement. Le médecin a estimé que son hospitalisation devait être assortie d'une mesure de contrainte.

Par arrêté du 04 mars 2016, le préfet d'Ille-et-Vilaine a ordonné l'admission en soins psychiatriques de Mme [M] [T].

Le certificat médical des '24 heures établi le 03 mars 2016 à 15 heures 08 par le Dr [V] [O] et le certificat médical des '72 heures établi le 05 mars 2016 à 12 heures 54 par le Dr [K] [R] [U] ont préconisé la poursuite de l'hospitalisation complète.

Par arrêté du 07 mars 2016, le préfet d'Ille-et-Vilaine a maintenu les soins psychiatriques de Mme [M] [T] sous la forme d'une hospitalisation complète.

Cette mesure s'est poursuivie à partir de janvier 2019 en alternance entre des périodes d'hospitalisation complète et des périodes de programmes de soins.

Par ordonnance en date du 01er décembre 2023, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes autorisait le maintien de la mesure.

Par arrêté du 02 janvier 2024, le préfet d'Ille-et-Vilaine a maintenu les soins psychiatriques de Mme [M] [T] sous la forme d'une hospitalisation complète pour une durée de six mois.

Par arrêté du 15 mars 2024, le préfet d'Ille-et-Vilaine décidait de la forme de la prise en charge de Mme [M] [T] sous une autre forme qu'en hospitalisation complète.

Un certificat médical en date du 17 avril 2024 établi par le Dr [O] sollicitait la réintégration de Mme [M] [T] en hospitalisation complète, celle-ci ne s'étant pas présentée au rendez-vous fixé pour la délivrance de son traitement médical.

Par arrêté du 17 avril 2024, le préfet d'Ille-et-Vilaine décidait de la réintégration de Mme [M] [T] en hospitalisation complète.

Par requête en date du 23 avril 2024, le préfet d'Ille-et-Vilaine a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes afin qu'il soit statué sur la mesure d'hospitalisation complète.

Par ordonnance en date du 26 avril 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes a autorisé la poursuite de l'hospitalisation complète.

Par requête du 13 mai 2024, Mme [M] [T] a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes afin d'obtenir la levée de la mesure d'hospitalisation complète.

Par ordonnance en date du 24 mai 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes a rejeté la requête et ordonné le maintien de la mesure de soins psychiatriques.

Mme [M] [T] a interjeté appel de l'ordonnance du 24 mai 2024, par l'intermédiaire de son avocat par courriel électronique en date du 29 mai 2024, dossier enregistré sous le numéro RG 24/00224.

Par un mémoire séparé reçu le 29 mai 2024et enregistré sous le numéro RG 24/000225, le conseil de Mme [T] demande au magistrat délégué par le premier président d'ordonner la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité ci-après exposée relative à la constitutionnalité des dispositions des articles L3213-3 et L3213-4 du code de la santé publique (CSP) à savoir :

Les articles L.3213-3 et L3213-4 du code de la santé publique, relatifs au maintien des soins sans consentement sur décision du représentant de l'Etat et aux modalités de réexamen médical périodique de la personne, en ce qu'ils ne prévoient pas que le maintien des soins soit subordonné à une évaluation médicale approfondie de l'état mental de la personne réalisée par le collège mentionné à l'article L.3211-9 lorsque la durée des soins excède une période continue d'un an à compter de l'admission en soins et le renouvelement de cette évaluation tous les ans, est-il conforme à la Constitution, en ses articles préliminaire, 34 et 66, et notamment au principe constitutionnel d'égalité devant la loi et au respect de la liberté fondamentale d'aller et venir résultant des articles 2, 4, 6, 12, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

A l'appui de la demande de cette transmission elle rappelle que :

L'article L3213-3 du code de la santé publique, modifié par la loi n°2013-869 du 27 septembre 2013-art. 10, en vigueur depuis le 30 septembre 2013, prévoit :

'I.-Dans le mois qui suit l'admission en soins psychiatriques décidée en application du présent chapitre ou résultant de la décision mentionnée à l'article 706-135 du code de procédure pénale et ensuite au moins tous les mois, la personne malade est examinée par un psychiatre de l'établissement d'accueil qui établit un certificat médical circonstancié confirmant ou infirmant, s'il y a lieu, les observations contenues dans les précédents certificats et précisant les caractéristiques de l'évolution des troubles ayant justifié les soins ou leur disparition. Ce certificat précise si la forme de la prise en charge du malade décidée en application de l'article L. 3211-2-1 du présent code demeure adaptée et, le cas échéant, en propose une nouvelle. Lorsqu'il ne peut être procédé à l'examen du patient, le psychiatre de l'établissement établit un avis médical sur la base du dossier médical du patient.

