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31/05/2024 | FRANCE | N°24/00228

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 31 mai 2024, 24/00228


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/102

N° RG 24/00228 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U2TH



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Elo

die CLOATRE, greffière,



Statuant sur l'appel formé le 30 Mai 2024 à 16 heures 38 par Me Gwendoline PERES pour :



M. [W] [F]

né le...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/102

N° RG 24/00228 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U2TH

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Elodie CLOATRE, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 30 Mai 2024 à 16 heures 38 par Me Gwendoline PERES pour :

M. [W] [F]

né le 20 Juin 1976 à [Localité 1] (MOLDAVIE)

de nationalité Moldave

ayant pour avocat Me Gwendoline PERES, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 29 Mai 2024 à 20 heures 01 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [W] [F] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 29 mai 2024 à 11 heures 52;

En l'absence de représentant du préfet de la Manche, dûment convoqué,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 30 mai 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En présence de [W] [F], assisté de Me Gwendoline PERES, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 31 Mai 2024 à 10 H 30 l'appelant assisté de Mme [D] [I], interprète en langue roumaine assermentée, et son avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et le 31 Mai 2024 à 14 heures 00, avons statué comme suit :

Par jugement du 13 mai 2024 le Tribunal Judiciaire de Caen a prononcé à l'encontre de Monsieur [W] [F] une peine d'interdiction du territoire français pendant cinq ans.

Par arrêté du 22 mai 2024 notifié le 27 mai 2024 le Préfet de la Manche a placé Monsieur [F] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Par requête du 29 mai 2024 le Préfet de la Manche a saisi le juge des libertés et de la détention de Rennes d'une demande de prolongation de la rétention.

Par requête du même jour Monsieur [F] a saisi le juge des libertés et de la détention d'une requête en contestation de la régularité de l'arrêté de placement en rétention.

Par ordonnance du 29 mai 2024 le juge des libertés et de la détention a dit que le signataire de l'arrêté de placement en rétention et de la requête en prolongation de la rétention avait reçu délégation de signature régulière, dit que le refus de placer Monsieur [F] en assignation à résidence était justifié, dit que la requête en prolongation de la rétention était recevable, dit que le juge judiciaire n'était pas compétent pour statuer sur le moyen tiré du défaut de traduction de l'arrêté de placement en rétention, dit que le règlement intérieur du C.R.A avait été mis à disposition de Monsieur [F] dans une langue qu'il comprenait, dit que Monsieur [F] avait été mis en mesure d'exercer ses droits en rétention, dit que la requête en prolongation de la rétention était recevable comme étant accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles et a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.

Par déclaration de son Avocat du 30 mai 2024 Monsieur [F] a formé appel de cette ordonnance en soutenant, au visa de l'article R741-1 du CESEDA que le signataire de l'arrêté de placement en rétention n'avait pas reçu délégation de signature régulière.

Il fait valoir que la décision de placement en rétention résulte d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure notamment où le seul critère de l'absence de domicile n'est pas suffisante, au regard des dispositions de l'article L741-1 du CESEDA et de l'article 15 de la directive 2008/115/CE pour justifier un placement en rétention. Il souligne que le Préfet avait d'ailleurs sollicité du juge des libertés et de la détention à titre subsidiaire qu'il prenne cette mesure.

Il relève que la requête en prolongation de la rétention n'est pas recevable au sens de l'article R741-1 du CESEDA comme n'étant pas accompagnée d'une délégation de signature régulière du signataire de l'arrêté de placement en rétention.

Il soutient que le juge des libertés et de la détention est compétent pour apprécier la régularité d'un arrêté de placement en rétention et sa notification et rappelle les dispositions des articles L741-10 et L742-1 du CESEDA.

