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05/06/2024 | FRANCE | N°20/06309

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 05 juin 2024, 20/06309


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 20/06309 - N° Portalis DBVL-V-B7E-RGFZ













S.A.S.U. [5] VENANT AUX DROITS DE LA SOCIE TE [4]



C/



URSSAF PAYS DE LA LOIRE























Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM

DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 JUIN 2024



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère



GREFFIER :



Mme Adeline TI...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 20/06309 - N° Portalis DBVL-V-B7E-RGFZ

S.A.S.U. [5] VENANT AUX DROITS DE LA SOCIE TE [4]

C/

URSSAF PAYS DE LA LOIRE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Mme Adeline TIREL lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Avril 2024

devant Madame Véronique PUJES, magistrat chargé d'instruire l'affaire, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 27 Novembre 2020

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Pole social du TJ de NANTES

Références : 19/01620

****

APPELANTE :

S.A.S.U. [5] VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE [4]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Jean-edouard ROBIOU DU PONT, avocat au barreau de NANTES, et par Mme. Swann ROUSSEAU (Elève avocate)

INTIMÉE :

URSSAF PAYS DE LA LOIRE

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Me Sabrina ROGER de la SARL SABRINA ROGER AVOCAT, avocat au barreau de NANTES

EXPOSÉ DU LITIGE

A la suite d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires 'AGS', réalisé par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Pays de la Loire (l'URSSAF) sur la période allant du 1er janvier 2012 au 30 septembre 2013, la société [5], venant aux droits de la société [4] (la société) s'est vu notifier le 21 octobre 2015 une lettre d'observations portant sur cinq chefs de redressement pour un montant de 49 679 euros.

Par lettre du 27 novembre 2015, la société a indiqué à l'URSSAF qu'elle n'était pas en mesure de répondre dans le délai d'un mois imparti, et qu'elle communiquerait des éléments avant le 18 décembre 2015.

En réponse, par lettre du 3 décembre 2015, les inspecteurs ont rappelé que la société disposait d'un délai de trente jours pour formuler ses observations et ont confirmé les redressements.

Le 8 décembre 2015, l'URSSAF a adressé à la société une nouvelle lettre d'observations, portant sur quatre chefs de redressement pour un montant de 6 855 euros, annulant et remplaçant celle du 21 octobre 2015, et portant sur la période du 1er janvier 2013 au 30 septembre 2013.

L'URSSAF a notifié à la société une mise en demeure du 4 février 2016, portant sur un montant de 7 938 euros, soit 6 855 euros en cotisations et 1 083 euros en majorations de retard, dont la société s'est acquittée.

Le 12 février 2016, la société a contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable puis, en l'absence de décision dans les délais impartis, a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes le 2 mai 2016.

Par décision du 29 mars 2016, notifiée par lettre du 23 mai 2016, la commission a rejeté ce recours.

Par jugement du 27 novembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes, devenu compétent, a :

- déclaré recevable le recours introduit par la société ;

- débouté cette dernière de sa demande d'annulation du redressement notifié par lettre d'observations en date du 8 décembre 2015 ;

- débouté la même du surplus de ses demandes ;

- condamné la même aux entiers dépens de l'instance ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration adressée le 22 décembre 2020 par communication électronique, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 7 décembre 2020.

Par ses écritures parvenues au greffe le 29 septembre 2022, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour de :

- dire et juger qu'elle est recevable et bien fondée en son appel et ses écritures ;

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions critiquées ;

Statuant à nouveau,

- annuler l'entier redressement en ce que :

* les inspecteurs du recouvrement n'étaient pas compétents pour procéder aux opérations de contrôle ;

* la lettre d'observations est imprécise quant au mode de calcul des redressements ;

* la lettre d'observations est erronée s'agissant de la mention de la 'période vérifiée' ;

* l'URSSAF n'apporte pas la preuve de l'envoi de la lettre d'observations ;

* la lettre de mise en demeure est imprécise quant à la nature des sommes réclamées et quant au montant des sommes réclamées ;

* ladite lettre ne précise pas la cause des sommes réclamées ;

* l'URSSAF n'a pas respecté le délai de restitution des documents remis par la société contrôlée ;

* l'URSSAF n'a pas respecté la procédure gracieuse ;

- condamner l'URSSAF à lui rembourser la somme de 7 938 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 février 2016 ;

A titre subsidiaire, par réformation du jugement déféré,

- dire et juger que le redressement opéré est nul du fait de l'accumulation d'erreurs commises par l'URSSAF ;

- condamner l'URSSAF à lui rembourser la somme de 7 938 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 février 2016 ;

En toute hypothèse,

- condamner l'URSSAF à lui payer la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter l'URSSAF de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;

- condamner l'URSSAF aux éventuels dépens.