II.-Les copies des certificats et avis médicaux prévus au présent article et à l'article L. 3211-11 sont adressées sans délai par le directeur de l'établissement d'accueil au représentant de l'Etat dans le département et à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L. 3222-5.

III.-Après réception des certificats ou avis médicaux mentionnés aux I et II du présent article et, le cas échéant, de l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 et de l'expertise psychiatrique mentionnée à l'article L. 3213-5-1, et compte tenu des exigences liées à la sûreté des personnes et à l'ordre public, le représentant de l'Etat dans le département peut décider de modifier la forme de la prise en charge de la personne malade.

IV.-Lorsque le représentant de l'Etat décide de ne pas suivre l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 recommandant la prise en charge d'une personne mentionnée au II de l'article L. 3211-12 sous une autre forme que l'hospitalisation complète, il ordonne une expertise dans les conditions prévues à l'article L. 3213-5-1.

Lorsque l'expertise confirme la recommandation de prise en charge sous une autre forme que l'hospitalisation complète, le représentant de l'Etat décide d'une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L.3211-2-1, conformément à la proposition mentionnée au premier alinéa du I du présent article.

Lorsque l'expertise préconise le maintien de l'hospitalisation complète et que le représentant de l'Etat maintient l'hospitalisation complète, il en informe le directeur de l'établissement d'accueil, qui saisit le juge des libertés et de la détention afin que ce dernier statue à bref délai sur cette mesure dans les conditions prévues à l'article L. 3211-12. Le présent alinéa n'est pas applicable lorsque la décision du représentant de l'Etat intervient dans les délais mentionnés aux 1° et 2° du I de l'article L. 3211-12-1.'

L'article L. 3213-4 du même code prévoit que : 'Dans les trois derniers jours du premier mois suivant la décision d'admission en soins psychiatriques mentionnée au I de l'article L. 3213-1 ou, le cas échéant, suivant la mesure provisoire prévue à l'article L. 3213-2, le représentant de l'Etat dans le département peut prononcer, au vu du certificat médical ou de l'avis médical mentionné à l'article L. 3213-3, le maintien de la mesure de soins pour une nouvelle durée de trois mois. Il se prononce, le cas échéant, sur la forme de la prise en charge du patient dans les conditions prévues au même article L. 3213-3. Au-delà de cette durée, la mesure de soins peut être maintenue par le représentant de l'Etat dans le département pour des périodes maximales de six mois renouvelables selon les mêmes modalités.

Faute de décision du représentant de l'Etat à l'issue de chacun des délais prévus au premier alinéa, la levée de la mesure de soins est acquise.

En outre, le représentant de l'Etat dans le département peut à tout moment mettre fin à la mesure de soins prise en application de l'article L. 3213-1 après avis d'un psychiatre participant à la prise en charge du patient attestant que les conditions ayant justifié la mesure de soins en application du même article L. 3213-1 ne sont plus réunies, ou sur proposition de la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L. 3222-5. Le présent article n'est pas applicable aux personnes mentionnées à l'article L. 3213-8.

Elle conteste la constitutionnalité de ces dispositions en ce qu'elles ne prévoient pas, en matière de soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l'Etat, que lorsque la durée des soins excède une période continue d'un an à compter de l'admission en soins, le maintien de ces soins est subordonné à une évaluation médicale approfondie de l'état mental de la personne réalisée par le collège mentionné à l'article L.3211-9 et le renouvellement de cette évaluation tous les ans.

Le conseil de Mme [T] fait valoir que :

- la disposition contestée constitue bien une «disposition législative» ;

- la question prioritaire de constitutionnalité posée vise bien à contester la conformité de cette disposition législative au regard des «droits et libertés que la Constitution garantit ;

- la disposition contestée est applicable au litige et à la procédure ;

- la disposition contestée n'a pas fait l'objet d'une déclaration préalable de conformité par le Conseil constitutionnel, à la fois dans les motifs et le dispositif d'une de ses décisions ;

- la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

Dans ses écritures séparées concernant le litige, l'appelante soutient que :

- l'ordonnance est nulle en raison de la violation du principe du contradictoire ;

- la mesure est irrégulière en raison du défaut d'avis médical actualisé sur son état mental ;

- la mesure est irrégulière en raison de l'absence d'avis du collège ;

- le maintien de la mesure n'est pas bien-fondé.

