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04/06/2024 | FRANCE | N°24/00233

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 04 juin 2024, 24/00233


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/106

N° RG 24/00233 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U23C



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eri

c LOISELEUR, greffier placé,





Statuant sur l'appel formé le 03 Juin 2024 à 15H27 par la CIMADE pour :



M. [O] [Y]

né le 17 Juill...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/106

N° RG 24/00233 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U23C

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eric LOISELEUR, greffier placé,

Statuant sur l'appel formé le 03 Juin 2024 à 15H27 par la CIMADE pour :

M. [O] [Y]

né le 17 Juillet 1991 à [Localité 1] (MAROC)

de nationalité Marocaine

ayant pour avocat Me Emmanuelle BEGUIN, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 31 Mai 2024 à 16H09 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a rejeté le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [O] [Y] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de trente jours à compter du 30 mai 2024 à 15H20;

En présence de Mme [M] [R] élève avocate munie d'un pouvoir de représentation représentant le préfet de d'Ille et Vilaine,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 03 juin 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En présence de [O] [Y], assisté de Me Emmanuelle BEGUIN, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 04 Juin 2024 à 10 H 30 l'appelant assisté de son avocat et le représentant du préfet en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et le 04 Juin 2024 à 15H00, avons statué comme suit :

Monsieur [O] [Y] a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, pris par le préfet des Pyrénées Orientales en date du 29 novembre 2023, notifié le 29 novembre 2023.

Le préfet des Pyrénées Orientales a placé en rétention administrative le 30 avril 2024, notifié le même jour, au centre de rétention administrative (CRA) de [Localité 2] pour une durée de 48 heures, Monsieur [O] [Y] du fait qu'il n'est pas en possession d'un document d'identité ou d'un titre de voyage, qu'il est sans garantie de représentation et ne possède pas de domicile fixe ;

Par requête motivée en date du 2 mai 2024, reçue le 2 mai 2024 à 12h41 au greffe du tribunal judiciaire de Rennes, le représentant du préfet des Pyrénées Orientales a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation pour une durée de 28 jours de la rétention administrative de Monsieur [O] [Y].

Par ordonnance rendue le 3 mai 2024, le juge des libertés et de la détention, a ordonné la prolongation du maintien de Monsieur [O] [Y] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 28 jours. La décision a été confirmée en appel par ordonnance en date du 7 mai 2024.

Par requête motivée en date du 30 mai reçu, reçue le 30 mai 2024 à 13h10 au greffe du tribunal judiciaire de Rennes, le représentant du préfet d'Ille et Vilaine a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation pour une durée de 30 jours de la rétention administrative de Monsieur [O] [Y].

Par ordonnance rendue le 31 mai 2024, le juge des libertés et de la détention, a ordonné la prolongation du maintien de Monsieur [O] [Y] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 30 jours.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 3 juin 2024 à 15h27, Monsieur [O] [Y] a formé appel de cette ordonnance.

L'appelant fait valoir, au soutien de sa demande d'infirmation de la décision entreprise, les moyens suivants :

- l'irrecevabilité de la requête

- l'absence de diligences de la Préfecture

Le procureur général, suivant avis écrit du 3 juin 2024 sollicite la confirmation de la décision entreprise.

Monsieur [O] [Y], présent à l'audience, précise que s'il demandait à rentrer, on pouvait relever que son pays ne le reconnaissait pas. Il sollicitait donc de pouvoir être assigné à résidence ou de pouvoir être relâché afin de quitter volontairement le territoire national. Il ne voyait pas d'intérêt à cette rétention, sachant qu'aucune solution ne se dégageait pour valider son éloignement. Son conseil a soutenu les moyens développés en s'en rapportant au mémoire déposé et a formalisé sa demande au titre des dispositions de L'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

En réponse, le représentant de la Préfecture d'Ille et Vilaine sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise en indiquant que la requête ne souffre que d'une erreur matérielle mais supporte tous les autres éléments exigés et que, par ailleurs, elle a organisé les diligences requises par la loi.

