La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2024 | FRANCE | N°20/00669

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 05 juin 2024, 20/00669


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 20/00669 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QNYO













SAS [16]



C/



CPAM DE LOIRE ATLANTIQUE

M. [F] [Z]























Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISr>


COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 JUIN 2024



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUDEC lors des débats et ...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 20/00669 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QNYO

SAS [16]

C/

CPAM DE LOIRE ATLANTIQUE

M. [F] [Z]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC lors des débats et Mme Adeline TIREL lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 26 Mars 2024

devant Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, magistrat chargé d'instruire l'affaire, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 22 Novembre 2019

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de NANTES

Références : 19/1877

****

APPELANTE :

Société [16]

[11]

[Adresse 8]

CS 90047

[Localité 10]

représentée par Me Romain RAPHAEL, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE substitué par Me Camille ALLOUCHERY, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

INTIMÉS :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LOIRE ATLANTIQUE

Service Contentieux

[Adresse 9]

[Localité 6]

représentée par Mme [K] [M], en vertu d'un pouvoir spécial

Madame [Y] [Z], ès qualité d'ayant droit de Monsieur [F] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 5]

non comparante,

ayant pour conseil Me Frédéric QUINQUIS, avocat au barreau de PARIS

dispensé de comparution

Mademoiselle [X] [Z], ès qualité d'ayant droit de Monsieur [F] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 5]

non comparante,

ayant pour conseil Me Frédéric QUINQUIS, avocat au barreau de PARIS

dispensé de comparution

Monsieur [D] [Z], ès qualité d'ayant droit de Monsieur [F] [Z]

[Adresse 7]

[Localité 4]

non comparante,

ayant pour conseil Me Frédéric QUINQUIS, avocat au barreau de PARIS

dispensé de comparution

INTERVENANTS :

CARSAT PAYS DE LOIRE

[Adresse 2]

[Localité 6]

non représentée

dispensé de comparution

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 27 août 2015, [F] [Z], ancien salarié en tant qu'électricien au sein de la société [16] (la société), a déclaré une maladie professionnelle en raison d'une 'exposition passée à l'amiante - mésothéliome pleural droit'.

Le certificat médical initial, établi le 25 août 2015 par le docteur [I], fait état d'une 'exposition passée à l'amiante - mésothéliome pleural - patient en MP depuis (20 juin 2005) pour ATCD (soit antécédent) exposition amiante - acutisation récente'.

Le 18 septembre 2015, la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique (la caisse) a informé la société du dépôt par son salarié de ladite déclaration de maladie professionnelle.

[F] [Z] est décédé le 21 novembre 2015.

Par décision du 7 décembre 2015, après instruction, la caisse a pris en charge la maladie 'mésothéliome malin de la plèvre' au titre du tableau n°30 des maladies professionnelles.

Par lettre en date du 5 février 2016, la société a saisi la commission de recours amiable de l'organisme contestant l'opposabilité de cette décision de prise en charge puis, en l'absence de décision dans les délais impartis, elle a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes le 3 mai 2016.

Par jugement du 22 novembre 2019, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal de grande instance de Nantes, a :

- débouté la société de l'ensemble de ses demandes ;

- déclaré opposable à la société la prise en charge de la pathologie déclarée le 27 août 2015 par [F] [Z] ;

- condamné la société aux entiers dépens.

Par déclaration adressée le 7 janvier 2020 par courrier recommandé avec avis de réception, la société a interjeté appel dudit jugement qui lui a été notifié le 14 décembre 2019.

L'affaire a été appelée à l'audience de la cour du 26 avril 2022 et a fait l'objet d'un renvoi à la mise en état du 17 novembre 2022, en raison des conclusions d'intervention volontaire tardives de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail des Pays de Loire (la CARSAT).