Elle sollicite ainsi à titre principal, sur la forme :

- de la recevoir en son appel et le juger régulier et bien-fondé ;

- de juger que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 24 mai 2024 a été rendue en violation du principe du contradictoire visé à l'article 16 du code de procédure civile ;

- d'annuler ladite ordonnance et d'ordonner la mainlevée immédiate de la mesure d'hospitalisation complète prise à son égard ;

Elle sollicite à titre subsidiaire, sur le fond :

- de juger que la procédure est irrégulière ;

- de juger que la preuve du bien-fondé du maintien de la mesure à temps complet n'est pas rapportée.

Le ministère public a, dans un avis écrit en date du 30 mai 2024, conclu à la recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité mais a considéré que l'article L. 3213-3 du code de la santé publique dans sa rédaction antérieure au 30 septembre 2013 a été déclaré conforme à la constitution par une décision QPC n° 2011-174 du 6 octobre 2013, et que :

- la version déclarée conforme à la constitution ne contient pas davantage que la version postérieure au 30 septembre 2013 l'obligation de soumettre le maintien des soins sans consentement sur décision du représentant de l'Etat à une évaluation médicale approfondie de l'état mental de la personne réalisée par le collège mentionné à l'article L. 3211-9, lorsque la durée des soins excède une période continue d'un an à compter de l'admission en soins et le renouvellement de cette évaluation tous les ans.

- à la date de la décision QPC n° 2011-174 du 6 octobre 2013, l'article L. 3212-7 du code de la santé publique prévoyait déjà cette obligation d'évaluation médicale approfondie tous les ans pour les patients hospitalisés sur décision du directeur d'établissement à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent.

- le Conseil Constitutionnel a donc avalisé cette différence de traitement, par sa décision du 6 octobre 2013.

Il considère dès lors que si la modification d'un texte postérieurement à sa déclaration de constitutionnalité autorise certes le dépôt d'une nouvelle QPC sur les dispositions nouvelles, elle ne permet pas de déposer une QPC sur les dispositions déjà avalisées par le Conseil Constitutionnel et en conséquence il est d'avis de déclarer la question prioritaire de constitutionnalité soulevée irrecevable, car portant sur une disposition législative déjà déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

Il a également sollicité la confirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention par avis écrit séparé en date du 31 mai 2024 donné à la connaissance des parties.

En réponse à l'avis du ministère public le conseil de Mme [T] précise dans un second mémoire que dans la décision QPC n° 2011-174 du 6 octobre 2011, l'article L. 3213-3 du CSP était soumis au Conseil Constitutionnel dans sa rédaction antérieure à la loi du n° 2011-803 du 5 juillet 2011 et en vigueur du 22 juin 2000 au 01 août 2011 ; qu'au moment de l'examen des dispositions critiquées par le Conseil Constitutionnel, ni l'article L. 3212-7 du CSP ni aucune autre disposition législative du même code, ne subordonnaient le maintien des soins sur décision du directeur de l'établissement à une évaluation approfondie de l'état mental de la personne réalisée par le collège mentionné à l'article L. 3211-9 lorsque la durée de ceux-ci excédaient une période continue d'un an.

Elle en déduit que la violation de l'égalité devant la loi ne pouvait donc pas être soumise au Conseil Constitutionnel, que la cour devra relever que la constitutionnalité de deux dispositions légales est contestée dans la question posée et que, s'agissant de l'article L. 3213-4 du CSP, le Parquet Général ne soulève pas d'irrecevabilité au motif que cette seconde disposition aurait fait l'objet d'une déclaration préalable de conformité par le Conseil Constitutionnel.

Elle maintient donc que la conformité des dispositions combinées des articles L. 3213-3 et L. 3213-4 du CSP n'a pas été soumise au contrôle de constitutionnalité dès lors que celle-ci est afférente au maintien des soins sans consentement sur décision du représentant de l'Etat et aux modalités de réexamen médical périodique de la personne, dont la situation n'est pas visée à l'article L. 3211-12-1 du CSP, au regard du respect du principe d'égalité devant la loi et du respect de la liberté fondamentale d'aller et venir.

Elle ajoute qu'au visa de ce texte et par un arrêt 20 mars 2024, la 1ère Chambre civile de la Cour de Cassation a, au surplus, rappelé que la production de l'évaluation médicale approfondie du collège s'impose pour le maintien des soins sans consentement dont la durée excède un an et ce, quelque soit la forme des soins sans consentement, le demandeur ayant, en l'espèce, été placé sous programme de soins.

