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05/06/2024 | FRANCE | N°20/05905

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 05 juin 2024, 20/05905


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 20/05905 - N° Portalis DBVL-V-B7E-REBI













Société [8]



C/



URSSAF BRETAGNE





















Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE

RENNES

ARRÊT DU 05 JUIN 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère



GREFFIER :



Monsieur [N] [D] lors des débats et lors du prononc...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 20/05905 - N° Portalis DBVL-V-B7E-REBI

Société [8]

C/

URSSAF BRETAGNE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Monsieur [N] [D] lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 Mars 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 15 Octobre 2020

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal Judiciaire de Rennes - Pôle Social

Références : 15/00264

****

APPELANTE :

LA Société [8]

[Adresse 1]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Hélène LAUDIC-BARON de la SELARL LBP AVOCAT, avocat au barreau de RENNES substituée par Me Julien CHAINAY, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

L'UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES BRETAGNE

[Adresse 10]

[Localité 3]

représentée par Madame [Z] [M] en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE :

Dans le cadre d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires 'AGS' réalisé par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Bretagne (l'URSSAF) sur la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, la société [8] (la société) s'est vu notifier une lettre d'observations du 3 juin 2014 portant sur sept chefs de redressement.

Par courrier du 27 juin 2014, la société a formulé des observations sur trois chefs de redressement : les chèques cadeaux, les cadeaux offerts par l'employeur et les frais professionnels non justifiés.

En réponse, par courrier du 2 juillet 2014, l'inspecteur a maintenu les redressements tels que notifiés dans la lettre d'observations. La société a adressé un nouveau courrier à l'inspecteur le 25 juillet 2014.

L'URSSAF a adressé une mise en demeure pour chacun des trois établissements de la société le 20 août 2014 tendant au paiement des cotisations notifiées dans la lettre d'observations et des majorations de retard y afférentes.

Contestant les trois chefs de redressement, la société a saisi la commission de recours amiable le 13 août 2014, laquelle a confirmé les chefs de redressement en litige lors de sa séance du 22 janvier 2015.

La société a alors porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rennes le 18 mars 2015.

Par jugement du 15 octobre 2020, le tribunal, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes, a :

- confirmé la décision de la commission de recours amiable du 22 janvier 2015 ;

- condamné la société au paiement de la somme de 18 145 euros au titre du redressement sans préjudice des majorations de retard complémentaires ;

- condamné la société à payer à l'URSSAF la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société aux dépens.

Par déclaration adressée le 2 décembre 2020 par le RPVA, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 4 novembre 2020 (n° RG 20/05905) uniquement s'agissant du redressement opéré sur les indemnités kilométriques versées à M. [I] [C] ainsi que sur la condamnation de la société à une indemnité au titre de l'article 700 et aux dépens.

La société a adressé une seconde déclaration d'appel identique le 3 décembre 2020 par le RPVA (n° RG 20/05937).

Par ordonnance du 16 décembre 2020, le magistrat chargé d'instruire l'affaire a ordonné la jonction des recours sous le numéro n° RG 20/05905.

Par ses écritures parvenues au greffe par le RPVA le 15 avril 2022 par le RPVA, auxquelles s'est référé son conseil à l'audience, la société demande à la cour de :

- la recevoir en son appel, la dire bien fondée ;

- constater comme mal fondé le redressement opéré par l'URSSAF s'agissant des remboursements de frais professionnels ;

- par conséquent, réformer le jugement rendu le 15 octobre 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes en ce qu'il a :

' confirmé la décision de la commission de recours amiable du 22 janvier 2015 laquelle maintenait le redressement au motif des sommes versées à M. [I] [C] au titre des indemnités kilométriques pour les années 2011, 2012 et 2013 ;

' condamné en conséquence la société au paiement de la somme de 6 577 euros au titre du redressement, sans préjudice des majorations de retard complémentaires ;

' condamné la société à payer à l'URSSAF la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamné la société aux dépens ;

Statuant à nouveau,

- constater l'absence de fondement au redressement opéré par l'URSSAF sur les remboursements de frais professionnels ;

- condamner l'URSSAF aux entiers dépens ;

- condamner l'URSSAF à lui verser une somme de 3 000 euros au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses écritures parvenues au greffe le 25 octobre 2022, auxquelles s'est référée sa représentante à l'audience, l'URSSAF demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 15 octobre 2020 dans toutes ses dispositions ;

- condamner la société au paiement de la somme supplémentaire de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeter les demandes et prétentions de la société.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Seul est en litige le chef de redressement n°6 'Frais professionnels non justifiés - principe généraux' d'un montant de 6 577 euros, les autres dispositions du jugement au titre des redressements intervenus n'étant pas critiquées par les parties.

