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05/06/2024 | FRANCE | N°21/02328

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 05 juin 2024, 21/02328


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°293



N° RG 21/02328 -

N° Portalis DBVL-V-B7F-RRFO













M. [P] [M]



C/



S.A.S.U. YOU CONSULT

















Confirmation













Copie exécutoire délivrée

le :



à :

-Me Arnaud FOUQUAUT

-Me Marie VERRANDO





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COU

R D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 JUIN 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience pub...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°293

N° RG 21/02328 -

N° Portalis DBVL-V-B7F-RRFO

M. [P] [M]

C/

S.A.S.U. YOU CONSULT

Confirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Arnaud FOUQUAUT

-Me Marie VERRANDO

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 Mars 2024

devant Madame Nadège BOSSARD et Monsieur Philippe BELLOIR, magistrats tenant l'audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [W] [G], médiatrice judiciaire,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT et intimé à titre incident :

Monsieur [P] [M]

né le 19 Décembre 1985 à [Localité 5] (INDE)

demeurant [Adresse 4]

[Localité 3]

Ayant Me Arnaud FOUQUAUT, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représenté à l'audience par Me Baptiste FAUCHER, Avocat plaidant du Barreau D'ANGERS

INTIMÉE et appelante à titre incident :

La S.A.S.U. YOU CONSULT prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Pierre ANFRAY, Avocat plaidant du Barreau de PARIS

La SAS YOU CONSULT a pour activité de concevoir, de fabriquer, de promouvoir et de commercialiser des tableaux d'art digitaux sous la marque "ART DESIGN PAINTING".

En avril 2017, M. [L] [T], président de la société YOU CONSULT, a rencontré M. [P] [M], qui suivait une formation de 'Community Manager '- au sein de l'ESECAD.

Dans le cadre de cette formation, une convention de stage a été conclue entre la société YOU CONSULT et M. [M] pour la période du 10 juillet 2017 au 14 août 2017.

Le 2 octobre 2017 la SAS YOU CONSULT a procédé au recrutement de M. [M] dans le cadre d'un contrat à durée déterminée pour un accroissement temporaire d'activité en qualité de Business Developper, qualification employé, niveau 1, coefficient 120.

La durée du contrat était de six mois, soit jusqu'au 31 mars 2018.

La convention collective applicable était la convention SYNTEC.

Le 1er avril 2018, le contrat de M. [M] a été renouvelé pour une période de cinq mois, soit jusqu'au 31 août 2018 pour accroissement temporaire d'activité aux mêmes conditions salariales.

Le 1er septembre 2018, la société YOU CONSULT a procédé au recrutement de M. [M] dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité d'International Business Developper au coefficient 310, position 2-2 de la convention collective SYNTEC.

Le 31 janvier 2019, M. [M] a démissionné.

Le lendemain, il a été placé en arrêt maladie jusqu'à la fin de son préavis conventionnel d'un mois.

M. [M] a ensuite décidé de créer une société, K-HILL AGENCY, exerçant dans le même secteur d'activité que son ex-employeur.

Le 2 avril 2019, la SAS YOU CONSULT a mis en demeure M. [M] de cesser des activités qu'il estimait relever de la concurrence déloyale. Elle lui a également opposé un accord de confidentialité et d'exclusivité du 2 mai 2017.

Le 16 mai 2019, le conseil de M. [M] a contesté l'accusation de concurrence déloyale.

Par acte en date du 5 juin 2019, la SAS YOU CONSULT a assigné M. [M] devant le Tribunal de Grande Instance d'Angers, en sa formation de référé, pour concurrence déloyale et violation d'un accord de confidentialité et d'exclusivité conclu le 2 mai 2017 en dehors des relations salariales contractuelles. Cette assignation a été déclarée irrecevable pour erreur sur le destinataire de 1'assignation.

Le 15 novembre 2019, la SAS YOU CONSULT a assigné la société K-HILL AGENCY devant le Tribunal de commerce d'Angers pour obtenir qu'il soit mis fin aux actes de concurrence déloyale de la société K-HILL AGENCY et qu'elle soit condamnée à réparer le préjudice en découlant pour la SASU YOUCONSULT.