Un certificat médical de situation établi le 31 mai 2024 est versé au dossier, le Dr [K] [R] [U] décrit :

Une patiente hospitalisée depuis le 02/03/2016 au CHGR en SDRE au décours de propos hétéro-agressifs ciblés sur une personne qu'elle voulait tuer, dans un contexte délirant interprétatif de thèmes persécutifs : elle avait exprimé des menaces de mort sur une habitante de la commune. La patiente aurait tambouriné à la porte de celle-ci avec un couteau dans une main, un rasoir dans l'autre et une scie à bois en bandoulière.

L'état clinique a nécessité une longue période d'hospitalisation à temps plein de mars 2016 à janvier 2019 pour stabiliser la patiente : la prise en charge a été complexe, avec une grande difficulté pour la patiente d'accepter les soins et les traitements médicamenteux. Les séjours ont été émaillés de mise en danger pour elle-même avec idées suicidaires, parfois envahissantes et scénarisées, une consommation de toxiques et un vécu persécutif important de l'extérieur mais, également centré sur les soins.

Depuis janvier 2019, la prise en charge a pu évoluer vers un programme de soins ; néanmoins devant la fragilité clinique, un retour en hospitalisation complète et continue a été nécessaire à plusieurs reprises, parfois suite à un arrêt volontaire du suivi et des traitements mais aussi suite à des mises en danger (surconsommation de toxiques a l'origine d'une exacerbation persécutrice ou d'idées suicidaires envahissantes).

L'hospitalisation actuelle, avec retour en hospitalisation complète et continue à compter du 17 avril 2024, a été motivée par une reprise importante de toxiques et une non observance du programme de soins : il est à noter que lors de la réintégration sur le CHGR, la patiente a tenté de se défénestrer de la fenêtre de son domicile.

La prise en charge de Mme [T] est complexe, avec une conscience de la nécessité de soin dans la durée totalement abolie et des mises en danger répétées. Un suivi au plus près s'avère donc nécessaire.

Ce jour, la patiente est apaisée avec un comportement adapté grâce à la reprise d'un traitement médicamenteux, la contenance soignante hospitalière et l'absence de toxiques. Les propos délirants sont à distance avec un contact de qualité. La patiente ne perçoit cependant toujours pas la nature pathologique de ses troubles. Des éléments de dangerosité persistent en l'absence de traitement, avec une interrogation régulière de la nécessité des thérapeutiques par Mme [T]. Les soins en SDRE sont donc à maintenir en hospitalisation complète et continue.

Dans des observations en date du 31 mai 2024 le Préfet d'Ille et Vilaine fait valoir que :

- le conseil de Mme [T] a été destinataire de l'ensemble des pièces dont la décision du JLD en date du 26 avril 2024, que le contradictoire a été respecté ;

- le dossier d'admission, le dernier arrêté de maintien ainsi que les certificats médicaux ont été versés conformément à l'article R 3211-12 al 2 et 4 du CSP ce qui est suffisant ;

- la situation de Mme [T] ne rentre pas dans la disposition exigeant l'avis d'un collège en application de l'article L. 2111-9 du code de la santé publique ;

Il a sollicité le maintien de soins en hopitalisation complète.

A l'audience du 03 juin 2024, Mme [T] a souhaité que l'audience soit prise en chambre du conseil, exprimé son regret du passage à l'acte de 2016, sa souffrance d'être à nouveau hospitalisée.

Elle a indiqué avoir voulu se défenestrer pour y échapper, qu'elle n'était pas bien à cette période, en deuil de sa mère mais ne pas avoir vraiment eu un geste suicidaire.

Son conseil a développé oralement ses écritures tant sur la question de la QPC que sur la main levée sollicitée.

Elle y a ajouté oralement une demande d'aide juridictionnelle et a critiqué le certificat de situation du Dr [R] [U] en ce qu'il ne démontre pas les conditions exigées par l'article L. 3213-1 du Code de la santé publique à savoir un risque de compromettre la santé publique ou de porter une atteinte grave à l'ordre public.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la jonction :

Il y a lieu de pronnocer la jonction des procédures enregistrées sous les numéros Rg 24/00224 et 24/000225

Sur la recevabilité de l'appel :

Aux termes de l'article R. 3211-18 du code de la santé publique, le délai d'appel est de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance.

Selon l'article R. 3211-19, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure.

