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05/06/2024 | FRANCE | N°20/00672

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 05 juin 2024, 20/00672


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 20/00672 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QNY3













SAS [15]



C/



CPAM DE LOIRE ATLANTIQUE

CARSAT PAYS DE LA LOIRE























Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPL

E FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 JUIN 2024



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUDEC lors d...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 20/00672 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QNY3

SAS [15]

C/

CPAM DE LOIRE ATLANTIQUE

CARSAT PAYS DE LA LOIRE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC lors des débats et Mme Adeline TIREL lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 26 Mars 2024

devant Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, magistrat chargé d'instruire l'affaire, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 22 Novembre 2019

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de NANTES

Références : 19/3781

****

APPELANTE :

SAS [15]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 4]

représentée par Me Thierry ROMAND, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE substitué par Me Camille ALLOUCHERY, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

INTIMÉE :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LOIRE ATLANTIQUE

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Madame [P] [X], en vertu d'un pouvoir spécial

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE:

CARSAT PAYS DE LOIRE

[Adresse 1]

[Localité 2]

non représentée, dispensée de comparution

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 28 décembre 2016, M. [O] [V], salarié en tant qu'agent de fabrication au sein de la société [15] (la société), a déclaré une maladie professionnelle en raison de 'plaques pleurales calcifiées (amiante)'.

Le certificat médical initial établi le 2 décembre 2016 par le docteur [L], pneumologue, fait état d'une 'asbestose pulmonaire - fibrose septale en TDM - MP 30 b connue - syndrome restrictif - CDT 72%'.

Le 12 janvier 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique (la caisse) a informé la société du dépôt par son salarié de ladite déclaration de maladie professionnelle.

Par lettre du 26 janvier 2017, la société a émis des réserves quant au caractère professionnel de la pathologie déclarée par son salarié.

Par décision du 27 mars 2017, après instruction, la caisse a pris en charge la maladie 'asbestose' au titre du tableau n°30 des maladies professionnelles.

Par courrier du 24 mai 2017, la société a saisi la commission de recours amiable de l'organisme contestant l'opposabilité de cette décision de prise en charge puis, en l'absence de décision dans les délais impartis, elle a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes le 24 juillet 2017.

Par jugement du 22 novembre 2019, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal de grande instance de Nantes, a :

- débouté la société de l'ensemble de ses demandes ;

- déclaré opposable à la société la prise en charge de la pathologie déclarée le 2 décembre 2016 par M. [V] ;

- condamné la société aux entiers dépens.

Par déclaration adressée le 7 janvier 2020 par courrier recommandé avec avis de réception, la société a interjeté appel dudit jugement qui lui avait été notifié le 14 décembre 2019 (AR société manquant).

L'affaire a été appelée à l'audience de la cour du 26 avril 2022 et a fait l'objet d'un renvoi à la mise en état du 17 novembre 2022, en raison des conclusions d'intervention volontaire tardives de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail des Pays de Loire (la CARSAT).

Par ses écritures parvenues au greffe le 1er juillet 2022, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour :

- d'infirmer le jugement rendu le 22 novembre 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Nantes en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et déclaré la décision de reconnaissance de maladie professionnelle de M. [V] opposable à son égard ;

Et, statuant à nouveau :

- de dire et juger que les conditions de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ne sont pas satisfaites au regard de l'instruction menée par la caisse ;

- de dire et juger que la maladie dont souffre M. [V] n'a pas de caractère professionnel et n'est en tout état de cause pas imputable à ses conditions de travail au sein de la société ;

En conséquence :

- de prononcer l'inopposabilité de la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle du 27 mars 2017 à son égard ;

- d'annuler la décision implicite de la commission de recours amiable de la caisse qui a rejeté ses demandes ;

- de dire et juger que la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale est compétente pour trancher la demande d'inscription au compte spécial des conséquences pécuniaires de la maladie professionnelle de M. [V] ;

- de prononcer l'inscription au compte spécial des conséquences pécuniaires de la maladie professionnelle de M. [V] ;

- de condamner la caisse aux entiers dépens.

Par ses écritures parvenues au greffe le 27 octobre 2022, auxquelles s'est référée et qu'a développées sa représentante à l'audience, la caisse demande à la cour de :

- confirmer purement et simplement le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nantes le 22 novembre 2019 ;

- décerner acte qu'elle a fait une exacte application des textes en vigueur ;

- déclarer opposable à la société la décision de prise en charge de la pathologie déclarée le 2 décembre 2016 par M. [V] ;

- débouter toutes conclusions, fins et prétentions plus amples ou contraires de la société ;

- condamner la société aux entiers dépens.