Par ses écritures parvenues au greffe par RPVA le 9 mai 2022, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, l'URSSAF demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- confirmer le bien-fondé des chefs de redressement notifiés par lettre d'observations du 8 décembre 2015 ;

- confirmer le bien-fondé de la mise en demeure du 4 février 2016, pour un

montant global de 7 938 euros (6 855 euros de cotisations et 1 083 euros de majorations de retard) ;

- condamner la société au paiement des sommes restant dues, au titre de la mise en demeure notifiée le 4 février 2016 à hauteur de 7 938 euros (6 855 euros de cotisations et 1 083 euros de majorations de retard) et ce, sans préjudice des éventuelles majorations de retard restant à courir jusqu'au complet paiement ;

- rejeter toutes les demandes de la société.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient d'examiner successivement les moyens développés par la société au soutien de son appel.

1. Sur le défaut de pouvoir des inspecteurs et la régularité subséquente des opérations de contrôle

Au soutien de sa demande de nullité des opérations de contrôle, l'appelante fait valoir que son moyen ne tend pas, contrairement à ce que semble insinuer le pôle social, à faire grief aux agents d'avoir refusé de présenter leurs cartes professionnelles, mais à reprocher à l'URSSAF de ne pas avoir apporté la preuve de la compétence professionnelle (serment + agrément) des agents ayant procédé au contrôle contesté ; que l'agrément par l'ACOSS et l'assermentation devant le tribunal sont bien deux exigences autonomes que les inspecteurs du recouvrement doivent remplir en application de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, mais dont l'URSSAF en l'espèce ne rapporte pas la preuve.

Sur ce :

Aux termes de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, les agents chargés du contrôle sont assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.

Il n'est pas démontré que l'arrêté du 5 mai 2014 modifié dont se prévaut l'appelante est applicable au litige, son article 7 précisant qu'il n'est pas applicable aux agents déjà en fonction.

Quoiqu'il en soit, aux termes de l'article L. 243-9 du même code, 'avant d'entrer en fonctions, les agents de l'organisme chargés du contrôle prêtent, devant le tribunal d'instance, serment de ne rien révéler des secrets de fabrication et en général des procédés et résultats d'exploitation dont ils pourraient prendre connaissance dans l'exercice de leur mission. Toute violation de serment est punie des peines fixées par l'article 226-13 du code pénal.'

Comme l'a jugé la Cour de cassation, les conditions d'assermentation sont distinctes de celles qui régissent l'agrément des agents chargés du contrôle ( 2e Civ., 9 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.808 et pourvoi n° 19-12.572), en sorte que la seule décision prise par le directeur de l'ACOSS d'agréer un agent en qualité d'inspecteur de recouvrement ne peut suffire à retenir que nécessairement le même agent a prêté serment avant d'entrer en fonction.

Il a également été jugé que l'irrégularité ou l'omission de la formalité d'agrément ou d'assermentation prive les agents de leur pouvoir de contrôle, et, dès lors, entraîne la nullité de tous les actes postérieurs qui en sont la conséquence (2e Civ., 12 mai 2021, pourvoi n° 20-11.941).

Au cas particulier, l'URSSAF justifie par la production de la photocopie des cartes d'identité professionnelles respectives et par la production des décisions d'agrément de chacun des inspecteurs ayant procédé au contrôle qu'ils étaient régulièrement assermentés et agréés.

S'agissant de leur agrément, il convient de retenir que M. [F] a été agréé à effet du 1er janvier 2004 (décision d'agrément du 19 mars 2004) et que M. [E] a été agréé à effet du 23 mars 2007 (décision d'agrément du 10 mai 2007).

Les cartes d'identité respectives reprennent ces dates d'agrément.

S'agissant de leur prestation de serment, les cartes d'identité professionnelles mentionnent les dates d'assermentation de ces agents : 5 décembre 2000 pour M. [F] et 13 septembre 2005 pour M. [E].

Il s'en déduit que l'URSSAF rapporte la preuve que les deux inspecteurs étaient régulièrement investis des pouvoirs conférés par la loi lors des opérations de contrôle, sans qu'il y ait lieu d'exiger la production au dossier des procès-verbaux de prestation de serment.