En l'espèce, Mme [M] [T] a formé le 29 mai 2024 un appel de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes du 24 mai 2024.

Cet appel, régulier en la forme, sera donc déclaré recevable.

Sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution :

Le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté à l'audience dans un écrit distinct des autres observations de Mme [T], et motivé. Il est donc recevable.

Sur le moyen tiré de l'atteinte portée aux droits et libertés garantis par la Constitution par les articles L.3213-3 et L.3213-4 du code de la santé publique :

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation :

L'article 23-2 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que la juridiction transmet sans délai la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation si les conditions suivantes sont remplies :

1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

En l'espèce :

Les dispositions contestées constituent bien une «disposition législative» en ce qu'elles résultent, dans leur dernière version en vigueur, de la loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013, en son article 10, modifiant certaines dispositions issues de la loi n°2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge. Elles sont entrées en vigueur le 30 septembre 2013.

Mme [T] a sollicité la mainlevée de la mesure qui lui est imposée en vertu d'une décision du représentant de l'Etat et les dispositions contestées, à savoir, celles de l'article L.3213-3 et de l'article L.3213-4 du CSP, sont applicables au litige et à la procédure.

Les dispositions contestées ont déjà fait l'objet d'un examen par le conseil constitutionnel mais non dans leur version actuelle.

Ainsi dans sa décision n° 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article L. 3213-4 du code de la santé publique contraire à la Constitution et l'article L. 3213-4 du code de la santé publique a été modifié le 01/08/2011 suite à cette déclaration d'inconstitutionnalité et à la loi du 5 juillet 2011.

Quant à l'article L. 3213-3 du code de la santé publique il a été déclaré conforme par décision n°2011-174 QPC du CC du 6 octobre 2011 dans la version antérieure au 01/08/2021.

De plus la disposition législative en cause ne doit pas avoir déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, à la fois dans les motifs et le dispositif d'une de ses décisions sauf changement des circonstances (articles 23-2 et 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel).

Ainsi une disposition législative déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel peut être de nouveau soumise à son examen lorsqu'un tel réexamen est justifié par des changements intervenus, depuis la précédente décision, dans les normes de constitutionnalité applicables ou dans les circonstances, de droit ou de fait, qui affectent la portée de la disposition législative critiquée.

Un changement des circonstances de droit peut résulter de la modification de la portée de la disposition contestée en raison de l'évolution de la jurisprudence du Conseil d'État ou de la Cour de cassation ou de la modification de l'environnement législatif de cette disposition.

En l'espèce d'une part l'article L. 3213-4 du code de la santé publique dans sa nouvelle rédaction n'a pas fait l'objet d'une déclaration de constitutionnalité et celle concernant l'article L. 3213-3 du code de la santé publique, concerne la version antérieure au 01/08/2011, d'autre part, l'article L. 3212-7 du même code subordonnant le maintien des soins sur décision du directeur de l'établissement à une évaluation approfondie de l'état mental de la personne réalisée par le collège mentionné à l'article L. 3211-9 lorsque la durée de ceux-ci excédait une période continue d'un an, a été modifié le 01 août 2011 et n'existait donc pas lors des contrôles de conformité des articles L 3213-3 et 3213-4 du CSP exercés par le conseil constitutionnel aux dates sus-rappelées.

Outre que le précédent examen des articles dont s'agit concernait leur rédaction antérieure ,il y a donc eu depuis les précédentes décisions du Conseil Constitutionnel un changement dans les circonstances de droit susceptible d'affecter la portée de ces dispositions.

Il est donc satisfait à la condition de l'article 23-2 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 2°.

La condition tenant au fait que la question ne doit pas être dépourvue de caractère sérieux suppose pour la cour, non pas d'apprécier la conformité du texte législatif à la constitution, mais de vérifier si la question n'est pas dilatoire et si elle est «de nature à faire naître un doute dans un esprit éclairé».

Mme [T] par la voix de son conseil estime que la question posée est sérieuse dès lors que le mode d'hospitalisation sans consentement crée une inégalité de traitement des patients quant aux modalités de leur réexamen périodique pour le maintien de la mesure.

Elle soutient que quelle que soit la durée des soins sans consentement sur décision du représentant de l'Etat, le maintien des soins sans consentement auxquels le patient est soumis et dont la situation ne relève pas des dispositions prévues au II de l'article L. 3211-12 du CSP, n'est subordonné qu'à l'établissement d'un certificat médical par un psychiatre de l'établissement alors que le maintien des patients hospitalisés sur décision du directeur de l'établissement de soins est, lui, subordonné, au visa de l'article L. 3212-7, alinéa 3, du CSP, à une évaluation médicale approfondie de l'état mental de la personne réalisée par le collège mentionné à l'article L. 3211-9 lorsque la durée des soins excède une période continue d'un an à compter de l'admission en soins et cette évaluation doit être renouvelée tous les ans.