1 - Sur le chef de redressement n°6 'Frais professionnels non justifiés - principe généraux' :

L'inspecteur a constaté les éléments suivants :

'La société a versé à M. [I] [C] des indemnités kilométriques à hauteur de 5 113 euros en 2011, 4 977 euros en 2012 et 4 949 euros en 2013 pour avoir effectué des kilomètres professionnels avec un véhicule d'une puissance de 12 chevaux fiscaux. Pour justifier ces indemnités kilométriques, il a été présenté un état justificatif des kilomètres et une carte grise au nom de la SCI [6]. Or en application des textes susmentionnés, les indemnités kilométriques sont exonérées de cotisations dans la limite du barème fiscal lorsque les personnes utilisent leurs véhicules personnels à des fins professionnelles. Tel n'est pas le cas puisque le véhicule utilisé n'est pas le véhicule personnel de M. [C]. Il convient donc de réintégrer ces indemnités dans l'assiette des cotisations et contributions de sécurité sociale, après avoir remonté la somme en brut'.

La société fait valoir qu'il y a lieu de distinguer les mentions figurant sur la carte grise de l'utilisation qui en est faite ; qu'il est incontestable que les indemnités kilométriques versées à M. [I] [C] l'ont été au regard des missions qui étaient les siennes au sein de la société ; qu'elle justifie que le véhicule en question, même s'il est au nom de la SCI [6] dont il est le gérant, est utilisé exclusivement par M. [I] [C], lequel en assume personnellement la charge (mensualité de crédit, essence, assurance) ; qu'il appartient à la cour de s'attacher à l'usage effectif du véhicule pour statuer sur le bien-fondé du redressement ; que la doctrine fiscale n'a pas lieu de s'appliquer à la question de la détermination du droit à l'exonération des cotisations sur les indemnités kilométriques versées aux salariés ; qu'en tout état de cause, la société apporte la preuve de l'existence de frais exposés par M. [I] [C] du fait de l'usage du véhicule ; que l'URSSAF a refusé de prendre en compte les pièces versées par la société au seul motif que M. [C] n'est pas propriétaire du véhicule.

L'URSSAF réplique qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 20 décembre 2002, lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint d'utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, l'indemnité forfaitaire kilométrique est réputée utilisée conformément à son objet dans les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l'administration fiscale ; que la référence faite par l'arrêté aux barèmes des indemnités kilométriques de l'administration fiscale conduit à retenir la même position que la doctrine fiscale sur la notion de véhicule personnel relativement à l'utilisation d'un tel barème ; qu'en tout état de cause, il n'est pas démontré que sur les années 2011 à 2013, M. [C] était propriétaire du véhicule utilisé à des fins professionnelles et rien ne prouve que M. [C] assumait la charge effective dudit véhicule.

Sur ce :

En application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, toutes les sommes versées aux travailleurs à l'occasion ou en contrepartie du travail sont soumises à cotisations.

Les conditions d'exonération des frais de déplacements sont fixées par l'arrêté ministériel du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, dispositions modifiées et complétées par l'arrêté du 25 juillet 2005 (Arr. min. 25 juill. 2005, JO 6 août).

L'article 4 de cet arrêté dispose :

'Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint d'utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, l'indemnité forfaitaire kilométrique est réputée utilisée conformément à son objet dans les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l'administration fiscale'.

Le bénéfice de la présomption d'utilisation conforme à son objet de l'indemnité forfaitaire kilométrique, prévue à l'article 4 de l'arrêté du 20 décembre 2002, dont le montant n'excède pas les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l'administration fiscale est subordonné à la preuve par l'employeur que le salarié attributaire de cette indemnité se trouve contraint d'utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles (2e Civ., 30 juin 2011, pourvoi n° 10-21.176 ; 2e Civ., 29 novembre 2012, pourvoi n° 11-23.919).