Aucune nullité des opérations de contrôle n'est encourue de ce chef.

2. Sur la régularité de la lettre d'observations

2-1. Sur l'envoi de la lettre d'observations

La société soutient que l'URSSAF ne démontre pas lui avoir adressé la lettre d'observations du 8 décembre 2015.

L'URSSAF verse cependant aux débats (sa pièce n°2) l'accusé de réception de la lettre d'observations du 8 décembre 2015, lequel comporte le tampon de la société associé à une signature dont il n'est pas soutenu qu'elle émane d'une personne non habilitée pour recevoir la lettre, ainsi que la date du 10 décembre 2015 ; les références de cet accusé de réception sont par ailleurs les mêmes que celles de la lettre recommandée afférente à la lettre d'observations ( 2C 099 810 5 749 2).

Le moyen soulevé à ce titre par la société est donc inopérant.

2-2. Sur la période vérifiée

La société soutient que la mention de la période vérifiée dans la lettre d'observations du 8 décembre 2015 (janvier à septembre 2013) est erronée puisque les vérifications ont en réalité porté sur une période plus importante débutant le 1er janvier 2012 ; que ce n'est pas parce que les inspecteurs du recouvrement n'ont pas procédé à un redressement au titre de l'année 2012 qu'ils étaient autorisés à passer cette année-là sous silence dans la lettre d'observations ; que la mention de la période vérifiée constitue une formalité substantielle sanctionnée par la nullité sans qu'il y ait lieu de justifier d'un grief.

L'URSSAF réplique que s'il était initialement prévu que le contrôle porte sur la période du 1er janvier 2012 au 30 septembre 2013, il a été décidé finalement de la restreindre en excluant l'année 2012 compte tenu de la prescription des cotisations ; que cette décision n'a aucunement fait grief à la cotisante puisqu'elle a abouti à un résultat plus favorable pour elle.

Sur ce

Selon l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, 'A l'issue du contrôle, les agents chargés du contrôle communiquent au représentant de la personne morale contrôlée ou au travailleur indépendant contrôlé une lettre d'observations datée et signée mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle'.

La Cour de cassation juge de manière constante que les mentions requises par l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale sont des formalités substantielles de la procédure de contrôle et dont le manquement entraîne la nullité des opérations de contrôle.

Il est exact en l'espèce que la période vérifiée a été réduite dans la lettre d'observations du 8 décembre 2015 ; c'est ainsi qu'alors que la période contrôlée s'étendait du 1er janvier 2012 au 30 septembre 2013 (cf l'avis de contrôle du 17 février 2015 et la première lettre d'observations du 21 octobre 2015), les inspecteurs du recouvrement ont ramené la période vérifiée aux neuf premiers mois de l'année 2013, réduisant d'autant le montant du redressement.

Cette modification n'entache aucunement la régularité de la lettre d'observations du 8 décembre 2015 dès lors que la période vérifiée y est bien mentionnée et qu'elle est incluse dans la période contrôlée.

Le moyen est de ce fait inopérant.

2-3. Sur le mode de calcul des redressements

L'appelante fait valoir qu'en droit, l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale prévoit notamment que la lettre d'observations doit mentionner le mode de calcul du redressement envisagé et qu'en l'espèce, la lettre d'observations ne précise ni le mode de calcul, ni la base ni la cause du redressement et que partant, la cour, comme le conseil de la société, sont dans l'impossibilité absolue de comprendre le calcul par lequel l'URSSAF aboutit à 6 855 euros à titre de redressement.

L'URSSAF réplique que la lettre d'observations querellée répond aux exigences d'information posées par les textes applicables et par la jurisprudence, et assure la parfaite connaissance de la société quant à son obligation.

Sur ce :

La lettre d'observations du 8 décembre 2015 détaille quatre chefs de redressements envisagés :

1. frais professionnels non justifiés-repas de proximité ;

2. indemnités de grand déplacement - salariés logés par l'entreprise ;

3. limites d'exonération des paniers de chantier ;

4. indemnités kilométriques non justifiées.

Pour chacun d'eux, les inspecteurs ont rappelé les textes et principes applicables, les constatations qu'ils ont été amenés à faire au cours de l'examen des différentes pièces notamment comptables qu'ils ont consultées (dont ils ont donné la liste en exergue de la lettre d'observations), l'assiette retenue et les taux appliqués aux différentes catégories d'assujettissement du personnel et les montants en cotisations en rappelant les dispositions spécifiques de calcul des taux de la cotisation FNAL et du Versement transport.