Par ses écritures parvenues au greffe le 1er juillet 2022, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 22 novembre 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Nantes en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et déclaré la décision de reconnaissance de maladie professionnelle opposable à son égard ;

Et, statuant à nouveau :

- dire et juger que les conditions de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ne sont pas satisfaites au regard de l'instruction menée par la caisse ;

- dire et juger que la maladie dont souffrait [F] [Z] n'a pas de caractère professionnel et n'est en tout état de cause pas imputable à ses conditions de travail au sein de la société ;

En conséquence :

- prononcer l'inopposabilité de la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle du 7 décembre 2015 à son égard ;

- annuler la décision implicite de la commission de recours amiable de la caisse qui a rejeté ses demandes ;

- dire et juger que la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale est compétente pour trancher la demande d'inscription au compte spécial des conséquences pécuniaires de la maladie professionnelle de [F] [Z] ;

- prononcer l'inscription au compte spécial des conséquences pécuniaires de la maladie professionnelle de [F] [Z] ;

- condamner la caisse aux entiers dépens.

Par ses écritures parvenues au greffe le 27 octobre 2022, auxquelles s'est référée et qu'a développées sa représentante à l'audience, la caisse demande à la cour de :

- confirmer purement et simplement le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nantes le 22 novembre 2019 ;

- décerner acte qu'elle a fait une exacte application des textes en vigueur ;

- déclarer opposable à la société la décision de prise en charge de la pathologie déclarée le 7 décembre 2015 (sic) par [F] [Z] ;

- débouter toutes conclusions, fins et prétentions plus amples ou contraires de la société ;

- condamner la société aux entiers dépens.

Par ses écritures n°2 parvenues au greffe le 5 janvier 2024, la CARSAT, dispensée de comparution à l'audience, demande à la cour de :

Sur la demande d'inopposabilité de la prise en charge,

- débouter la société de sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la caisse en tant qu'elle serait fondée sur un prétendu défaut d'imputabilité de la maladie à l'activité exercée à son service ;

Sur la demande d'inscription sur le compte spécial,

- se dire incompétente pour statuer sur la demande d'inscription sur le compte spécial formée par la société ;

- inviter la société à se pourvoir devant la cour d'appel d'Amiens désignée aux articles L. 311-16 et D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire contre une décision concernant sa tarification.

Par courrier parvenu au greffe le 26 février 2024, le conseil des ayants droit de [F] [Z] a sollicité une dispense de comparution à l'audience et a indiqué s'en remettre à la sagesse de la cour.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A titre liminaire, il convient d'indiquer que [F] [Z] a travaillé du 17 janvier 1972 au 1er juillet 1997 sur le site de [Localité 12] exploité par la société [16], en qualité d'électricien. Cette société est le dernier employeur de l'assuré.

1 - Sur le dossier constitué par la caisse et soumis au contradictoire de la société :

La société fait valoir qu'à la fin de l'instruction, la caisse lui a transmis l'intégralité du dossier par mail en date du 25 novembre 2015 ; que la lettre de réserve qu'elle avait adressée à la caisse ne faisait pas partie des éléments transmis ; que la caisse a pris une décision en ne disposant pas de tous les éléments ; qu'il y a manifestement un 'vice de forme' qui lui fait grief et devra conduire au prononcé de l'inopposabilité de la décision de prise en charge.

Selon l'article R. 441-14, troisième alinéa, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du même décret :

Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.

Selon ce dernier texte :

"Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre ;

1 ) la déclaration d'accident et l'attestation de salaire ;

2 ) les divers certificats médicaux ;

3 ) les constats faits par la caisse primaire ;

4 ) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties ;

5 ) les éléments communiqués par la caisse régionale ;

6 ) éventuellement, le rapport de l'expert technique.

Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur, ou à leurs mandataires.

Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l'autorité judiciaire."

