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05/06/2024 | FRANCE | N°21/06572

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 05 juin 2024, 21/06572


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 21/06572 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SEGL













Société [5]



C/



CPAM DE LOIRE ATLANTIQUE























Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


>COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 JUIN 2024



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUDEC lors des débats et Madame Ad...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 21/06572 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SEGL

Société [5]

C/

CPAM DE LOIRE ATLANTIQUE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC lors des débats et Madame Adeline TIREL lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 26 Mars 2024

devant Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, magistrat chargé d'instruire l'affaire, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 08 Octobre 2021

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Pole social du TJ de NANTES

Références : 19/3259

****

APPELANTE :

Société [5]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Audrey MOYSAN de la SELARL CEOS AVOCATS, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LOIRE ATLANTIQUE

Service Contentieux

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Madame [U] [X], en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 3 janvier 2018, M. [R] [O], salarié de la société [5] (la société) en tant que maçon coffreur, a déclaré une maladie professionnelle en raison d'une 'tendinopathie de l'épaule gauche'.

Le certificat médical initial, établi le 5 décembre 2017 par le docteur [T], fait état de cette pathologie, avec prescription d'un arrêt de travail jusqu'au 15 décembre 2017.

Par courrier du 12 juillet 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique (la caisse), après instruction et avis de son service médical, a informé la société de sa décision de prendre en charge de la maladie 'rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche' de M. [O] au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles.

Le 10 septembre 2018, la société a contesté cette décision devant la commission de recours amiable puis, en l'absence de décision dans les délais impartis, elle a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes le 12 novembre 2018.

Par jugement du 8 octobre 2021, ce tribunal devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes a :

- débouté la société de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la société aux entiers dépens ;

- débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration adressée par courrier recommandé avec avis de réception le 19 octobre 2021, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 13 octobre 2021.

Par ses écritures parvenues au greffe le 13 mars 2024, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour de :

- dire et juger la société recevable et bien fondée en son appel ;

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- débouter la caisse de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- dire et juger inopposable à son égard la prise en charge, au titre des risques professionnels, de la maladie déclarée par M. [O] ;

- dire et juger que l'ensemble des conséquences financières résultant de la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. [O] ne soit pas à sa charge et ne figure pas à son compte employeur ;

- condamner la caisse à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la caisse aux entiers dépens de l'instance.

Par ses écritures parvenues au greffe le 19 juillet 2022, auxquelles s'est référée et qu'a développées sa représentante à l'audience, la caisse demande à la cour de :

- confirmer purement et simplement le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes le 8 octobre 2021 ;

- débouter la société de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner la société aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. Sur le caractère professionnel de la maladie :

L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale pose une présomption d'origine professionnelle au bénéfice de toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Fixés par décret, les tableaux précisent la nature des travaux susceptibles de provoquer la maladie, énumèrent les affections provoquées et le délai dans lequel la maladie doit être constatée après la cessation de l'exposition du salarié au risque identifié pour être prise en charge.

Il est de jurisprudence constante que la désignation des maladies figurant dans les tableaux présente un caractère limitatif, en sorte que ne peuvent relever de ce cadre de reconnaissance de maladie professionnelle les affections n'y figurant pas.

En cas de contestation par l'employeur de la décision de prise en charge d'une affection au titre d'un tableau de maladie professionnelle, il incombe à l'organisme social de rapporter la preuve de la réunion des conditions exigées par le tableau, à peine d'inopposabilité de sa décision.

La maladie déclarée doit correspondre précisément à celle décrite au tableau, avec tous ses éléments constitutifs et doit être constatée conformément aux éléments de diagnostic éventuellement prévus (2e Civ., 17 mai 2004, n° 03-11.968).

Toutefois, il appartient au juge de rechercher si l'affection déclarée figure au nombre des pathologies désignées par le tableau invoqué, sans s'arrêter à une analyse littérale du certificat médical initial (2e Civ., 9 mars 2017, n° 16-10.017 ; 2e Civ., 9 juillet 2020, pourvoi n° 19-13.862) ou sans se fier au seul énoncé formel du certificat médical initial (2e Civ., 14 mars 2019, n° 18-11.975).

Dans l'hypothèse où le certificat médical initial ne mentionne pas le libellé exact d'une maladie d'un tableau, la maladie retenue est caractérisée lorsque le médecin conseil fonde son avis sur un élément extrinsèque (2e civ., 7 avril 2022, pourvoi n°20-19.664).