Ils ont procédé au rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance-chômage et AGS, d'un montant total de 6 855 euros en rappelant qu'à défaut de paiement immédiat, des majorations de retard seraient appliquées conformément aux dispositions de l'article R. 243-18 du code de la sécurité sociale.

La jurisprudence constante de la Cour de cassation n'exige pas que la lettre d'observations fournisse des indications détaillées sur chacun des chefs de redressement ou sur leur mode de calcul (2e Civ., 20 juin 2007, pourvoi n°06-16.227 ; 2e Civ., 12 juillet 2018, pourvoi n° 17-10.327).

Au cas particulier, en l'état des mentions de cette lettre d'observations, la cotisante a été suffisamment informée des omissions et erreurs qui lui sont reprochées, ainsi que des bases du redressement proposé, et mise en mesure d'y répondre (2e Civ., 11 mars 2010, pourvoi n° 09-10.860, 9 juillet 2015).

Aucune nullité de la lettre d'observations n'est encourue de ce chef.

3. Sur la régularité de la mise en demeure

La société fait valoir que la mise en demeure est imprécise quant à la nature et le montant des sommes réclamées et reste taisante sur la cause de celles-ci.

L'URSSAF soutient au contraire que la mise en demeure ne souffre d'aucune irrégularité.

Sur ce :

La mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elle précise, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice (2e Civ., 9 février 2017, pourvoi n° 16-12.189).

Il convient de relever que la mise en demeure du 4 février 2016, réceptionnée par la société le 9 février 2016 (sa pièce n° 7), mentionne, outre le délai d'un mois pour s'acquitter des sommes réclamées :

- le motif de recouvrement : Contrôle - chefs de redressements notifiés le 08/12/2015 -article R. 243-9 et L. 243-7 et R. 243-18-1 du code de la sécurité sociale) ;

- la nature des cotisations : 'régime général' ;

- la période de référence : année 2013 ;

- les montants en cotisations et majorations de retard ;

pour un montant total en cotisations de 6 855 euros et en majorations de retard de 1 083 euros, soit un total de 7 938 euros.

Force est de constater que ces mentions précises et complètes permettent à la société de connaître la cause, la nature et l'étendue de ses obligations.

La société est mal fondée à soutenir que cette mise en demeure serait irrégulière au motif inopérant que le montant des cotisations réclamées n'est pas ventilé par chef de redressement.

S'agissant de la date de notification du redressement figurant sur cette mise en demeure, une erreur a bien été commise par l'organisme en ce qu'il est fait référence à la lettre d'observations notifiée le 8 décembre 2015 alors qu'il s'agit de la date de ladite lettre d'observations et non de sa notification.

Cette simple erreur matérielle relative à la date de notification n'entache en rien la connaissance que pouvait avoir la société de la nature de l'obligation, exactement réclamée au titre du régime général, par la référence qui était expressément faite au contrôle et renvoie à la dernière lettre d'observations reçue par la société, peu important sa date de réception, le montant de l'obligation étant identique à celui détaillé dans la lettre d'observations, ainsi qu'aux périodes auxquelles elle se rapporte (2e Civ., 10 novembre 2011, pourvoi n° 10-22.775).

Par ailleurs, au verso de cette mise en demeure sont rappelées les modalités de calcul des majorations de retard, conformément aux dispositions de l'article R.243-18 du code de la sécurité sociale.

Ainsi, même s'il n'est donné aucun détail de calcul, le cotisant est informé de la nature, de la cause et de l'étendue de ses obligations. Il est en mesure de vérifier le montant réclamé ( 2e Civ., 14 février 2019, pourvoi n°17-31.796), le mode de calcul et l'assiette des majorations de retard étant indiqué.

La demande de nullité de la mise en demeure sera en conséquence rejetée.

4. Sur la restitution des données informatiques

Au soutien de sa demande d'annulation du redressement, la société fait valoir que dans leur avis de contrôle les inspecteurs ont demandé, par application des dispositions de l'article R. 243-59-1 du code de la sécurité sociale, qu'elle mette les fichiers informatiques à leur disposition sur support informatique, ce qu'elle a fait ; que ces fichiers ne lui ont été restitués que le 19 avril 2016, soit postérieurement à la date de mise en recouvrement, formalisée par l'envoi de la lettre de mise en demeure, datée du 4 février 2016, en sorte que les inspecteurs ont violé les dispositions de l'article précité et que le redressement est nul.