Le 1er juillet 2019, M. [M] a saisi le Conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de :

' Dire et juger que :

- la SAS YOU CONSULT s'était rendue coupable de travail dissimulé,

- M. [M] devait être positionné en qualité d'ETAM, position 2.2, coefficient 310, dès le commencement de l'exécution du contrat de travail,

- l'accord de confidentialité et d'exclusivité conclu le 2 mai 2017 entre la SAS YOU CONSULT et M. [M] était nul et de nul effet,

- l'employeur s'était rendu coupable d'une exécution déloyale du contrat de travail,

' Condamner la la SAS YOU CONSULT à verser M. [M] les sommes suivantes :

- 10.602 € au titre du travail dissimulé,

- 4.961,93 € à titre de rappels de salaires du 20 avril au 10 juillet 2017,

- 469,19 € à titre de congés payés afférents,

- 2.635,45 € à titre de rappels de salaires du 15 août au 30 septembre 2017,

- 263,55 € à titre de congés payés afférents,

- 1.100 € à titre de rappels de salaires sur requalification professionnelle,

- 110 € à titre de congés payés afférents,

- 3.000 € au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- 2.500 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Remise des bulletins de salaire régularisés outre la communication des documents de fin de contrat rectifiés, à savoir : le certificat de travail, le solde

de tout compte et l'attestation Pôle Emploi,

' Remise des documents ci-dessus sous astreinte de 150 € par jour de retard passé le délai de 10 jours a compter de la notification du jugement à intervenir,

' Intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil pour les sommes ayant un caractère de salaire et à compter du jugement à intervenir pour les autres sommes ayant la nature indemnitaire, avec capitalisation,

' Exécution provisoire du jugement à intervenir,

' Condamner la partie défenderesse aux entiers dépens.

La Cour est saisie de l'appel interjeté par M. [M] le 12 avril 2021 contre le jugement du 18 mars 2021, par lequel le Conseil de prud'hommes de Nantes a :

' Dit qu'il convenait d'appliquer à M. [M] le niveau position 2.2, coefficient 310, et ce rétroactivement du 1er octobre 2017 au 31 août 2018 en conformité avec la qualification ETAM mentionnée sur le bulletin de salaire depuis l'origine du contrat signé le 1er octobre 2017,

' Condamne la SAS YOU CONSULT à payer à M. [M] les sommes suivantes :

- 1.100 € bruts à titre de rappel de salaire pour requalification professionnelle,

- 110 € bruts à titre de congés payés afférents,

' Lesdites condamnations étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil, soit le 1er juillet 2019, lesdits intérêts produisant eux-mêmes intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil,

' Ordonné à la SAS YOU CONSULT de remettre à M. [M] les documents sociaux rectifiés conformément au présent jugement (bulletin de salaire récapitulatif des sommes dues, solde de tout compte et attestation Pôle Emploi),

' Dit qu'il n'y avait pas lieu d'assortir cette remise d'une astreinte,

' S'est déclaré incompétent pour statuer sur validité de l'accord de confidentialité et d'exc1usivité conclu le 2 mai 2017, litige faisant par ailleurs déjà l'objet d'une autre instance devant le Tribunal de commerce d'Angers,

' Condamné la SAS YOU CONSULT à payer à M. [M] la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Débouté M. [M] de toutes ses autres demandes,

' Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,

' Débouté la SAS YOU CONSULT de sa demande reconventionnelle au titre de 1'article 700 du code de procédure civile,

' Condamné la SAS YOU CONSULT aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 24 octobre 2023 suivant lesquelles M. [M] demande à la Cour de :

' Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nantes du 18 mars,2021 en ce qu'il :

- s'est déclaré incompétent pour statuer sur la validité de l'accord de confidentialité et d'exclusivité conclu le 2 mai 2017 entre M. [M] et la SAS YOU CONSULT, litige faisant par ailleurs l'objet d'une autre instance devant le Tribunal de commerce d'Angers,

- débouté M. [M] de toutes ses autres demandes,

Statuant de nouveau,

' Dire et juger que :

- la SAS YOU CONSULT s'est rendue coupable de travail dissimulé,

- M. [M] doit être positionné en qualité d'ETAM, position 2.2, coefficient 310 dès le commencement d'exécution du travail au service de la SAS YOU CONSULT,

- l'employeur s'est rendu coupable d'une exécution déloyale du contrat de travail de son salarié,

' Prononcer la nullité de l'accord de confidentialité et d'exclusivité conclu le 2 mai 2017 entre la SAS YOU CONSULT et M. [M],