Le tableau n°57 A des maladies professionnelles relatif aux affections périarticulaires de l'épaule provoquées par certains gestes et postures de travail vise les maladies suivantes :

- la tendinopathie aiguë non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs ;

- la tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM ou un arthroscanner en cas de contre-indication à l'IRM';

- la rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM ou un arthroscanner en cas de contre-indication à l'IRM.

Sur la désignation de la pathologie

La société fait valoir qu'il existe un conflit médical entre l'appréciation du médecin traitant et celle du médecin conseil de la caisse ; que l'avis de ce dernier n'est corroboré par aucune pièce versée aux débats et ne peut suffire à qualifier la pathologie déclarée par M. [O] ; que la Cour de cassation rappelle que l'avis du médecin traitant est prédominant ; que la décision de la caisse apparaît mal fondée et qu'en l'absence de concordance de la maladie désignée aux pièces médicales avec l'une des pathologies décrites au tableau n°57 A et de saisine du CRRMP, la caisse ne pouvait pas prendre en charge cette déclaration au visa de ce tableau.

En l'espèce, il est constant que la déclaration de maladie professionnelle et le certificat médical initial visent une tendinopathie de l'épaule gauche et ne reprennent pas le libellé exact d'une des maladies inscrites au tableau n°57 A.

La caisse a pris en charge la maladie 'rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche' au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles au regard des conclusions du colloque médico-administratif du 22 juin 2018, aux termes desquelles le médecin conseil de la caisse a rendu un avis favorable à la reconnaissance de la maladie en indiquant un code syndrome 057 AAM 96F et comme libellé complet du syndrome une 'rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche', objectivée par une IRM réalisée le 13 janvier 2018. Il a relevé que les conditions médicales étaient remplies.

Il apparaît ainsi que l'avis favorable du médecin conseil à la prise en charge de la pathologie retenue est manifestement fondé sur un élément médical extrinsèque, en l'occurrence une IRM, de sorte que la caisse rapporte suffisamment la preuve que la condition médicale du tableau est remplie.

Sur l'exposition au risque

Le tableau n°57 A des maladies professionnelles vise, au titre de la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer une rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs, les 'travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction :

- avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé

ou

- avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.'

Le délai de prise en charge est d'un an, sous réserve d'une durée d'exposition d'un an.

Le bénéfice de la présomption légale n'exige pas une exposition continue et permanente du salarié au risque pendant son activité professionnelle (2e Civ., 21 janvier 2010, n° 09-12.060).

En l'espèce, dans le cadre de l'enquête diligentée par la caisse, M.[O] a renseigné un questionnaire le 4 février 2018 aux termes duquel il indique avoir été embauché par la société le 4 septembre 2006, travailler 39 heures par semaine à raison de 5 jours par semaine en tant que maçon coffreur, travailler constamment debout à une hauteur comprise entre 1,20 et 2 mètres, en extérieur et utiliser les outils suivants : burineur, marteau piqueur, perceuse, meuleuse à bout de bras.

Il a indiqué avoir les coudes à un angle supérieur à 60° et à 90° de façon continue pendant 8 heures et toute l'année, en effectuant les actions suivantes : coffrage, coulage, perçage, meulage, pose de parpaing, ferraillage, désétaiement. S'agissant du mouvement circulaire de l'avant bras, M. [O] a précisé effectuer des mouvements des deux côtés continuellement toute l'année, en effectuant les actions suivantes : travail avec la truelle, pose d'étaie.

Dans un document intitulé 'Descriptif du poste de travail de M. [O]' remis à l'agent enquêteur, l'employeur précise que M. [O] a été embauché le 4 septembre 2006 et est maçon coffreur en CDI, sur un rythme de 39 heures sur cinq jours ; que dans la majorité des cas, il est affecté au poste planchers ; qu'il pratique du coffrage traditionnel (pas de coffrage outil). Il relève également que M. [O] est titulaire de plusieurs mandats de représentation du personnel et que compte tenu de ses absences, il n'a travaillé que 53 % du temps sur la période du 4 décembre 2016 au 4 décembre 2017. Il considère que les durées de travaux indiquées dans le descriptif du poste doivent donc être pondérées au regard de la durée réelle de travail. Il affirme que M. [O] n'effectue pas de manière habituelle au niveau des épaules des mouvements d'abduction sans soutien à des angles de 60° ou 90° et certainement pas selon la durée quotidienne prévue au tableau n°57 des maladies professionnelles.