L'appréciation des éléments de preuve qui lui sont soumis quant à l'usage professionnel du véhicule personnel relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (2è Civ., 4 février 2010, pourvoi n 09-10.795 ; 2e Civ., 21 juin 2018, pourvoi n° 17-21.195).

La notion de véhicule personnel ne saurait s'entendre exclusivement des véhicules dont les salariés sont propriétaires pour déterminer les conditions d'exonération des indemnités kilométriques. La doctrine fiscale mentionnée par l'URSSAF n'est pas applicable en matière de sécurité sociale.

Il convient de vérifier que le salarié à qui les remboursements de frais sont opérés assume effectivement la charge du véhicule utilisé à des fins professionnelles.

En l'espèce, le véhicule [7] Théma dont la carte grise a été présentée à l'inspecteur est la propriété de la SCI [6] dont il n'est pas contesté que M. [I] [C] en était le gérant.

Il ressort des pièces fournies à l'inspecteur pendant la période contradictoire que :

- le contrat d'assurance est établi au nom de M. [I] [C], le conducteur principal du véhicule est indiqué comme étant M. [I] [C] ; le relevé d'information du contrat d'assurance précise du reste que l'intéressé est le souscripteur du contrat ;

- M. [I] [C] prend en charge les factures d'entretien du véhicule comme cela ressort des relevés du compte personnel de l'intéressé (plusieurs débits [9] qui correspondent aux factures d'entretien du garage [7] (SAS [9])) ;

- les relevés du compte personnel de M. [I] [C] font apparaître des frais d'essence réglés dans des stations services alors que les relevés de compte de la SCI [6] ne font apparaître au débit qu'un prêt immobilier et le paiement de charges ;

- le directeur de l'agence du [5] atteste le 19 juin 2014 qu'il a été sollicité en juillet 2012 par M. [I] [C] pour le financement du véhicule [7] Théma, lequel a pris la forme d'un crédit personnel auto d'un montant de 25 000 euros, remboursable en 40 mensualités de 679,37 euros.

L'inspecteur ne conteste pas la réalité des déplacements tels que pris en charge par la société.

Il s'ensuit qu'il est suffisamment démontré que le véhicule [7] Théma constitue le véhicule utilisé habituellement par M. [I] [C] pour son usage privé et qu'il doit être considéré comme son véhicule personnel au sens du droit de la sécurité sociale.

C'est à tort que l'URSSAF a procédé au redressement de ce chef au seul motif que M. [I] [C] n'était pas propriétaire du véhicule pour lequel il a perçu des remboursements de frais de déplacement.

Il s'ensuit que la décision entreprise sera infirmée sur ce point et le redressement de ce chef annulé, sans qu'il y ait lieu de rechercher les conséquences qu'il conviendrait de tirer de ce que l'inspecteur a procédé à une reconstitution de l'assiette sur une base brute (au sens de 2e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-13.194) selon une méthode qu'il n'a pas explicitée.

Cette pratique est en effet censurée par la Cour de cassation (2e Civ., 18 février 2021, pourvoi n° 20-14.262 ; 2e Civ., 16 février 2023, pourvoi n°21-12.005) lorsqu'il n'a pas été procédé au précompte des cotisations et contributions dues, ce qui est le cas en l'espèce.

La société [8] sera en conséquence condamnée au paiement de la somme de 11 568 euros au titre de l'entier redressement (18 145 - 6 577 euros).

Le surplus de la décision de première instance sera confirmé, en ce compris les dispositions au titre de l'article 700 et des dépens.

2 - Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge de la société ses frais irrépétibles d'appel.

L'URSSAF sera en conséquence condamnée à lui verser à ce titre la somme de 1 000 euros.

Les dépens de la présente procédure d'appel seront laissés à la charge de l'URSSAF qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a validé le redressement du chef n°6 'Frais professionnels non justifiés - principe généraux' (6 577 euros) et condamné la société [8] au paiement de la somme de 18 145 euros au titre de l'entier redressement ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

ANNULE le redressement du chef n°6 'Frais professionnels non justifiés - principe généraux' ;

CONDAMNE la société [8] au paiement de la somme de 11 568 euros au titre de l'entier redressement ;

CONDAMNE l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Bretagne à verser à la société [8] une indemnité de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Bretagne aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 20/05905
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;20.05905 ?
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