La Cour de cassation juge de façon constante que la caisse a satisfait à son

obligation d'information dès lors qu'elle a informé l'employeur de la clôture de l'instruction et l'a invité, préalablement à sa prise de décision, à consulter le dossier pendant un délai imparti, le mettant ainsi en mesure de prendre connaissance des éléments susceptibles de lui faire grief et de contester la décision (2e Civ. , 23 octobre 2008, pourvoi n° 07-18150 ; 14 février 2013, pourvoi n° 11-25.714).

Cette jurisprudence, antérieure à l'entrée en vigueur du décret 2009-938 du 29 juillet 2009 a été reprise depuis lors, notamment par deux arrêts du 13 mars 2014 dont l'un publié (2e Civ., 13 mars 2014, pourvoi n° 13-12.509, Bull., II, n° 69 et pourvoi n° 13-12.510).

En l'espèce, par courrier du 16 novembre 2015, la caisse a informé la société

de la possibilité de consulter le dossier de [F] [Z] préalablement à la décision devant intervenir sur le caractère professionnel de la maladie le 7 décembre 2015.

La société a sollicité la communication des pièces du dossier par mail, ce que la caisse a accepté et effectué le 25 novembre 2015.

La société n'établit pas par les pièces qu'elle produit que sa lettre de réserve ne figurait pas dans les pièces jointes au mail du 25 novembre 2015 de la caisse.

En tout état de cause, dès lors qu'il a été fait droit à la demande d'envoi du dossier, il importe peu que le dossier envoyé soit incomplet (2e Civ., 21 septembre 2017, pourvoi n° 16-20.494 ; 28 mai 2020 pourvoi n° 19-13-864 et pourvoi n° 19-140009 ; 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-16.930), étant au surplus relevé que la pièce dont l'absence est alléguée émane de la société.

Aucun 'vice de forme' ne saurait être retenu, ce moyen étant en conséquence rejeté.

2 - Sur le caractère professionnel de la maladie :

L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale pose une présomption d'origine professionnelle au bénéfice de toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Fixés par décret, les tableaux précisent la nature des travaux susceptibles de provoquer la maladie, énumèrent les affections provoquées et le délai dans lequel la maladie doit être constatée après la cessation de l'exposition du salarié au risque identifié pour être prise en charge.

La maladie déclarée doit correspondre précisément à celle décrite au tableau, avec tous ses éléments constitutifs et doit être constatée conformément aux éléments de diagnostic éventuellement prévus (2e Civ., 17 mai 2004, n° 03-11.968)

Il est de jurisprudence constante que la désignation des maladies figurant dans les tableaux présente un caractère limitatif, en sorte que ne peuvent relever de ce cadre de reconnaissance de maladie professionnelle les affections n'y figurant pas (Soc., 5 mars 1998, n° 96-15.326)

Toutefois, il appartient au juge de rechercher si l'affection déclarée figure au nombre des pathologies désignées par le tableau invoqué, sans s'arrêter à une analyse littérale du certificat médical initial (2e Civ., 9 mars 2017, n° 16-10.017) ou sans se fier au seul énoncé formel du certificat médical initial (2e Civ., 14 mars 2019, n° 18-11.975).

Le caractère habituel des travaux visés dans un tableau n'implique pas qu'ils constituent une part prépondérante de l'activité (2e Civ., 8 octobre 2009, pourvoi n° 08-17.005) et le bénéfice de la présomption légale n'exige pas une exposition continue et permanente du salarié au risque pendant son activité professionnelle (2e Civ., 21 janvier 2010, n° 09-12.060).

Lorsque la demande de la victime réunit ces conditions, la maladie est présumée d'origine professionnelle, sans que la victime ait à prouver le lien de causalité entre son affection et son travail.

Il appartient à la caisse, subrogée dans les droits de la victime, de rapporter la preuve que la maladie qu'elle a prise en charge est celle désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau (2e Civ., 30 juin 2011, n° 10-20.144).