L'employeur affirme également que depuis le 9 juillet 2015, M. [O] exerce le métier de coffreur plancher alors qu'auparavant il était coffreur bancheur, métier qui selon M. [B], supérieur hiérarchique de M. [O], sollicite davantage les épaules et implique plus de gestes à la verticale, la manipulation des plaques et une utilisation plus fréquente des outils vibrants de manière occasionnelle, soit 2 à 3 heures tous les quinze jours. Ce dernier précise également que s'agissant du métier de coffreur plancher 'cette utilisation est moindre et répartie sur une équipe de quatre personnes'.

La société décrit les activités réalisées par un coffreur plancher ainsi :

'- étaiement : mise en oeuvre manuelle d'étais métalliques (15 kilogrammes) sur lesquels sont disposées des poutrelles bois (12 kilogrammes) pour recevoir et soutenir les prédalles (durée maximum 5 heures par jour) ;

- pose des prédalles : elles sont manutentionnées à la grue, l'opérateur se charge de les guider au moment de la pose sur l'étaiement (durée maximum 1.5 heures par jour) ;

- ferraillage du plancher : mise en oeuvre des armatures complémentaires et ligaturage, les colis d'armatures (15 kilogrammes) sont approvisionnées par la grue, la mise en place définitive se fait manuellement (durée maximum 3 heures par jour) ;

- coulage du plancher : le béton est approvisionné et distribué avec la grue, il est réglé manuellement au râteau et avec une règle (durée maximum 1.5 heures par jour)'.

L'employeur ajoute que les équipements suivants sont utilisés : la grue de chantier, le vibreur à béton et la règle pour dresser le béton.

Il évalue les gestes effectués par M. [O] en abduction à 60° à '1h/1h30 par jour de manière discontinue et non prolongée'. Cette évaluation a été opérée par M. [B], lequel, à la date de l'enquête, est directeur de travaux depuis environ un an. Il est mentionné qu'auparavant il était conducteur de travaux et qu'à ces deux titres, il est effectivement le supérieur hiérarchique de M. [O] et l'a vu travailler sur les chantiers, notamment lorsqu'il était conducteur de travaux, ce qui est moins le cas désormais.

Il est en outre constant que suivant avis du 9 juillet 2015, le docteur [C], médecin du travail, a constaté l'aptitude au travail de M. [O] avec un aménagement nécessaire selon ces termes : 'pas de travail bras au-dessus des épaules ou bras en rotation externe de manière répétitive et prolongée ou en force (peut effectuer ce type de geste de manière ponctuelle, inférieur à 2mn mais toujours sans effort de manutention violente associée. Éviter les manutentions manuelles de charges lourdes.'

Interrogé par l'agent enquêteur de la caisse, M. [O], à la question 'votre employeur fait état de restrictions médicales émises par le médecin du travail depuis le 9 juillet 2015, qu'en-est-il ' Votre poste a t-il été effectivement aménagé conformément à ces avis restrictifs '' a répondu : 'il n'y a eu aucune modification ni aménagement de mon poste de travail, je continue à travailler comme tous mes collègues. Quand c'est trop difficile, mon collègue m'aide. J'ai continué à utiliser l'outillage, y compris le marteau piqueur de manière occasionnelle même si je n'avais pas le droit de fait'.

A la question 'Qui peut témoigner de vos conditions de travail '', il a indiqué qu'il travaillait souvent avec M. [R] [W] ; que son supérieur hiérarchique direct, le conducteur de travaux, était [Z] qui a été remplacé par M. [S] [B].

En vue de la préparation de sa visite dans les locaux de la société, l'agent enquêteur de la caisse avait sollicité de l'employeur la présence de M. [W]. Le procès-verbal de constatation du 14 juin 2018 établi par cet agent fait état de ce que le dirigeant de la société n'a pas fait droit à sa demande estimant que ce dernier (appelé [L] dans ce procès-verbal) n'avait que peu travaillé avec M. [O] sur les périodes récentes. L'agent enquêteur a déploré le fait que d'autres collègues de celui-ci n'avaient pas été invités. Seul avait été convié par l'employeur M. [B], supérieur hiérarchique de M. [O], dont les propos ont été retranscrits supra.