Le principe de l'égalité devant la loi est posé tant par l'article 6 de la Déclaration de 1789 qui dispose que : «La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leur vertus et de leurs talents» que par l'article 1 de la Constitution de 1958 en son article 1er selon lequel : «La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. (...)».

Or les différences de situation ne justifient pas de différence de traitement, ou ne les justifient que s'il est démontré qu'une exigence constitutionnelle impérieuse impose une modulation.

Par ailleurs la liberté d'aller et venir, composante de la liberté personnelle est protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que par l'article 66 de la Constitution, elle constitue une liberté fondamentale.

Il s'avère en effet que le régime de réévaluation des situations d'hospitalisation sous contrainte sur décision du représentant de l'Etat dont la situation n'est pas visée à l'article L. 3211-12-1 du CSP, est différent de celui prévu pour les hospitalisations décidées par le directeur de l'établissement.

Il convient de vérifier si cette distinction est justifiée ou non par un critère objectif ou rationnel et ne constitue pas une atteinte disproportionnée à la liberté fondamentale d'aller et venir.

La réponse à la question ne relève pas de l'évidence, et dès lors il s'avère que la question présente un caractère sérieux.

La transmission de la question prioritaire de constitutionnalité sera en conséquence ordonnée.

La décision qui transmet la question prononce également, en principe, un sursis à statuer, puisque la solution apportée à la question est en principe déterminante pour la poursuite de l'instance (OO, art. 23-3, al. 1er).

Toutefois le sursis à statuer est interdit lorsque l'instance a pour objet de mettre fin à la mesure privative de liberté (OO, art. 23-3, al. 2), ce qui est le cas en l'espèce.

Il sera donc statué sans attendre.

Sur la régularité de la procédure :

Aux termes de l'article L. 3216-1 du Code de la Santé publique, la régularité des décisions administratives peut être contestée devant le juge des libertés et de la détention, et en cas d'irrégularité, celle-ci n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.

La saisine du juge des libertés et de la détention prévue par l'article L. 3211-12-1 du Code de la santé publique doit être accompagnée des avis et pièces tel que prévu par les articles R. 3211-12, -24 et -26 du même code afin de permettre au juge judiciaire de contrôler la régularité des décisions administratives et le cas échéant de statuer sur leur contestation.

En l'espèce, il ressort des avis et pièces mentionnés dans l'exposé des faits et de la procédure que celle-ci est contestée.

Sur la nullité de l'ordonnance en raison de la violation du principe du contradictoire :

Le conseil de Mme [T] fait valoir que le juge des libertés et de la détention a soulevé d'office le moyen tiré de la purge des irrégularités antérieures sans que celui-ci n'ait été soumis à la discussion des parties.

L'article 16 du code de procédure civile prévoit que : 'Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.'

En procédure orale, il ne peut être présumé qu'un moyen relevé d'office par le juge a été débattu contradictoirement, dès lors qu'une partie n'était pas présente à l'audience (2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi n° 19-15.985, publié).

Pour décider de la poursuite de l'hospitalisation complète de Mme [T], l'ordonnance retient que sont irrecevables les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure antérieure au 26 avril 2024, date à laquelle le juge des libertés et de la détention a statué, par une décision définitive ayant autorité de la chose jugée, sur la régularité de la mesure d'hospitalisation complète.

En statuant ainsi, alors que le curateur de Mme [T], le préfet d'Ille et Vilaine, n'avaient pas comparu à l'audience et qu'il ne ressort ni de la décision ni des pièces de la procédure que la partie présente ait été, au préalable, invitée à formuler ses observations sur ce moyen relevé d'office, le premier juge a violé le texte susvisé.

L'ordonnance du 24 mai 2024 sera en conséquence annulée.

Toutefois l'article 562 du Code de procédure civile pose le principe de la dévolution pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement.

Le juge d'appel, qui est saisi d'une demande de nullité dont le fondement est étranger à l'acte introductif d'instance, doit statuer au fond sans pouvoir renvoyer l'affaire devant le premier juge.

En l'espèce la saisine du JLD est régulière il convient donc de statuer sur le fond.