Par ses écritures parvenues au greffe le 5 janvier 2024, la CARSAT, qui a sollicité une dispense de comparution à l'audience, demande à la cour de :

Sur la demande d'inopposabilité de la prise en charge :

- débouter la société de sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la caisse en tant qu'elle serait fondée sur un prétendu défaut d'imputabilité de la maladie à l'activité exercée à son service ;

Sur la demande d'inscription sur le compte spécial :

- se dire incompétente pour statuer sur la demande d'inscription sur le compte spécial formée par la société ;

- inviter la société à se pourvoir devant la cour d'appel d'Amiens désignée aux articles L. 311-16 et D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire contre une décision concernant sa tarification.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 - Sur le caractère professionnel de la maladie :

M. [V] a travaillé sur le site exploité par la société [15] du 22 octobre 1973 au 8 septembre 1993. Cette société est le dernier employeur de l'assuré.

L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale pose une présomption d'origine professionnelle au bénéfice de toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Fixés par décret, les tableaux précisent la nature des travaux susceptibles de provoquer la maladie, énumèrent les affections provoquées et le délai dans lequel la maladie doit être constatée après la cessation de l'exposition du salarié au risque identifié pour être prise en charge.

La maladie déclarée doit correspondre précisément à celle décrite au tableau, avec tous ses éléments constitutifs et doit être constatée conformément aux éléments de diagnostic éventuellement prévus (2e Civ., 17 mai 2004, n° 03-11.968)

Il est de jurisprudence constante que la désignation des maladies figurant dans les tableaux présente un caractère limitatif, en sorte que ne peuvent relever de ce cadre de reconnaissance de maladie professionnelle les affections n'y figurant pas (Soc., 5 mars 1998, n° 96-15.326)

Toutefois, il appartient au juge de rechercher si l'affection déclarée figure au nombre des pathologies désignées par le tableau invoqué, sans s'arrêter à une analyse littérale du certificat médical initial (2e Civ., 9 mars 2017, n° 16-10.017) ou sans se fier au seul énoncé formel du certificat médical initial (2e Civ., 14 mars 2019, n° 18-11.975).

Le caractère habituel des travaux visés dans un tableau n'implique pas qu'ils constituent une part prépondérante de l'activité (2e Civ., 8 octobre 2009, pourvoi n° 08-17.005) et le bénéfice de la présomption légale n'exige pas une exposition continue et permanente du salarié au risque pendant son activité professionnelle (2e Civ., 21 janvier 2010, n° 09-12.060).

Lorsque la demande de la victime réunit ces conditions, la maladie est présumée d'origine professionnelle, sans que la victime ait à prouver le lien de causalité entre son affection et son travail.

Il appartient à la caisse, subrogée dans les droits de la victime, de rapporter la preuve que la maladie qu'elle a prise en charge est celle désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau (2e Civ., 30 juin 2011, n° 10-20.144).

Une fois la présomption d'imputabilité établie, il appartient à l'employeur de démontrer que l'affection litigieuse a une cause totalement étrangère au travail ( 2e Civ., 13 mars 2014, pourvoi n° 13-13.663).

Le tableau 30 « affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante » a été créé le 3 août 1945 et a été révisé pour la dernière fois le 14 avril 2000.

Est inscrite au 'A' la maladie 'Asbestose : fibrose pulmonaire diagnostiquée sur des signes radiologiques spécifiques, qu'il y ait ou non des modifications des explorations fonctionnelles respiratoires. Complications : insuffisance respiratoire aiguë, insuffisance ventriculaire droite '.

Le délai de prise en charge est de 35 ans, sous réserve d'une durée d'exposition de 2 ans.

La liste des principaux travaux susceptibles de provoquer cette maladie, commune à l'ensemble des affections désignées dans ce tableau, est indicative :

'Travaux exposant à l'inhalation de poussières d'amiante, notamment : extraction, manipulation et traitement de minerais et roches amiantifères.