Alors qu'il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a mis en oeuvre les préconisations du médecin du travail, les seules affirmations de celui-ci, du reste contredites par M. [O], ne permettent pas d'établir l'effectivité du changement de poste allégué, étant relevé qu'il n'a pas été permis à l'enquêteur de la caisse d'entendre le salarié que M. [O] avait désigné comme susceptible d'attester de ses conditions de travail, ni aucun autre salarié travaillant habituellement avec lui sur un poste équivalent.

En tout état de cause, si l'évaluation faite par M. [O] de la durée journalière des travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction est très probablement surestimée, il apparaît néanmoins que l'ensemble des éléments sus-rappelés et la description des tâches confiées à M. [O] telles que décrites par l'employeur permettent suffisamment de retenir une mobilisation certaine des épaules en abduction sans soutien avec un angle de 60° a minima pendant deux heures par jour en cumulé et ce pendant au moins une année au regard de son ancienneté dans le poste.

Le fait que M. [O] soit titulaire d'une décharge de temps de travail en raison de mandats de représentation est à ce titre indifférent.

Il en résulte que la caisse rapporte la preuve que les conditions du tableau n°57 A sont remplies de sorte que la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies processionnelles n'était pas nécessaire.

La présomption d'imputabilité de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale s'applique et la société n'allègue ni ne justifie que l'affection litigieuse présente une cause totalement étrangère au travail.

2. Sur le respect du principe du contradictoire au cours de la procédure d'instruction :

Sur l'obligation d'information de la caisse sur la maladie instruite

La société fait valoir que la décision de prise en charge de la caisse doit lui être déclarée inopposable à défaut pour cette dernière d'avoir respecté son obligation d'information quant à la maladie précisément instruite.

La caisse doit instruire la demande de prise en charge d'une maladie professionnelle sans être tenue par le tableau visé par la déclaration et il lui appartient d'informer l'employeur d'un éventuel changement de qualification de la maladie (Civ 2ème, 19 décembre 2013 n°12-28.726).

Il appartient ainsi à la caisse d'informer l'employeur lorsque la prise en charge est envisagée sur la base d'un tableau qui n'est pas celui auquel renvoie le certificat médical initial (2e Civ., 17 septembre 2009, n 08-18.703, Bull.,II, n 222 ;19 décembre 2013, n 12-28.726 ; 7 mai 2014, n 13-14. 050 ; 21 janvier 2016, n 14-29.419 ).

L'obligation d'information ne pèse sur la caisse qu'en présence d'une requalification emportant modification du tableau pertinent.

En l'espèce, la déclaration de maladie professionnelle et le certificat médical initial indiquent 'tendinopathie de l'épaule gauche' et ne visent aucun tableau de maladie professionnelle.

Par courrier du 29 janvier 2018, la société a été informée de la transmission par M. [O] d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle sur la base d'un certificat médical indiquant 'tendinopathie de l'épaule gauche'.

Le médecin conseil, aux termes du colloque médico administratif, a estimé que la maladie en cause était une 'rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche' à la lecture de l'IRM réalisée.

La société a été informée par courrier du 22 juin 2018 réceptionné le 26 juin 2018 que la maladie en cause était une 'rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche' inscrite dans le tableau n°57 des maladies professionnelles, que l'instruction du dossier était terminée, que la décision interviendrait le 12 juillet 2018 et qu'elle avait la possibilité de consulter les pièces constitutives du dossier, ce qu'elle a fait.

Par courrier du 12 juillet 2018, la caisse a informé la société que la maladie prise en charge était une 'rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche' inscrite dans le tableau n°57 des maladies professionnelles.

Etant relevé que les tendinopathies de la coiffe des rotateurs et la rupture de la coiffe des rotateurs figurent dans le même tableau n°57 des maladies professionnelles, il n'a été procédé par la caisse à aucune modification du tableau concerné et celle-ci a clairement porté à la connaissance de l'employeur la maladie instruite et prise en charge, l'a mis en mesure de prendre connaissance des éléments susceptibles de lui faire grief et a de ce fait répondu aux exigences de l'article R 441-14 du code de la sécurité sociale.

La société ne saurait davantage reprocher à la caisse de ne pas avoir mentionné le tableau spécial (A, B, C, D ou E) dans ses courriers alors que la déclaration de maladie professionnelle et le certificat médical initial font explicitement mention d'une pathologie de l'épaule, ne pouvant que se rattacher à la partie A du tableau n°57.