Une fois la présomption d'imputabilité établie, il appartient à l'employeur de démontrer que l'affection litigieuse a une cause totalement étrangère au travail ( 2e Civ., 13 mars 2014, pourvoi n° 13-13.663).

Le tableau 30 « affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante » a été créé le 3 août 1945 et a été révisé pour la dernière fois le 14 avril 2000.

Est inscrit au tableau 30 D la maladie 'Mésothéliome malin primitif de la plèvre, du péritoine, du péricarde'.

Le délai de prise en charge est de 40 ans, sans durée minimale d'exposition.

La liste des principaux travaux susceptibles de provoquer cette maladie, commune à l'ensemble des affections désignées dans ce tableau, est indicative :

'Travaux exposant à l'inhalation de poussières d'amiante, notamment : extraction, manipulation et traitement de minerais et roches amiantifères.

' Manipulation et utilisation de l'amiante brut dans les opérations de fabrication suivantes : amiante-ciment ; amiante-plastique ; amiante-textile ; amiante-caoutchouc ; carton, papier et feutre d'amiante enduit ; feuilles et joints en amiante ; garnitures de friction contenant de l'amiante ; produits moulés ou en matériaux à base d'amiante et isolants.

' Travaux de cardage, filage, tissage d'amiante et confection de produits contenant de l'amiante.

' Application, destruction et élimination de produits à base d'amiante : amiante projeté ; calorifugeage au moyen de produits contenant de l'amiante ; démolition d'appareils et de matériaux contenant de l'amiante, déflocage.

' Travaux de pose et de dépose de calorifugeage contenant de l'amiante.

' Travaux d'équipement, d'entretien ou de maintenance effectués sur des matériels ou dans des locaux et annexes revêtus ou contenant des matériaux à base d'amiante.

' Conduite de four.

' Travaux nécessitant le port habituel de vêtements contenant de l'amiante.

Sur l'exposition au risque :

Il est constant que la société exerce une activité de fabrication et distribution d'engrais agricoles. Le site de [Localité 12] où était affecté [F] [Z] fabrique des engrais azotés et des engrais composés.

La société expose que dans le cadre du processus de fabrication des engrais, les salariés de l'établissement concerné n'ont jamais manipulé d'amiante, ce matériau n'ayant jamais été utilisé comme outil de production ; que si en tant qu'électricien, [F] [Z] était affecté aux travaux de maintenance, ses tâches ne l'amenaient pas à manipuler des objets à base d'amiante (tresse en amiante ou équipement de protection contenant de l'amiante) ; que c'est principalement au 'sous-atelier nitrique', dans lequel est fabriqué l'acide nitrique, qu'étaient concentrés les éléments d'équipements utilisant des tresses ou des joints en amiante, soit pour l'essentiel 1/4 de l'usine ; que dans la mesure où les tresses et joints en amiante se trouvaient à l'intérieur des machines et canalisations et où les bâches d'amiante n'étaient utilisées que par les chaudronniers-soudeurs, seuls les salariés de la maintenance intervenant sur les canalisations et certaines machines étaient potentiellement en contact avec l'amiante au sein de la société ; que les électriciens n'étaient pas amenés à effectuer des travaux de remplacement de tresses et joints, lesquels étaient le plus souvent effectués par des entreprises extérieures lors de l'arrêt total de la production un mois en été pour les travaux inter campagne ; que l'arrêté du 10 mai 2013 qui a inscrit le site de Montoir sur le dispositif ACAATA a été annulé par le tribunal administratif de Nantes dans une décision du 12 janvier 2016, confirmée par la cour administrative d'appel le 13 avril 2018 ; qu'avant son embauche, [F] [Z] a exercé en tant qu'électricien au sein des sociétés [13], classées sur le dispositif permettant l'ACAATA ; que la caisse n'a effectué aucune recherche sur l'environnement et les conditions de travail de la victime en son sein et dans ses autres emplois ; que faute pour la caisse d'avoir effectué une véritable analyse d'une éventuelle exposition à l'amiante sur chaque site concerné de la société et surtout auprès des autres employeur, la caisse n'a pas valablement vérifié les conditions de fond de reconnaissance d'une maladie professionnelle.