Sur l'irrégularité liée au défaut d'avis médical actualisé sur l'état mental de la patiente :

Le conseil de Mme [T] fait valoir que le fait que le juge des libertés et de la détention considère que : 'les certificats médicaux produits répondent aux exigences de l'article R.3211-12 précité et, au surplus, il n'est pas justifié que l'absence de certificat médical actualisé au jour de l'audience porte grief à la patiente, conformément à l'exigence posé par l'article L 3216-1 du CSP pour induire une mainlevée de la mesure.' alors même que ce dernier a jugé utile de solliciter, la veille de l'audience, la production d'un certificat de situation actualisé et constaté qu'aucune réponse n'avait été apportée à sa demande est contradictoire en jugeant que les certificats médicaux produits répondaient aux exigences de l'article R. 3211-12 du CSP et qu'il n'était, en outre, pas justifié que l'absence de certificat médical actualisé au jour de l'audience portait grief à la patiente.

En application de l'article R.3211-12 du Code de la Santé Publique, sont communiqués au juge des libertés et de la détention, "4° Une copie des certificats et avis médicaux prévus aux chapitres 11 à IV du titre ler du livre 11 de la troisième partie de la partie législative du présent code, au vu desquels la mesure de soins a été décidée et de tout autre certificat ou avis médical utile, dont ceux sur lesquels se fonde la décision la plus récente de maintien des soins".

En l'espèce ainsi que l'a relevé le premier juge, l'établissement de santé a bien produit les certificats médicaux ayant conduit à la réintégration de la patiente et un certificat médical mensuel rédigé le 10 mai 2024, soit après la précédente décision de maintien.

De plus compte tenu du parcours de la patiente, de l'ensemble des certificats figurant au dossier et du cadre procédural à savoir un contrôle facultatif à la demande de la patiente, ces éléments étaient suffisants pour permettre ce contrôle, il a donc été satisfait à la loi et c'est de manière superfaitatoire que le juge des libertés et de la détention a sollicité un certificat plus récent.

Le moyen ne saurait prospérer d'autant qu'un certificat de situation du 31 mai 2024 a été produit devant cette cour.

Sur l'absence d'avis du collège :

Le conseil de Mme [T] fait valoir que les dispositions de l'article L. 3213-3 du code de la santé publique, en ce qu'elles ne prévoient pas que lorsque la durée des soins excède une période continue d'un an à compter de l'admission en soins, le maintien de ces soins est subordonné à une évaluation approfondie de l'état mental de la personne réalisée par le collège prévu à l'article L. 3211-9 du code de la santé publique, apparaîssent contraires à la Constitution.

Si tel est le cas, au visa de l'article L. 3212-7 du code de la santé publique, pour les personnes soumises à une mesure d'hospitalisation complète sans consentement prise sur décision du directeur de l'établissement de soins, en effet les dispositions législatives ne prévoient pas que le maintien de la mesure d'hospitalisation complète prise sur décision du représentant de l'Etat soit subordonné à la production d'une évaluation approfondie de l'état mental de la personne réalisée par le collège visé à l'article L. 3211-9 du code de la santé publique lorsque celle-ci excède une durée continue d'un an.

L'avis du collège, objet de la question prioritaire de constitutionnalité n'étant, en l'espèce, pas exigé par le texte, ce moyen ne sera pas retenu.

Sur le bien-fondé du maintien de la mesure :

Le conseil de Mme [T] fait valoir qu'il convenait de constater qu'aucun des certificats médicaux ne faisait état de ce qu'elle aurait, ne serait-ce qu'à une reprise durant les huit années écoulées, renouvelé un comportement hétéroagressif à l'origine de la mesure, y compris lorsqu'elle était placée sous programme de soins.

Elle a ajouté à l'audience le fait que le certificat de situation produit et daté du 31 mai 2024 n'établit pas le risque de compromettre la sureté des personnes ou l'atteinte à l'ordre public.

L'article L. 3211-3, alinéa 1er, du code de la santé publique exige que les restrictions à l'exercice des libertés individuelles soient adaptées, nécessaires et proportionnées à l'état mental et à la mise en 'uvre du traitement requis.

L'article R. 3211-24 code de la santé publique dispose que :

'La saisine est accompagnée des pièces prévues à l'article R. 3211-12 ainsi que de l'avis motivé prévu au II de l'article L.3211-12-1. Cet avis décrit avec précision les manifestations des troubles mentaux dont est atteinte la personne qui fait l'objet de soins psychiatriques et les circonstances particulières qui, toutes deux, rendent nécessaire la poursuite de l'hospitalisation complète au regard des conditions posées par les articles L. 3212-1 et L. 3213-1.

