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05/06/2024 | FRANCE | N°22/03750

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 05 juin 2024, 22/03750


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 22/03750 - N° Portalis DBVL-V-B7G-S3J2













SEMITAN



C/



CPAM [Localité 5]























Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPE

L DE RENNES

ARRÊT DU 05 JUIN 2024



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUDEC lors des débats et lors du prononcé



...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 22/03750 - N° Portalis DBVL-V-B7G-S3J2

SEMITAN

C/

CPAM [Localité 5]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 26 Mars 2024

devant Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, magistrat chargé d'instruire l'affaire, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 29 Avril 2022

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal Judiciaire de NANTES - Pôle Social

Références : 19/06362

****

APPELANTE :

LA [8] ( [8])

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Laurent SAUTEREL, avocat au barreau de LYON substitué par Me Julie HAZART, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Madame [K] [I] en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 1er octobre 2018, la [8] ([8]) (la société) a complété une déclaration d'accident du travail concernant M. [M] [G], salarié en tant que conducteur de véhicules et d'engin, mentionnant les circonstances suivantes :

Date : 1er octobre 2018 ; Heure : 06h45 ;

Lieu de l'accident : [Adresse 7], lieu de travail habituel ;

Activité de la victime lors de l'accident : se rendait à son véhicule professionnel ;

Nature de l'accident : notre agent déclare avoir trébuché sur les butées jaunes d'arrêt de bus, il est tombé sur le côté droit ;

Objet dont le contact a blessé la victime : sol ;

Siège des lésions : Côtes, côté droit ;

Nature des lésions : contusion ;

Horaire de la victime le jour de l'accident : 06h43 à 09h19 et 10h34 à 15h44 ;

Accident connu le 1er octobre 2018 par l'employeur, décrit par la victime.

Le certificat médical initial établi le 1er octobre 2018 par le docteur [V] fait état de 'contusion costale droite - radio en attente, contusion du coude droit avec dermabrasion, douleur de l'épaule droite', avec prescription d'un arrêt de travail et de soins jusqu'au 4 octobre 2018. Les soins ont été prolongés jusqu'au 20 octobre 2018, l'arrêt de travail jusqu'au 7 janvier 2019. Des soins ont de nouveau été prescrits du 25 avril au 11 août 2019. Puis, un nouvel arrêt de travail a été prescrit le 27 mars 2019, prolongé jusqu'au 28 juin 2019.

Par décision du 3 octobre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6] (la caisse) a notifié à la société la prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle.

Par certificat du 4 octobre 2018, le docteur [V] a constaté une nouvelle lésion, une 'fracture 7 et 8ème arc costal', laquelle a été considérée imputable à l'accident du 1er octobre 2018 par le médecin conseil de la caisse.

Par courrier du 25 juillet 2019, la société a contesté devant la commission de recours amiable l'imputabilité de l'ensemble des arrêts de travail et soins prescrits à M. [G] consécutifs à son accident du travail du 1er octobre 2018 puis, en l'absence de décision rendue dans les délais impartis, elle a porté le litige devant le pôle social du tribunal de grande instance de Nantes le 2 octobre 2019.

Par jugement du 29 avril 2022, ce tribunal devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes a :

- débouté la société de son recours ;

- déclaré opposable à la société l'ensemble des soins et arrêts de travail prescrits au titre de l'accident du travail dont a été victime M. [G] le 1er octobre 2018 jusqu'à la consolidation le 11 août 2019 ;

- condamné la société aux dépens.

Par déclaration adressée le 13 juin 2022 par courrier recommandé avec avis de réception, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 11 mai 2022.

Par ses écritures parvenues au greffe le 23 mars 2023, auxquelles s'est référée et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable ;

- infirmer le jugement ;

- constater qu'il existe un différend d'ordre médical portant sur l'imputabilité des soins et arrêts de travail faisant suite à l'accident du 1er octobre 2018 déclaré par M. [G] ;

- en conséquence, réformer le jugement et ordonner une expertise médicale judiciaire, le litige intéressant les seuls rapports caisse/employeur, afin de vérifier la justification des soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse au titre du sinistre en cause ;

- nommer tel expert avec pour missions celles figurant à son dispositif ;

- renvoyer l'affaire à une audience ultérieure pour qu'il soit débattu du contenu du rapport d'expertise ;

- réformer le jugement et déclarer inopposables à son égard les prestations servies n'ayant pas de lien direct, certain et exclusif avec l'accident du 1er octobre 2018 déclaré par M. [G].

