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05/06/2024 | FRANCE | N°24/00235

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 05 juin 2024, 24/00235


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 108/24

N° RG 24/00235 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U25Z



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eri

c LOISELEUR, greffier placé,



Statuant sur l'appel formé le 04 Juin 2024 à 11H38 par la CIMADE pour :



M. [D] [A]

né le 22 Avril 1...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 108/24

N° RG 24/00235 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U25Z

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eric LOISELEUR, greffier placé,

Statuant sur l'appel formé le 04 Juin 2024 à 11H38 par la CIMADE pour :

M. [D] [A]

né le 22 Avril 1995 à [Localité 1] (MAROC)

de nationalité Marocaine

ayant pour avocat Me Léo-paul BERTHAUT, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 03 Juin 2024 (heure pas mentionnée sur l'ordonnance) par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [D] [A] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 03 juin 2024 à 07H47;

En l'absence de représentant du préfet de l'Indre, dûment convoqué, ayant adressé un mémoire le 05 juin 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 04 juin 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En présence de [D] [A], assisté de Me Léo-paul BERTHAUT, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 05 Juin 2024 à 10 H 30 l'appelant assisté de M. [C] [B], interprète en langue Arabe ayant préalablement prêté serment et son avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et le 05 Juin 2024 à 15H00, avons statué comme suit :

Monsieur [D] [A] a fait l'objet d'une condamnation par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Bourges en date du 23 juin 2022, le condamnant notamment à une interdiction définitive du territoire français.

Monsieur [D] [A] a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, pris par le préfet de l'Indre en date du 31 mai 2024, notifié le 1er juin 2024.

Le préfet de l'Indre a placé en rétention administrative le 1er juin 2024, notifié le même jour, au centre de rétention administrative (CRA) de [Localité 2] pour une durée de 48 heures, Monsieur [D] [A] du fait qu'il ne dispose d'aucune pièce d'identité ou de voyage régulière, et qu'il s'est maintenu en situation irrégulière.

Par requête motivée en date du 2 juin 2024, reçue le 2 juin 2024 à 16h26 au greffe du tribunal de Rennes, le représentant du préfet de l'Indre a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation pour une durée de 28 jours de la rétention administrative de Monsieur [D] [A].

Par ordonnance rendue le 3 juin 2024, le juge des libertés et de la détention, a ordonné la prolongation du maintien de Monsieur [D] [A] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 28 jours.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 4 juin 2024 à 11h38, Monsieur [D] [A] a formé appel de cette ordonnance.

L'appelant fait valoir, au soutien de sa demande d'infirmation de la décision entreprise, les moyens suivants :

- l'absence d'interprète lors de la notification de l'arrêté de placement en rétention administrative

- sur les défauts de diligence de la préfecture

Le procureur général, suivant avis écrit du 4 juin 2024 sollicite la confirmation de la décision entreprise.

Monsieur [D] [A], présent à l'audience, a indiqué qu'il avait payé sa dette à la société française, qu'il souhaitait retourner en Espagne, auprès de ses proches, de sa femme et de ses attaches puisqu'il n'avait rien à faire en France

Son conseil soutient les prétentions, conformément au mémoire déposé au soutien de l'appel, ajoutant qu'au titre des diligences nécessaires, il aurait été adapté de prendre attache avec les autorités du pays dont Monsieur [D] [A] est ressortissant, et il a formalisé une demande au titre des dispositions de L'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

En réponse, le représentant de la Préfecture de Loire Atlantique sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise au motif que l'appelant maîtrise la langue espagnole et que la procédure en justifie, et que les diligences nécessaires concernant Monsieur [D] [A] ont été valablement entreprises.

SUR QUOI :

L'appel est recevable pour avoir été formé dans les formes et délais prescrits.

Sur le moyen tiré du défaut d'interprète à l'occasion de la notification de l'arrêté de placement en rétention administrative.

Le conseil de Monsieur [D] [A] soutient que la mesure de rétention devrait être annulée, faute d'avoir été accompagnée, lors de sa notification, de la présence d'un interprète dans la langue maternelle de l'intéressé, outre le fait que la qualité de l'interprète présent à cette occasion ne serait pas mentionnée, conduisant ainsi l'appelant à ne pouvoir faire un usage légitime de son droit à contester ladite mesure.

L'article L141-2 du CESEDA dispose que lorsqu'un étranger fait l'objet d'une décision de refus d'entrée en France, de placement en rétention ou en zone d'attente, de retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour ou de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire.

Ces informations sont mentionnées sur la décision de refus d'entrée, de placement ou de transfert ou dans le procès-verbal prévu au premier alinéa de l'article L. 813-13. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure.

Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français.

L'article L141-3 du CESEDA dispose encore que lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire.

L'articleL744-4 du CESEDA dispose enfin que l'étranger placé en rétention est informé dans les meilleurs délais qu'il bénéficie, dans le lieu de rétention, du droit de demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil et d'un médecin, et qu'il peut communiquer avec son consulat et toute personne de son choix. Ces informations lui sont communiquées dans une langue qu'il comprend.

Si l'examen de la procédure permet de confirmer que Monsieur [D] [A] a effectivement bénéficié d'un traducteur en langue arable lors de son audience de jugement devant la cour d'appel de Bourges en date du 23 juin 2022, qu'il en a été de même lors de l'audience en date du 3 juin 2024, devant le premier juge, à sa demande, et qu'enfin, on peut relever que les droits afférents à la mise en 'uvre de rétention administrative lui ont été notifiés en langue arabe le 1er juin 2024, à l'occasion de son arrivée au CRA, laissant comprendre qu'il a une compréhension adaptée de cette langue, il convient de souligner qu'il a agi de toute autre manière à divers autres stades de la procédure. Ainsi, lors du renseignement de la notice liée à sa situation d'étranger incarcéré, à date du 15 septembre 2022, il a indiqué que s'il parlait très peu le français, il parlait l'espagnol. De même, lors de l'information donnée par les services préfectoraux du projet de mise en 'uvre de la mesure d'éloignement, il a mentionné, le 28 mai 2024, qu'il souhaitait être expulsé vers l'Espagne où il possédait toutes ses attaches, sans faire mention de la nécessité de s'adresser à lui en langue arabe. A l'identique, lors de la notification de la mesure elle-même, il a spécifiquement précisé qu'il ne demandait pas l'assistance d'un interprète, tout en étant en capacité de répondre à des questions libellées en français puisqu'il a su mentionner qu'il souhaitait qu'on prenne contact avec une personne de son entourage ou livrer le nom d'un conseil pour l'assister.

Enfin, il doit être souligné que suite à la notification de ses droits acquis dans le cadre de l'exécution de la mesure de rétention, il lui a été rappelé en langue arabe qu'il avait la possibilité de faire appel à un interprète mais il s'en est abstenu et n'a pas contesté que la langue espagnole soit relevée comme langue de procédure (cf fiche d'arrivant). Il n'a pas plus émis d'objection à la présence et à l'intervention de l'interprète en langue espagnole qui a procédé à l'accompagnement de la traduction de la décision critiquée et des recours attachés.

Au surplus, il sera rappelé que l'intéressé a produit une somme de documents en langue espagnole dans le cadre du débat judiciaire, dont il s'est saisi pour justifier de sa situation dans ledit pays, et qu'il en a manifestement saisi le sens.

Ainsi, et même si la langue arabe est sa langue maternelle, il ressort de ces différentes pièces et de son comportement que l'intéressé comprend et pratique l'espagnol de manière courante et il ne peut être constaté d'atteinte à ses droits dès lors que Monsieur [D] [A] a bien signé tous les formulaires de notification lors de son placement en rétention et reconnu avoir été informé de l'ensemble de ses droits conférés par la loi.

Sur le moyen tiré de l'insuffisance des diligences de la préfecture :

Le conseil de Monsieur [D] [A] soutient que la préfecture n'a pas accompli toutes les diligences utiles aux fins de mettre en 'uvre la mesure d'éloignement de son client, notamment en s'abstenant de justifier la preuve de l'envoi aux autorités marocaines d'une demande pour établir sa situation dans ce pays.

L'article L.741-3 du CESEDA dispose qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet et par décisions en du 9 juin 2010, la Cour de cassation a souligné que l'autorité préfectorale se devait de justifier de l'accomplissement de ces diligences dès le placement en rétention, ou, au plus tard, dès le premier jour ouvrable suivant l'organisation de la rétention.

A ce titre, il doit être souligné que la Cour de cassation n'a aucunement, à ce stade de la procédure, entendu mettre en corrélation les périodes de rétention et les démarches produites puisqu'elle a précisément rappelé que les diligences devaient être entreprises dès le placement en rétention et sans nécessité particulière d'avoir à les réitérer si le contexte n'en justifiait pas d'autre.

On peut observer qu'en l'espèce, Monsieur [D] [A] a été placé en rétention administrative le 1er juin 2024, à sa sortie de détention, sur le fondement d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, notifiée le même jour. L'intéressé étant en possession d'un titre de séjour espagnol, les services préfectoraux établissent avoir saisi les autorités consulaires espagnoles de ce document et d'autres pièces justificatives de la situation dès le 16 mai 2024 (carte de résident, passeport, pièces d'identité de proches établis en Espagne et offre d'emploi). En outre, avis leur a été donné du placement effectif de Monsieur [D] [A] en rétention administrative le 1er juin 2024.