Le principe du contradictoire a donc été respecté et les premiers juges seront approuvés en ce qu'ils ont rejeté ce moyen.

Sur la communication des certificats médicaux de prolongation

La société fait valoir que la décision de prise en charge de la caisse doit lui être déclarée inopposable à défaut pour cette dernière d'avoir mis à sa disposition les certificats médicaux de prolongation lorsqu'elle a sollicité la communication des pièces du dossier.

En application de l'article R. 441-14, 'dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.'

Aux termes de l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige :

'Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre :

1°) la déclaration d'accident et l'attestation de salaire ;

2°) les divers certificats médicaux,

3°) les constats faits par la caisse primaire ;

4°) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties ;

5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ;

6°) éventuellement le rapport de l'expert technique.

Il peut à leur demande être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur, ou à leurs mandataires.'

La Cour de cassation juge de façon constante que la caisse a satisfait à son obligation d'information dès lors qu'elle a informé l'employeur de la clôture de l'instruction et l'a invité, préalablement à sa prise de décision, à consulter le dossier pendant un délai imparti, le mettant ainsi en mesure de prendre connaissance des éléments susceptibles de lui faire grief et de contester la décision (2e Civ., 13 mars 2014, pourvoi n° 13-12.509).

La caisse n'est pas tenue de communiquer à l'employeur une pièce qu'elle ne détient pas et dont l'établissement n'est pas obligatoire (2e Civ., 10 décembre 2009, pourvoi n 08-20.593, 2e Civ., Bull. 2009, II, n 286).

Afin d'assurer une complète information de l'employeur, dans le respect du secret médical dû à la victime, le dossier présenté par la caisse à la consultation de celui-ci doit contenir les éléments recueillis, susceptibles de lui faire grief, sur la base desquels se prononce la caisse pour la reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie ou d'un accident. Il en résulte que ne figurent pas parmi ces éléments les certificats ou les avis de prolongation de soins ou arrêts de travail, délivrés après le certificat médical initial, qui ne portent pas sur le lien entre l'affection, ou la lésion, et l'activité professionnelle.

Ces certificats médicaux emportent des conséquences uniquement sur la durée de l'incapacité de travail avant guérison ou consolidation de la victime et n'ont pas à être communiqués à l'employeur qui conteste le caractère professionnel de la maladie.

En l'espèce, la société a été informée par courrier du 22 juin 2018 réceptionné le 26 juin 2018 que la maladie en cause était prévue par le tableau n°57 des maladies professionnelles, que l'instruction du dossier était terminée, que la décision interviendrait le 12 juillet 2018 et qu'elle avait la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier.

Il est constant que la société a sollicité la caisse par contact téléphonique le 26 juin 2018, laquelle lui a transmis les pièces constitutives du dossier par courrier électronique du 29 juin 2018.

La société reconnaît avoir eu connaissance des éléments suivants :

- le courriel de la caisse du 29 juin 2018 (pièce 13)

- le colloque médico-administratif (pièce 14)

- l'enquête administrative (pièce 15)

- le procès-verbal de contact téléphonique (pièce 16)

- le procès-verbal de constatation du 14 juin 2018 (pièce 17)

- le procès-verbal de constatation du 20 juin 2018 (pièce 18)

- le questionnaire assuré (pièce 19).

La caisse a ainsi satisfait à son obligation d'information.

Il s'ensuit qu'aucun manquement au principe du contradictoire n'est caractérisé et le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Il sera ajouté que la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée par M. [O] est opposable à la société.

Compte tenu de ce qui précède, la demande de la société tendant à voir juger que l'ensemble des conséquences financières résultant de la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. [O] ne soit pas à sa charge et ne figure pas à son compte employeur est sans objet.

3. Sur les dépens

Les dépens de la procédure d'appel seront laissés à la charge de la société qui succombe à l'instance et qui de ce fait ne peut prétendre à l'application des dispositions l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement dans toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

DÉCLARE opposable à la société [5] la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. [O] le 3 janvier 2018 ;

DIT que la demande de la société [5] tendant à voir juger que l'ensemble des conséquences financières résultant de la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. [O] ne soit pas à sa charge et ne figure pas à son compte employeur est sans objet ;

CONDAMNE la société [5] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 21/06572
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;21.06572 ?
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