Par ses écritures parvenues au greffe le 31 mars 2023, auxquelles s'est référée et qu'a développées sa représentante à l'audience, la caisse demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes en date du 29 avril 2022 ;

- déclarer opposable à la société la totalité des soins et arrêts servis à M. [G] du 1er octobre 2018 jusqu'à la consolidation au 11 août 2019 ;

- débouter la société de sa demande d'expertise ;

- condamner la société à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 - Sur l'opposabilité des arrêts et soins :

Il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'une maladie professionnelle s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime (2e Civ., 17 février 2011, pourvoi n° 10-14.981) et, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, il appartient à l'employeur qui la conteste d'apporter la preuve contraire (2e Civ., 9 juillet 2020, pourvoi n° 19-17.626 ; 2e Civ., 17 février 2022, pourvoi n° 20-20.585 ; 2e Civ., 12 mai 2022, pourvoi n° 20-20.655).

La présomption s'applique aux lésions initiales, à leurs complications, à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident, mais également aux lésions nouvelles apparues dans les suites de l'accident, même en l'absence de continuité de soins et de symptômes et ce, durant toute la période précédant la guérison complète ou la consolidation.

En l'espèce, si la société ne discute pas la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident du 1er octobre 2018, elle conteste en revanche celle des conséquences médicales de cet accident.

Il ressort des certificats médicaux produits par la caisse qu'un arrêt de travail a été prescrit initialement jusqu'au 4 octobre 2018 et a été prolongé jusqu'au 7 janvier 2019 ; que des soins (sans arrêt de travail) ont ensuite été prescrits de manière ininterrompue du 7 janvier au 11 août 2019 ; que des arrêts de travail ont de nouveau été prescrits sans discontinuité du 27 mars au 28 juin 2019. À cette date, il a été prescrit un travail léger pour raison médicale jusqu'au 11 août 2019, date de la consolidation.

En outre, les indications médicales de ces certificats justifiant tant les arrêts que les soins se rapportent dans un premier temps à une 'contusion costale droite et contusion du coude droit avec dermabraison et une douleur de l'épaule droite' avant que le diagnostic soit affiné le 4 octobre 2018, suite à la réalisation d'une radiographie ayant mis en évidence une 'fracture 7ème et 8ème arc costal' ; depuis cette date, les certificats médicaux mentionnent tous 'fractures costales 7ème et 8ème droites'. Une IRM a été réalisée le 25 juin 2019. La persistance des douleurs est par ailleurs constatée depuis le 17 décembre 2018.

Par avis du 19 octobre 2018, le médecin conseil de la caisse a estimé que les nouvelles lésions décrites dans le certificat médical du 4 octobre 2018, 'fractures 7ème et 8ème arc costal' étaient imputables à l'accident du travail du 1er octobre 2018.

Le médecin conseil s'est à nouveau prononcé sur le bien-fondé de l'arrêt de travail le 1er juillet 2019.

Ces éléments médicaux permettent de justifier que les soins et arrêts s'inscrivent dans une continuité de symptômes en lien avec la lésion initiale due à l'accident survenu le 1er octobre 2018.

La caisse bénéficie donc de la présomption d'imputabilité au travail de l'intégralité des arrêts et soins précédant la consolidation de l'état de la victime.

Il appartient à la société qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire, soit celle de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les arrêts de travail postérieurs.

Au soutien de sa demande d'expertise, la société produit l'avis de son médecin de recours, le docteur [N], lequel indique, aux termes de son rapport du 25 février 2022 déjà produit en première instance :

'Suite à l'analyse des pièces à disposition, je constate que M. [G] a présenté le 1er octobre 2018 une fracture des 7ème et 8ème côtes non compliquées.