S'il n'a pas pu être procédé, de manière concomitante, à l'envoi d'un relevé d'empreintes digitales auprès des services espagnols dédiés et ce, avant le 4 juin 2024, cette carence ne peut être reprochée à l'administration dès lors que l'appelant n'a accepté le principe de ce relevé que le 1er juin 2024, Monsieur [D] [A] s'étant opposé à son extraction à cette fin le 30 mai 2024 et un mouvement de grève de l'administration pénitentiaire en ayant entravé une première réalisation le 17 mai 2024.

Il s'ensuit que toutes les diligences utiles et nécessaires ont bien été effectuées par la préfecture dans la mise en 'uvre de la mesure d'éloignement. En effet, une procédure de mise en oeuvre d'un plan de voyage d'éloignement ayant été sollicité dès le 14 mai 2024, à destination du pays dont Monsieur [D] [A] se réclame, il ne saurait être reproché à la préfecture de ne pas avoir organisé les requêtes nécessaires pour disposer d'un titre de voyage ou d'une reconnaissance permettant admission.

Il est, au surplus, souligné que des renseignements précis ont été produits auprès des interlocuteurs consulaires pour faciliter l'identification de l'intéressé.

A ce stade de la mesure, au vu du caractère complet de la sollicitation, et alors qu'aucun développement particulier n'a été produit par Monsieur [D] [A] pour venir dire en quoi les documents qu'il propose auraient conduit à une analyse plus pertinente de sa demande, il reste raisonnable d'apprécier que la mise en 'uvre d'un plan de vol implique un délai pour être précisément établi. En conséquence, cette attente ne saurait être assimilée à une période de privation de liberté injustifiée pour Monsieur [D] [A] puisque l'administration a valablement matérialisé des engagements qui doivent avoir vocation à l'éloigner.

Si est encore critiqué le fait que l'administration aurait manqué à son obligation de moyens en ne recherchant pas de contact avec les autorités consulaires marocaines, il convient de rappeler que cette obligation n'est que seconde à celle d'un retour vers l'Espagne (conformément à l'arrêté portant renvoi en date du 31 mai 20024) qui doit encore formaliser son accord et qu'en tout état de cause, Monsieur [D] [A] n'a pas contesté cette décision, demande expressément à rentrer en Espagne où il dispose de l'ensemble de ses attaches, ce qui conduit à apprécier qu'il a été, à ce stade, légitimement répondu à sa sollicitation au regard des éléments objectifs de sa situation.

Dans ces circonstances, conformément aux prescriptions de l'article L 741-3, le premier juge à valablement apprécié que toutes les diligences nécessaires, utiles et nécessaires ont été réalisées par l'autorité préfectorale.

Ce moyen ne saurait ainsi prospérer.

Sur le fond :

Si Monsieur [D] [A] est porteur d'un passeport et d'un titre de séjour en Espagne, il ne justifie d'aucune forme d'installation pérenne et régulière sur le territoire national. Il n'est pas inséré sur le plan professionnel. Ses relations apparaissent fragiles et douteuses puisqu'il indique connaître seulement un ancien détenu dont il n'a pas su préciser l'identité.

Il est, de ce fait, dépourvu de toutes garanties sérieuses de représentation et dans ces circonstances, la mesure d'éloignement est de nature à assurer l'exécution de l'obligation de quitter le territoire national délivrée contre l'intéressé.

Enfin, en conformité avec les dispositions de l'article L.741-3 et L.751-9 du CESEDA, cette prolongation est strictement motivée par l'attente d'une réponse consulaire des autorités espagnoles, Monsieur [D] [A] se réclamant résidant de ce pays, et dont la concrétisation n'a pu être raisonnablement opérée durant la période initiale de rétention.

En conséquence, c'est à bon droit que la requête entreprise a été accueillie par le premier juge et il y a lieu d'ordonner la prolongation de la rétention, à compter du 3 juin 2024, pour une période d'un délai maximum de vingt-huit jours dans des locaux non pénitentiaires.

La décision dont appel est donc confirmée.

Dit n'y avoir lieu à condamner le préfet des Côtes d'Armor sur la base des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement,

Déclarons l'appel recevable,

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en date du 3 juin 2024,

Rejetons la demande au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,

Rappelons à Monsieur [D] [A] qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,

Laissons les dépens à la charge du trésor public,

Fait à Rennes, le 05 Juin 2024 à 15H00

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [D] [A], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00235
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;24.00235 ?
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