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04/06/2024 | FRANCE | N°24/00234

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 04 juin 2024, 24/00234


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/107

N° RG 24/00234 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U23G



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eri

c LOISELEUR, greffier placé,



Statuant sur l'appel formé le 03 Juin 2024 à 15H31 par la CIMADE pour :



M. [U] [O]

né le 11 Juin 19...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/107

N° RG 24/00234 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U23G

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eric LOISELEUR, greffier placé,

Statuant sur l'appel formé le 03 Juin 2024 à 15H31 par la CIMADE pour :

M. [U] [O]

né le 11 Juin 1978 à [Localité 1] (MAROC)

de nationalité Marocaine

ayant pour avocat Me Emmanuelle BEGUIN, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 02 Juin 2024 à 16H20 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a rejeté le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [U] [O] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de trente jours à compter du 1er juin 2024 à 10H05;

En l'absence de représentant du préfet de Loire Atlantique, dûment convoqué, ayant adressé un mémoire le 03 juin 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 03 juin 2024 , lequel a été mis à disposition des parties,

En présence de [U] [O], assisté de Me Emmanuelle BEGUIN, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 04 Juin 2024 à 10 H 30 l'appelant assisté son avocat,

Avons mis l'affaire en délibéré et le 04 Juin 2024 à 15H00, avons statué comme suit :

Monsieur [U] [O] a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, pris par le préfet de Loire Atlantique en date du 30 avril 2024, notifié le 3 mai 2024.

Le préfet de Loire Atlantique a placé en rétention administrative le 3 mai 2024, notifié le même jour, au centre de rétention administrative (CRA) de [Localité 2] pour une durée de 48 heures, Monsieur [U] [O] du fait qu'il constituait une menace pour l'ordre public au regard de sa condamnation à 17 ans de réclusion criminelle par la Cour d'Assises du Vaucluse par arrêt en date du 24 juin 2014, de l'existence d'autres mises en cause en Espagne et en Belgique et du fait qu'il ne dispose d'aucun document d'identité ou de voyage utile.

Par requête introduite par Monsieur [U] [O], l'appelant a contesté l'arrêté de placement en rétention administrative.

Par requête motivée en date du 4 mai 2024, reçue le 3 mai 2024 à 16h13 au greffe du tribunal judiciaire de Rennes, le représentant du préfet de Loire Atlantique a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation pour une durée de 28 jours de la rétention administrative de Monsieur [U] [O].

Par ordonnance rendue le 4 mai 2024, le juge des libertés et de la détention, a ordonné la prolongation du maintien de Monsieur [U] [O] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 28 jours. La décision a été confirmée en appel par ordonnance en date du 7 mai 2024.

Par requête motivée en date du 1er juin 2024 reçu, reçue le 1er juin 2024 à 15h42 au greffe du tribunal judiciaire de Rennes, le représentant du préfet de Loire Atlantique a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation pour une durée de 30 jours de la rétention administrative de Monsieur [U] [O].

Par ordonnance rendue le 2 juin 2024, le juge des libertés et de la détention, a ordonné la prolongation du maintien de Monsieur [U] [O] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 30 jours.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 3 juin 2024 à 15h31, Monsieur [U] [O] a formé appel de cette ordonnance.

L'appelant fait valoir, au soutien de sa demande d'infirmation de la décision entreprise, les moyens suivants :

- l'irrecevabilité de la requête

- l'absence de diligences de la Préfecture

Le procureur général, suivant avis écrit du 3 juin 2024 sollicite la confirmation de la décision entreprise.

Monsieur [U] [O] est présent à l'audience et n'a pas souhaité produire de nouveaux éléments concernant sa situation.

Son conseil a soutenu les moyens développés en s'en rapportant au mémoire déposé et a formalisé sa demande au titre des dispositions de L'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

SUR QUOI :

L'appel est recevable pour avoir été formé dans les formes et délais prescrits.

Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête du fait du non-respect des conditions fixées par l'article R743-2 du CESEDA :

Le conseil de Monsieur [U] [O] soutient que la requête serait irrégulière en ce qu'elle Ne serait pas accompagnée de la fiche pénale de l'intéressé alors qu'elle est mentionnée dans le bordereau de pièces attaché à l'acte de saisine.

L'article R743-2 du CESEDA dispose qu'à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.

Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.

Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du juge des libertés et de la détention, de la copie du registre.

Il convient de rappeler qu'il revient effectivement au juge judiciaire, en application de l'article 66 de la Constitution, de contrôler par voie d'exception la chaîne des privations de liberté précédant la rétention administrative.

Qu'en l'espèce, la fiche pénale afférente à la situation de Monsieur [U] [O] est bien jointe à la procédure. Le sont également la fiche de levée d'écrou de l'intéressé en date du 3 mai 2024, de même que le procès-verbal d'investigations daté du même jour, qui vient confirmer le principe de la fin de détention de l'appelant et la notification qui lui est faite de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai en date du 30 avril 2024, qui rappelle le principe de sa condamnation à une peine de 17 ans de réclusion criminelle suite à son jugement devant la cour d'assises du Vaucluse en date du 24 juin 2014.

Sa situation pénale est enfin renseignée par son audition en date du 24 avril 2024 par les services préfectoraux auxquels Monsieur [U] [O] a pu préciser qu'il a été incarcéré en Belgique entre 2009 et 2012 en Belgique, avant d'être extradé vers la France.

Dès lors, il doit être relevé que l'ensemble des documents essentiels permettant à l'autorité judiciaire de vérifier que les conditions légales de la demande de prolongation sont éventuellement réunies au regard des dispositions de l'article L742-4 du CESEDA, et notamment pour celle qui concerne une possible caractérisation d'une menace à l'ordre public, ont bien été mises à disposition dans des conditions régulières.