La caisse réplique qu'en sa qualité d'électricien, [F] [Z] avait pour mission les travaux de maintenance en électricité sur des équipements et bâtiments de l'usine lors des pannes et arrêts de maintenance programmés ; qu'à ce titre, il a été exposé aux poussières d'amiante notamment lors des montages de tuyauteries et appareillages qui étaient ensuite calorifugés avec des matériaux à base d'amiante et lors de l'utilisation de toiles de protection à base d'amiante ; qu'elle produit le témoignage d'un ancien collègue de travail de l'assuré qui confirme expressément avoir été exposé, à ses côtés, aux poussières d'amiante au sein de la société [15] ; que tant la société que [F] [Z] ont été interrogés sur ses conditions de travail depuis 1972 ; que l'employeur ne rapporte pas la preuve que le travail n'a joué aucun rôle dans le développement de la maladie et ne renverse pas la présomption d'imputabilité.

Sur ce :

Il est certain que nonobstant le fait que la caisse doive instruire la demande de reconnaissance de maladie professionnelle au contradictoire du dernier employeur, l'appréciation de l'exposition au risque par le prisme de la liste des travaux doit s'opérer sur l'ensemble de la carrière professionnelle de [F] [Z].

En l'espèce, il est constant que [F] [Z] a été salarié de la société [15] de 1972 à 1997 ; c'est donc à juste titre que la caisse s'est plus particulièrement intéressée à l'examen des conditions de travail du salarié en son sein.

Il ressort du courrier adressé par la société à la caisse le 15 octobre 2015 qu'en tant qu'électricien, [F] [Z] assurait les travaux de maintenance en électricité sur les équipements et bâtiments de l'usine lors des pannes et arrêts de maintenance programmés, à l'exclusion de toute autre tâche. Elle affirme qu'il n'a pas été exposé au risque d'inhalation de fibres calorifugeantes ou de poussières d'amiante dans l'exercice de ses fonctions (sa pièce n°2).

Dans son questionnaire adressé à la caisse, [F] [Z] décrit les travaux qu'il réalisait en tant qu'électricien et lors des dépannages sur canalisation en atelier comme suit :

'Sur les canalisations, je devais retirer la protection en toile d'amiante pour intervenir sur les tuyaux. L'amiante usagée se désagrégeait en polluant l'atmosphère d'amiante en poussières que je respirais. J'utilisais des perceuses, meuleuses pour effectuer ces travaux. Ce matériel était pneumatique ce qui avait pour effet d'amplifier dans l'air la dispersion des fibres d'amiante. Mes employeurs ne m'ont jamais informé sur la nocivité de ces produits'.

Dans son questionnaire, M. [P] [B], ancien collègue ayant travaillé au sein de la société [15] de mars 1975 à 2000, indique :

'Nous utilisions des toiles ignifugées amiantées afin de protection pour appareillages électriques lors des travaux de chaudronnerie ou mécanique'.

'Nous procédions au nettoyage des appareils électriques, notamment les moteurs couverts de poussières dont l'amiante provenant des bardages effrités et des protections amiantées utilisées pour travaux d'entretien ou modification.'

'Pour nos matériels de régulation électricité : amiante défait, accès pour réglage et remis ensuite'.

L'attestation de ce collègue de travail corrobore les dires de [F] [Z] sur la manipulation de protections en amiante. Il évoque également la présence d'amiante dans la composition des bâtiments de travail.

La caisse établit en outre que [F] [Z] avait bénéficié en 2005 d'une reconnaissance de maladie professionnelle pour des plaques pleurales et qu'au cours de l'instruction de cette maladie, deux anciens collègues de travail avaient attesté avoir été exposés à l'amiante avec [F] [Z], au sein de la société [15], notamment à l'atelier entretien et dans les unités de fabrication (sa pièce n°10).