Le contrôle de la régularité comprend notamment le contrôle du bien fondé des décisions administratives, le juge judiciaire devant rechercher si les certificats médicaux produits sont suffisamment précis et circonstanciés au regard des conditions légales exigées pour des soins sans consentement ; cependant le juge des libertés et de la détention n'a pas à se substituer à l'autorité médicale notamment sur l'évaluation du consentement, du diagnostic ou des soins.

Aux termes de l'article L. 3213-1 du Code de la santé publique, 'le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'admission en soins nécessaire .

Il en résulte qu'en cas de décision prise par le représentant de l'Etat ou par l'autorité judiciaire, le juge doit s'assurer, au moment où il statue, qu'il existe un risque pour la sûreté des personnes ou une atteinte grave à l'ordre public et il doit le faire ressortir dans sa décision.

En l'espèce, il ressort du certificat médical en date du 17 avril 2024 établi par le Dr [O] qu'il sollicitait la réintégration de Mme [M] [T] en hospitalisation complète, celle-ci ne s'étant pas présentée au rendez-vous fixé pour la délivrance de son traitement médical, qu'elle s'était montrée menaçante à son domicile envers le personnel soignant et avait tenté de se défénestrer.

Le certificat de situation du 31 mai 2024 établi par le Dr [K] [R] [U] rédigé de manière détaillée et claire et rappelé plus haut précise que ce jour la patiente est apaisée avec un comportement adapté grâce à la reprise d'un traitement médicamenteux, la contenance soignante hospitalière et l'absence de toxiques mais que des éléments de dangerosité persistent en l'absence de traitement.

Il en ressort que Mme [T] a besoin de soins et d'un cadre contenant pour la bonne observance de son traitement et éviter notamment la prise de toxiques.

Ainsi le médecin explique qu'en l'absence de ces deux conditions, cette patiente se met en danger et met en danger les autres ce qui caractérise le fait de compromettre la sureté des personnes.

Il est donc établi qu'elle doit faire l'objet de soins contraints et qu'en ne respectant pas le programme de soins, sa réintégration en hospitalisation complète s'imposait sans qu'il soit nécessaire qu'elle ait commis un nouveau passage à l'acte.

Il est établi également que si son état s'est amélioré ainsi qu'il ressort du certificat précité et de sa présentation à l'audience, la main levée de l'hospitalisation complète apparaît encore prématurée et que les conditions posées par l'article précité restent réunies.

Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance entreprise.

Sur les dépens et l'AJ provisoire :

Les dépens seront laissés à la charge du trésor public.

La situation économique de Mme [T] justifie qu'il soit fait droit à la demande d'aide juridictionnelle provisoire.

PAR CES MOTIFS

Catherine LEON, présidente de chambre, statuant publiquement, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,

Prononce la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 24/00224 et 24/00225,

Reçoit Mme [T] en son appel,

Lui accorde l'aide juridictionnelle provisoire,

Vu l'article 61-1 de la Constitution,

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel tel qu'inséré par la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution,

Vu le décret n°2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009,

Ordonne la transmission à la Cour de cassation de la question suivante :

Les articles L.3213-3 et L.3213-4 du code de la santé publique, relatifs au maintien des soins sans consentement sur décision du représentant de l'Etat et aux modalités de réexamen médical périodique de la personne, en ce qu'ils ne prévoient pas que le maintien des soins soit subordonné à une évaluation médicale approfondie de l'état mental de la personne réalisée par le collège mentionné à l'article L.3211-9 lorsque la durée des soins excède une période continue d'un an à compter de l'admission en soins et le renouvellement de cette évaluation tous les ans, est-il conforme à la Constitution, en ses articles préliminaire, 34 et 66, et notamment au principe constitutionnel d'égalité devant la loi et au respect de la liberté fondamentale d'aller et venir résultant des articles 2, 4, 6, 12, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Dit que le présent jugement sera adressé à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité remis à l'audience du 3 juin 2024,

Dit que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision,

Confirme l'ordonnance entreprise,

Laisse les dépens à la charge du trésor public.

Fait à Rennes, le 04 Juin 2024 à 16 heures.

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, Catherine LEON, Présidente

Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à Mme [M] [T], à son avocat, au CH et ARS/tiers demandeur/curateur-tuteur,

Le greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD,

Le greffier,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00224
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;24.00224 ?
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