SUR QUOI :

L'appel est recevable pour avoir été formé dans les formes et délais prescrits.

Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête du fait du non-respect des conditions fixées par l'article R743-2 du CESEDA :

Le conseil de Monsieur [O] [Y] soutient que la requête serait irrégulière en ce qu'elle ne mentionne pas le fondement légal de la saisine et alors qu'est reprise la date du 2 mai 2024 comme date de fin de mesure, et non celle du 30 mai 2024, créant ainsi une possible confusion sur l'interprétation de la demande.

L'article R743-2 du CESEDA dispose qu'à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.

Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.

Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du juge des libertés et de la détention, de la copie du registre.

De même, selon l'article R742-1 du CESEDA, l'autorité judiciaire doit être saisie d'une requête aux fins éventuelles de prolongation par " simple requête de l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention " avant l'expiration, dans le cas échéant, de la fin de la précédente prolongation prise aux visas des articles L742-4, L742-5, L742-6 ou L742-7 du CESEDA.

Enfin, conformément aux dispositions de l'article L 742-4 CESEDA, le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public;

2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;

b) de l'absence de moyens de transport.

L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.

En l'espèce, il ressort de l'examen de la procédure que si la date du 2 mai 2024 a été mentionnée de manière erronée par la Préfecture d'Ille et Vilaine comme terme de la mesure de rétention dans son acte de saisine, la présence de l'ensemble des décisions judiciaires et administratives préalables, toutes notifiées régulièrement à l'appelant, au soutien de la présente requête, permettent de considérer qu'aucune ambiguïté ne peut résulter de cette simple erreur matérielle puisque Monsieur [O] [Y] n'ignore pas qu'il était retenu jusqu'au 30 mai 2024, au terme des derniers débats devant la cour d'appel de Rennes.

Pour le reste, s'il ne peut être contesté que cette requête ne porte pas de développement express des dispositions textuelles venant au soutien de la demande de prolongation critiquée, il n'en reste pas moins que l'écrit précise bien qu'il sollicite une nouvelle prolongation pour une durée de 30 jours de la mesure en cours et que cette demande est fondée sur l'absence de retour des autorités consulaires sur les démarches entreprises afin de de pouvoir matérialiser une décision d'éloignement, faute pour Monsieur [O] [Y] de disposer d'une pièce d'identité requise afin de témoigner utilement de sa véritable nationalité.

Ces propositions permettent de considérer que la requête dispose donc des informations requises pour apprécier en fait et en droit de la position de la Préfecture d'Ille et Vilaine, de même que les pièces explicatives jointes strictement nécessaires, et que, par suite, la simple omission des références légales ne peut faire grief à Monsieur [O] [Y]. Le moyen sera donc rejeté comme étant inopérant.

Sur le moyen tiré de l'insuffisance des diligences de la préfecture

Le conseil de Monsieur [O] [Y] soutient que la préfecture n'a pas accompli toutes les diligences utiles aux fins de mettre en oeuvre la mesure d'éloignement de son client, dans la mesure où aucune diligence n'a été organisée auprès des autorités consulaires marocaines entre le 30 avril et le 29 mai 2024, alors qu'il n'aurait jamais dissimulé sa nationalité.

Conformément aux dispositions de l'article L 742-4 du CESEDA, le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public;

2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement;

b) de l'absence de moyens de transport.

L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.

L'article L.741-3 du CESEDA dispose qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet et par décisions en du 9 juin 2010, la Cour de cassation a souligné que l'autorité préfectorale se devait de justifier de l'accomplissement de ces diligences dès le placement en rétention, ou, au plus tard, dès le premier jour ouvrable suivant l'organisation de la rétention.