Le fait que la société [16] n'a finalement pas été inscrite au dispositif ACAATA ne signifie pas pour autant que le site d'exploitation n'a jamais utilisé/contenu de matériaux à base d'amiante sous quelque forme que ce soit, la condition discutée devant la juridiction administrative étant l'existence d'activités de calorifugeage ou de flocage à l'amiante qui devaient représenter une part significative de l'activité de l'établissement.

En outre, la société reconnaît elle-même dans ses écritures en page 7 que 'des équipements de protection individuelle ayant pu contenir de l'amiante ont pu être utilisés occasionnellement lors des opérations de maintenance'.

Il ressort en outre du rapport commandé à la société [14] en 1996 par la société [16] en vue de recenser et diagnostiquer les flocages et calorifugeages susceptibles de contenir de l'amiante (pièce n°4 de la société) les éléments suivants :

'Le 26 décembre 1996, conformément à votre commande [...], nous avons procédé à une visite de votre usine [...].

Nous avons remarqué les points suivants :

1) de nombreux bâtiments composant votre usine possédaient des parois ou couverture en amiante-ciment [...].

Nous vous recommandons pour ce type de matériaux, d'une part, la pose d'un revêtement étanche possédant de bonnes qualités mécaniques à l'abrasion, pour limiter le dégagement de fibres d'amiante lors de frottements éventuels liés à un usage normal ; et d'autre part, l'établissement d'une procédure concernant les travaux d'entretien sur les matériaux en amiante-ciment.

2) La grande majorité des joints d'étanchéité sur les tuyauteries et équipements de votre processus de fabrication possède de l'amiante. L'établissement d'une procédure lors des travaux sur ces joints doit être rédigée.'

Ce rapport, postérieur au départ de [F] [Z] de la société, confirme la présence d'amiante notamment dans la composition de la structure des bâtiments.

Il est ainsi suffisamment établi que [F] [Z] a exécuté des travaux d'entretien sur des matériels ou dans des locaux et annexes revêtus ou contenant des matériaux à base d'amiante ainsi que des travaux nécessitant le port habituel de vêtements contenant de l'amiante, tels que définis dans le tableau.

Les autres conditions du tableau n'étant pas discutées par la société, la caisse bénéficie de la présomption d'imputabilité, étant relevé que la société n'allègue aucune cause étrangère à l'origine de la maladie prise en charge.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré opposable à la société la décision de prise en charge de la pathologie déclarée le 27 août 2015 par [F] [Z].

3 - Sur la demande d'inscription au compte spécial :

La Cour de cassation a récemment jugé que les demandes de l'employeur aux fins de retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle ou d'inscription de ces dépenses au compte spécial, même formées avant notification de son taux de cotisation, relèvent de la seule compétence de la juridiction du contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles (2e Civ., 28 septembre 2023, pourvoi n° 21-25.719).

Il en découle que la demande de la société en ce sens, formée devant les juridictions de sécurité sociale, est irrecevable.

Il appartiendra à la société de se pourvoir devant la cour d'appel d'Amiens désignée aux articles L. 311-16 et D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire pour connaître de cette question.

Le jugement sera réformé en ce qu'il a statué au fond sur cette question et a débouté la société [16] de sa demande d'inscription de la maladie au compte spécial.

4 - Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Les dépens de la présente procédure d'appel seront laissés à la charge de la société qui succombe à l'instance et qui de ce fait ne peut prétendre à l'application des dispositions l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société [16] de sa demande d'inscription de la maladie de [F] [Z] au compte spécial ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

DÉCLARE irrecevable la demande de la société [16] d'inscription de la maladie de [F] [Z] au compte spécial ;

CONDAMNE la société [16] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 20/00669
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;20.00669 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award