' Manipulation et utilisation de l'amiante brut dans les opérations de fabrication suivantes : amiante-ciment ; amiante-plastique ; amiante-textile ; amiante-caoutchouc ; carton, papier et feutre d'amiante enduit ; feuilles et joints en amiante ; garnitures de friction contenant de l'amiante ; produits moulés ou en matériaux à base d'amiante et isolants.

' Travaux de cardage, filage, tissage d'amiante et confection de produits contenant de l'amiante.

' Application, destruction et élimination de produits à base d'amiante : amiante projeté ; calorifugeage au moyen de produits contenant de l'amiante ; démolition d'appareils et de matériaux contenant de l'amiante, déflocage.

' Travaux de pose et de dépose de calorifugeage contenant de l'amiante.

' Travaux d'équipement, d'entretien ou de maintenance effectués sur des matériels ou dans des locaux et annexes revêtus ou contenant des matériaux à base d'amiante.

' Conduite de four.

' Travaux nécessitant le port habituel de vêtements contenant de l'amiante.

Sur la condition médicale :

La société fait valoir que l'admission du caractère professionnel de la maladie implique la réalisation d'un examen médical spécifique qui ne figure pas au dossier.

Le certificat médical initial du 2 décembre 2016 fait état d'une 'asbestose pulmonaire - fibrose septale en TDM - MP 30 b connue - syndrome restrictif- CDT 72%'.

Sur la fiche du colloque médico-administratif, il est indiqué un code syndrome 030A AJ61X sous la précision 'Asbestose', ce libellé étant conforme à celui du tableau.

A la question : 'conditions médicales réglementaires du tableau remplies' le médecin a coché : 'oui'.

Si le tableau 30 prévoit que la fibrose doit être diagnostiquée sur des signes radiologiques spécifiques, il n'exige pas la réalisation d'un examen complémentaire particulier.

Du reste, le certificat médical initial, qui a été établi par un pneumologue, mentionne qu'un TDM a été réalisé, soit un examen tomodensitométrique, permettant le diagnostic.

La condition médicale est en conséquence établie.

Sur la liste des travaux et la durée d'exposition :

Il est constant que la société exerce une activité de fabrication et distribution d'engrais agricoles. Le site de [Localité 11] où était affecté M. [V] fabrique des engrais azotés et des engrais composés.

La société expose que dans le cadre du processus de fabrication des engrais, les salariés de l'établissement concerné n'ont jamais manipulé d'amiante, ce matériau n'ayant jamais été utilisé comme outil de production ; que M. [V] n'a jamais appartenu au personnel de maintenance qui, pour partie, a pu manipuler des objets à base d'amiante (tresse en amiante ou équipement de protection contenant de l'amiante) ; que c'est principalement au 'sous-atelier nitrique', dans lequel est fabriqué l'acide nitrique, qu'étaient concentrés les éléments d'équipements utilisant des tresses ou des joints en amiante, soit pour l'essentiel 1/4 de l'usine ; que dans la mesure où les tresses et joints en amiante se trouvaient à l'intérieur des machines et canalisations et où les bâches d'amiante n'étaient utilisées que par les chaudronniers-soudeurs, seuls les salariés de la maintenance intervenant sur les canalisations et certaines machines étaient potentiellement en contact avec l'amiante au sein de la société ; que les travaux de remplacement de tresses et joints étaient le plus souvent effectués par des entreprises extérieures lors de l'arrêt total de la production un mois en été pour les travaux inter campagne ; que les fonctions d'agent d'entretien comme alléguées par M. [V] ne ressortent pas de son certificat de travail ; qu'elle conteste qu'il y ait eu de l'amiante sur le site de [Localité 10] ; que la présence de tôles en fibrociment sur les toitures de l'usine ne caractérise pas une exposition à l'amiante telle que définie au tableau n°30; que l'arrêté du 10 mai 2013 qui a inscrit le site de [Localité 10] sur le dispositif ACAATA a été annulé par le tribunal administratif de Nantes dans une décision du 12 janvier 2016, confirmée par la cour administrative d'appel le 13 avril 2018 ; qu'avant son embauche, M. [V] a exercé d'autres activités au sein des sociétés [6] [Localité 12] (sic) (en réalité [Localité 13]), [9], [5] et [7], classées sur le dispositif permettant l'ACAATA ; que la caisse n'a effectué aucune recherche sur l'environnement et les conditions de travail de la victime dans ses autres emplois ; qu'en tout état de cause, si M. [V] souffre d'une maladie ayant un caractère professionnel, celle-ci résulte de ses conditions de travail chez ses précédents employeurs mais non au sein de la société [15] ; que faute pour la caisse d'avoir effectué une véritable analyse d'une éventuelle exposition à l'amiante sur chaque site concerné de la société et surtout auprès des autres employeurs de M. [V], la caisse n'a pas valablement vérifié les conditions de fond de reconnaissance d'une maladie professionnelle.