' Condamner la SAS YOU CONSULT à verser M. [M] les sommes suivantes :

- 10.602 € au titre du travail dissimulé,

- 4.961,93 € à titre de rappels de salaires du 20 avril au 10 juillet 2017,

- 469,19 € à titre de congés payés afférents,

- 2.635,45 € à titre de rappels de salaires du 15 août au 30 septembre 2017,

- 263,55 € à titre de congés payés afférents,

- 1.100 € à titre de rappels de salaires sur requalification professionnelle,

- 110 € à titre de congés payés afférents,

- 3.000 € au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- 2.500 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Ordonner la délivrance des bulletins de paie régularisés outre la communication des documents de fin de contrat rectifiés, à savoir : le certificat de travail, le solde de tout compte et l'attestation Pôle Emploi,

' Dire que cette obligation sera assortie d'une astreinte de 150 € par jour de retard passé le délai de 10 jours à compter de la notification du jugement à intervenir,

' Allouer les intérêts de droit à compter du jour de la demande pour les sommes ayant une nature salariale et à compter du jour de la décision pour les sommes ayant une nature indemnitaire, lesdits intérêts portant capitalisation,

' Condamner la SAS YOUCONSULT aux entiers dépens.

' Débouter la SAS YOU CONSULT de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 24 septembre 2021, suivant lesquelles la SAS YOU CONSULT demande à la Cour de :

' Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Nantes le 18 mars 2021 en ce qu'il a :

- débouté M. [M] de sa demande de condamnation :

- au titre du travail dissimulé,

- de la SAS YOUCONSULT pour exécution déloyale du contrat de travail,

- jugé être incompétent pour statuer sur la validité de l'accord de confidentialité et d'exclusivité conclu le 2 mai 2017,

' Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Nantes le 18 mars 2021 en ce qu'il a :

- condamné la SAS YOUCONSULT à payer à M. [M] les sommes de 1.100 € bruts à titre de rappel de salaire pour requalification professionnelle et 110 € bruts à titre de congés payés afférents,

Statuant à nouveau,

' Débouter M. [M] de sa demande :

- de requalification professionnelle

- sur la délivrance des bulletins de paie et des documents de fin de contrat régularisés et de sa demande d'astreinte subséquente,

- quant aux intérêts,

- d'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- de condamnation de la SAS YOUCONSULT au paiement des entiers dépens de la procédure,

' Condamner M. [M] à payer à la SAS YOUCONSULT la somme de 7.151 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamner M. [M] aux entiers dépens de la procédure.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 mars 2024.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties aux conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les dommages et intérêts pour travail dissimulé et les rappels de salaire au titre des périodes du 20 avril au 10 juillet 2017 et du 15 août au 30 septembre 2017

Pour infirmation à ce titre, le salarié expose avoir été employé au cours de deux périodes distinctes sans contrat de travail et sans contrepartie au travail réalisé, en amont et en aval de sa période de stage au sein de la société YOU CONSULT. Il précise avoir prêté son concours à la société YOU CONSULT du 20 avril 2017 au 10 juillet 2017, puis du 15 août 2017 au 30 septembre 2017, sans contrat de travail, ni contrepartie. Il ajoute que la prime sur objectifs versée à la fin du mois de décembre correspondait en réalité à la rémunération de la dissimulation de l'activité exercée au mois de septembre.

Pour confirmation à ce titre, la société YOUCONSULT expose que les attestations de MM. [U] et [K] doivent être écartées des débats et qu'elles ne prouvent aucune prestation de travail sur les périodes considérées. Elle ajoute que la prime sur objectifs du mois de décembre est une prime sans lien avec la période d'avril à juillet 2017 et d'août à septembre 2017, dès lors que d'autres primes dites d'objectifs ont été versées de la même manière en avril 2018, en octobre 2018 et en janvier 2019. Elle précise qu'en l'absence de versement d'une rémunération, aucune relation de travail salariée ne peut être caractérisée et que le défaut de lien de subordination empêche la qualification de contrat de travail.

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Selon l'article L.8221-5 du même code en sa rédaction applicable au présent litige, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Selon l'interprétation constante de l'article L.1221-1 du code du travail, le contrat de travail se caractérise par l'existence d'un lien de subordination du salarié à l'égard de son employeur qui a le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, de contrôler l'exécution de son travail et de sanctionner les manquements de son subordonné. La seule volonté des parties est impuissante à soustraire un salarié au statut social qui découle nécessairement des conditions d'accomplissement de son travail. Ainsi l'existence d'une relation de travail dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du salarié.