Ce moyen sera ainsi rejeté.

Par conséquent, il y a lieu de constater que le premier juge a régulièrement apprécié que la requête du Préfet de Loire Atlantique en date du 1er juin 2024 le saisissant d'une demande de prolongation de la rétention administrative de Monsieur [U] [O] était accompagnée des pièces utiles requises pour permettre d'exercer un plein et entier contrôle de la procédure.

Sur le moyen tiré de l'insuffisance des diligences de la préfecture

Le conseil de Monsieur [U] [O] soutient que la préfecture n'a pas accompli toutes les diligences utiles aux fins de mettre en oeuvre la mesure d'éloignement de son client.

Conformément aux dispositions de l'article L 742-4 du CESEDA, le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public;

2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement;

b) de l'absence de moyens de transport.

L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.

L'article L.741-3 du CESEDA dispose qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet et par décisions en du 9 juin 2010, la Cour de cassation a souligné que l'autorité préfectorale se devait de justifier de l'accomplissement de ces diligences dès le placement en rétention, ou, au plus tard, dès le premier jour ouvrable suivant l'organisation de la rétention.

A ce titre, il doit être souligné que la Cour de cassation n'a aucunement, à ce stade de la procédure, entendu mettre en corrélation les périodes de rétention et les démarches produites puisqu'elle a précisément rappelé que les diligences devaient être entreprises dès le placement en rétention et sans nécessité particulière d'avoir à les réitérer si le contexte n'en justifiait pas d'autre.

En l'espèce, Monsieur [U] [O] a été placé en rétention administrative le 30 avril 2024 sur le fondement d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, notifiée le 3 mai 2024. L'intéressé n'étant en possession d'une pièce d'identité valable, la préfecture justifie avoir sollicité dès le 24 avril 2024 les autorités consulaires marocaines, par l'intermédiaire de la DGEF (direction Générale des étrangers en France) afin de solliciter une demande d'identification pour l'un de ses possibles ressortissants et, dans l'affirmative, un laissez-passer pour permettre de formaliser le transport à destination.

Ces mêmes interlocuteurs ont été prévenus du placement de Monsieur [U] [O] en rétention administrative à date du 3 mai 2024.

Il s'ensuit que toutes les diligences ont bien été effectuées par la préfecture dans la mise en oeuvre de la mesure d'éloignement. En effet, une demande d'identification ayant été effectuée dès avant le placement en rétention de Monsieur [U] [O] auprès du pays dont se réclame l'intéressé, il ne saurait être reproché à la préfecture de ne pas avoir organisé les requêtes nécessaires pour disposer d'un document de voyage. Il est, au surplus, souligné que des renseignements précis ont été produits auprès des interlocuteurs consulaires pour faciliter l'identification de l'intéressé.

A ce stade de la mesure, au vu du caractère complet de la sollicitation, et alors qu'aucun développement particulier n'a été demandé en retour, il reste raisonnable d'apprécier que les contraintes induites par l'échange avec des autorités étrangères ne justifiaient pas de démarches complémentaires pendant la dernière période de rétention. En conséquence, cette attente ne saurait être assimilée à une période de privation de liberté injustifiée pour Monsieur [U] [O] puisque l'administration a valablement matérialisé des engagements qui doivent avoir vocation à l'identifier au plus vite et à l'éloigner en conséquence, l'appelant s'étant lui-même mis en position de ne pas pouvoir corroborer son identité.

Dans ces circonstances, conformément aux prescriptions de l'article L 741-3, le premier juge à valablement apprécié que toutes les diligences nécessaires, utiles et nécessaires ont été réalisées par l'autorité préfectorale.

Ce moyen ne saurait ainsi prospérer.

Sur le fond :

Monsieur [U] [O] n'est porteur d'aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité. Il ne justifie d'aucune forme d'installation pérenne et régulière sur le territoire national alors qu'il a déjà subi une première mesure d'éloignement et qu'il refuse le principe d'un départ. Il n'est pas inséré sur le plan professionnel.

Il est, de ce fait, dépourvu de toutes garanties sérieuses de représentation et dans ces circonstances, la mesure d'éloignement est de nature à assurer l'exécution de l'obligation de quitter le territoire national délivrée contre l'intéressé.

Son parcours pénal d'une particulière gravité et la multiplicité des faits qui lui ont été reprochés déterminent suffisamment le principe d'une menace pour l'ordre public dès lors qu'il ne s'est jamais amendé avant d'être incarcéré.

Enfin, en conformité avec les dispositions de l'article L.741-3 et L.751-9 du CESEDA, cette prolongation est strictement motivée par l'attente d'un rendez-vous consulaire auprès des autorités marocaines, Monsieur [U] [O] se réclamant ressortissant de ce pays, et dont la concrétisation n'a pu être raisonnablement opérée durant la période initiale de rétention.

En conséquence, c'est à bon droit que la requête entreprise a été accueillie par le premier juge et il y a lieu d'ordonner la prolongation de la rétention, à compter du 1er juin 2024, pour une période d'un délai maximum de trente jours dans des locaux non pénitentiaires.

La décision dont appel est donc confirmée.

Dit n'y avoir lieu à condamner le préfet de Seine Maritime sur la base des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement,

Déclarons l'appel recevable,

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en date du 2 juin 2024,

Rejetons la demande titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,

Rappelons à Monsieur [U] [O] qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,

Laissons les dépens à la charge du trésor public,

Fait à Rennes, le 04 Juin 2024 à 15H00

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [U] [O], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00234
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-04;24.00234 ?
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