L'évolution médicale attendue d'une telle pathologie, en l'absence d'état antérieur ou de complication, est une stabilisation fonctionnelle, voire une guérison à échéance de 60 jours, à l'issue d'un traitement médical simple et d'une période de repos adaptée.

[...]

Dans le cas présent, il n'y a aucun argument permettant d'évoquer une évolution médicale défavorable ou la survenance de complications secondaires telles à engendrer un état d'incapacité durable. En particulier, en l'absence de notification sur les certificats de prolongation, il est possible d'écarter formellement l'éventualité de complication pulmonaire, d'un retard d'ossification voire même d'une pseudarthrose costale.

Il n'y a donc pas d'explications médicales à un arrêt de travail de plus de six mois pour un traumatisme thoracique sans caractère de gravité. En particulier, il n'y a pas d'argument en faveur d'une lésion anatomique traumatique telle à générer des douleurs chroniques invalidantes.

Ceci est confirmé par l'absence de séquelles retenues au terme de la consolidation prononcée, bien tardivement, par la caisse.

[...]

Cette consolidation se devait d'être prononcée au plus tard à échéance de 60 jours d'évolution, délai médical nécessaire et suffisant à l'ossification des fractures costales en l'absence de complications avérées.

En conséquence, il apparaît licite de contester l'origine professionnelle des prolongations d'arrêt de travail au-delà du 29 novembre 2018'.

La société invoque la durée excessive des arrêts de travail prescrits à M. [G] (193 jours) et expose que la disproportion entre la bénignité du sinistre et la durée des soins et arrêts ne peut être justifiée que par l'existence d'un état antérieur indépendant et/ou une fixation tardive de la date de consolidation.

Il convient de relever, d'une part, que le caractère disproportionné entre la durée des arrêts de travail et l'accident déclaré est insuffisant pour renverser la présomption d'imputabilité et, d'autre part, que la note technique du docteur [N] ne fait pas mention de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse.

Dès lors qu'aucun doute n'existe quant à la lésion prise en charge par la caisse et qu'il y a une continuité des soins et des symptômes, la durée même apparemment longue des arrêts de travail ne permet pas à l'employeur de présumer que ceux-ci ne sont pas la conséquence de l'accident professionnel.

Au regard de l'ensemble des pièces produites, force est de considérer que les éléments de contestation produits par la société ne sont pas en eux-mêmes de nature à renverser la présomption légale d'imputabilité dès lors qu'elle n'établit pas que les soins et arrêts de travail prescrits et pris en charge au titre de l'accident du travail trouvent leur origine exclusive dans une cause totalement étrangère au travail, ni de nature à créer un doute quant à l'existence d'une cause propre à renverser la présomption d'imputabilité qui s'attache à la lésion initiale de l'accident, à ses suites et à ses complications survenues ultérieurement.

Il résulte de la combinaison des articles 10, 143 et 146 du code de procédure civile que les juges du fond apprécient souverainement l'opportunité d'ordonner les mesures d'instruction demandées. Le fait de laisser ainsi au juge une simple faculté d'ordonner une mesure d'instruction demandée par une partie, sans qu'il ne soit contraint d'y donner une suite favorable, ne constitue pas en soi une violation des principes du procès équitable, tels qu'issus de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou du principe du contradictoire.

Il est justifié dès lors, sans porter atteinte au droit à un procès équitable ou rompre l'égalité des armes entre les parties en refusant d'ordonner une expertise, de dire que la prise en charge des arrêts de travail consécutifs à l'accident du travail est opposable à l'employeur ( 2e Civ., 6 novembre 2014, n° 13-23.414).

Le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.

2 - Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge de la caisse ses frais irrépétibles.

La société sera en conséquence condamnée à lui verser à ce titre la somme de  1 000 euros.

Les dépens de la présente procédure d'appel seront laissés à la charge de la société qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement dans toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

DÉBOUTE la [8] de sa demande d'expertise ;

CONDAMNE la [8] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] une indemnité de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la [8] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 22/03750
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;22.03750 ?
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