L'existence d'une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle. Élément essentiel du contrat de travail, le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail.

En l'absence de contrat écrit, il incombe à celui qui revendique un contrat de travail d'en apporter la preuve.

L'employeur demande au terme des motifs de ses dernières conclusions, et non repris dans son dispositif, d'écarter les pièces adverses n°14, 15 et 19 en ce qu'elles ne rempliraient pas les conditions réglementaires posées par les articles 200 et suivants du code de procédure civile et en ce que M. [U] et M. [K] attestent, sur les trois attestations produites, n'avoir aucune communauté d'intérêts avec M. [M].

La Cour est régulièrement saisie de ce moyen de défense au fond ayant trait à l'appréciation de la valeur et de la portée probatoire d'un élément de preuve produit par une partie, même si aucune prétention en ce sens n'est reprise au dispositif.

La Cour rappelle qu'en matière prud'homale, la preuve est libre et qu'il lui appartient d'apprécier librement la force de ces attestations.

Par ailleurs, les dispositions de l'article 202 ne sont pas sanctionnées par la nullité. Enfin, la société YOUCONSULT ne précise pas en quoi l'irrégularité constatée aurait constitué l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public lui faisant grief.

Dès lors, la Cour n'écarte pas des débats les pièces du salarié n°14, 15 et 19.

Concernant la matérialité de la prestation de travail salariale du 20 avril au 10 juillet 2017, les SMS produits en pièce n°4 par le salarié ne permettent pas d'établir une prestation de travail salariée de M. [M] pour le compte de la société YOUCONSULT mais relèvent d'échanges autour du réseau de M. [M] dans le secteur du football et de prospecting. Il n'est établi aucun lien de subordination ni aucune rémunération sur la période pouvant faire présumer, avec une prestation de travail, un contrat de travail.

Ces échanges relèvent de discussions entre un apporteur d'affaire, M. [M], et un client, la société YOUCONSULT, ainsi qu'il ressort des échanges de SMS du 23 août 2017 dans lesquels M. [M] écrit à M. [T] : 'quelles solutions aurais-tu pour me payer ma commission sans passer par un auto entrepreneur ' J'en cherche mais je ne sais pas si c'est possible. Que je fasse une facture comme si je vendais un article à artdesingpainting en tant que particulier ''. Il ressort également de la suite desdits échanges SMS que M. [T] lui répond 'Mais admettons que cela soit possible ! Ce serait un mensonge ! Ce que je ne sais pas faire'.

Ces échanges ne permettent dès lors pas d'établir une relation de travail entre un salarié et son employeur.

Concernant la matérialité de la relation de travail salariée du 15 août au 30 septembre 2017, l'attestation de M. [U] en date du 26 juin 2019 n'apporte aucun élément probant relatif à la matérialité d'une prestation de travail salariée de M. [M] pour la société intimée. Si sa première attestation, en date du 19 juin 2019 est, elle, bien relative aux relations de travail entre M. [M] et la société YOUCONSULT, elle n'apporte toutefois aucun élément permettant de démontrer que M. [M] aurait accompli une prestation de travail salariée au bénéfice de la société YOUCONSULT entre le 15 août 2017 et le 30 septembre 2017 en ce que M. [U] se contente de relever qu'au cours du mois de septembre 2017, M. [M] était souvent en télétravail et qu'il venait de temps en temps au bureau de Nantes. Etant donné que M. [M] a été embauché le 2 octobre 2017, les quelques allers et retours effectués par M. [M] au bureau de Nantes au mois de septembre ne suffisent pas à caractériser une relation de travail salariée antérieure au 2 octobre, d'autant que M. [U] n'a pas été présent au début du mois de septembre, pour avoir débuté son contrat de travail le 18 septembre 2017.

De même la facture produite en pièce n°13 par M. [M] et datée du 23 septembre 2017 ne permet pas d'établir qu'elle a été faite par M. [M], ni même qu'elle correspondrait à une commande qu'il aurait réalisée en ce que seul le nom de la société YOUCONSULT est mentionné sur celle-ci.