Au cas particulier, l'avis de contrôle était accompagné d'une 'liste des documents nécessaires à la vérification à compter du 1er janvier 2012" que les inspecteurs souhaitaient voir tenir à leur disposition et précisant : 'conformément aux dispositions de l'article R. 243-59-1 du code de la sécurité sociale, nous souhaitons la mise à disposition, de préférence sur un support CD-ROM, des copies des données détaillées ci-dessous, sous forme de fichiers informatiques Excel, à défaut, compatible avec ce format'.

Cette demande s'appliquait à un certain nombre de fichiers énumérés comme suit (pour l'essentiel) :

- les DADS et tableaux récapitulatifs,

- livres de paie mensuels et annuels ventilés par rubrique (charges salariales et patronales),

- états justificatifs des allégements, des assiettes versement transport, des frais professionnels et des avantages en nature ventilée mensuellement comprenant un ensemble d'éléments dont la liste était précisée, et notamment nom de l'autorité organisatrice de transport, code INSEE du lieu de travail, taux de Versement transport, salaire brut, nombre d'heures rémunérées, nombre d'heures supplémentaires, maintien de salaire en cas de maladie, montant des indemnités de congés payés, base Versement transport, montant Versement transport, réductions Fillon, loi TEPA (taux horaire, montant Fillon, réduction et déduction), autres allégements,

- calculs et répartition de l'intéressement et de la participation,

- fiche individuelle récapitulative des salaires,

- états des honoraires et autres rémunérations (DAS 2), comptabilité générale : bilans - balances générales - comptes de résultats et annexes - détail des frais généraux - grand livre des comptes généraux,

- livres de trésorerie, d'opérations diverses et journaux auxiliaires ; compte du comité d'entreprise.

Cette énumération se terminait par la mention suivante : 'Ces copies nécessaires à la vérification vous seront restituées contre accusé de réception avant la fin du contrôle.'

En sus de ces documents, dont il convient de retenir qu'il s'agit pour l'essentiel des documents comptables que la société est réglementairement tenue d'établir, s'ajoutait une liste de documents administratifs et juridiques, une liste de documents sociaux et une liste de documents spécifiques ASSEDIC.

Enfin cette liste comportait une rubrique intitulée 'documents comptables et financiers' comprenant :

- toutes pièces comptables justificatives,

- justificatifs de remboursement de frais de déplacement et notes de service,

- copie des déclarations fiscales concernant la société.

Sur ce :

Il résulte de l'article R. 243-59, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, que les employeurs et les travailleurs indépendants sont tenus de présenter aux inspecteurs du recouvrement ' tout document et de permettre l'accès à tout support d'information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l'exercice du contrôle'.

L'article R. 243-59-1 du code de la sécurité sociale complète ce texte en prévoyant des modalités spécifiques d'accès aux documents et informations conservés par des moyens informatiques.

Dans sa version en vigueur du 1er septembre 2007 au 11 juillet 2016 et applicable aux faits de la cause, l'article R 243-59-1 du code de la sécurité sociale énonce que 'Lorsque la tenue et la conservation des documents et des informations, qui doivent être mis à disposition de l'inspecteur du recouvrement à sa demande, sont réalisées par des moyens informatiques, il peut être procédé aux opérations de contrôle par la mise en oeuvre de traitements automatisés en ayant recours au matériel informatique utilisé par le cotisant sous réserve de son consentement. En cas d'opposition du cotisant, ce dernier confirme sa position par écrit. Il met alors à la disposition de l'inspecteur du recouvrement les copies des documents, des données et des traitements nécessaires à l'exercice du contrôle. Ces copies sont faites sur un support informatique répondant aux normes définies par l'inspecteur du recouvrement et sont restituées avant l'engagement de la mise en recouvrement.

L'employeur ou le travailleur indépendant peut demander à effectuer lui-même tout ou partie des traitements automatisés nécessaires aux opérations de contrôle. Dans ce cas, l'inspecteur du recouvrement lui indique par écrit les traitements à réaliser ainsi que les délais accordés pour les effectuer.'

Il ne résulte pas de la demande accompagnant l'avis de contrôle que les inspecteurs ont demandé à l'employeur la possibilité de mettre en oeuvre un traitement automatisé avec les moyens informatiques de ce dernier, mais au contraire, qu'ils lui ont demandé d'effectuer lui-même les traitements à réaliser dans l'intervalle de leur arrivée dans ses locaux, en mettant à leur disposition la copie des documents sous forme dématérialisée (un enregistrement sur CD-ROM au format EXCEL ou compatible).