A ce titre, il doit être souligné que la Cour de cassation n'a aucunement, à ce stade de la procédure, entendu mettre en corrélation les périodes de rétention et les démarches produites puisqu'elle a précisément rappelé que les diligences devaient être entreprises dès le placement en rétention et sans nécessité particulière d'avoir à les réitérer si le contexte n'en justifiait pas d'autre.

En l'espèce, Monsieur [O] [Y] a été placé en rétention administrative le 30 avril 2024 sur le fondement d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, notifiée le 29 novembre 2023. L'intéressé n'étant en possession d'une pièce d'identité valable, la préfecture justifie avoir sollicité dès le 30 avril 2024 les autorités consulaires marocaines afin de solliciter une demande d'identification pour l'un de ses possibles ressortissants et, dans l'affirmative, un laissez-passer pour permettre de formaliser le transport à destination.

Il s'ensuit que toutes les diligences ont bien été effectuées par la préfecture dans la mise en oeuvre de la mesure d'éloignement. En effet, une demande d'identification ayant été effectuée dès le placement en rétention de Monsieur [O] [Y] auprès du pays dont se réclame l'intéressé, il ne saurait être reproché à la préfecture de ne pas avoir organisé les requêtes nécessaires pour disposer d'un document de voyage. Il est, au surplus, souligné que des renseignements précis ont été produits auprès des interlocuteurs consulaires pour faciliter l'identification de l'intéressé.

A ce stade de la mesure, au vu du caractère complet de la sollicitation, et alors qu'aucun développement particulier n'a été demandé en retour, il reste raisonnable d'apprécier que les contraintes induites par l'échange avec des autorités étrangères ne justifiaient pas de démarches complémentaires pendant la dernière période de rétention. En conséquence, cette attente ne saurait être assimilée à une période de privation de liberté injustifiée pour Monsieur [O] [Y] puisque l'administration a valablement matérialisé des engagements qui doivent avoir vocation à l'identifier au plus vite et à l'éloigner en conséquence, l'appelant s'étant lui-même mis en position de ne pas pouvoir corroborer son identité.

Dans ces circonstances, conformément aux prescriptions de l'article L 741-3, le premier juge à valablement apprécié que toutes les diligences nécessaires, utiles et nécessaires ont été réalisées par l'autorité préfectorale.

Ce moyen ne saurait ainsi prospérer.

Sur le fond :

Monsieur [O] [Y] n'est porteur d'aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité. Il n'a pas de domicile stable et ne justifie d'aucune forme d'installation pérenne et régulière sur le territoire national alors qu'il a déjà violé une première mesure d'assignation à résidence. Ses possibles relations familiales en France ne sont aucunement établies. Il n'est pas inséré sur le plan professionnel.

Il est, de ce fait, dépourvu de toutes garanties sérieuses de représentation et dans ces circonstances, la mesure d'éloignement est de nature à assurer l'exécution de l'obligation de quitter le territoire national délivrée contre l'intéressé.

Enfin, en conformité avec les dispositions de l'article L.741-3 et L.751-9 du CESEDA, cette prolongation est strictement motivée par l'attente d'un rendez-vous consulaire auprès des autorités marocaines, Monsieur [O] [Y] se réclamant ressortissant de ce pays, et dont la concrétisation n'a pu être raisonnablement opérée durant la période initiale de rétention.

En conséquence, c'est à bon droit que la requête entreprise a été accueillie par le premier juge et il y a lieu d'ordonner la prolongation de la rétention, à compter du 30 mai 2024, pour une période d'un délai maximum de trente jours dans des locaux non pénitentiaires.

La décision dont appel est donc confirmée.

Dit n'y avoir lieu à condamner le préfet de Seine Maritime sur la base des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement,

Déclarons l'appel recevable,

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en date du 31 mai 2024,

Rejetons la demande titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,

Rappelons à Monsieur [O] [Y] qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,

Laissons les dépens à la charge du trésor public,

Fait à Rennes, le 04 Juin 2024 à 15H00

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [O] [Y], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00233
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-04;24.00233 ?
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