Enfin, l'attestation de M. [K] ne permet pas plus d'établir la matérialité de la relation de travail salariée en ce qu'il s'agit d'un témoin indirect qui reprend les déclarations de M. [M], qui indique que ce dernier lui 'a fait part de la mise en place et du début de son contrat en CDD pour le début octobre 2017".

M. [M] ne rapporte aucunement la preuve d'actes matériels justifiant d'une prospection réelle qui aurait été réalisée à la demande et sous le pouvoir de direction de YOUCONSULT durant ces deux périodes, les SMS produits par ailleurs ne constituant que des échanges entre M. [T] et M. [M] desquels il ne ressort pas que M. [M] a activé son réseau à la demande de la société YOUCONSULT, ni même pour en faire bénéficier la société antérieurement au 2 octobre 2019.

Au surplus, si des relations professionnelles peuvent être caractérisées par l'attestation de Mme [J], tout comme par les échanges de SMS produits, aucun élément ne permet de caractériser un lien de subordination, ni même une rémunération, antérieurement au 2 octobre 2019, date à laquelle un contrat de travail a été conclu entre les parties.

Les éléments de la cause ne permettent dès lors pas de démontrer l'existence d'un contrat de travail.

La preuve d'une relation de travail salariée n'étant pas rapportée, M. [M] sera débouté de sa demande au titre du travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, en confirmation du jugement entrepris.

Au regard de ce qui précède, la Cour confirme également le jugement entrepris en ce qu'elle déboute M. [M] de sa demande tendant à faire condamner la société YOUCONSULT au paiement de la somme de 8 330,12 euros au titre des rappels de salaires correspondant aux périodes du 20 avril au 10 juillet 2017 et du 15 août au 30 septembre 2017, pour lesquelles aucune relation de travail salariée n'a pu être établie.

Sur la nullité de l'accord de confidentialité et d'exclusivité du 2 mai 2017 et la compétence des juridictions prud'homales :

M. [M] entend faire prononcer la nullité de l'accord de confidentialité conclu le 2 mai 2017 au motif que cet accord serait en réalité une clause de non-concurrence dissimulée. Il l'estime nul en ce qu'il a été conclu pendant une période de travail illégale, et en ce qu'il serait illicite car d'une durée de 10 ans, sans limites géographiques, et sans contrepartie financière.

La société YOUCONSULT estime qu'il n'est pas de la compétence de la juridiction prud'homale de connaître de la validité de l'accord de confidentialité et d'exclusivité. Sur le fond, la société YOUCONSULT expose qu'elle développe des techniques particulières qu'elle entend protéger aux termes d'accords de confidentialité qu'elle conclut systématiquement avec tous les interlocuteurs auxquels elle révèle tout ou partie des informations techniques ou commerciales relatives à son activité.

Aux termes du code du travail, la juridiction prud'homale règle les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.

Si la juridiction prurd'homale est seule compétente pour connaître de l'application d'une clause de non-concurrence, elle n'est pas compétente pour statuer sur la demande en réparation de l'employeur pour des actes de concurrence déloyale commis par un ancien salarié postérieurement à la rupture du contrat de travail.

Il résulte des articles L. 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination, lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution.

L'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.

L'existence d'un lien de subordination n'est pas incompatible avec une indépendance technique dans l'exécution de la prestation.

En l'espèce, la preuve d'un contrat de travail et la réalité du lien de subordination alléguée ne sont pas rapportés.

Dès lors, l'accord conclu le 2 mai 2017 est un contrat civil échappant à la juridiction du conseil de prud'hommes, lequel n'est compétent que pour traiter des contestations soulevées à l'occasion d'un contrat de travail, conformément à l'article L. 1411-1 du code du travail.

Par ailleurs, par assignation en date du 15 novembre 2019 la société YOUCONSULT a saisi le tribunal de commerce d'Angers afin qu'il soit mis fin aux actes de concurrence déloyale qu'elle constatait et d'être dédommagée du préjudice en découlant.

Le litige qui oppose les parties sur ce point ne relève pas de la compétence du Conseil de prud'hommes.

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce que le Conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent pour traiter de la validité de l'accord de confidentialité et d'exclusivité signé entre les parties antérieurement à la relation de travail salariée et dont les conséquences jugées dommageables par l'intimé sont apparues postérieurement à la rupture du contrat de travail.

Sur les rappels de salaire pour requalification professionnelle :

Pour confirmation à ce titre, le salarié estime avoir toujours été 'International Business Developper', et ainsi antérieurement à son contrat à durée indéterminée officialisant ce poste.