La caisse réplique que la société [15] est le dernier employeur de M. [V] et le dernier employeur chez lequel il a été exposé, pour une durée d'exposition cumulée d'au moins 2 ans, à l'inhalation de poussières d'amiante, notamment lors de travaux d'entretien, de manipulation de bâches d'amiante pour la protection de divers appareils et dans le cas d'entretien, soufflage à air comprimé des cabines des brûleurs où se trouvaient des conduits de fuel protégés par des bandes d'amiante ; qu'elle produit le témoignage de trois anciens collègues de travail de M. [V] qui confirment expressément avoir été exposés, à ses côtés, aux poussières d'amiante au sein de la société [15] ; que tant la société que M. [V] ont été interrogés sur ses conditions de travail depuis 1973 ; que l'employeur ne rapporte pas la preuve que le travail n'a joué aucun rôle dans le développement de la maladie et ne renverse pas la présomption d'imputabilité.

Sur ce :

Il est certain que nonobstant le fait que la caisse doive instruire la demande de reconnaissance de maladie professionnelle au contradictoire du dernier employeur, l'appréciation de l'exposition au risque par le prisme de la liste des travaux doit s'opérer sur l'ensemble de la carrière professionnelle de M. [V].

En l'espèce, il est constant que M. [V] a été salarié de la société [15] de 1973 à 1993 ; c'est donc à juste titre que la caisse s'est interrogée plus particulièrement sur les conditions de travail de l'intéressé au sein de cet établissement.

Dans son questionnaire adressé à la caisse, M. [V] indique que de 1973 à 1993, il a effectué divers postes de travail et que pendant les arrêts techniques de l'atelier, il était employé à l'entretien, à la manipulation de bâches en amiante pour la protection de divers appareils, et dans le cas d'entretien, il parle de soufflage à l'air comprimé des cabines des brûleurs où se trouvaient des conduites de fuel protégées par des bandes en amiante.

Dans son questionnaire, M. [R] [K] indique :

- avoir travaillé au sein de la société [15] de 1971 à 2006 ;

- avoir effectué en compagnie de M. [V] le nettoyage de l'atelier par soufflage et le nettoyage des appareils au marteau piqueur ;

- avoir utilisé des battes amiantées ;

- que si leur poste de travail était opérateur dans l'atelier NPK, ils ont participé à de multiples nettoyages de l'atelier par soufflage des poutres et charpentes sachant que toute la toiture de l'atelier et les bardages étaient en tôles de fibrociment amiantées et que ces dernières se désagrégeaient par le temps et les vapeurs des produits.

Dans son questionnaire, M. [E] [M] indique :

- avoir été opérateur en atelier de fabrication, sous des bâtiments en couverture et bardage en fibro ;

- en période d'arrêt technique de l'atelier, avoir procédé au soufflage des tôles amiantées, cabines des brûleurs où se trouvaient des canalisations de fuel entourées de bandes d'amiante pour l'isolation.

Dans son questionnaire, M. [A] [S] relève :

- avoir été opérateur en atelier de fabrication d'engrais à [Localité 10] et avoir été détaché de temps à autre au service entretien ;

- avoir effectué en compagnie de M. [V] la démolition des réfractaires en amiante au marteau piqueur une fois par an, le soufflage de divers appareils et tuyauteries avant intervention avec dispersion de l'amiante, au service entretien de la soudure et démontage de vannes ;

- avoir utilisé des bâches en amiante pour la protection des appareils lors des soudures, des joints en amiante au démontage des vannes fluides, des protections en amiante : bottes, gants, cagoules dans les sécheurs de l'engrais (températures élevées).

Les tâches qui ont pu être confiées à M. [V] au cours de sa carrière de 20 ans au sein de la société [15] ne sauraient être réduites à la seule mention sur son certificat de travail de ce qu'il a exercé en dernier lieu le poste d'agent de fabrication.