Il n'est pas allégué que les inspecteurs ont travaillé sur l'outil informatique de la société et cette dernière a spontanément remis les copies informatiques des données et des traitements nécessaires à l'exercice du contrôle comme elle le reconnaît elle-même dans ses écritures (page 24).

A cet égard et comme le fait valoir l'URSSAF, il a bien été demandé, pour pouvoir effectuer le contrôle la mise à disposition des documents nécessaires à la vérification des déclarations, comme classiquement, et que pour ce faire, ainsi qu'elle l'indique sans être contredite, la société a présenté les documents de paie et de comptabilité tout au long du contrôle, entre avril et octobre 2015.

Par application des dispositions précitées, ce n'est que lorsque les documents devant servir au contrôle sont réalisés par voie informatique et que le cotisant s'oppose à la mise à disposition des contrôleurs de son matériel informatique, que la copie effectuée sur un support informatique doit être restituée avant l'engagement de la mise en recouvrement.

Cette procédure spécifique n'ayant pas été mise en oeuvre, l'argument afférent à la restitution des documents postérieurement à la date de mise en recouvrement ne peut utilement prospérer, à défaut de fondement de droit, nonobstant l'engagement pris par les inspecteurs avec l'avis de contrôle.

Aucun manquement au respect du principe du contradictoire ne peut au surplus être retenu dès lors que les données compilées utilisées pour pratiquer les différents redressements ont été communiquées avec la lettre d'observations, sur le CD-ROM qui était joint.

5. Sur la régularité de la procédure gracieuse mise en oeuvre par l'organisme

L'appelante fait valoir que par lettre du 12 février 2016, elle a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF en contestation du redressement opéré, que par lettre du 17 février 2016, l'expert juridique de l'URSSAF a accusé réception du recours en précisant qu'elle disposait d'un délai de deux mois pour saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale à l'expiration du délai d'un mois à compter de l'envoi de son courrier et que ce faisant, l'URSSAF fait une fausse application de l'article R. 142-6 du code de la sécurité sociale.

Elle ajoute que le respect de la phase gracieuse, par le requérant, est une condition fondamentale de la recevabilité de son recours et qu'en le 'shuntant', l'organisme l'a privée du recours gracieux préalable prévu expressément par la loi et, en conséquence, a méconnu le droit au procès équitable affirmé par l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Sur ce :

La société qui a obtenu la réponse de la commission de recours amiable (laquelle a constaté qu'aucun motif de contestation n'était articulé au soutien de son recours) et dont la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale a été déclarée recevable, n'a été privée, nonobstant les indications erronées qui lui auraient été données sur le délai imparti pour saisir la juridiction, d'aucun droit fondamental.

A supposer les modalités de la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale inexactement portées à sa connaissance, ce défaut ne peut avoir pour effet d'entraîner la nullité du redressement dans son entier. Il a seulement pour effet de permettre de saisir la juridiction sans que le délai de forclusion puisse lui être opposé.

Il s'ensuit que ce moyen est inopérant.

6. Sur le moyen tiré de l'accumulation d'erreurs de l'URSSAF

La société fait valoir, à titre subsidiaire, que l'accumulation d'erreurs et d'omissions commises par l'URSSAF ne lui a pas permis d'avoir une exacte connaissance par recoupement avec la lettre d'observations, de la cause et de l'étendue de ses obligations, de sorte que le redressement devra être annulé.

En l'absence d'erreurs quant à la lettre d'observations et la mise en demeure, et au regard de tout ce qui précède, ce moyen n'est pas plus fondé que les précédents.

La société ne tirant aucune conséquence du surplus des critiques qu'elle formule, la décision entreprise sera confirmée.

En l'état de l'ensemble des éléments qui précèdent, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions, la cour y ajoutant la condamnation de la société au paiement en deniers ou quittance valable de la somme réclamée en vertu de la mise en demeure, d'un montant de 7 938 euros, sans préjudice des éventuelles majorations de retard restant à courir jusqu'à complet paiement.

7. Sur les dépens

L'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale étant abrogé depuis le 1er janvier 2019, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société [5] à payer en deniers ou quittance valable à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Pays de la Loire la somme de 7 938 euros, sans préjudice des éventuelles majorations de retard restant à courir jusqu'à complet paiement ;

Condamne la société [5] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 20/06309
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;20.06309 ?
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