Pour infirmation à ce titre, l'employeur rétorque qu'il y a eu une erreur matérielle sur les bulletins de paie, et qu'avant son contrat à durée indéterminée, il n'était que 'business developper', poste correspondant à la catégorie employé de la convention collective, dont les fonctions consistent 'en l'exécution d'opérations simples et répétitives reproduisant des modes opératoires en nombre limité et préalablement démontrés'.

La détermination de la catégorie professionnelle du salarié s'apprécie d'après les fonctions réellement exercées par celui-ci.

En l'espèce, le contrat de travail à durée déterminée pour accroissement temporaire d'activité en date du 2 octobre 2017 prévoit que le salarié exerce une fonction de « Business Developper », qualification Employé, Niveau 1, coefficient 120.

Ce coefficient n'apparaît pas dans la convention collective applicable versée en procédure par l'employeur.

Le second contrat de travail à durée déterminée signé le 30 avril 2018 reprenait ces dispositions.

Le contrat de travail à durée indéterminée signé le 27 août 2018 et prenant effet au 1er septembre 2018 prévoyait une rémunération de 1.767 euros bruts, correspondant au coefficient applicable au salarié occupant une position 2.2 au sens de la convention collective SYNTEC, laquelle 'implique la connaissance des méthodes, procédés et moyens propres à une technique et l'initiative d'établir entre eux les choix appropriés'.

Les bulletins de salaire antérieurs à la signature du contrat de travail à durée indéterminée font apparaître l'intitulé du poste 'International Business Developper qualification ETAM de la convention collective SYNTEC', et non la qualification 'Employé', tel que mentionné dans les deux premiers contrats de travail.

Le niveau et le coefficient en référence à la convention collective ne sont mentionnés sur les bulletins de paie qu'à compter du 1er septembre 2018 et ils indiquent une qualification et un emploi inchangés depuis le 1er octobre 2017, date de début du premier contrat à durée déterminée.

Il ne ressort pas des pièces de la procédure que la prestation de travail salariée de M. [M] ait significativement été modifiée à compter du 1er septembre 2018. Il y a donc continuité des fonctions réellement exercées depuis le premier contrat salarié de M. [M] le liant à la SAS YOU CONSULT .

Il convient donc d'appliquer à M. [M] le niveau position 2.2 et le coefficient 310 rétroactivement à la date 1er octobre 2017, en conformité avec la qualification ETAM mentionnée sur les bulletins de salaire depuis l'origine du contrat de travail.

La Cour déboute la société YOU CONSULT de son appel incident de ce chef et confirme le jugement du Conseil de Prud'hommes qui a alloué à M.[M] la somme de 1.100 euros à titre de rappel de salaire pour requalification professionnelle, ainsi que la somme de 110 euros au titre des congès payés afférents, pour la période du 1er octobre 2017 au 31 août 2018.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

M. [M] sollicite que la société YOUCONSULT soit condamnée à lui payer la somme de 3.000 euros au titre d'une déloyauté contractuelle, sans préciser ni démontrer en quoi la relation contractuelle a été exécutée de manière déloyale.

En ce que le salarié intègre cette demande indemnitaire dans ses développements sur la nullité de l'accord de confidentialité et d'exclusivité, pour laquelle la Cour s'est déclarée incompétente, sans développer aucun moyen propre à ce chef de demande concernant la période du 1er octobre 2017 au 31 août 2018, et au regard des pièces versées aux débats, il n'apparaît aucun agissement de l'employeur de nature à caractériser une déloyauté contractuelle.

M. [M] sera débouté de ce chef de demande en confirmation du jugement entrepris.

Sur la remise des documents sociaux

La demande de remise de documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision est fondée en son principe, sans qu'il y ait lieu à astreinte.

Le jugement entrepris est confirmé à ce titre.

Sur l'anatocisme

En application de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu'elle est régulièrement demandée ; il sera donc fait droit à cette demande du salarié.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Les dépens d'appel sont à la charge de l'employeur, partie partiellement succombante.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge du salarié l'intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur est débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

CONDAMNE la société YOU CONSULT à verser à M. [M] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre la somme déjà allouée en première instance sur ce fondement ;

DÉBOUTE la société YOU CONSULT de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société YOU CONSULT aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/02328
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;21.02328 ?
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