Les attestations des collègues de travail de M. [V] corroborent les dires de ce dernier lorsqu'il affirme que , notamment pendant les arrêts techniques de l'atelier, il était parfois affecté à des travaux d'entretien de celui-ci à l'occasion desquels il était amené à manipuler des bâches en amiante et à procéder au soufflage à l'air comprimé des cabines des brûleurs où se trouvaient des conduites de fuel protégées par des bandes en amiante.

Ces attestations font également état de ce que l'atelier dans lequel se déroulait le nettoyage était partiellement conçu à base de matériaux contenant de l'amiante (toiture et bardage en fibrociment).

Le fait que la société [15] n'a finalement pas été inscrite au dispositif ACAATA ne signifie pas pour autant que le site d'exploitation n'a jamais utilisé/contenu de matériaux à base d'amiante sous quelque forme que ce soit, la condition discutée devant la juridiction administrative étant l'existence d'activités de calorifugeage ou de flocage à l'amiante qui devaient représenter une part significative de l'activité de l'établissement.

Il ressort en outre du rapport commandé à la société [14] en 1996 par la société [15] en vue de recenser et diagnostiquer les flocages et calorifugeages susceptibles de contenir de l'amiante (pièce n°20 de la société) les éléments suivants :

'Le 26 décembre 1996, conformément à votre commande [...], nous avons procédé à une visite de votre usine [...].

Nous avons remarqué les points suivants :

1) de nombreux bâtiments composant votre usine possédaient des parois ou couverture en amiante-ciment [...].

Nous vous recommandons pour ce type de matériaux, d'une part, la pose d'un revêtement étanche possédant de bonnes qualités mécaniques à l'abrasion, pour limiter le dégagement de fibres d'amiante lors de frottements éventuels liés à un usage normal ; et d'autre part, l'établissement d'une procédure concernant les travaux d'entretien sur les matériaux en amiante-ciment.

2) La grande majorité des joints d'étanchéité sur les tuyauteries et équipements de votre processus de fabrication possède de l'amiante. L'établissement d'une procédure lors des travaux sur ces joints doit être rédigée.'

Ce rapport, postérieur au départ de M. [V] de la société, confirme les dires des salariés sur la présence d'amiante dans la composition de la structure des bâtiments.

Les mesures d'empoussièrement réalisées par l'APAVE en 2003 dans les ateliers du site ne sont pas de nature à faire la preuve de la qualité de l'air au cours des années 1981 à 1993.

Il est ainsi suffisamment établi que M. [V] a exécuté des travaux d'entretien sur des matériels ou dans des locaux et annexes revêtus ou contenant des matériaux à base d'amiante ainsi que des travaux nécessitant le port habituel de vêtements contenant de l'amiante (bâches), tels que définis dans le tableau, et ce pendant au moins deux ans.

La caisse, qui démontre que les conditions du tableau n°30 sont réunies, bénéficie de la présomption d'imputabilité, étant relevé que la société n'allègue aucune cause étrangère à l'origine de la maladie prise en charge.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré opposable à la société la décision de prise en charge de la pathologie déclarée le 2 décembre 2016 par M. [V].

3 - Sur la demande d'inscription au compte spécial :

La Cour de cassation a récemment jugé que les demandes de l'employeur aux fins de retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle ou d'inscription de ces dépenses au compte spécial, même formées avant notification de son taux de cotisation, relèvent de la seule compétence de la juridiction du contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles (2e Civ., 28 septembre 2023, pourvoi n° 21-25.719).

Il en découle que la demande de la société en ce sens, formée devant les juridictions de sécurité sociale, est irrecevable.

Il appartiendra à la société de se pourvoir devant la cour d'appel d'Amiens désignée aux articles L. 311-16 et D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire pour connaître de cette question.

Le jugement sera réformé en ce qu'il a statué au fond sur cette question et a débouté la société [15] de sa demande d'inscription de la maladie au compte spécial.

4 - Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Les dépens de la présente procédure d'appel seront laissés à la charge de la société qui succombe à l'instance et qui de ce fait ne peut prétendre à l'application des dispositions l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société [15] de sa demande d'inscription de la maladie de M. [V] au compte spécial ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

DÉCLARE irrecevable la demande de la société [15] d'inscription de la maladie de M. [V] au compte spécial ;

CONDAMNE la société [15] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 20/00672
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;20.00672 ?
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