Il se prévaut des dispositions des articles L141-3, L744-8 et R744-12 du CESEDA et 16 de la directive 2008/115/CE, rappelle que les pièces de la procédure et notamment la demande d'observations formulée par le Préfet avant l'arrêté de placement en rétention et la procédure devant le juge des libertés et de la détention ont été faites avec le concours d'un interprète, souligne que, comme le démontrent ces pièces il ne comprend pas le français et ne s'exprime qu'en moldave et soutient que l'arrêté de placement en rétention, ses droits en rétention et le règlement du C.R.A ne lui ont pas été traduits et précise que ce règlement n'est pas affiché au C.R.A en langue moldave ou roumaine.

Il conclut à la condamnation du Préfet à lui payer la somme de 800,00 Euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

A l'audience, Monsieur [F], assisté de son Avocat, a fait soutenir oralement les termes de sa déclaration d'appel et a maintenu sa demande indemnitaire.

Le Procureur Général a sollicité la confirmation de l'ordonnance attaquée selon avis du 30 mai 2024.

Le Préfet de la Manche n'a pas comparu et n'a pas adressé d'écritures.

MOTIFS

L'appel, formé dans les formes et délais légaux, est recevable.

Sur la régularité de l'arrêté de placement en rétention,

L'article L741-1 du CESEDA dispose :

L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.

L'article L612-3 est ainsi rédigé :

Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.

En l'espèce, le Préfet fonde sa décision de placement en rétention sur la menace grave à l'ordre public et sur l'absence de garanties suffisantes de représentation caractérisée par l'absence de document de voyage et d'identité en cours de validité et l'absence de domicile fixe.

Il résulte des pièces de la procédure que l'existence d'une seule condamnation le 13 mai 2024 pour des faits de vol en bande organisée n'est pas suffisante pour caractériser une menace grave à l'ordre public.

Il apparaît en outre que si le Préfet a effectivement sollicité les observations de Monsieur [F] le 21 mai 2024 sur la mise à exécution de la mesure d'éloignement, il ne produit pas les observations de l'intéressé et ne joint pas non plus de procès-verbal d'audition sur son refus ou non d'exécuter la mesure d'éloignement, sur ses conditions de vie, sur son état de vulnérabilité.

Il résulte de la demande de réservation de vol que Monsieur [F] est en possession d'une carte nationale d'identité en cours de validité, contrairement aux termes de l'arrêté de placement en rétention.

Il reste pour seul critère de l'absence de domicile fixe qui résulte uniquement des mentions de sa fiche pénale.

Il s'ensuit qu'aucun des motifs retenus par le Préfet n'est caractérisé.

Il y a lieu à titre surabondant de relever que les pièces de la procédure montrent que Monsieur [F] ne comprend pas la langue française, s'exprime en moldave et roumain, qu'il était assisté d'un interprète devant le juge des libertés et de la détention, qu'il a bien été assisté d'un interprète le 21 mai 2024 mais qu'aucune pièce de la procédure n'établit qu'il ait pu en bénéficier pour :

- la notification de l'arrêté de placement en rétention à sa levée d'écrou,

- la notification de ses droits en rétention à sa levée d'écrou,

- la notification de ses droits à son arrivée au C.R.A (notification en langue française).

Il a été porté atteinte à ses droits par violation des dispositions des articles L141-3, L744-8 et R744-12 du CESEDA et 16 de la directive 2008/115/CE .

L'ordonnance sera infirmée, la remise en liberté de Monsieur [F] sera ordonnée et le Préfet de la Manche sera condamné à payer à l'Avocat de Monsieur [F] la somme de 800,00 Euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 .

 

PAR CES MOTIFS,

Déclarons l'appel recevable,

Infirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes du 29 mai 2024,

Ordonnons la remise en liberté de Monsieur [W] [F],

Rappelons à Monsieur [W] [F] qu'il a interdiction du territoire français,

Condamnons le Préfet de la Manche à payer à Maître Gwendoline PERES, Avocat au Barreau de Rennes la somme de 800,00 Euros au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Fait à Rennes, le 31 Mai 2024 à 14 heures 00

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [W] [F], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00228
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;24.00228 ?
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